Contexte de réalisation :
La séquence didactique que nous vous présentons ici est conçue pour des élèves de quatrième secondaire. Elle est construite selon les trois temps de l’enseignement littéraire, soit avant, pendant et après la lecture. Elle a pour but d’amener les élèves à développer des stratégies de lecture efficaces leur permettant de résoudre les problèmes posés par un récit complexe comme le roman d’Italo Calvino : Le chevalier inexistant. Elle leur permettra, entre autres, de développer des compétences en narratologie.
Problèmes de lecture :
Cette œuvre propose plusieurs problèmes intéressants à travailler avec les jeunes, mais nous n’en avons ciblé que trois : la narration complexe du roman, la compréhension du personnage du chevalier inexistant et le vocabulaire particulier.
Séquence didactique et outils utilisés :
Au début de la séquence, il y aura un cours magistral sur la chevalerie. Par la suite, l’apprentissage se fera entre pairs et il y aura une mise en commun à la fin de chaque cours. L’enseignant utilisera deux grilles de lecture et une liste de vocabulaire. Cette séquence devrait s’étendre sur trois cycles de neuf jours.
Avant
La présentation de l’œuvre et de l’auteur :
Pour bien situer les élèves, l’enseignant commencera par présenter, de façon magistrale, l’auteur de l’œuvre et son temps. Ainsi, les élèves pourront bien comprendre le contexte dans lequel ce roman a été écrit. Comme Le chevalier inexistant est le troisième roman d’une série, il serait intéressant de résumer les deux premiers pour bien faire remarquer aux élèves que le roman étudié s’inscrit dans un ensemble précis. Pour présenter l’auteur, l’enseignant pourrait se servir d’un site Internet le décrivant bien.
Le lexique :
L’enseignant pourra faire un court exposé sur l’époque où se déroule l’histoire, expliquer le but des croisades contre les païens, le système de chevalerie en place à cette époque. Il s’agit en fait d’un bref rappel, car les élèves auront déjà étudié le sujet dans leurs cours d’histoire des années antérieures. L’enseignant pourra également revoir avec les élèves les noms des différentes pièces d’équipement des chevaliers et, en plénière, ils créeront un lexique en s’inspirant des mots contenus dans les premiers chapitres du livre. Ensuite, ils tenteront de les définir à partir du contexte et de la morphologie ou à l’aide du dictionnaire.
La narratologie :
Pour que les élèves comprennent bien les termes de narratologie et qu’ils puissent remplir adéquatement leur grille de lecture, l’enseignant éclaircira certains concepts. Il expliquera notamment les notions de narrateur absent et omniscient, de narrateur présent, de destinataire et des diverses formes qu’ils peuvent prendre. Pour illustrer ses propos, l’enseignant se servira d’extraits de textes. Il présentera d’abord aux élèves un extrait des Romans de la table ronde de Chrétien de Troyes afin d’exemplifier les concepts de narrateur absent et de destinataire lecteur. Les élèves remarqueront que l’auteur emploie la troisième personne et qu’il ne fait pas partie de l’histoire. L’enseignant devra s’assurer de bien vulgariser les termes pour que les élèves comprennent bien le sens de chacun. Nous avons choisi cet extrait puisqu’il s’agit d’un roman de chevalerie écrit au Moyen Âge. Les élèves pourront ainsi noter les différences entre Le chevalier inexistant, qui a été écrit à l’époque contemporaine, et l’extrait du roman de Chrétien de Troyes. Un deuxième extrait, tiré du Horla de Maupassant, sera présenté pour illustrer les notions de narrateur présent au « je » et de destinataire explicite (le journal intime). L’enseignant demandera alors aux élèves de découvrir à qui l’histoire est racontée pour mieux faire comprendre la finalité du roman à l’étude. Finalement, pour montrer que la narration peut être très complexe dans un roman, il leur présentera un court extrait du roman Si par une nuit d’hiver un voyageur d’Italo Calvino. De cette façon, l’élève découvrira la complexité de certains procédés narratifs et prendra conscience de la liberté que l’auteur peut prendre pour jouer avec ses lecteurs. Les premières pages de ce roman sont particulièrement représentatives des virtuosités narratives dont fait preuve l’auteur.
