PRÉSENTATION ET PERTINENCE

Cette séquence didactique s’articule autour du roman Le Parfum[1] de Patrick Süskind et s’adresse à des élèves de cinquième secondaire. Il nous semble très intéressant de travailler ce roman en classe, notamment pour son originalité et la complexité de son personnage principal. De plus, tout au long de leur lecture et à travers les activités proposées, les élèves auront la chance d’élargir leur culture personnelle en ce qui concerne l’histoire de Paris, le Siècle des Lumières et le domaine de la thymiatechnie[2].

PROBLÈMES DE LECTURE ET OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE

Le roman de Süskind, par ses nombreuses particularités en ce qui concerne le protagoniste Jean-Baptiste Grenouille et son histoire, nécessite un accompagnement sérieux de la part de l’enseignant et une présentation formelle avant la lecture. Nous proposons de structurer l’intervention didactique de l’enseignant à partir des problèmes suivants :

• Cerner le personnage principal dont l’unicité et la complexité nécessitent une réflexion poussée.
• Reconnaitre que le personnage principal est caractérisé par de nombreuses oppositions.
• Comprendre et approfondir les notions de héros, d’antihéros et de protagoniste.

Les activités qui suivent ont pour objectif commun de faire découvrir l’univers narratif du roman en cernant le personnage principal, ses traits physiques, psychologiques, intellectuels, ses buts, ses désirs, sa quête, etc. Nous voulons fournir aux élèves des outils nécessaires pour qu’ils arrivent à construire le sens du texte. Ceci les mènera non seulement vers une meilleure compréhension de l’œuvre de Süskind, mais les rendra également plus compétents en analyse de textes littéraires.

Activité 1 : Une lecture présentée[3]

La première activité se divise en deux volets et a pour but de stimuler l’imaginaire de l’élève en le plongeant dans l’œuvre de Süskind et en participant à le situer dans un univers précis, tout en élargissant son bagage culturel[4]. Il s’agit donc d’une activité de présentation qui sert d’amorce au travail de réflexion, de lecture et d’écriture qui suivra.

A) L’enseignant met d’abord en contexte Le Parfum en faisant travailler les élèves sur l’époque où se déroule l’histoire. Il leur demande donc de produire des fiches sur différents aspects en lien avec la France au 18^e siècle. L’enseignant fournit les pistes de questionnement suivantes afin d’alimenter les recherches des élèves : À cette époque, à quoi ressemblait la ville de Paris? Les monuments bien connus aujourd’hui étaient-ils construits? Quelle était la population? À quelle autre ville pouvait-on la comparer? Était-ce propre? Sale? De quoi vivaient les Parisiens? Étaient-ils riches? Pauvres? Quelles étaient leurs mœurs? Leurs conditions de vie? Quel était le régime politique? Quelle place occupait la religion? Les élèves présentent ensuite le fruit de leur travail au reste de la classe dans une mise en commun des informations recueillies. L’enseignant complète si nécessaire et ajoute des renseignements sociohistoriques sur le « Siècle des Lumières ». En fait, il nous apparait pertinent et nécessaire de renseigner les élèves sur ce siècle appelé aussi « Siècle des Philosophes », afin qu’ils soient plus aptes, lors de la lecture, à comprendre les réactions et propos des différents personnages en les situant dans cet important mouvement de société. Le but est, autant que possible, de plonger le groupe dans l’univers du 18^e siècle en utilisant, évidemment, les moyens accessibles en contexte scolaire.

B) Le second volet de cette première activité fait appel au talent de lecteur de l’enseignant. En fait, le but principal est d’aller chercher l’élève en piquant sa curiosité et en captant son attention par une lecture « profonde, mystérieuse et sentie », une lecture qui est fidèle au texte et qui permet à l’élève de pénétrer dans l’univers de Jean-Baptiste Grenouille. Ainsi, l’enseignant termine le premier cours et la première activité par la lecture de l’incipit du roman (pages 5 à 8), soit jusqu’à la naissance de Grenouille, laissant les élèves sur leur appétit[5] et participant à la création d’un pacte de lecture[6].

