Justification de l’œuvre
Cette
séquence didactique s’adresse aux étudiants de 18-19 ans qui commencent leur deuxième année de cégep. La séquence a été construite pour le cours littérature
québécoise (l’ensemble 3). La pièce de théâtre sélectionnée constitue la première œuvre à étudier au
programme, ce qui correspond aux six premiers cours (douze heures).
À
toi, pour toujours, ta Marie-Lou représente une œuvre incontournable.
D’une part, ses thèmes sont toujours actuels : la médiocrité,
l’enfermement, l’incommunicabilité, le suicide… D’autre part, bien
qu’elle suit la ligne tracée par Les Belles-Sœurs avec son langage, le
joual québécois; avec son milieu, celui des quartiers populaires et
ouvriers de l’est de Montréal; avec ses personnages inscrits dans une
sensibilité tout à fait québécoise; elle innove en apportant une lueur
d’espoir : un de ses personnages trouve une sortie positive à cet
enfermement. De plus, non seulement cette œuvre permet l’acquisition de
savoirs et de savoir-faire comme l’élaboration d’une carte
d’exploration, l’apprentissage du résumé et de la lecture littéraire, le
développement de l’esprit critique ainsi que les apprentissages
sociohistoriques de la littérature, mais aussi elle permet à l’étudiant
d’apprécier un texte de la littérature québécoise d’une époque
particulière, celle de la Révolution tranquille, et d’apprendre les
rouages d’un genre particulier : le théâtre au Québec.
Problèmes
à résoudre
À toi, pour toujours, ta
Marie-Lou pose les problèmes de l’incommunicabilité humaine dans un
contexte socioculturel donné : celui du Québec qui tente tant bien que
mal de s’affranchir des valeurs contraignantes édifiées par le duo
clergé-gouvernement au temps de la grande noirceur et la temporalité du
récit. La dramaturgie se présente en deux temps, le passé de Carmen et
de Manon représenté par leur parent, Léopold et Marie-Louise, et le
présent vécu par les deux sœurs. La problématique vient de la
simultanéité du passé et du présent mis en présence à l’intérieur de la
maison familiale à une dizaine d’années d’écart.
Pour
amener les étudiants à comprendre ce récit en profondeur et à intégrer
les deux problématiques, ceux-ci devront produire une création qui fasse
écho à la thématique majeure soulevée par la pièce. À travers cette
réalisation, les finalités didactiques seront la formation du sujet
lecteur où le plaisir de lire se conjugue à l’appropriation du texte,
l’atteinte de la compétence énoncée dans le devis ministériel,
c’est-à-dire : « Apprécier des textes de la littérature québécoise
d’époques et de genres variés », et le développement de l’esprit
critique.
La première phase : la
préparation du projet
Activité
1 – Table ronde sur la pédagogie d’apprentissage par projets
Le
professeur spécifiera les avantages et mettra l’accent sur le rôle
majeur de l’étudiant dans l’acquisition de ses savoirs et de ses
savoir-faire ainsi que dans la réalisation du projet. Pour appuyer ses
propos, il montrera un exemple de projet stimulant : le séjour
d’intégration des apprentissages au Pérou pour les étudiants en
technologie de la géomatique du Collège Ahuntsic1. Ensuite, à partir
d’une question posée aux étudiants : « En quoi, selon vous,
l’apprentissage par projets est-il approprié? », une table ronde sera
animée. Le but étant que les étudiants s’expriment librement sur le
sujet afin de susciter la motivation et l’envie de
vivre un
tel projet. Ensuite, les étudiants auront à faire un schéma des points
importants qu’ils auront retenus de l’exposé magistral.
Activité
2 – Présentation de l’atelier de théâtre et création d’une carte
d’exploration
Les étudiants auront à
écrire une pièce de théâtre, à la mettre en scène et à la jouer (durée
entre quinze à vingt minutes). Il s’agit de pasticher l’œuvre de Michel
Tremblay, À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, en insistant sur la
thématique majeure, l’incommunicabilité, et sur la structure temporelle.
C’est-à-dire que les apprenants auront à inventer deux personnages
campant le passé culturel de deux autres personnages vivant au présent.
