Le recueil Refus global et autres écrits de Paul-Émile Borduas offre un intérêt certain pour le cours du collégial Littérature québécoise (ensemble 3). Il permettra d’initier les élèves au genre de l’essai, à la lecture de textes complexes, aux enjeux sociopolitiques et artistiques exprimés dans la littérature québécoise au milieu du siècle dernier et leur permettra d’établir des parallèles avec la période actuelle. La compréhension de ces écrits demandera donc aux élèves de construire des savoirs qui dépassent leur culture première. Nous articulerons ce travail autour du thème de la peur. Les élèves pourront alors comprendre que l’essai permet l’engagement social de l’écrivain dans la dénonciation de certaines peurs. Ils seront d’ailleurs aussi amenés à réaliser que ce phénomène n’est pas propre à l’époque de Borduas. Au cours de la séquence, ils devront construire des savoirs – par l’étude des textes de Borduas et de textes ou d’extraits de textes complémentaires – leur permettant de développer un point de vue critique sur les textes du recueil à l’étude et la démarche de leur auteur. Ces connaissances seront réinvesties lors d’un exposé oral en équipe et surtout lors d’un débat sur le thème : « Le Québec depuis Refus global : La société québécoise est-elle sous le joug des mêmes peurs? Si oui, que peut l’écrivain ? ». Or, la séquence permettra de développer chez nos élèves plusieurs habiletés telles que reconnaître les caractéristiques de textes de la littérature québécoise, comparer ces textes et développer un point de vue critique. De même, elle leur permettra de résoudre des problèmes de lecture liés à la compréhension même des textes du recueil. Pour ce faire, les élèves seront amenés à construire des connaissances à propos de l’époque de publication de ces textes et de leurs enjeux, et à s’approprier des savoirs sur la démarche de l’essayiste polémiste, son engagement social et ses conséquences. Or, il s’agira également de résoudre des problèmes de lecture liés à l’interprétation des textes. Ainsi, différentes activités seront proposées pour amener les élèves à développer un point de vue critique sur les textes à la lumière des enjeux de l’époque et du rôle de l’écrivain. Ce travail d’interprétation trouvera son aboutissement dans l’activité finale qui en découle (débat).

Avant la lecture

Cours 1 et 2

Il s’agira, avant la lecture, de proposer différentes activités de préparation aux élèves. Il faudra présenter les grandes caractéristiques du genre de l’essai, dresser un bref panorama de l’essai au Québec, leur faire percevoir la littérarité du manifeste et finalement leur donner quelques notions sur l’engagement social de l’écrivain. Subséquemment, les élèves seront invités à visionner la version courte du film Les enfants du Refus global qui offre l’avantage non seulement de présenter le manifeste des automatistes et les enjeux de l’époque, mais également de faire réfléchir sur les conséquences de l’engagement social de l’écrivain et de replacer les enjeux du manifeste dans une perspective actuelle. Le deuxième cours sera l’occasion de donner quelques pistes de réflexion et de recherche sur les enjeux sociopolitiques de l’époque et d’inviter les élèves à se bâtir en équipe des fiches de recherche sur ces enjeux (groupes d’experts). Chaque groupe devra, en devoir, chercher de l’information sur un enjeu de l’époque. Par la suite, de l’information sera donnée sur le mouvement automatiste. Les élèves seront alors appelés à se pencher sur le paratexte et à comparer le tableau de Borduas en couverture de son recueil à une peinture traditionnelle d’un autre peintre québécois pour dégager les différences entre ces pratiques picturales et établir des liens avec les éléments découverts sur la période et ses enjeux.

Pendant la lecture

Cours 3 et 4

Au troisième cours, nous procéderons d’abord à une mise en commun des informations recueillies par nos groupes d’experts. Ensuite, nous lirons des extraits du texte La Peur de Jean-Charles Harvey. Avant cela, quelques informations sur l’auteur seront données afin de réactiver les notions liées à l’engagement social de l’écrivain et faire le parallèle entre la vie d’Harvey et celle de Borduas. Ensuite, les élèves devront, en équipe, inventorier les victimes de la peur mentionnées dans le texte d’Harvey, identifier qui alimente cette peur dans la société et tenter de faire des liens entre Harvey et Borduas. Au quatrième cours, nous avancerons dans le temps à la période de la « Révolution tranquille » pour faire comprendre aux élèves que l’engagement social de l’écrivain n’est pas propre à la période de la « Grande noirceur ». Un bref exposé magistral accompagné de lectures en groupe d’extraits d’essais permettra de mettre cela en place. Ensuite, nous procéderons à une lecture de groupe du Manifeste d’octobre 1970 du FLQ. Nous continuerons alors d’explorer le thème de la peur. La moitié de la classe sera invitée, en équipe, à inventorier les peurs dénoncées par le FLQ tandis que l’autre moitié de la classe devra faire de même pour les écrits de Borduas. Cette activité sera suivie d’une mise en commun au cours de laquelle les élèves seront invités à juger si les enjeux ont changé et, si oui, en quoi. Comme devoir, ils devront, en équipe, rédiger un très court essai (500 mots) pour exprimer leur point de vue critique sur les manifestes.

