Justification
de la pertinence de l’oeuvre choisie
Le choix de cette œuvre s’explique notamment par
sa grande qualité d’écriture, mais également par l’intérêt qu’elle suscitera
chez l’élève. Les élèves apprécieront d’abord cette œuvre en raison de ses thématiques.
En effet, ce roman noir présente une vision désabusée de la réalité sociale. Il
est également porteur d’une réflexion sur la condition humaine et plus
particulièrement d’une réflexion sur la justice. Le roman 5150, rue des
Ormes pourra aussi plaire aux élèves par sa forme littéraire.
Bien qu’il n’y ait pas de véritable enquête, le récit laisse planer un certain
suspense quant au destin du personnage principal. Cette intrigue laisse
beaucoup de place au lecteur qui a l’impression d'être véritablement actif lors de sa lecture. Le fait de travailler une œuvre d’un genre littéraire peu étudié en
classe pose un certain défi qui s’avère intéressant pour l’élève.
Situations-problèmes
- Comprendre la notion de point de vue
- Identifier les effets de l’intertextualité et des symboles
- Comprendre le rapport à la folie par l’entremise
de ses différentes constructions formelles
Présentation de la
séquence didactique
Avant
la lecture
Préparation à la lecture
Après avoir pris le pouls des connaissances des élèves
en ce qui a trait au roman policier, l'enseignant en fera un bref historique[1] afin de montrer aux élèves l’évolution de ce genre
littéraire. Il exposera aussi les distinctions entre les différents types de
roman policier à savoir le roman noir, le roman à suspense, le roman d’énigme
ou de détection et le roman d’investigation ou le thriller. Il présentera également une biographie de Patrick Senécal[2] en portant particulièrement attention à ses écrits, à ceux qui ont été et qui seront portés à l’écran. De cette façon,
les élèves prendront davantage connaissance des agents de l’institution littéraire.
Activité 1 – Le paratexte
Cette activité sur l’analyse du paratexte a pour
objectif d’offrir aux élèves une piste interprétative pour la lecture de l’œuvre. L'enseignant donnera les consignes de l’exercice d’écriture, qui sont : « Individuellement,
vous composerez un texte qui doit compter de 400 à 500 mots. Sans avoir recours
au résumé de l’œuvre, inventez un récit à partir de votre interprétation des éléments
présentés sur les deux pages couvertures. » À la suite de leur rédaction, les élèves
se placent en petits groupes et font part de leurs idées et de leurs interprétations
à leurs coéquipiers. Lors de la mise en commun, l'enseignant pourra amener les élèves à
porter attention au titre et aux couleurs et à leurs possibles significations.
Cette activité permet à l’élève de prendre connaissance de l’importance des
notions de la sociologie de la littérature, le paratexte dans le cas présent,
et de se familiariser davantage avec l’objet-livre. La mise en commun des idées
favorise la compréhension de la notion de point de vue dans la mesure où les élèves
confrontent leurs perceptions du paratexte à celles des autres.
* Les élèves doivent commencer la lecture de la
première partie de 5150, rue des Ormes. Il faut prévoir
un maximum de deux semaines. Pour faciliter la compréhension de la lecture, les
élèves sont invités à se faire des résumés de lecture en portant attention à la
temporalité, à la narration, aux comportements des personnages et aux évènements.
Pendant
la lecture
Activité 2 – Les personnages
Le but de cette activité est de faire comprendre
aux élèves que le rapport à la folie passe d’abord par les personnages puisqu’ils
représentent, dans ce cas-ci, l’incarnation d’un certain déséquilibre. Cinq équipes
traitent chacune d’un personnage et en dressent un portrait psychologique en
portant particulièrement attention aux valeurs, aux ambitions et aux
comportements du personnage. Par la suite, chaque équipe présente le travail
effectué à la classe. Les autres membres du groupe sont appelés à ajouter des éléments
aux descriptions présentées. Les élèves sont amenés à réaliser que le rapport à
la folie qui teinte le roman est d’abord construit par les relations que
Yannick entretient avec les membres de la famille Beaulieu. Cette façon de
faire permet aux élèves de confronter leur perception des personnages avec
celles que présentent Yannick et Maude dans leurs récits respectifs.
