L’œuvre intégrale
La séquence didactique se construit autour de Lambeaux, un récit de vie, et plus spécifiquement de survivance, écrit par Charles Juliet en 1995. Cette œuvre s’inscrit parfaitement dans l’optique du deuxième cours de français obligatoire puisqu’elle permet de familiariser l’élève avec un genre peu rencontré au cégep et avec la représentation du monde très subjective d’un auteur français qui occupe une place reconnue dans l’institution littéraire.
Situation problème :
Lire et comprendre un récit de survivance qui prend à rebours certains stéréotypes du genre.
Problèmes de lecture
1. Qu’est-ce qu’un récit de survivance?
Objectifs
- Définir les stéréotypes du récit de survivance
- Comprendre le rôle du paratexte
- Différencier les concepts de survivance et de résilience
2. Comment définir la structure de Lambeaux?
Objectifs
- Différencier les éléments fictifs et biographiques des deux histoires
- Expliquer le(s) rôle(s) de ces éléments dans le récit
- Établir les caractéristiques de chacune des deux histoires et les liens qui les unissent
3. Quel est le rôle de l’énonciation à la deuxième personne du singulier?
Objectifs
- Comprendre les effets produits par la narration faite au « tu »
- Différencier le rôle respectif des deux « tu » employés dans les deux histoires
Avant la lecture
Premier problème de lecture : Qu’est-ce qu’un récit de survivance?
Tout d’abord, l’enseignant propose aux élèves une activité d’écriture. Il leur demande de raconter sur papier un événement important de leur vie tenant sur une à deux pages et d’y rajouter un titre évocateur. D’entrée de jeu, l’écriture de ce texte plonge les élèves dans la dynamique entourant le genre mis à l’étude. Si certains élèves souhaitent partager leur création, l’enseignant les invite à la lire à voix haute.
Cette activité d’introduction terminée, les élèves forment des équipes pour dégager, à partir de leurs connaissances antérieures et d’extraits diversifiés, les stéréotypes du genre « récit de vie ». L’enseignant présente donc des extraits hétérogènes en s’assurant qu’y figurent des extraits de récits de survivance* et des éléments de paratexte : Oubliée : souvenirs d’une jeune fille juive* (Eva Erben), L’inévitable (J-P Roger), les journaux intimes d’Henriette Dessaulles, Prisonnier à Bangkok* (Alain Olivier), etc.
Par la suite, les équipes font part de leurs trouvailles et, avec l’aide de l’enseignant, bâtissent une liste qui dégage les stéréotypes du genre. Cette liste devra faire mention de la narration au « je », de la présence d’une photo de l’écrivain dans le livre, du discours d’accompagnement, de la mention générique sur la couverture, etc. Les élèves se penchent ensuite sur le paratexte de Lambeaux. En équipe, ils examinent la présence ou l’absence des éléments de la grille qu’ils viennent de construire. En plénière, l’enseignant recueille les observations des élèves et en profite pour donner un cours sur la nature hybride du récit de vie.
S’ensuit un cours magistral sur les concepts de survivance et de résilience. Après avoir questionné les élèves sur la différence qu’ils croient voir entre la survivance et la résilience, l’enseignant explique à l’aide de la théorie de Boris Cyrulnik que la résilience, contrairement à la survivance, est un état d’esprit qui permet au survivant d’une épreuve insurmontable de « ressauter, non pas à la même place, comme si rien ne s’était passé, mais ressauter un petit peu à côté pour continuer d’avancer1 ». Pour vérifier que les élèves ont bien compris la différence entre ces deux concepts, l’enseignant leur demande de trouver des exemples qui pourraient les illustrer.
L’enseignant lance ensuite l’hypothèse de lecture selon laquelle les procédés narratifs et structurels employés dans Lambeaux permettent à l’auteur de passer de l’état de survivant à l’état de résilient. Cette portion de la séquence se clôt sur une lecture à voix haute d’extraits ciblés par l’enseignant pour que les élèves aient une illustration des procédés narratifs et structurels employés par l’auteur, procédés qui seront étudiés lors des séances suivantes.
Pendant la lecture
Deuxième problème de lecture : Comment définir la structure de Lambeaux?
Alors que les élèves entament leur lecture du récit, l’enseignant leur propose de construire un tableau mettant en parallèle l’histoire de la mère fictive de l’auteur et celle de ce dernier. Cette étape consiste à penser aux divers éléments qu’une œuvre littéraire peut contenir : thèmes, principaux temps de verbes, caractéristiques des personnages, énonciation, lieux, etc. Ce tableau fait ressortir la structure en miroir de l’œuvre et aide les élèves à la comprendre.
