Nationalité de l'auteur : Québécoise
Genre : Roman
Courant : Postmodernité
Siècle : 20e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Iris Gagnon-Paradis
Date du dépôt : Automne 2005
PERTINENCE DE L’ŒUVRE CHOISIE :
Nous avons choisi Marie-Hélène au mois de mars de Maxime-Olivier Moutier pour plusieurs raisons. Tout d’abord, cette œuvre est très caractéristique de la période à laquelle elle appartient, c’est-à-dire la postmodernité. En effet, elle présente une temporalité éclatée et déconstruite, est un récit intimiste écrit au « je », raconte un exil intérieur et joue énormément sur la frontière entre la fiction et le réel. De plus, c’est un roman qui a été écrit par un jeune adulte et qui aborde des thèmes qui touchent l’univers des élèves : la peine d’amour, le suicide, la recherche d’une identité.
PROBLÈMES DE LECTURE :
Nous pouvons identifier deux principaux problèmes de lecture. Le premier concerne le flou entretenu par l’auteur entre le réel et la fiction et qui peut créer une certaine confusion chez les élèves et même un certain malaise. Cela place l’élève devant une situation problématique : pourquoi l’auteur peut-il prétendre, même si c’est une histoire vécue, que c’est de la fiction ? Ce problème peut faire en sorte que l’élève, ayant remis en doute la légitimité de l’histoire, ne s’y implique pas. Le deuxième problème de lecture que nous avons identifié porte sur la construction temporelle du récit : la temporalité étant déconstruite, cela crée une confusion de lecture qui oblige le lecteur à reconstruire lui-même le fil des événements. Ces deux problèmes de lecture sont intimement liés l’un à l’autre : la déconstruction du récit, c’est-à-dire le travail formel fait par l’auteur, vient justifier le fait que l’œuvre dépasse la simple réalité pour se transformer en un univers fictionnel à part. Ces deux problèmes de lecture sont donc pertinents pour comprendre l’œuvre, car ils se rapportent à des éléments centraux.
LA RÉSOLUTION DE PROBLÈMES
Avant la lecture
Cours 1-2 : L’objet-livre, observation du paratexte et attentes de lecture
Cette première étape a pour but de familiariser l’élève avec le livre, afin qu’il puisse se créer un horizon d’attente. Pour ce faire, les élèves devront compléter, en équipes, une grille d’analyse concernant tous les éléments du paratexte sur lesquels un retour en plénière sera fait. Grâce à cet exercice, les élèves peuvent commencer à établir des ponts entre l’œuvre et ce qu’ils savent ou appréhendent1. Cette amorce servira à aller plus loin dans le paratexte en observant la note de l’auteur. Les élèves auront à s’exprimer quant à l’affirmation de l’auteur à propos du fait que son texte, bien qu’inspiré d’un fait vécu, est du domaine de la fiction. Cette question servira de point de départ pour explorer plusieurs notions relevant de l’univers littéraire : le narrateur, l’acte d’énonciation, le rôle de l’écriture, le rôle du lecteur, etc. Le premier problème de lecture étant ainsi abordé, les élèves pourront s’engager dans la lecture en comprenant mieux le flottement qui existe dans le roman entre la réalité et la fiction. Ceci leur permettra de mieux participer à la lecture de l’œuvre, tout en s’en distanciant2. Afin d’entrer un peu plus dans le corps du texte, l’enseignant terminera le deuxième cours en analysant avec les élèves l’incipit du roman et en explicitant les stratégies qu’il met en œuvre.
Cours 3 : La temporalité
Ce cours a pour but d’explorer la notion de temporalité en préparant les élèves à la déconstruction temporelle présente dans le roman. À partir d’un extrait d’un autre roman présentant un retour en arrière, l’enseignant pourra familiariser les élèves avec les notions d’analepses et de prolepses, et leur montrer comment ce travail sur la temporalité permet de suspendre l’action, de l’accélérer, d’insister sur un événement plutôt que sur un autre, de donner du relief à l’action en la sortant de sa linéarité, etc. Bref, au terme de ce cours, l’élève sera prêt à reconnaître dans le roman à l’étude les retours en arrière et à mieux gérer la confusion qui pourrait en découler.
