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Le cahier d'un retour au pays natal

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Le cahier d'un retour au pays natal
CÉSAIRE, Aimé
Par Pierre-Luc Bégin


Nationalité de l'auteur : Autres
Genre : Poésie
Courant :
Siècle : 20e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Pierre-Luc Bégin
Date du dépôt : Hiver 2006


Le Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire est d’un grand intérêt pour un cours de niveau collégial en littérature québécoise. Ce texte permettra une appropriation par les élèves des préoccupations centrales de la poésie québécoise des années 1960 et 1970 par rapport aux thèmes du pays et de l’identité, et ce, en plus de leur faire découvrir une des plus grandes voix de la littérature noire contemporaine. Ainsi, l’œuvre de Césaire, dont l’étude sera accompagnée de poèmes de poètes québécois aux préoccupations comparables, permettra d’initier les élèves au genre poétique, à la lecture de textes complexes et aux enjeux identitaires exprimés dans la poésie du pays au Québec et dans la littérature de la négritude au sein de la francophonie. Nous orientons d’ailleurs notre séquence autour des thèmes de l’identité collective et de l’appartenance, lesquels sont fondamentaux tant chez Césaire que chez les poètes québécois du pays. De plus, notre séquence permettra aux élèves de résoudre deux problèmes de lecture. D’une part, ils devront résoudre un problème lié à la compréhension du texte de Césaire et des textes complémentaires issus du corpus québécois, à savoir être capable de s’approprier le langage poétique, les thèmes et le lexique particulier présents dans les textes. D’autre part, les élèves seront amenés à résoudre un problème de lecture lié à l’interprétation des textes sur la question de l’identité. La démarche trouvera sa conclusion logique dans l’activité finale : un débat.

 

Avant la lecture (Cours 1 et 2)

 

Au premier cours, l’enseignant devra présenter le genre poétique et les grandes caractéristiques de la poésie surréaliste dans laquelle s’inscrit l’œuvre de Césaire. Il serait bien de partir des préconceptions des élèves à propos de la poésie dans le cadre d’une discussion de groupe. Il faudrait également dresser un portrait sommaire de la littérature noire francophone, pour amener notamment les élèves à comprendre ce qu’est la négritude et discuter avec eux des préoccupations identitaires au cœur de ce mouvement. Il serait approprié de procéder à une discussion avec les élèves afin de partir des stéréotypes qu’ils peuvent entretenir par rapport aux cultures francophones antillaises ou africaines. Lors de cette discussion, l’enseignant pourra corriger les conceptions erronées. Ensuite, il importera de faire le parallèle avec la poésie du pays au Québec en présentant ce courant poétique et certains de ses représentants. Après cela, les élèves seront invités à visionner le film La Manière nègre ou Aimé Césaire, chemin faisant, qui présente le poète martiniquais et montre comment certains écrivains québécois ont pu reprendre les préoccupations identitaires de Césaire pour en charger leurs écrits et leur discours politique.

 

Au deuxième cours, les élèves seront réunis en équipe de quatre afin de dégager les éléments à retenir de la séance précédente. Une mise en commun suivra. Il s’agira d’orienter la recherche des élèves sur les enjeux sociopolitiques et identitaires de l’époque de la publication du Cahier ainsi que des poèmes des poètes québécois du pays. Ensuite, les élèves seront invités à se bâtir, en équipe de quatre, des fiches de recherche sur un de ces enjeux. Chaque groupe d’experts devra donc, en devoir, chercher de l’information sur un enjeu de l’époque (le colonialisme aux Antilles, le joual, l’identité « nègre », etc.). Par la suite, l’enseignant remettra aux élèves un extrait du Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire et un extrait de l’essai Le Colonialisme au Québec d’André D’Allemagne, qui exposent de semblables préoccupations. Les élèves devront alors, en équipe de quatre, analyser la vision que Césaire et D’Allemagne ont de leur société respective et identifier les points communs et les divergences. Une mise en commun suivra cet atelier.

 

Pendant la lecture (Cours 3 et 4)

 

Au troisième cours, il y aura une mise en commun des informations recueillies par les groupes d’experts. L’enseignant soumettra ensuite aux élèves des poèmes d’écrivains québécois dont les préoccupations furent proches de celles de Césaire. Nous suggérons de faire lire « Le Damned Canuck » de Gaston Miron, des extraits de L’Afficheur hurle de Paul Chamberland et le « Cantouque des hypothéqués » de Gérald Godin. De même, nous pourrions faire lire un extrait de Nègres blancs d’Amérique de Pierre Vallières, lequel applique dans son essai le concept de négritude à la situation des Québécois. Après une lecture de ces écrits, les élèves devront, en équipe de quatre, travailler d’abord sur la langue pour tenter d’identifier les mots des textes québécois qui n’appartiennent pas au lexique du français standard. Ils devront ensuite faire de même pour un extrait du Cahier. D’autre part, les élèves devront identifier les thèmes principaux des poèmes québécois et ceux du texte de Césaire afin de voir si les préoccupations des Québécois et du poète martiniquais sont semblables. Finalement, une discussion de groupe suivra pour comparer l’apport du créole et du joual dans ces textes, tenter de dégager la signification de l’utilisation de ces parlers locaux et observer quels points de convergence entre l’œuvre de Césaire et les poèmes québécois analysés peuvent être relevés au plan thématique.

