Présentation de l'oeuvre et de la séquence

Cette séquence didactique peut être présentée en formation générale dans le cours 102, Littérature et imaginaire. Elle peut également être utilisée dans des cours de concentration en Arts et Lettres comme celui intitulé Cinéma et littérature.

La lecture du roman Des souris et des hommes ne semble pas, de prime abord, présenter de sérieux problèmes de lecture pour des élèves de l’ordre d’enseignement collégial. Comme tout leur apparaît clair dans ce texte, une impression de simplicité peut parfois rester présente après leur lecture. Pour certains, il s’agira par contre d’une sobriété dans l’écriture, alors que pour d’autres il s’agira carrément d’une fin sombre trop suggérée dans le texte. À partir de cette division des opinions, il convient donc d’aborder ce texte de façon à permettre aux élèves de se construire une opinion personnelle sur cette question tout en reliant cette position aux objectifs d’écriture de John Steinbeck : créer un roman qui puisse se lire comme on regarde une pièce de théâtre. Pour ce faire, la séquence didactique que nous proposons porte plus particulièrement sur l’analyse de la construction du roman Des souris et des hommes. En fait, à partir des impressions que le texte nous laisse, une reconstruction des mécanismes littéraires s’impose pour comprendre l’effet de simplicité ou de sobriété dégagé par ce roman. Pour tenter de répondre à cette question formelle de l’effet du texte, les élèves travaillent sur trois axes bien précis : la structure du texte, les personnages et les thèmes.

AVANT LA LECTURE
(1 cours de deux heures)

La séquence didactique commence par une amorce qui se veut originale et qui a pour but de susciter la curiosité chez les élèves. Lors de la présentation de l’œuvre, nous suggérons à l’enseignant(e) de demander aux élèves de rédiger un court texte de création à partir du titre. Comme suite à cette première partie de cours, nous invitons les élèves à se regrouper en équipe de cinq ou six afin qu’ils échangent entre eux leurs résultats. De retour en plénière, nous regardons de plus près quelques résultats des élèves puis nous nous concentrons à nouveau sur le roman de Steinbeck. Le reste de la séance adopte la forme de l’exposé magistral. L’enseignant donne des explications plus précises concernant le titre, soit le vers d’où il provient : « les plans les mieux conçus des souris et des hommes souvent ne se réalisent pas¹ » et le premier titre choisi par Steinbeck : « Quelque chose qui s’est passé ». Suivent la présentation de l’auteur, de l’œuvre et du contexte historique dans lequel elle a été produite. Pour ce faire, nous privilégions l’exposition d’œuvres, de photographies et de documents qui relatent l’époque de la crise économique de 1930 aux États-Unis et illustrent la Californie et la vie agricole.

Cette première séance se termine sur des indications de lecture. Les élèves devront avoir lu la moitié de l’œuvre pour le cours suivant. Tout au long de leur lecture, ils devront porter une attention particulière aux descriptions de personnages et aux thèmes présents dans le roman. La linéarité de ce roman de même que sa fluidité font en sorte que les élèves ne repèrent pas d’emblée tous les détails de la construction du texte comme, dans le cas qui nous intéresse, les descriptions. Celles-ci donnent une particularité visuelle au texte de Steinbeck. Nous voulons amener le lecteur à s’interroger sur la focalisation du narrateur : quels éléments sont retenus pour décrire les personnages?

PENDANT LA LECTURE
(1 cours de deux heures)

Cette deuxième séance de la séquence didactique est structurée de manière à créer une interaction dans la classe entre les élèves et l’enseignant(e). Il s’agit donc d’une analyse en plénière des personnages et des thèmes présents dans le texte, soit du système des personnages², qui sont les piliers du récit de Steinbeck, un peu comme les comédiens soutiennent une pièce de théâtre. Cette activité a pour but de faire remarquer aux élèves qu’ils en savent bien plus qu’ils ne le croient sur les personnages de Steinbeck et les thèmes qui sont exploités notamment par leurs propres stéréotypies³. Après avoir remis aux élèves une grille d’analyse vierge, l’enseignant(e) inscrit au tableau les informations provenant des élèves concernant les personnages. Par exemple, les personnages de Lennie et de George appartiennent au stéréotype du gros niais et du petit futé. La femme de Curley, quant à elle, appartient à celui de la femme vulgaire, fautrice de troubles et indiscrète. Dans cette partie du cours, il est aussi intéressant de dégager les liens qui unissent les personnages à leur nom (Lennie Small est gros, Slim est mince, Curley est bouclé, etc.). Les noms et les caractéristiques physiques sont intimement liés. Une fois le portrait des personnages dressé, le passage aux thèmes se fera facilement. Il est important de dégager les thèmes qui se trouvent dans ce roman puisqu’ils correspondent tous à la réalité humaine (solitude, souffrance, vie, mort, rêve). Les thèmes ne sont rien s’ils ne sont pas rattachés aux personnages.