Les dialogues créés pour ces quatre protagonistes devront non seulement
s’intercaler, mais se faire écho. Les étudiants seront amenés à
contextualiser leur pièce de théâtre. De plus, à l’image de Carmen dans
la pièce, ils auront à trouver une sortie positive à leur situation
initiale : « Même lorsqu’on est né dans’marde, il est possible de faire
quelque chose2 ».
Cette expérience créative
nécessitera d’abord de lire individuellement la pièce de théâtre,
d’échanger leur point de vue, de résumer les points importants qui
seront transposés à la nouvelle pièce, de définir les rôles de chacun
pour en arriver au processus créateur en tant que tel. Après avoir
exposé l’échéancier, le professeur formera les équipes. En sous-groupes,
il leur demandera de construire une carte d’exploration. Le but est de
vérifier ce que les étudiants connaissent sur Michel Tremblay, sur la
pièce sélectionnée, sur le théâtre en général et ce qu’ils voudraient
apprendre grâce à ce projet. Afin de casser la glace et de créer des
liens entre les apprenants, chaque équipe présentera sa carte
d’exploration au reste de la classe.
Ensuite,
les critères retenus pour l’évaluation de cette production seront
précisés : 10 % des points sera accordé à la pièce écrite (présence de
l’incommunicabilité et de la structure temporelle en deux temps, la
pertinence de la situation, du choix des personnages et des dialogues,
la clarté et la cohérence du propos mis en scène ainsi que la qualité de
la langue), 10 % à la pièce mise en scène (respect du temps,
ingéniosité de la mise en scène dans un décor minimaliste, le jeu adopté
par les comédiens, les choix dramaturgiques et le respect des
didascalies) et 10 % à la participation où le professeur tiendra compte
de l’évaluation des pairs au sein de l’équipe (un questionnaire sera
passé à cet effet), pour un total de 30 %.
Activité
3 – Formation du sujet lecteur
Des
passages de l’œuvre seront lus en classe à voie haute, puis joués par
des volontaires. Le but est que les étudiants se familiarisent avec le
joual, le genre littéraire et la structure de la pièce que Tremblay a
choisi d’adopter. Ensuite, à l’aide d’extraits vidéo (Les Belles-Sœurs3
et Albertine en cinq temps4), le professeur présentera le théâtre de
Tremblay. Puis, il abordera les éléments sociohistoriques et
socioculturels du contexte québécois durant le règne de Maurice
Duplessis et durant la Révolution tranquille.
La
deuxième phase : l’exécution du projet
Activité
4 – Entreprise de dénonciation
Le
professeur donnera aux étudiants les notions nécessaires pour faire un
résumé, stratégie cognitive importante à maîtriser puisqu’elle permet de
mettre en surbrillance les éléments essentiels de l’œuvre pour que les
étudiants puissent se les approprier et les transposer à leur
réalisation. L’écriture du résumé devra suivre les consignes suivantes :
fidélité de la pensée de l’auteur et des idées du texte, clarté du
propos pour une compréhension optimale et brièveté pour l’apprentissage
de la concision. Ici, il s’agit d’une évaluation formative.
Puis,
un extrait d’une pièce du dramaturge russe Nicolas Gogol Le Revizor
sera lu en classe. En équipes, les étudiants auront à faire des liens
entre Tremblay et Gogol, pour ensuite partager leurs découvertes avec le
reste de la classe. Le but étant de montrer que peu importe l’époque ou
les mœurs sociales de l’auteur, celles-ci n’ont pas de prise sur ce qui
reste immuable : cette entreprise de dénonciation de ce qui est
contraignant au sein d’une société dans l’optique d’une ouverture
possible vers un monde meilleur. En pastichant Tremblay, les étudiants
seront amenés à dénoncer ce qui ne va pas, selon eux, au sein de leur
société, et ce, afin de clore leur expérience créative vers une
ouverture possible.