Après la lecture

Cours 5, 6, 7 et 8

Le cinquième cours précisera la préparation à faire pour l’exposé oral final et le débat. D’abord, l’enseignant donnera des clés aux élèves afin qu’ils puissent construire un exposé oral efficace. Ensuite, ils devront reprendre leur essai rédigé en devoir et préparer une fiche aide-mémoire contenant l’essentiel de leur argumentation. Le reste de la séance sera constitué d’une part de la présentation par l’enseignant de certaines notions liées à l’expression orale et, d’autre part, d’une courte présentation orale des élèves de leur point de vue. À la fin, l’enseignant remettra une fiche d’évaluation formative. Comme devoir, les élèves devront (de façon individuelle ou en équipe, au choix) faire une recherche dans les journaux sur les enjeux actuels du Québec et colliger sur des fiches les fruits de cette recherche. L’enseignant leur donnera quelques pistes de réflexion. Le sixième cours sera principalement consacré à la préparation d’un essai sur lequel les élèves devront prendre appui pour leur exposé oral final et le débat. L’enseignant invitera alors les élèves à se réunir en équipe de quatre et entamer la rédaction d’un court essai (700 mots) sur le thème : « Le Québec depuis Refus global : La société québécoise est-elle sous le joug des mêmes peurs ? Si oui, que peut l’écrivain ? ». Une feuille préparatoire comportant des pistes de réflexion tirées de l’actualité sera remise aux élèves. Comme devoir, ils devront se bâtir des fiches aide-mémoire et préparer leur exposé oral final (10 minutes). Le septième cours sera essentiellement constitué de la présentation des exposés oraux. D’abord, l’enseignant recueillera les essais afin que les exposés se fassent sur la base des fiches aide-mémoire construites par les élèves. Après les présentations, l’enseignant remettra une fiche d’évaluation formative. De plus, les élèves auront eu à prendre des notes sur les exposés. Leur devoir sera donc de revoir leur argumentation à la lumière des exposés des autres équipes et des commentaires de l’enseignant. Au huitième cours, ce sera le débat. L’enseignant remettra d’abord aux élèves leur essai commenté pour qu’ils puissent prendre appui sur celui-ci en plus de leurs fiches aide-mémoire. Ensuite, la classe sera physiquement disposée de façon à permettre le débat entre quatre positions susceptibles de s’être dégagées lors des présentations précédentes. Un élève de chaque camp (par tirage au sort) sera d’abord invité à questionner un élève d’un camp opposé. Ensuite, le débat permettra librement la participation de chacun. L’enseignant interviendra le moins possible. À la fin, il réservera du temps pour faire une synthèse des arguments soulevés.

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Chacune des activités est donc prévue de façon à construire progressivement les savoirs et savoir-faire des élèves. Il s’agit d’une démarche cohérente de construction autonome et par étapes des savoirs et savoir-faire qui trouve son aboutissement logique dans l’activité finale (débat), laquelle sollicite l’ensemble des acquis construits par les élèves.

Références

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BARBEAU, Manon, Les enfants du Refus global, Montréal, ONF, 1998.

BORDUAS, Paul-Émile, Refus global et autres écrits, Typo, coll. « Essais », Montréal, 1997.

CHABANNE, Jean-Charles, « La lecture avant la lecture » dans Le Français aujourd’hui, n^o 117, mars 1998, p. 88-98.

DEMERS, Jeanne et Mc MURRAY, Line, Le manifeste en jeu, l’enjeu du manifeste, Montréal, Le Préambule, 1986.

HARVEY, Jean-Charles, La Peur, Montréal, Boréal, 2000.

HARVEY, Jean-Charles, Les Demi-civilisés, Montréal, PUM, 1988.

LATOUCHE, Daniel et POLIQUIN-BOURASSA, Diane, Le Manuel de la parole. Manifestes québécois, Montréal, Boréal, 3 vol., 1977-1979.

« Manifeste du FLQ », octobre 1970, version annotée et postface de Christophe Horguelin dans Manifeste Octobre 1970, Montréal, Comeau et Nadeau, 1999.

MOFFET, Jean-Denis, « Des stratégies pour favoriser le transfert des connaissances en écriture au collégial » dans Revue des sciences de l'éducation, vol. 21, n^o 1, 1995, p. 95-120.

PERRENOUD, Philippe, Des savoirs aux compétences : Les incidences du métier d’enseignant sur le métier d’élève, 1995. Ce texte est disponible à l’URL suivant :
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1995_09.html

VALLIÈRES, Pierre, Nègres blancs d’Amérique, Montréal, Éditions Parti pris, 1968.