Activité 2 : Le cercle de lecture

Cette activité est ponctuelle et se répète tout au long de la séquence. Elle a pour but d’accompagner les élèves dans leur lecture par le « partage d’informations et [l’] échange d’opinions[7] ». Ainsi, en plus de participer à la découverte du personnage principal et à son analyse, l’activité 2 contribue à la construction d’une lecture subjective[8] chez l’élève. Ce dernier doit se préparer aux rencontres en se faisant une fiche de lecture qui répond aux questions suivantes : Qu’as-tu appris sur l’apparence physique de Grenouille? Qu’as-tu appris sur les pensées de Grenouille, ses désirs, sa quête, ses ambitions? As-tu noté une évolution ou des changements? Quelles rencontres a-t-il faites? Qu’a-t-il appris? Que penses-tu des actions et réactions de Grenouille? Pourquoi agit-il ainsi selon toi? Quels éléments t’ont surpris durant la lecture? Enfin, l’élève doit avoir lu la partie du roman ciblée et avoir rempli sa fiche de lecture AVANT chacune des rencontres pour pouvoir participer activement aux discussions.

Activité 3 : L’opposition dans le personnage

1^re partie 

Pour cette troisième activité, l’enseignant anime une discussion en plénière pour amener les élèves à remarquer l’esthétique d’opposition qui caractérise le roman de Süskind. Au besoin, il relit avec les élèves la quatrième de couverture, laquelle peut servir de point de départ à la réflexion collective. Il utilise ensuite la technique du modelage et fait l’exercice devant eux en utilisant quelques oppositions que l’on retrouve du côté de l’œuvre et de l’histoire en général. Voici des exemples sur lesquels l’enseignant peut travailler :

Exemple A : Puanteur (p. 5) / Parfum enivrant (p. 48)

Exemple B : Drolatique (p. 100, lignes 3 à 12) / Abominable (p. 279)

2^e partie

Par la suite, l’enseignant fournit aux élèves d’autres extraits, pêlemêle, du roman, mais qui contiennent des renseignements sur Jean-Baptiste Grenouille. Les élèves doivent analyser ces différents extraits, pour ensuite les associer en formant des paires d’oppositions. Cette activité sert à les mettre en contact avec les notions d’opposition et de contraste à travers le protagoniste, et ce, afin d’approfondir et d’enrichir leur réflexion sur ce personnage complexe. De même, elle favorise la compréhension de l’antinomie héros/antihéros, qui fait l’objet de la quatrième activité.

• Victime (p. 264) / Monstre (p. 171-172)
• Amoureux de Laure (p. 210) / Meurtrier sans sentiments (p. 243)
• Humain (p. 130, lignes 6 à 13) / Animal (p. 137)
• Grenouille inodore (p. 13) / Odorat puissant (p. 134-135)
• Homme sans valeur (p. 170) /  Être extraordinaire (p. 262)

Activité 4 : Héros/Protagoniste/Antihéros

Dans cette activité, les élèves sont amenés à poursuivre leur réflexion sur la dualité dans l’œuvre de Süskind en s’intéressant plus particulièrement au protagoniste Jean-Baptiste Grenouille. Avant de commencer l’activité, l’enseignant demande aux élèves de faire une recherche sur un héros, tiré de la littérature ou du cinéma, qu’ils apprécient. Ils doivent apporter en classe une fiche répertoriant les caractéristiques physiques et psychologiques, ainsi que les comportements qui définissent leur héros préféré.

L’activité 4 s’amorce donc sur la base de données colligées par les élèves dans une mise en commun de leurs connaissances. Voici quelques-uns des traits communs qui pourraient se dégager de cette plénière : il accomplit des choses extraordinaires, il a des pouvoirs surnaturels et une quête noble, il est beau, fort et agile, il est intelligent, bon et courageux.

Héros

L’enseignant complète cet exercice en amenant les élèves à aller plus loin dans leur réflexion. Pour ce faire, il leur pose quelques questions sur leur conception d’un héros. Ils y répondent en étayant leurs hypothèses par écrit.

Protagoniste

L’enseignant poursuit la même démarche afin d’amener les élèves à distinguer le héros au sens antique du protagoniste contemporain que l’on retrouve de plus en plus dans la littérature et dans le cinéma.

Antihéros

Enfin, l’enseignant conduit les élèves vers un dernier questionnement sur le sujet. Cette fois-ci, il les interroge sur leur conception de l’antihéros. Toujours en équipe, ils poursuivent leur réflexion en confrontant leurs idées avec celles de leurs pairs.

Afin de conclure cette activité, l’enseignant valide les réponses rédigées par les sous-groupes. Tour à tour, il questionne les élèves sur ces trois notions, ajoutant, au besoin, certaines informations théoriques qui pourraient manquer aux élèves. Cette activité leur permet de se familiariser avec les notions de héros, d’antihéros et de protagoniste, tout en leur procurant des outils supplémentaires qui les aideront à répondre la situation problème qui structure de cette séquence didactique : cerner le personnage de Jean-Baptiste Grenouille. Les connaissances acquises pourront donc être réinvesties dans l’activité finale.