Troisième problème de lecture : Quel est le rôle de l’énonciation à la deuxième personne du singulier?
Pour aborder le troisième problème de lecture, l’enseignant invite les élèves à réécrire deux passages de Lambeaux. En équipe, ils doivent réécrire un passage de la première histoire à la troisième personne féminine du singulier. Ils refont ensuite l’exercice en ciblant un extrait de la seconde histoire qu’ils réécrivent à la première personne du singulier. Cette activité permet aux élèves de manipuler un texte qui ne leur appartient pas et de pratiquer de façon dynamique des règles de grammaire. De plus, ils se familiarisent avec les effets produits chez le lecteur et l’écrivain par chacun des trois pronoms. En plénière, la classe explore donc les raisons de ce choix de Juliet, et ce, pour les deux histoires. À la suite de ces activités, l’enseignant propose aux élèves de refaire de façon individuelle le même exercice, mais cette fois avec leur propre création, celle qu’ils ont écrite au début de la séquence.
Après la lecture
Lorsque les élèves ont terminé la lecture de Lambeaux, ils étudient, à l’aide de la grille préalablement construite, les stéréotypes du récit de vie qu’ils ont retrouvés dans l’œuvre. En plénière, ils s’interrogent sur les choix de l’auteur et sur la nature générique de l’œuvre. Ils s’intéressent aussi à savoir si le genre d’une œuvre aide à la comprendre, s’il est important de catégoriser les livres selon leurs spécificités, etc.
Toujours en équipe, les élèves mettent en commun les éléments qu’ils ont insérés dans le tableau mettant en évidence la structure de l’œuvre. En plénière, l’enseignant les invite ensuite à expliquer leur compréhension de cette structure. Encore une fois, la classe se penche sur les effets produits par cette structure et sur les raisons possibles ayant poussé Juliet à écrire Lambeaux sous cette forme.
Finalement, la séquence se clôt sur un examen synthèse qui reprend textuellement l’hypothèse de lecture présentée par l’enseignant au début de la séquence. Les élèves doivent donc expliquer que dans Lambeaux, les procédés narratifs et structurels employés par l’auteur lui permettent de passer de l’état de survivant à l’état de résilient. Un extrait (p.140-141) accompagne cette consigne pour stimuler la réponse des élèves.
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1 www.chez.com/sylviecastaing/resilience.htm. Site consulté le 10 avril 2004.
Bibliographie
Œuvre à l’étude
JULIET, Charles, Lambeaux, Paris, P.O.L, 1995.
Corpus critique
BAUDOIN, Mireille, « Un atelier d’écriture en classe : place et rôle », dans Enjeux, n° 57, septembre 2003.
BESSONNAT, Daniel, « Deux ou trois choses que je sais de la réécriture », Pratiques, n° 105/106, juin 2000.
BRAZEAU, Pierre, Stratégies pour apprendre et enseigner autrement, Montréal, Les Éditions de la Chenelière, 1998.
BUCHETON, D., « Aider l’élève à devenir un “sujet écrivant” », dans Recherches, n° 23, 1995.
FALARDEAU, Érick, Compréhension et interprétation : deux composantes complémentaires de la lecture littéraire, texte de cadrage du document d’accompagnement du cours « Didactique du français au collégial II », hiver 2005.
LAVOIE, Rachèle, Cadre conceptuel. Document de travail, Québec, Ministère de l’Éducation, Bureau d’approbation du matériel didactique, juillet 2002.
SAINT-ONGE, Michel, Moi j’enseigne, mais eux apprennent-ils?, Laval, Beauchemin, 1993.
Source Internet
www.chez.com/sylviecastaing/resilience.htm. Site consulté le 10 avril 2004.
Autres sources pertinentes
ABASTADO, Claude, « “Raconte! Raconte…” Les récits de vie comme objet sémiotique », dans Revue des sciences humaines, n° 199 (1983), p. 5-21.
GENETTE, Gérard, « Récit fictionnel, récit factuel », dans Protée, vol. 19, n°1 (1991), p. 9-18.
JULIET, Charles, Trouver la source suivi de Échanges. Textes, entretiens et études, Paris, La passe du vent, 2000, 112 p.
LEBLANC, Julie, « Le statut du référent dans les récits autobiographiques “fictionnels” et “factuels” », dans Revue canadienne de littérature comparée, décembre 1992, p. 523-538.
ROCHE, Anne, « Le récit de vie. Mise en scène et mise en crise de l’identité narrative », dans Texte, La Narrativité hors fiction, vol. 19-20 (1996), p. 217-235.
WEINRICH, Harald, Le temps, le récit et le commentaire, Paris, Seuil, 1973, 334 p.