 

Au quatrième cours, une discussion de groupe portera sur les ateliers de la séance précédente. Il s’agira d’expliciter les parallèles entre l’œuvre de Césaire et les textes québécois quant à la question de l’identité. Il s’agira aussi de donner des pistes aux élèves pour dégager les différences entre l’œuvre de Césaire et les poèmes des Québécois. Les élèves seront ensuite invités à reprendre le Discours sur le colonialisme de Césaire et l’extrait de l’essai de D’Allemagne analysés précédemment. L’enseignant leur fournira alors un tableau-synthèse des éléments principaux du Portrait du colonisé d’Albert Memmi. Après avoir présenté brièvement Memmi et le tableau-synthèse, l’enseignant invitera les élèves à rédiger un court essai (500 à 600 mots), en classe (il pourra cependant être complété en devoir) dans lequel ils devront exprimer leur point de vue critique sur la conception de l’identité chez Césaire et chez les poètes québécois du pays en relevant les points de convergence ou de divergence. Ce sera la seule consigne. Ils devront donc prendre librement position à savoir s’il est juste de dire que Césaire et les poètes québécois du pays entretinrent la même vision de leur identité. L’enseignant ne donnera que quelques pistes pour la rédaction d’un essai cohérent et efficace, et ce, pour que l’élève puisse librement déployer sa réflexion et non partir d’un canevas imposé de l’extérieur.

 

Après la lecture (Cours 5, 6, 7 et 8)

 

Le cinquième cours servira à accroitre la préparation des élèves pour le débat final. L’enseignant donnera d’abord des directives aux élèves pour structurer une argumentation efficace. Ensuite, les élèves devront faire lire l’essai rédigé en devoir par un pair qui l’évaluera à l’aide d’une grille de correction fournie par l’enseignant. Après cela, l’élève et son collègue se réuniront afin d’échanger sur leurs travaux. Les textes seront finalement remis à l’enseignant pour évaluation formative. Par la suite, l’enseignant expliquera certaines notions liées à l’expression orale afin de bien préparer les élèves à participer au débat. Finalement, les élèves auront à lire quatre poèmes choisis dans les Cantouques de Gérald Godin (au besoin, la lecture pourra être donnée en devoir si le temps manque). Nous suggérons les poèmes « Cantouque français dit du temps nouveau », « Cantouque sans recours », « Cantouque de la fin de semaine » et « Cantouque des racines », qui mettent en scène les enjeux à l’étude lors de la séquence.

 

Le sixième cours sera principalement consacré à la préparation et la rédaction d’un second essai qui servira directement d’appui aux élèves pour le débat. À la suite de la remise du premier essai évalué de façon formative, l’enseignant animera une discussion de type remue-méninge sur les quatre poèmes de Godin mentionnés précédemment en établissant aussi des liens avec le « Cantouque des hypothéqués » vu plus tôt dans la séquence. Il orientera la réflexion. Il invitera ensuite les élèves à procéder à la rédaction d’un essai d’au moins 800 mots en préparation du débat. La consigne sera plus précise cette fois : « Est-il juste de prétendre qu’Aimé Césaire, dans le Cahier d’un retour au pays natal, et Gérald Godin, dans les cinq poèmes abordés en classe tirés de ses Cantouques, ont présenté une même vision de leur identité nationale? Développez au moins deux arguments qui soutiennent la thèse d’une même vision de l’identité chez Césaire et Godin et au moins deux autres qui la contredisent. Procédez ensuite à une synthèse de vos arguments et tranchez la question. Votre essai devra compter au minimum 800 mots. » Pour accomplir cette tâche, les élèves pourront se référer à tous les travaux réalisés durant la séquence et à tous les textes abordés durant cette période. Ils devront développer un point de vue critique sur le sujet et articuler une réponse cohérente à la question. L’enseignant fournira quelques pistes de réflexion. Il gagnerait à reprendre les éléments convaincants que les élèves ont eux-mêmes fait ressortir dans leur premier essai. L’enseignant circulera, pendant que les élèves rédigent, afin de répondre à leurs questions et valider leur argumentation. En devoir, les élèves devront compléter leur essai et bien intégrer son contenu pour pouvoir exprimer avec assurance leur point de vue lors du débat.

