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La planète des singes

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
La planète des singes
BOULLE, Pierre
Par Hugo Parent


Nationalité de l'auteur : Française
Genre : Roman
Courant :
Siècle : 20e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Hugo Parent
Date du dépôt : Automne 2006


La séquence didactique qui suit est élaborée à partir du célèbre roman de science-fiction de Pierre Boulle : La planète des singes. Ce choix s’explique aisément : l’écriture est simple et les élèves ont normalement rencontré une version cinématographique, un épisode de la série télévisée ou ils ont déjà lu le livre. Ils connaissent assez bien le genre « science-fiction », sans pour autant pouvoir le définir de manière suffisante. De même, la question de l’altérité, problème « réaliste » s’il en est, qui se trouve pourtant soulevé dans nombre d’œuvres de science-fiction, leur échappe souvent. Avec La planète des singes, les élèves sont donc en terrain connu, mais ils ont rarement aperçu toutes les interrogations philosophiques, morales ou romanesques qui s’y trouvent.

 

La science-fiction invite continuellement à penser en termes de globalité et d’universalité, on passe souvent d’une pensée planétaire à une pensée cosmique : le problème de l’homme devient aussi celui de l’extraterrestre, du robot, du singe ou de la femme! La notion centrale que nous développerons (le problème) concerne le « genre ». Nous étudierons cette notion selon plusieurs angles, des plus techniques aux plus existentiels.

-Comprendre les transferts entre les genres (l’adaptation cinématographique, l’imitation, le passage d’une littérature paralittéraire à une littérature de genre noble, etc.).

-Comprendre les divisions des genres romanesques (construire une définition de la science-fiction) et les implications de ces divisions (pour les institutions littéraires, les adaptations, les lecteurs, etc.).

-Amener les élèves à se poser des questions sur les conséquences (définitionnelles, axiologiques, normatives, etc.) de la division au cœur du concept de genre. 

-Comprendre la confusion des genres (l’humain est aussi un animal et l’animal est aussi humain, la science-fiction est aussi « réaliste » et le réalisme est encore de la fiction).

-Concevoir de manière nouvelle le genre humain; reconnaitre l’attribution universelle au vivant/non-vivant du concept d’humanité.

 

La séquence cherche à amener l’élève au-delà des lieux communs concernant les genres, à se poser des questions sur la profondeur et la complexité des choses, à réfléchir, finalement, sur les dangers causés par la hiérarchisation et la division. Dans un monde où la nouvelle religion est la science, qui procède justement par hiérarchisation et division (organiser et classer), ces questions sont essentielles. En portant un regard neuf sur les singes, par l’imitation qu’ils ont faite de notre société, les élèves pourront avoir une vision plus objective, plus distanciée, sur le genre humain, sa science, sa structure sociale, etc. Passer par l’autre pour se comprendre soi-même est une avenue privilégiée par les œuvres de science-fiction. 

 

Préalable : Lecture de l’œuvre intégrale. 

 

Activité 1 : Visionnement et discussion; le genre livre et le genre cinéma.

 