Activité 5 : Réinvestissement des connaissances

Cette dernière activité permettra de conclure la séquence didactique tout en étant son point culminant. En fait, à la lumière des récentes connaissances qu’ils ont acquises lors des activités précédentes, les élèves se sont forgé une opinion du protagoniste Jean-Baptiste Grenouille qu’ils devront appuyer et étayer dans un texte argumentatif. Plus précisément, ils doivent répondre à la question suivante : D’après toi, est-ce que le personnage de Jean-Baptiste Grenouille dans le roman Le Parfum est un héros, un antihéros ou seulement un protagoniste et pourquoi? Les autres consignes de rédaction pour cette activité sont les suivantes :

• Ton texte doit comprendre entre 500 et 750 mots.
• Tu dois utiliser les notions vues précédemment en classe.
• Tu dois étayer ta thèse à l’aide d’extraits du texte.

Élaborée autour du roman à succès Le Parfum, cette séquence propose un défi de taille aux élèves du deuxième cycle du secondaire. De plus, les apprentissages réalisés serviront d’acquis pour leurs lectures futures, particulièrement en ce qui a trait à l’approfondissement de personnages complexes et d’esthétiques propres à certaines œuvres littéraires. Ils auront réalisé l’importance de la mise en contexte des romans, très souvent nécessaire à la compréhension fine des œuvres et de leur portée symbolique et, surtout, ils auront fait la majeure partie de ces apprentissages par eux-mêmes. Car comme l’écrivait Jean Piaget : « Tout ce qu’on apprend à l’enfant, on l’empêche de l’inventer ou de le découvrir[9] ».

BIBLIOGRAPHIE

Livres

JOUVE, Vincent, La poétique du roman, Éditions Sedes/HER, 1999, 192 p.

SÜSKIND, Patrick, Le Parfum, Éditions Fayard (Le Livre de Poche), Paris, 1986, 280 p.

Périodiques

BROCHU, Shirley, « Le journal de bord au secondaire, une mine d’or d’informations », Québec français, n° 135, automne 2004, p. 79-81.

FALARDEAU, Érick, « La place des lecteurs dans les classes de littérature », dans Québec français, nº 135, automne 2004, p. 38-41.

ROY, Max, « Des activités d’animation de la lecture à l’école secondaire », dans Enjeux, n°58 (décembre 2003), p. 71-82.

SIMARD, Denis, « Une approche culturelle de l’enseignement du français, langue première », dans L’Écho du RÉS.É.A.U. Laval, volume 4 (avril 2004), p. 10-20.

THÉRIEN, Michel, « De la définition du littéraire et des œuvres à proposer aux jeunes », dans Monique Noël et al., Didactique du français. Bilan et perspectives, Québec, Nuit blanche, 1997, p. 19-31.

Site internet

http://www.zerodeconduite.net/leparfum/dossier_pedagogique.htm

[1] Tout au long de cette séquence, nous travaillerons avec l’édition suivante : Patrick Süskind, Le Parfum, Éditions Fayard (Le Livre de Poche), Paris, 1986, 280 p.

[2] La thymiatechnie est le terme qui désigne l’art de la composition des parfums.

[3] Michel Thérien, « De la définition du littéraire et des œuvres à proposer aux jeunes », dans Monique Noël et al., Didactique du français. Bilan et perspectives, Québec, Nuit blanche, 1997, p. 26.

[4] Denis Simard, « Une approche culturelle de l’enseignement du français, langue première », dans L’Écho du RÉS.É.A.U. Laval, volume 4 (avril 2004), p. 10-20.

[5] Cette lecture se fait dans le cadre de la première rencontre du cercle de lecture : voir l’activité 2.

[6] Vincent Jouve, La poétique du roman, Éditions Sedes/HER, 1999, p. 17-18.

[7] Max Roy, « Des activités d’animation de la lecture à l’école secondaire », dans Enjeux, n°58 (décembre 2003), p. 74.

[8] Érick Falardeau, « La place des lecteurs dans les classes de littérature », dans Québec français, n°135 (automne 2004), p. 40.

[9] Shirley Brochu, « Le journal de bord au secondaire, une mine d’or d’informations », Québec français, automne 2004, n°135, p. 79.