Cette activité permet également de faire voir à l’élève
les raisons pour lesquelles on a divisé la lecture. C’est par l’entremise de l’analyse
du personnage de Yannick que les élèves s’expliqueront cette division. Afin d’illustrer
les rapports qu’entretient Yannick avec les autres personnages, l'enseignant propose aux élèves
de construire un schéma actantiel. Ce qui se dégagera fort probablement de ce
schéma est que le rapport de force est déséquilibré dans la mesure où les
opposants détiennent tout le pouvoir. En questionnant les élèves sur les raisons
qui pourraient justifier l’arrêt de la lecture, ils en viendront sûrement à réaliser
que, vers le milieu du récit, la quête de Yannick change. Cette modification
provoque ainsi un changement dans les rapports de force.
Activité 3 – La narration
Cette activité cherche à amener l’élève à
comprendre le rôle de la narration dans le rapport à la folie. Puisque le roman
est composé de trois récits juxtaposés, il permet également la compréhension de
la notion de point de vue. Pour ce faire, la classe travaillera les trois récits
indépendamment l’un de l’autre afin d’identifier les particularités de chacun
et leur apport à l’ensemble de l’œuvre. L'enseignant posera des questions telles que : « qui
est le narrateur ? », « à quel temps de l’histoire correspond ce récit
? » et « quelle est sa contribution à la construction du roman ? ».
Les élèves pourront noter que le récit de Maude informe progressivement le
lecteur des horreurs qui se déroulent chez les Beaulieu et des raisons qui ont
entraîné la réalisation du projet de Jacques. De la même façon, le récit de
Yannick amène le lecteur à découvrir les informations qui permettent de
comprendre les raisons de sa séquestration. Le seul récit hétérodiégétique,
intitulé « Extérieur », fournit des informations concernant les
activités des membres de la famille à l’extérieur de la maison. Ainsi, en présentant
plusieurs points de vue, la multiplicité des récits contribue à construire
cette impression de folie avec laquelle le lecteur est en rapport constant.
Activité 4 – L’intertextualité et le symbolisme
Cette activité a pour objectif de faire
comprendre aux élèves que l’intertextualité et les symboles du texte
participent à la construction d’un rapport à la folie. Avant le cours, les élèves
sont amenés à faire une courte recherche sur quelques intertextes du roman afin
de pouvoir présenter des informations qui concourront à enrichir l’analyse de l’œuvre. L'enseignant présentera un extrait de Misery[3] de Stephen King afin de discuter
avec les élèves de l’effet de cet intertexte et de sa contribution à la
compréhension du roman. Je le ferai en parallèle avec l’extrait de 5150, rue
des Ormes qui mentionne cet intertexte[4]. Le récit de Yannick présente un résumé de Crime
et châtiment de Dostoïevski. Cet extrait contribue à dresser un
portrait psychologique du personnage de Maude. La référence à ces intertextes
contribue à créer un rapport à la folie dans la mesure où ceux-ci participent à la composition de l’identité d’un personnage et, dans le cas présent, à
la construction de leur folie.
Le travail sur le symbole[5] demande un peu de recherche et beaucoup d’interprétation
et de déduction. Cette activité permet aussi de réinvestir les notions exploitées
lors de l’analyse du paratexte. Pour donner un exemple du travail attendu de la
part des élèves, l'enseignant expliquera que « 5150 » est en fait le code qu’utilise
la police pour signaler l’évasion d’un psychopathe d’un institut psychiatrique[6]. Puis, je demanderai en quoi cette information
est pertinente pour la compréhension du roman. Il tâchera d’orienter les élèves
vers une interprétation du jeu d’échec en rapport avec les couleurs de l’une des
pages couverture, soit le blanc et le noir. Pour ce faire, il amènera les élèves
à réfléchir sur la signification du jeu d’échec pour Jacques Beaulieu. La réponse
attendue est que, pour Jacques Beaulieu, le jeu d’échec représente un
microcosme de la réalité : les justes du côté blanc et les injustes du côté
noir. Étant donné son emprisonnement, Yannick est en rapport constant avec
cette obsession d’une dichotomie du monde. Ainsi, l’analyse des symboles permet
de mieux comprendre la folie des personnages et conséquemment, le rapport qu’entretient
Yannick avec ceux-ci.
* Les élèves doivent poursuivre et terminer la
lecture de 5150, rue des Ormes. Il faut prévoir au maximum
deux semaines.