Avant le visionnement du film La planète des singes de Schaffner, demandez aux élèves de prendre en notes les différences qu’ils percevront entre le roman et le film au cours la projection de ce dernier. Après le visionnement, tenir une discussion générale sur les ressemblances et différences entre le livre et son adaptation cinématographique. Les différences notées et leurs effets doivent être expliqués. Vous devez guider la discussion en questionnant les élèves au sujet des ajouts et des « omissions ». Par exemple, vous pouvez souligner l’influence du contexte social et politique aux États-Unis pour la réalisation du film. Vous pouvez poser la question suivante : le caractère intimiste de la lecture par opposition à la réception de masse visée par le cinéma vont-ils influencer le type d’histoire qui sera racontée et la manière dont elle sera présentée? Peut-on aller aussi loin au cinéma qu’en littérature? Vous pourriez amener les apprenants à commenter et justifier le choix d’un ancrage contemporain pour le roman et moyenâgeux pour le film. Le fait que, dans le roman, les singes possèdent un esprit scientifique égal au nôtre alors que, dans le film, ils sont beaucoup moins avancés, peut être éclairé par l’influence de la religion catholique : est-ce que la droite religieuse de l’époque, et encore celle d’aujourd’hui, aurait accepté cette égalité? Pour éclairer ce phénomène social, vous pouvez vous servir de l’extrait suivant, dans lequel Zira présente exactement ce même phénomène, mais chez les singes : « Singes et hommes sont des rameaux différents, qui ont évolué, à partir d’un certain point, dans des directions divergentes, les premiers se haussant peu à peu jusqu’à la conscience, les autres stagnant dans leur animalité. Beaucoup d’orangs-outans, d’ailleurs, s’obstinent encore à nier cette évidence ». Le fait que le film pose l’adéquation de Soror et de la terre, contrairement au roman où on laisse le lecteur dans l’ambigüité, n’est pas sans raison : ce n’est que tout récemment que la possibilité de retrouver des « humains » ailleurs dans le cosmos a été acceptée comme vraisemblable. Néanmoins, plusieurs communautés religieuses rejettent encore vigoureusement cette hypothèse. Vous pouvez demander à vos élèves de retrouver dans d’autres films de science-fiction des problèmes de ce genre, c’est-à-dire sur l’exclusion de l’autre, sur le rejet de la différence. Ici, il est aussi possible d’esquisser quelque peu les prochaines interrogations, et ce, par des questions.

- Pourquoi refuse-t-on plus facilement « l’humanité » à un robot pensant et ressentant des émotions qu’à un singe pensant?

- Pourquoi Boulle a-t-il d’ailleurs choisi le singe pour romancer sa critique plutôt qu’un autre animal?

- Pourquoi trouvez-vous Zira, David (l’enfant robot de A.I.) ou Sonny (I Robot) si sympathiques? Ont-ils des « droits » humains? Justifiez.

 
Ce que l’on nomme humanité et qui nous différencierait, pouvez-vous le définir, nous en donner les caractéristiques? Ainsi, on va tranquillement introduire notre problématique de la définition du genre humain et de celle de genre littéraire : les élèves, déjà dans leur lecture du roman, se questionnent maintenant nécessairement sur le concept d’humanité, puis, avec les comparatifs (les films), sur celui de la science-fiction comme genre.

 

Activité 2 : Rédaction d’un synopsis de film de science-fiction en équipe; approche de la définition du genre.

 

En petits groupes, on demande aux élèves d’écrire un « petit scénario », une idée de film de science-fiction qui soit « réalisable » avec un petit budget. Ensuite, les groupes présentent le résultat aux autres membres de la classe. Après chaque présentation, il y a un débat afin de savoir si c’est ou non une « œuvre » de science-fiction. Les élèves vont ainsi faire ressortir des caractéristiques qu’ils jugent essentielles à la définition de ce genre. Il est à parier qu’ils auront beaucoup de difficulté à cerner complètement le genre. L’enseignant doit leur rendre la tâche ardue! Si l’on donne l’exemple de la nécessité d’y retrouver des éléments scientifiques, on doit objecter que certaines œuvres ne respectent pas ce critère (Mad Max). Si on avance l’importance de la mise au futur, on peut leur rappeler Retour vers le futur. S’ils auront assez facilement rédigé un scénario de science-fiction, ils ne résoudront pas ce problème (définitionnel) seuls. L’étiquette pose problème (et on peut approfondir avec eux les vices inhérents à l’étiquetage, c’est dans l’ordre de notre défi), mais on doit la garder parce qu’elle est fortement ancrée dans l’usage, même si la science ne prévaut pas nécessairement dans la délimitation du genre. Une bonne façon de les orienter, c’est de comparer la science-fiction à d’autres genres « non réalistes ». C’est-à-dire que, contrairement au fantastique ou à la fantaisie, ce qui est différent, l’ailleurs, doit être expliqué de manière rationnelle, de manière réaliste! En termes savants, la science-fiction, dans le système romanesque, correspond aux univers qui comportent soit une anticipation explicite sans historisation implicite, soit une anticipation implicite. Il faut, en d’autres mots, dissocier le futur de l’anticipation et de la rationalisation. D’ailleurs, le roman de Pierre Boulle montre très bien cela, surtout dans la conclusion : le futur est parfois dans le passé! Demandez aux élèves de reconstruire la chronologie de La planète des singes et ils seront confrontés au problème de l’œuf et de la poule : Boulle ne nous permet pas de choisir vraiment lequel a imité l’autre en premier, les deux « espèces » s’échangeant la domination de Soror et de la terre. Après cette activité, les élèves devraient être en mesure d’entrevoir les difficultés et les dangers des classements en genres : limitation, exclusion, refus du genre mixte, rejet d’une partie (immense) de la production romanesque, en contradiction avec l’ontologie même du geste créatif, etc.