Pendant
Les grilles de lecture :
Après avoir lu les premiers chapitres et en avoir fait le résumé, les élèves doivent continuer la lecture à la maison à raison de trois chapitres par cycle de neuf jours. Le premier outil que nous utiliserons est une grille de lecture. L’élève, après chaque chapitre, devra remplir la grille en répondant aux quatre questions suivantes : Qui est le narrateur ? À qui l’histoire est-elle racontée ? Que s’est-il passé pendant ce chapitre ? Qu’arrivera-t-il, d’après vous, dans les prochains chapitres ? Cette grille de lecture a deux buts. Tout d’abord, elle vise à faire observer aux élèves la forme que prend le narrateur au cours de l’histoire et aussi à déterminer le destinataire de l’histoire. Comme ces deux éléments changent souvent dans le roman, il sera utile à l’élève de pouvoir noter ces changements sur papier. Le deuxième but poursuivi par l’utilisation de cette grille est de faire adopter une attitude réflexive aux élèves par rapport à leur lecture. De plus, ils devront prédire l’histoire pour les chapitres suivants et vérifier par la suite si leurs prédictions étaient justes.
Le deuxième outil mis à la disposition des élèves est un tableau qu’ils utiliseront pour faire état de l’évolution des personnages. L’analyse du personnage du chevalier inexistant et de son rôle dans l’histoire se fondera sur les notes prises à son sujet, notamment à propos de ses relations avec les autres personnages. À ce propos, l’élève devra noter dans le tableau les caractéristiques physiques et psychologiques des personnages, leur but, ce qu’ils recherchent ainsi que les liens entre eux. Toujours pour guider l’élève, l’enseignant fera un lien entre l’évolution des personnages et le changement de narrateur et de destinataire observés grâce à la grille de lecture.
Le questionnement guide les élèves :
L’enseignant placera les élèves en équipes pour qu’ils discutent des notes qu’ils ont prises dans leur tableau à la suite de la lecture des chapitres quatre, cinq et six. Leur réflexion sera orientée à l’aide des questions suivantes : Qu’y a-t-il de différent maintenant au sujet du narrateur de l’histoire ? Est-ce que sœur Théodora semble connaître les pensées de Raimbaut ? Est-ce que cela est possible ? Les élèves poursuivront la lecture jusqu’à la fin du chapitre 10, après quoi ils seront replacés en petits groupes. Ils discuteront alors de leurs représentations des personnages et de l’évolution de celles-ci au cours de la lecture. Ils compareront également leurs prédictions pour vérifier si elles se sont avérées justes. Les questions posées par l’enseignant porteront ensuite sur le destinataire. À la fin de la lecture, encore en petits groupes, les élèves discuteront de leurs conclusions sur le roman. Ils commenceront à mieux comprendre les procédés narratifs et les ruses utilisées par Calvino par l’entremise de Sœur Théodora. Enfin, en plénière et avec l’aide de l’enseignant, ils trouveront des réponses aux questions suivantes : Dans quel but l’auteur a-t-il agi de la sorte ? Qui est le chevalier inexistant ?
Après
Les élèves discuteront des rapprochements possibles entre leur réalité et les thèmes développés dans ce texte de Calvino. Par la suite, les élèves devront réinvestir leurs nouvelles compétences dans un travail de création. Individuellement, ils devront écrire un texte qui fait suite à la disparition d’Agilulfe et qui respecte l’esprit du roman épique et le style de l’auteur, c’est-à-dire qu’ils devront utiliser le même vocabulaire et inclure des dialogues. De plus, la narratrice devra être Sœur Théodora expliquant dans quel contexte elle écrit cet épisode. Cette activité a pour but de leur faire utiliser leurs nouvelles compétences en ce qui a trait à la narration d’un roman et de leur faire utiliser le nouveau vocabulaire qu’ils ont acquis au cours de la séquence.
Bibliographie
CALVINO, Italo, Le chevalier inexistant, Éditions du seuil, Paris, 2001,168 pages.
CALVINO, Italo, Si par une nuit d’hiver un voyageur, Éditions du seuil, Paris, 1995, 288 pages.
CHABANNE, Jean-Charles, «La lecture avant la lecture», Le Français aujourd’hui, no 117, mars 1998, p.88-98.
DUFAYS, Jean-Louis, «Culture/compétence/plaisir : la nécessaire alchimie de la lecture littéraire», Pour une lecture littéraire 2, Bilan et confrontations. Actes du colloque de Louvain-la-Neuve (3-5 mai 1995), Bruxelles, De Boeck & Duculot, p.167-175.
GIASSON, Jocelyne et Yves BERTRAND, «La veille éducative ou être à l'affût de ce qui vient», dans Vie pédagogique, no 100, septembre-octobre, 1996, p. 30-42.
L’ITALIEN-SAVARD, Isabelle, «Quand un personnage rencontre un personnage…», dans Québec-français, no 132, hiver 2004, p. 32-35.
MAUPASSANT, Guy de, Le Horla, Éditions Gallimard, Paris, 1986, 80 pages.
THERRIEN, Michel, «De la définition du littéraire et des œuvres à proposer aux jeunes», dans Monique Noël Gaudrault et al., Didactique du français. Bilan et perspectives, Québec, Nuit blanche,1997, p. 19-31.