APRÈS LA LECTURE
(6 cours de deux heures)

La séance qui suit immédiatement la lecture du roman aborde précisément la question de l’intention de l’auteur, soit la fusion de deux genres, le roman et le théâtre. Pour comprendre l’objectif de concision et de visualisation que s’est donné Steinbeck, les élèves participent en équipe de deux à une activité de création. À partir d’extraits de textes de tragédies classiques, la moitié des équipes devra transposer une scène en roman, c’est-à-dire transformer les didascalies en descriptions à la manière de Steinbeck. L’autre partie de la classe devra, quant à elle, transformer une description et des dialogues de personnages d’un autre roman de Steinbeck, Les raisins de la colère, en scène de théâtre.

En ce qui concerne le théâtre, les élèves qui suivent le cours de Littérature et imaginaire viennent de terminer le premier cours de formation générale, Écriture et littérature, dans lequel ils ont probablement étudié le théâtre classique. Un exposé magistral reprenant les notions d’unités (temps, lieu, action) du théâtre classique sera présenté aux élèves. En plus de ces notions de base, la question du fatum, soit celle plus particulièrement du destin de Lennie, sera abordée avec les élèves. Il est important que ceux-ci comprennent la fatalité qui frappe Lennie et qui, dès le début du roman, se fait bien sentir. Des parallèles explicites sont alors créés entre ces notions et le roman Des souris et des hommes afin que les élèves saisissent bien la dynamique théâtrale qui domine dans cette œuvre.

2^e cours et 3^e cours

Lors de ces deux cours suivant la lecture du roman, nous procédons à la formation d’équipes d’experts (quatre élèves au maximum) qui devront participer à un colloque par affiches schématiques plus tard dans la séquence. Pour être admissible à l’examen synthèse qui clôt l’étude du roman de Steinbeck, les élèves doivent participer à cette activité. Le colloque est une évaluation formative. À la suite de cette activité, l’équipe devra remettre une version définitive (évaluation sommative) de son affiche qu’elle aura eu la chance d’améliorer grâce aux commentaires des autres élèves. Celle-ci sera remise au début du cinquième cours. La remise est obligatoire puisque c’est une des exigences pour participer à l’évaluation synthèse. Quatre thèmes : les unités du théâtre classique, les composantes du décor (bruits, cadrage, éclairage, nature), les thématiques et les personnages constituent les concepts clés qui doivent structurer le schéma. Après la remise finale de l’affiche schématique, des photocopies seront produites et remises à chaque élève pour la réalisation de l’examen synthèse lors du dernier cours de cette séquence.

Pour que le colloque par affiches schématiques soit une activité profitable à tous, il faut que les élèves suivent de près différentes consignes. D’abord, l’enseignant(e) doit présenter le schéma en tant qu’outil de synthèse. Des exemples de réalisation devraient alors être présentés à la classe. Il est important que l’enseignant guide les élèves dans la réalisation de leur schéma en leur expliquant bien toutes les étapes de sa réalisation.

4^e cours

Le quatrième cours est consacré à la présentation des affiches schématiques. Comme le travail a été réalisé en équipe de quatre, les élèves sont invités à tour de rôle à circuler dans la classe et à découvrir les affiches des autres équipes. Les membres qui restent en place doivent quant à eux expliquer aux autres quelques détails de leur affiche, par exemple des explications sur sa création et sur les choix de liens créés pour réunir chacun des concepts.

5^e cours

Le cinquième cours qui suit la lecture du roman de Steinbeck sera consacré au visionnage d’une adaptation cinématographique du roman Des souris et des hommes, long-métrage d’environ deux heures réalisé en 1992 par Gary Sinise. Pour pouvoir assister à ce visionnage, les élèves doivent remettre leur affiche schématique. La participation à cette activité est essentielle puisqu’une des questions de l’examen synthèse sera en lien avec le film. Des indications quant au visionnage seront transmises aux élèves. Il s’agira de porter une attention particulière aux différences avec le roman, en particulier la fin.