 

Activité 3 et 4 : Analyse d’une phrase de La planète des singes. Prolongements du concept d’humanité.

 

Répondre à la question posée par Ulysse à Zira : « Alors, Zira, que sont les hommes? »

Est-ce qu’ils sont les singes du roman vus par Zira : « être supérieur; sommet de l’évolution »? Encore que l’on trouve dans le roman une nuance entre les gorilles, les orangs-outans et les chimpanzés. Ou alors, les hommes sont-ils, finalement, assez près de ce qu’en pense le Docteur Zaïus : des animaux sans « âme »? Sont-ils plutôt situés entre ces deux visions? Demandez aux élèves de donner, d’après leur lecture, l’avis probable de Pierre Boulle sur la question. Par opposition, on va demander aux élèves de recenser tous les types d’êtres du zoo cosmique de la science-fiction en faisant par la suite une rétroaction et une mise en place des termes précis.

D’abord les « bioteks » :

- Robot : être de métal (machine)

- Androïde : anthropomorphe; être synthétique fait comme l’humain (organique/biologique)

- Humanoïde : robot revêtu d’une enveloppe synthétique (inorganique)

- Cyborg : mi-humain, mi-robot

Ensuite les « naturels » :

- Humains et d’apparence humaine (ex. dans Star Trek)

- Extraterrestres d’allures diverses raisonnables ou non

- Mutants avec ou sans pouvoirs psychiques ou physiques

- Animaux raisonnables ou non

 

Lorsqu’on leur demandera lesquels sont de « droit humain », il faudra rejeter les exclusions hâtives procédant des divisions extraterrestres vs humains ou artificiels vs naturels. Une plante est naturelle et ne possède pas d’humanité. L’apparence et l’artificialité n’ont aucune importance. Les élèves devront, avec l’aide de l’enseignant, faire ressortir les caractéristiques suivantes : intelligence libre (pas limitée par une programmation), sentiments et autonomie fonctionnelle (surtout dans le cas des robots). Des questions s’imposent alors :

-Quels sont les dangers d’exclure au nom de l’apparence? De l’artificiel (pensez à la médecine moderne et aux membres artificiels, aux greffes, etc.)?

-Est-ce que les hommes et les femmes ont la même apparence? Ont-ils les mêmes droits?

-Quelle est la place des femmes (Nora et Zira) dans La planète des singes? Les singes méprisent les humains, mais ne se méprisent-ils pas aussi les uns les autres (Zira et Zaïus, les chimpanzés et les gorilles, les hommes et les femmes, les jeunes et les vieux)?

-Est-ce que le roman de Boulle ne nous inviterait pas à revoir notre rapport à l’autre, mais ici sur notre planète? Avons-nous besoin de parcourir l’univers pour rencontrer des êtres de droits humains, sentant et pensant, mais qui sont exclus? 

 

Activité 5 : Rédaction d’une nouvelle de science-fiction.

 

Les savoirs mis en place doivent être intégrés. Demandez aux élèves de rédiger une nouvelle de science-fiction dans laquelle le personnage principal n’est ni un humain, ni un robot et ni un singe, mais qui répond à notre nouvelle définition de l’humanité, et la nouvelle doit évoquer des problématiques humaines et sociales (l’humour peut être sollicité). Cette rédaction est assez contraignante, mais les élèves ont maintenant tous les outils pour réaliser ce défi d’écriture. L’enseignant possède également tous les critères pour évaluer, s’il le désire, de manière sommative la compréhension et le respect des consignes de la part de ses élèves. La séquence peut être prolongée ou raccourcie, on peut s’éloigner du texte comme on peut s’y coller davantage. L’important est la qualité des apprentissages réussis et non la quantité des apprentissages recherchés par l’enseignement.


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