 

Aux septième et huitième cours, ce sera le débat final. Le thème à débattre reprendra le sujet de l’essai préparatoire : « Est-il juste de prétendre qu’Aimé Césaire dans le Cahier d’un retour au pays natal et Gérald Godin dans les cinq poèmes abordés en classe tirés de ses Cantouques ont présenté une même vision de leur identité nationale? ». L’enseignant divisera le groupe en quatre équipes d’environ dix élèves (en supposant que les groupes comptent environ quarante élèves). Ensuite, chaque équipe de dix élèves sera divisée en deux. Cinq étudiants devront soutenir la thèse que Césaire et Godin ont présenté une même vision de leur identité face à cinq de leurs collègues qui soutiendront le contraire. Il y aura donc quatre débats. En conséquence, il serait approprié d’informer les élèves de la division des équipes au sixième cours et de les inviter à se présenter en classe uniquement pour le débat auquel ils participeront. De cette façon, pour deux cours de deux heures, quarante minutes seront consacrées à chaque débat. Après la lecture des règles de fonctionnement du débat, l’enseignant invitera chaque élève, selon un ordre déterminé, à prendre la parole durant deux minutes pour exposer son point de vue. Après ce premier tour de table, l’enseignant invitera les élèves à parler une seconde fois durant deux minutes selon l’ordre prévu, et ce, afin de leur donner la possibilité de réfuter les arguments de l’équipe adverse. À la fin de chaque débat, l’enseignant pourra procéder à une discussion de groupe et tenter une synthèse des arguments soulevés. Quant à l’évaluation sommative, on pourra évaluer la performance des élèves durant les débats en ce qui concerne d’une part le contenu de leur propos et d’autre part leurs habiletés oratoires. L’utilisation d’une grille d’évaluation descriptive facilitera la tâche de l’enseignant. Il serait également approprié d’inclure un volet d’autoévaluation afin de permettre à l’élève un retour réflexif métacognitif sur sa prestation (la grille d’évaluation de l’enseignant pourra être adaptée à cette fin). On pourra finalement récupérer le deuxième essai préparatoire pour l’évaluer de façon sommative.

 

* * *

 

Chacune des activités vise donc la socioconstruction progressive des savoirs et savoir-faire des élèves selon une démarche logique et cohérente. La séquence proposée permettra aux élèves de développer de nombreux savoirs sur la littérature québécoise et la littérature noire francophone et des savoir-faire qui sont à la fois pertinents pour l’étude de la littérature et transférables dans d’autres champs disciplinaires de même que dans la vie quotidienne.

 

 

RÉFÉRENCES

 

AYLWIN, Ulric, « Apologie de l’évaluation formative », dans Pédagogie collégiale, vol. 8, no 3, mars 1995, p. 24-32.

 

CÉSAIRE, Aimé, Cahier d’un retour au pays natal, Paris, Présence africaine, 1957.

 

CÉSAIRE, Aimé, Discours sur le colonialisme, Paris, Présence africaine, 1955.

 

CHAMBERLAND, Paul, L’Afficheur hurle, Montréal, Éditions Parti pris, 1964.

 

D’ALLEMAGNE, André, Le Colonialisme au Québec, Montréal, Éditions R-B, 1966.

 

DUFAYS, Jean-Louis, Stéréotype et lecture, Liège, Mardaga, 1994.

 

DUVAL, Isabelle, « L’expérience de la poésie au collégial », dans Québec français, no 125, printemps 2002, p. 54-59.

 

GODIN, Gérald, Les Cantouques, Montréal, Éditions Parti pris, 1967.

 

LAFOND, Jean-Daniel, La Manière nègre ou Aimé Césaire, chemin faisant, Association coopérative des productions audio-visuelles (ACPAV) et Société nationale de radio télévision française d'outre-mer, 1991, 59 min.

 

MEMMI, Albert, Portrait du colonisé, Paris, Corrêa, 1957.

 

MIRON, Gaston, L’Homme rapaillé, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1970.

 

MOFFET, Jean-Denis, « Des stratégies pour favoriser le transfert des connaissances en écriture au collégial » dans Revue des sciences de l'éducation, vol. 21, no 1, 1995, p. 95-120.

 

PERRENOUD, Philippe, Des savoirs aux compétences : Les incidences du métier d’enseignant sur le métier d’élève, 1995, [en ligne]

http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1995_09.html

 

PETITJEAN, André, « Pastiche et parodie : enjeux théoriques et pédagogiques », dans Pratiques, no 42, 1984.

 

SCHNEUWLY, Bernard et al., « L’oral s’enseigne! », dans Enjeux, no 39/40, p. 80-99.

 

VALLIÈRES, Pierre, Nègres blancs d’Amérique, Montréal, Éditions Parti pris, 1968.


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