6^e cours

Le dernier cours de cette séquence didactique sera consacré à la réalisation d’un examen synthèse. Pour procéder à cette évaluation sommative, les élèves disposent de tout leur matériel : leur exemplaire de l’œuvre, leurs notes personnelles et une copie de l’affiche schématique. L’examen synthèse contient cinq questions à développement. Les élèves disposent de deux heures pour réaliser l’épreuve. Voici les questions retenues :

• Le dénouement du roman Des souris et des hommes est tout entier contenu dans son origine. Expliquez cette affirmation.

• Comment peut-on interpréter la scène de la mort du chien de Candy et la réaction de ce personnage à la suite de cet événement?

• Que veut dire le vers du poète Robert Burns : « les plans les mieux conçus des souris et des hommes souvent ne se réalisent pas »?

• L’adaptation cinématographique visionnée en classe présente quelques différences par rapport au roman. Une des plus importantes se trouve à la fin du récit. Quelle est-elle? En quoi cette différence modifie-t-elle le roman et le film?

• À partir de l’analyse des pôles suivants : la structure du récit, les personnages et les thèmes, le roman de Steinbeck vous apparaît-il comme simpliste ou sobre? Justifiez votre position.

Le choix de l’examen synthèse comme épreuve finale de cette séquence s’est imposé notamment par le nombre de notions à couvrir. De plus, le colloque par affiches schématiques permet aux élèves de se préparer à cet examen. Finalement, la situation-problème de départ trouve selon nous sa résolution dans ces questions. Pour y répondre, les élèves doivent bien sûr réinvestir leurs apprentissages intégrés tout au long de la séquence, mais doivent également dépasser la compréhension du texte pour interpréter le projet d’écriture de Steinbeck et son résultat final. Ainsi, la formule de l’examen à développement s’avérait des plus appropriées pour mesurer les compétences des élèves.


________________________
¹ Robert Burns, poète écossais. Information tirée de Marie-Christine Lemardeley-Cunci, Des souris et des hommes de John Steinbeck, Paris, Gallimard, 1992, 206 p.
² Catherine Tauveron, Le personnage. Une clef pour la didactique du récit à l’école élémentaire, Lausanne, Delachaux et Niestlé, 1995, p. 27-61.
³ Jean-Louis Dufays, Stéréotype et lecture, Liège, Mardaga, 1994, 375 p.



BIBLIOGRAPHIE

CANVAT, Karl, « Comprendre, interpréter, expliquer, décrire les textes littéraires. Postures de lecture et opérations métacognitives », Enjeux, n^o 46, p. 159-181.

DUFAYS, Jean-Louis, Stéréotype et lecture, Liège, Mardaga, 1994, 375 p.

LEMARDELEY, Marie-Christine, John Steinbeck, Paris, Bellin, « Voix américaines », 2000, 127 p.

LEMARDELEY-CUNCI, Marie-Christine, Commente Des souris et des hommes de John Steinbeck, Paris, Gallimard, 1992, 206 p.

MAGNY, Claude-Edmonde, L’Âge du roman américain, Paris, Seuil.

ROMAINVILLE, Marc et GENTILE, Concita, Des méthodes pour apprendre, Paris, Éditions d’organisation, 1995, 157 p.

ROYOT, Daniel, La littérature américaine, Paris, Presses universitaires de France, 2004, 128 p.

STEINBECK, John, Des souris et des hommes, Paris, Gallimard, « Folio plus », 1995, 220 p.

TAUVERON, Catherine, Le personnage. Une clef pour la didactique du récit à l’école élémentaire, Lausanne, Delachaux et Niestlé, 1995, p. 27-61.

VANDERDOPE, Christian, « Comprendre et interpréter », La lecture et l’écriture. Enseignement et apprentissage, Montréal, Éditions Logiques, 1991, p. 159-180.

Sites Internet :

http://www.ac-rennes.fr/pedagogie/lettres/oeuvintc/souris.htm

http://www.ac-reims.fr/datice/lettres/college/oeuvres_integrales/steinbeck/sequence.htm