Activité 5 –
Écriture et mise en scène de la pièce de théâtre
Le
professeur guidera et soutiendra les étudiants durant la formation des
rôles de chacun (secrétaire, auteur, dramaturge, comédiens, metteur en
scène, etc.), durant l’échange d’idées, durant la période d’écriture et
durant la mise en scène. Un canevas de base sera fourni à cet effet
(consignes, exemple de didascalies et de structure de texte) auquel
l’étudiant pourra se référer en cas de besoin. Un porte-parole du groupe
soumettra au professeur l’avancement de leur pièce de théâtre afin
qu’il puisse valider au niveau de la pertinence et de la crédibilité des
informations qu’ils auront sélectionnées. Le but est d’encourager
l’approfondissement des idées et de ramener les étudiants qui auront
tendance à s’écarter des éléments fondateurs du projet en les
questionnant, en les amenant à s’interroger sur la finalité desservie
par leur création. Ici, la rétroaction s’avère nécessaire pour permettre
à l’étudiant de s’ajuster. Un wiki sera ouvert pour faciliter leur
travail.
Activité 6 – Show time!
Les
étudiants présenteront leur production à l’ensemble du groupe dans
l’auditorium. À l’aide d’une grille explicitant les critères de
correction, le professeur demandera à chaque équipe d’évaluer les autres
représentations.
La troisième phase :
l’exploitation du projet
Activité
7 – Retour sur les apprentissages réalisés
À
partir de la carte d’exploration, le professeur demandera aux étudiants
de faire un schéma des connaissances qu’ils auront acquises grâce à la
réalisation de cette pièce de théâtre, et ce, à partir de leurs savoirs
antérieurs. De plus, ils auront à justifier leurs choix dramaturgiques.
Le but étant de faire prendre conscience aux étudiants du chemin qu’ils
auront parcouru. À l’aide d’un transparent, un porte-parole de chaque
groupe aura la mission de partager leurs nouvelles connaissances et de
verbaliser leurs choix à l’ensemble de la classe. À partir des informations
livrées, le professeur animera une plénière afin de susciter le
questionnement au niveau cognitif, métacognitif et social. Selon eux,
les objectifs pédagogiques ont-ils été atteints? Quels savoirs et
savoir-faire ont-ils développés? Ont-ils trouvé des réponses à leurs
interrogations? Quels ont été les points forts et les points faibles de
ce projet d’équipe?
Ensuite, le professeur
discutera avec les étudiants des possibilités que ce projet propose
(Cégeps en spectacle, Première ovation, lettre d’invitation à Michel
Tremblay, etc.).
BIBLIOGRAPHIE
BÉLAIR,
Michel, « À toi, pour toujours, ta Marie-Lou ou Quand Michel Tremblay
se permet d’espérer », dans À toi, pour toujours, ta Marie-Lou,
Montréal, Leméac Éditeur, 1971, 94 p.
BERTHON,
Jean-François, Pour une pédagogie du projet, document d’appui d’une
conférence, Centre IUFM d’ARRAS, 2000.
CHABANNE,
Jean-Charles, « La lecture avant la lecture », dans Le Français
aujourd’hui, mars 1998, 117, p. 88 à 98.
DOIRON,
Marie-Michelle, « La pédagogie de projet », dans Pédagotrucs, volume 4,
numéro 5, mars 2005, 8 p.
FALARDEAU, Érik, «
Quelle place pour les lecteurs dans nos classes de littérature? », dans
Québec Français, automne 2004, 135, p. 38-41.
HUBER,
Michel, Apprendre en projets, la pédagogie du projet-élèves, Lyon,
Chronique Sociale, 1999, 190 p.
LAVOIE, Rachel,
« L’apprentissage par projets », dans Cadre conceptuel. Document de
travail, Québec : Bureau d’approbation du matériel didactique, 2002, p.
239-244.
TILMAN, Francis, Penser le projet,
concepts et outils d’une pédagogie émancipatrice, Lyon, Chronique
Sociale, 2004, 192 p.
1
http://www.collegeahuntsic.qc.ca/accueil/nouvelles
2
Michel Bélair, « À toi, pour toujours, ta Marie-Lou ou Quand Michel
Tremblay se permet d’espérer », dans À toi, pour toujours, ta Marie-Lou,
Montréal, Leméac Éditeur, 1971, p. 31.
3
http://www.youtube.com/watch?v=d37of_1bFrM
4
http://www.youtube.com/watch?v=Hcl8gNLD4cM