Activité 5 – Le huis-clos
L’objectif de cette activité est d’amener les élèves
à approfondir un des aspects de la folie exploité dans le roman : le
huis-clos. Pour ce faire, les élèves visionnent le film Décadence[7] (version française de Saw) de
James Wan, sorti en 2004. Pendant le visionnage, les élèves doivent être
attentifs à certains éléments tels que les comportements des personnages, leur évolution
psychologique, la façon dont la folie est provoquée et l’intention du
meurtrier. Par la suite, les élèves auront à effectuer un travail d’écriture
qui vise à comparer l’exploitation de la folie dans le film et dans le roman 5150,
rue des Ormes. Les élèves devront porter une attention particulière au
huis-clos et à son influence sur la démence. L’idée que la folie entraîne le huis-clos et que celui-ci provoque la folie devrait être soulevée, et
ce, à la fois dans le film et dans le roman. À la suite de leur rédaction, les élèves
discutent de leurs idées avec le reste de la classe. De cette façon, les élèves
travaillent le point de vue présenté par le film, les points de vue présentés
dans le roman par l’entremise des récits de Yannick et de Maude et ceux des
autres membres de la classe.
Évaluation
Afin d’évaluer les apprentissages réalisés par
les élèves, l'enseignant propose une activité de création. La consigne de l’activité est
la suivante : « les élèves doivent poursuivre, à la manière de Senécal,
la fin du roman 5150, rue des Ormes. » Le
pastiche s’avère une méthode efficace pour évaluer la compréhension des élèves
puisqu’il permet de vérifier les acquis de lecture et d’écriture[8]. L’imitation du style de l’auteur implique que l’élève
se soit attardé au niveau de langage et à la construction du discours. En plus
de respecter le style de Senécal, l’élève doit se conformer aux « règles »
d’écriture du roman noir[9]. Par sa composition, l’élève devra démontrer qu’il
a saisi la notion de point de vue et le rapport à la folie en les intégrant
dans son texte. L’élève doit aussi inclure dans son pastiche des éléments
symboliques propres au roman étudié. Cette évaluation, en réinvestissant les
apprentissages réalisés, clôt le bloc d’analyse du roman 5150, rue des Ormes de
Patrick Senécal.
[1] Norbert Spehner, « Splendeurs et misères.
Le cas du roman policier québécois » dans Québec français, no
141, printemps 2006, p. 32-36. ET Marc Lits, Pour lire le roman policier,
Bruxelles, De Boeck ; Paris, Duculot, 1989
[2] www.patricksenecal.net
(consulté le 18 décembre
2007) ET Steve Laflamme, « Patrick Senécal Le maître du suspense québécois »
dans Québec français, no 133, printemps 2004,
p. 36-39.
[3] Voir Annexe 3 : Extrait de Misery de Stephen
King, Stephen King, Misery, Paris, Éditions Albin Michel, 1989,
p. 114-115.
[4] Voir Annexe 4 : Extrait de 5150, rue des
Ormes de Patrick Senécal: Patrick Senécal, 5150, rue des
Ormes, Beauport, Alire (no 045), 2001, p. 134-135.
[5] Steve Laflamme, « La place du symbole
dans l’imaginaire du tueur en série en littérature » dans Québec français, no
141, printemps 2006, p. 39-42.
[6] Steve Laflamme, « Patrick Senécal Le
maître du suspense québécois » dans Québec français, no
133, printemps 2004, p. 36-39.
[7] Un photographe et un chirurgien sont séquestrés
dans une grande salle de bain décrépite par un tueur en série psychopathe qui
les oblige à participer à un jeu cruel, dont l'issue déterminera s'ils auront
ou non la vie sauve:
http://www.canoe.com/divertissement/cinema/fiche/film/101399.html
[8] André Petitjean, (1984). « Pastiche et
parodie : enjeux théoriques et pédagogiques ». Pratiques, 42,
p. 3-33.
[9] Marie-France Bazzo, « Entrevue audio
de Patrick Senécal et Patrick Raynald sur le roman noir », dans Indicatif
présent, Société Radio-Canada, enregistré le 14 novembre 2002 [en
ligne]. http://www.radio-canada.ca/util/urljs.html?/radio/indicatifpresent/chroniques/6339/shtml
(consulté
le 18 décembre 2007).