Nationalité de l'auteur : Québécoise
Genre : Poésie
Courant :
Siècle : 19e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Marianne Bouchard-Landry
Date du dépôt : Hiver 2004
Pourquoi enseigner Nelligan, encore et toujours ?
Tout d’abord parce que sa poésie est riche, tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif, mais aussi parce qu’il fait rapidement naître chez ses jeunes lecteurs un sentiment d’affiliation et de solidarité. La poésie de Nelligan est caractérisée par de nombreux thèmes récurrents et des images relativement difficiles à résoudre, ce qui en fait une œuvre comportant de nombreux problèmes de lecture.
Cours 1
Ce cours servira principalement à plonger les élèves dans l’univers nelliganien, à les initier à son imaginaire particulier. Je suggère ici de débuter en montrant cette fameuse photographie d’Émile Nelligan, alors qu’il était âgé de dix-neuf ans. La très grande majorité des élèves connaissent ce portrait. Il s’agit donc de commencer avec ce qu’ils connaissent déjà : peuvent-ils citer quelques-uns de ses vers ? Ils réciteront probablement « Ah ! comme la neige a neigé ! », puis s’arrêteront. Le véritable processus d’entrée dans l’œuvre commence à ce moment précis. Il devient alors important de voir avec les élèves le « mythe » Émile Nelligan, puis de montrer comment ce mythe s’est construit. Il serait possible d’aborder le sujet en lisant avec eux des extraits de la préface de Louis Dantin, dans laquelle il contribue à l’élaboration de l’image qui est demeurée dans l’imaginaire collectif.
Je suggère alors ici d’étudier avec les élèves leurs conceptions personnelles au sujet de l’image du poète : Nelligan correspond-il à ce stéréotype ? Comment s’imaginent-ils un poète ? L’enseignant aura probablement droit au stéréotype suivant : cheveux en broussaille, regard rêveur, long foulard, teint blafard, paradis artificiels, etc. Il faudrait alors évaluer avec eux si ce stéréotype risque de « pervertir » leur lecture. En voyant cette célèbre photo de Nelligan, en connaissant le mythe auquel il est rattaché, peuvent-ils avoir une lecture libre de toute attente ? Lorsqu’ils abordent le fameux « Soir d’hiver », pensent-ils à ce jeune homme ?
Cours 2
Pour ce cours, les élèves devraient avoir lu à la maison les poèmes « Devant mon berceau », « Devant le feu » et « Le jardin d'antan ». Il leur aura été recommandé de porter une attention particulière aux oppositions qui s’y construisent. En classe, ils seront amenés à travailler en équipes de quatre afin de mettre en commun leurs lectures et leurs interprétations. Ils devraient alors noter ce qui, dans le texte, aide à construire les oppositions : images, sons, thèmes, etc. Après cette analyse en équipes, l’enseignant pourrait donner quelques éléments de théorie sur l’oxymoron et l’antithèse, figures très présentes dans la poésie de Nelligan. Ceci contribuerait à fournir un vocabulaire analytique aux élèves, de même qu’à leur donner les outils pertinents pour l’étude de cette poésie. Il est à noter que cet exercice pourrait s’effectuer en utilisant les poèmes « La fuite de l’enfance » et « Ruines » au cours de la deuxième heure de cours, afin de cristalliser la dichotomie. Il serait aussi intéressant de travailler sur une image récurrente dans l’œuvre de Nelligan (et au centre des poèmes énumérés), celle de l’enfance représentée comme un bateau qui s’éloigne. Un tel exercice en début de parcours contribuera à l’élaboration de la capacité à faire des liens intertextuels.
Cours 3
Pour ce cours, les élèves devraient avoir lu la section du recueil intitulée « Amours d'élite », dans laquelle les influences baudelairiennes se font plus particulièrement présentes. Je suggère une fois encore une activité succincte de vingt minutes en équipes de trois ou quatre durant laquelle les élèves devraient relever les éléments textuels qui opposent l’amour céleste qui remplit d’espoir et la mort prochaine.
La deuxième partie de la séance devrait être consacrée au film Émile Nelligan, in memoriam, mettant en vedette Albert Millaire dans le rôle-titre. Ce film dure environ quarante-cinq minutes. Il offre une piste interprétative précise, liant l’œuvre poétique à la vie de l’auteur. Il ne s’agit pas ici d’engager les élèves dans une lecture biographique de la poésie, mais de leur montrer que les évènements de la vie de Nelligan eurent des répercussions dans son style et ses thèmes, notamment en ce qui concerne l’image de la mère.
