JUSTIFICATION DU CHOIX DE TEXTE
J’ai arrêté mon choix sur un classique du XVIIe siècle, soit Le Bourgeois gentilhomme de Molière. J’ai hésité avant de construire une séquence didactique à partir de cette œuvre, car j’avais l’impression qu’elle n’était pas originale, qu’elle était connue de tous et facile à lire. Cependant, je me suis vue détrompée quand j’ai appris que plusieurs élèves n’avaient pas saisi le sens de cette œuvre lors de l’épreuve uniforme de français en décembre dernier. En fait, les élèves qui ont échoué à cet examen présentaient un même problème : l’incompréhension de l’ironie dans l’écriture de Molière. Cette raison a suffi pour confirmer mon choix. Le plaisir de lecture que cette oeuvre procure et son accessibilité pour des élèves du cours écriture et littérature (101) sont les autres raisons qui l’appuient. Il m’apparaît donc important d’enseigner aux élèves, le plus tôt possible, à décoder l’ironie afin qu’ils maîtrisent cette clé de lecture.
PROBLÈMES DE LECTURE
Une première problématique présentée aux élèves se lira comme suit : « Être en mesure de décoder l’ironie dans la pièce de Molière ». Pourquoi est-il si important de déceler les propos ironiques dans cette œuvre ? Qu’apportent-ils à notre compréhension ? En fait, si le lecteur ne comprend pas les propos en arrière-plan du texte, il rate l’essentiel : les réels enjeux de la pièce, l’humour dénonciateur des pratiques et des mœurs d’une société, le second degré du sens et le plaisir de la lecture. Bref, c’est en regard du défi et du caractère transférable de cette compétence de lecture que cette problématique impose tout son sens.
Puisque les personnages dans la pièce Le Bourgeois gentilhomme sont porteurs de sens et à la source de l’ironie et du comique, les élèves devront, et c’est le deuxième défi de lecture que nous leur proposons, dégager les caricatures des personnages qui sont brossées dans l’œuvre. Pour ce faire, ils devront repérer les stéréotypes propres aux différentes classes sociales représentées dans le texte.
Enfin, Molière critique les faits de société du XVIIe siècle. Il « code » ses propos par différentes stratégies d’écriture. Pour résoudre un troisième problème de lecture, les élèves seront amenés à déceler, dans l’écriture de Molière, les caricatures, les quiproquos, les oppositions, les jeux relatifs aux stéréotypes exploités, etc., afin de percevoir les effets engendrés par le texte (l’ironie et le comique).
SÉQUENCE DIDACTIQUE
SEMAINE I (COURS 1 ET 2 = AVANT LECTURE)
Étant donné la complexité du théâtre classique de même que la méconnaissance de plusieurs à propos du contexte historique de la France du XVIIe siècle, j’ai trouvé pertinent d’allouer du temps au début de la séquence pour exposer aux élèves les grands traits du théâtre de cette époque, le contexte historique et culturel du XVIIe siècle en France. Pour rendre cette présentation plus dynamique, nous soumettrons les élèves à un jeu-questionnaire portant sur Molière. En fait, cette entrée en matière aidera les jeunes à parfaire leur horizon d’attente en regard de la pièce. Les éléments théoriques auxquels nous nous serons intéressés sont des balises pour l’élève apprenti lecteur.
Avant même de présenter le premier problème de lecture, nous nous interrogerons avec les élèves sur ce qu’est l’ironie. Nous tenterons une définition sommaire du concept et discuterons des signes révélateurs d’une situation ironique. Afin que les élèves puissent se référer à des images explicites qui illustrent l’ironie, je leur ferai part d’exemples concrets tirés de la vie courante.
Afin de demeurer dans l’univers concret des élèves, j’apporterai en classe un écrit journalistique puisé dans l’actualité, par exemple une lettre d’opinion, que je projetterai à l’aide d’un transparent. En grand groupe, nous travaillerons ensemble le texte. J’amènerai les élèves, dans un premier temps, à identifier clairement l’« ironisant » et l’« ironisé ». Une fois ces deux pôles définis, nous nous intéresserons aux propos qui sont sous-entendus dans le texte journalistique. En fait, je souhaite qu’ils s’exercent à lire entre les lignes pour percevoir le second sens prêté au texte.