Pendant la lecture
Cours 4 : Le contexte socioculturel et comment l’œuvre est représentative de celui-ci
Le contexte socioculturel des années 1980 à nos jours sera tout d’abord présenté sous la forme d’un exposé magistral participatif. À partir des réponses des élèves à la question suivante : Quelles sont les caractéristiques de la société québécoise aujourd’hui ? l’enseignant pourra dresser un portrait général de la société postmoderne québécoise et de son histoire littéraire. Par la suite, il sera demandé aux élèves de répondre à la question suivante en équipe : Selon vous, en regard de ce que vous savez du livre et de ce que vous avez lu, comment cette œuvre est-elle représentative de son époque ? Lors du retour en plénière, les élèves pourront échanger leurs points de vue et l’enseignant complétera au besoin en inscrivant au tableau les grandes idées ressorties.
Après la lecture
Cours 5 : Analyse des grandes thématiques
La première activité consiste à reprendre les grandes caractéristiques qui ont émergé au cours précédent et à former des groupes d’experts qui auront chacun à analyser une thématique particulière. Ensuite, lors du retour en plénière, chaque équipe aura à présenter à la classe le fruit de ses réflexions. Les élèves pourront vraiment, à ce moment, saisir comment les caractéristiques d’un contexte se retrouvent et s’actualisent dans une œuvre.
Cours 6-7 : La construction temporelle
Avec les notions qu’ils auront acquises, les élèves pourront entreprendre, par groupes, l’analyse de la construction temporelle. Ils devront d’abord faire une ligne du temps montrant la progression de l’histoire et indiquant les analepses et les prolepses. Ce faisant, ils procéderont réellement à l’autopsie du récit. Cette activité sera suivie d’un retour en plénière, où l’enseignant reproduira au tableau la ligne du temps et demandera à quelques élèves de venir la compléter. Cette tâche terminée, les élèves auront une vue d’ensemble sur l’organisation temporelle de l’action. L’étape suivante consiste en une question synthèse à laquelle les élèves auront à répondre individuellement en trouvant deux arguments convaincants : Est-il vrai que la construction temporelle du récit vient faire de l’histoire vécue une fiction ? Comment ? Cette question pourra être ensuite débattue en classe. Ainsi, les deux problèmes de lecture trouvent leur aboutissement ici. La frontière entre la fiction et la réalité se dessine donc plus clairement en regard de ces considérations ; même si l’histoire racontée est vraie, elle est du domaine de la fiction par le travail formel effectué par l’auteur, notamment en ce qui concerne la temporalité.
Cours 8-9 : Écrire un hypertexte
Les élèves seront amenés à actualiser leur compréhension du récit en écrivant eux-mêmes un texte autobiographique à contraintes s’inspirant formellement du roman étudié. Cela est réellement signifiant et permet aux élèves d’atteindre des objectifs semblables à la dissertation critique, mais par d’autres moyens leur permettant d’explorer en même temps leur créativité3. Cette activité finale, qui sera évaluée, vient regrouper tout ce qui a été appris au cours de la séquence didactique : le contexte littéraire, la frontière entre la réalité et la fiction, la notion de temporalité. C’est l’endroit où l’élève montre qu’il a compris et intégré les caractéristiques du roman et qu’il est capable de les reproduire en les appliquant à un fait qu’il a lui-même vécu. Nous croyons donc que cette activité d’écriture vient bien conclure notre situation-problème et la rend signifiante, tout en permettant à l’élève de montrer qu’il a résolu les problèmes de lectures initiaux.
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1 REUTER, Yves, « Enseigner la littérature ? », Recherches, no. 16, 1992, p. 66.
2 Selon Érick Falardeau, l’acte de participation/distanciation est au cœur même du processus de lecture, dans « Quelle place pour les lecteurs dans nos classes de littérature ? », Québec français, automne 2004.
3 DAUNAY, Bertrand, « De l’écriture palimseste à la lecture critique », Recherches, no 18, p. 95-96.