Cours 4
Ce cours devrait s’orienter vers l’étude de l’École Littéraire de Montréal, puisque l’œuvre de Nelligan y retrouve ses contemporains. Afin de rendre les élèves plus attentifs aux influences des visées esthétiques de l’E. L. M. dans l’œuvre de Nelligan, ils devraient avoir lu les poèmes « Chapelle ruinée », « Gretchen la pâle » et « Le rêve de Watteau ». Non seulement verraient-ils ainsi la tangente générale de la poésie de cette époque, mais ils pourraient aussi constater l’influence de divers artistes dans les thèmes poétiques de Nelligan. L’enseignant pourrait ainsi en refaire la lecture à haute voix avec eux, recueillant les propositions d’analyse, inscrivant au tableau les images les plus significatives.
À la fin du cours, je suggère de raconter aux élèves le mythe d’Icare, ce jeune homme qui se brûla les ailes parce qu’il avait voulu voler trop haut (ceci constitue bien sûr un résumé assez grossier). Les élèves retourneraient alors chez eux avec la consigne de lire « Le Vaisseau d’or » et « L’Albatros » de Baudelaire, tout en essayant de comprendre le lien unissant ces trois textes.
Cours 5
Ce cours devrait être consacré à l’étude de la figure du « poète maudit », en lien avec le mythe d’Icare. L’enseignant pourra ainsi donner quelques minutes de théorie sur la quête de l’Idéal des poètes, sur la marginalisation qui en résulte souvent. Les élèves pourront ensuite se regrouper en petites équipes pour faire ressortir les éléments qui participent à la construction de la conception du poète, et ce, pour les deux textes.
L’enseignant pourrait aussi poursuivre avec la présentation de deux chansons, soit « La quête » de Jacques Brel et l’interprétation de « La romance du vin » tirée de l’Opéra Nelligan d’André Gagnon et Michel Tremblay. Ces deux chansons présentent, chacune à sa façon, la notion d’Idéal inatteignable désigné par Jacques Brel comme « l’inaccessible étoile ».
Après avoir analysé ces divers textes, je suggère le rappel de la biographie de Nelligan, plus précisément les moments qui ont précédé son internement. Les élèves seraient alors appelés à se prononcer lors d’un débat au prochain cours. Après avoir pris connaissance des conséquences de la poursuite de l’Idéal et de la sollicitation des muses chez Nelligan, ils pourraient se prononcer sur la question suivante : « La poursuite incessante d’un Idéal vaut-elle la peine d’être portée à l’extrême, au risque de se perdre soi-même et de risquer sa santé mentale ? »
Cours 6
La première partie de ce cours devrait être consacrée au débat mentionné plus haut. Je suggère d’accorder environ une heure à ce débat d’idées afin de pouvoir entendre les idées principales des deux côtés, de même que pour s’assurer que les arguments ne se coupent pas, que l’activité ne tombe pas dans la redondance.
Pour se préparer à la « conclusion » de la séquence didactique, les élèves devraient, pour le prochain cours, lire les poèmes « Les corbeaux », « Banquet macabre » et « Le bœuf spectral ». Ils devraient recevoir la consigne de faire particulièrement attention aux images hallucinatoires et de hantise.
Cours 7
Lors de ce dernier cours, l’enseignant devrait remettre aux élèves un sujet de dissertation, car il serait important de vérifier les apprentissages effectués. Je recommande alors de choisir un sujet qui concernerait les oppositions chez Nelligan, en prenant soin de choisir des poèmes qui comportent ces dichotomies. Les poèmes « Devant deux portraits de ma mère » et « La romance du vin » seraient à envisager (si ce dernier poème devait être choisi pour des fins d’analyse, l’enseignant devrait veiller à ce que le sujet de rédaction soit suffisamment éloigné des angles d’analyses proposés lors de la séquence didactique).
Après avoir distribué les sujets de dissertation et répondu aux questions, il serait possible d’aborder quelques pistes interprétatives autour de la folie en recueillant les impressions des élèves : Nelligan était-il fou ? Pourrait-on voir cette folie dans la poésie ? Ceci constituerait une activité intéressante à effectuer en grand groupe en relisant les poèmes « Les corbeaux » et « Le bœuf spectral ». Cette activité aurait l’avantage de faire en sorte que les élèves utilisent des outils d’analyse pertinents et qu’ils fassent quelques spéculations en se fiant à leur propre sensibilité de lecteur de poésie, puisque ce genre littéraire gagne à être parfois lu avec affectivité. Il importe toutefois de demeurer prudent et de ne pas lier systématiquement biographie et œuvre littéraire.