Pour poursuivre dans le même ordre d’idées, j’ai choisi de faire travailler les élèves sur une fable de La Fontaine : Les animaux malades de la peste. Je veux amener les élèves à comprendre que La Fontaine se sert de la fable comme prétexte d’écriture afin de dénoncer ironiquement les faits de société qu’il pouvait observer autour de lui.
Nous enchaînerons avec un autre extrait qui s’apparente de plus en plus de la pièce à l’étude : L’Avare de Molière. Le passage choisi traite des enjeux amoureux dans la pièce et met en scène un quiproquo qui crée l’ironie dans le texte.
Pour aborder la dernière phase de l’avant lecture, nous nous intéresserons aux stéréotypes présents dans le théâtre de Molière. Pour faire suite aux exercices sur l’ironie, j’enchaînerai avec le même extrait de L’Avare qui avait été étudié auparavant, mais je le présenterai sous la forme bande dessinée1. En fait, les élèves bénéficieront d’un support visuel pertinent, car les illustrations mettent l’accent sur les caractères stéréotypés des dialogues et des personnages de la pièce.
Après avoir abordé en surface des extraits du corpus littéraire classique, je plongerai les étudiants dans Le Bourgeois gentilhomme en lisant avec eux le premier acte de la pièce. Grâce aux questionnements et aux réflexions que nous aurons nourris chez les élèves, ceux-ci auront été amenés à décoder l’ironie qui se campe dans les relations entre le personnage de Monsieur Jourdain et ses différents maîtres. Cette activité établit des balises de lecture et expose, dès le début, les complexités du texte étudié.
Pour conclure l’avant lecture, je présenterai, en classe, le début d’un extrait filmique de la pièce Le Bourgeois gentilhomme jouée par la troupe du Grand Magic Circus en 19822. Les élèves pourront bien percevoir l’ironie et les stéréotypes dans la scène grâce à la richesse des signes visuels.
SEMAINE II (COURS 3 ET 4 = PENDANT LECTURE)
Pour commencer la deuxième semaine, les élèves devront faire un test de lecture qui aura pour but de vérifier la compréhension de la pièce Le Bourgeois gentilhomme.
Dans un premier temps, les élèves travailleront en équipes sur un des personnages de la pièce afin de déceler l’impact qu’il a sur le texte. Chaque équipe aura un tableau récapitulatif qu’elle aura à remplir. Les élèves devront s’interroger sur différents thèmes communs à tous les personnages : le statut social et les costumes, le caractère et la personnalité, les actions et les intentions, le but du personnage, les raisons qui l’incitent à poursuivre ce but et les moyens dont il use pour l’atteindre. À partir des informations retenues, les élèves devront identifier le stéréotype associé au personnage étudié.
La prochaine activité ciblera plus particulièrement le personnage principal de la pièce Le Bourgeois gentilhomme, soit Monsieur Jourdain. Elle prend la forme d’une activité de création qui mène à la réécriture d’une scène de la pièce de Molière. Cependant, le personnage de Monsieur Jourdain, le riche bourgeois stupide, doit être transposé dans le contexte d’aujourd’hui (XXIe siècle). Avant de lancer les élèves dans leur composition, nous aurons préalablement travaillé le discours et la mise en texte dans l’œuvre Le Bourgeois gentilhomme de Molière. L’analyse du discours, à savoir le repérage des caricatures, des quiproquos, des oppositions dans le texte, du jeu des stéréotypes, etc., amènera l’élève à s’interroger sur les stratégies d’écriture mises à profit par le travail sur les personnages.
SEMAINE III (COURS 5 ET 6 = APRÈS LECTURE)
Les deux derniers cours de la séquence sont réservés à la rédaction d’une analyse littéraire. Le sujet sera le suivant : « En quoi les stéréotypes propres à Monsieur Jourdain servent-ils à la fois le comique et l’ironie dans la pièce Le Bourgeois gentilhomme de Molière ? ».
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1 LIHOU, L’Avare : texte intégral / bande dessinée, Paris, Éditions Dessain et Tolra, 1977.
2 Le bourgeois gentilhomme de Molière réalisé par Dirk Sanders, Troupe du Grand Magic Circus, 1982.