Justification
de la pertinence de l’oeuvre choisie et objectifs d'apprentissage
Cette séquence didactique peut
s’inscrire dans le cadre de chacun des cours de français obligatoires du
système d’enseignement collégial québécois. Elle a pour but de permettre à
l’élève de poser un regard critique sur les représentations du monde, de
l’Autre, ainsi que sur ce que Dumont nomme le lieu de l’homme la culture. Cette séquence didactique propose donc à l’élève de poser un
regard sensible et informé sur le monde pour en comprendre les représentations
sociales et artistiques. Plus précisément, cette séquence vise à ce que
l’élève puisse prendre conscience de la médiatisation des violences
africaines ainsi que du traitement littéraire des événements de 1994 au Rwanda.
Situations-problèmes
Le
roman de Gil Courtemanche pose certains problèmes de lecture en raison et du
sujet abordé et de son traitement littéraire. En effet, Courtemanche propose un
jeu de représentations qui oscille entre réalité et fiction, ce qui complexifie
la classification de cette œuvre littéraire. Les événements qui y sont racontés
et leur ancrage historique s’opposent et se conjuguent judicieusement à la
fiction littéraire, ce qui pose au lecteur un problème d’ordre
éthique : comment peut-on légitimer une œuvre artistique qui traite d’un
sujet aussi saisissant, voire indicible? Cette séquence didactique vise donc à
ce que l’élève soit en mesure de :
- Prendre conscience des idées préconçues et des
stéréotypes véhiculés au sujet des violences africaines tout en prenant
une distance critique par rapport aux informations qui lui sont
présentées.
- Comprendre et maîtriser les concepts formels de
construction des représentations littéraires des violences et réfléchir à
leurs enjeux.
L’élève sera donc amené à
s’interroger sur les aspects sociologiques, formels et historiques dans
lesquels s’inscrit et se construit cette œuvre de Courtemanche.
Avant
la lecture
Trois activités précèdent la
lecture de l’œuvre et sont proposées à titre de pistes de lecture
pour orienter les élèves dans leur compréhension du texte. Ces activités ont
pour objectif de démontrer aux élèves quelles sont les répercussions de la
médiatisation occidentale des violences africaines tout en leur proposant de poser un regard critique sur celles-ci.
Activité 1 – Clichés et stéréotypes,
activation des connaissances antérieures
Les élèves doivent remplir le
questionnaire suivant dans le but de voir quelles sont les connaissances qu’ils
possèdent sur l’Afrique et le génocide rwandais, tout en leur faisant prendre
conscience qu’ils s’inscrivent dans une communauté où l’information est
fortement axée sur le stéréotype.
- Que connaissez-vous de l’Afrique?
- Qu’est-ce que
« Rwanda
» évoque pour vous?
- Qu’est-ce qu’un stéréotype?
Activités 2 et 3 – Information objective?
Ces deux activités portent sur la
médiatisation du génocide rwandais. Dans un premier temps, deux articles de
journaux (Le Devoir et Le Monde diplomatique) sont analysés dans une
perspective d’objectivité. L’élève aura à relever les marques d’objectivité
et de subjectivité ainsi que la focalisation du narrateur par rapport à
l’événement raconté. La première activité porte donc sur la théorie du discours
journalistique, ce qui, considérant le statut d’écrivain de Courtemanche,
constitue des connaissances des plus utiles pour la compréhension de la
construction du roman. La deuxième activité consiste en la rédaction d’un
article de journal fictif après une recherche d’informations (à la maison)
faite par les élèves. Ceux-ci pourront expérimenter la construction
narrative dite objective et ainsi vérifier s’ils ont bien saisi les notions
présentées lors de l’activité précédente.
Pendant
la lecture
Activité 4 – Analyse du
préambule: roman, chronique ou témoignage?
Nous travaillerons ici sur les
manipulations littéraires qui servent la légitimation d’une telle œuvre.
L’enseignant, en début de période, doit construire un exposé magistral au cours
duquel il aborde les notions de témoin-conteur et témoin-mémorialiste : on
cherche ici à ce que les élèves acquièrent des notions théoriques concernant
la réception de la lecture de façon à ce qu’ils puissent comprendre comment le
roman joue avec la perception du lecteur. Nous analysons en groupe le préambule
du roman où le travail sur la légitimation du texte est évident et éloquent.
Activités 5 et 6 – Analyses comparées
La première activité est
consacrée au visionnage d’extraits choisis du documentaire La Shoah et à une discussion en équipes sur les effets des
constructions narratives. Les élèves devront mettre en relation la forme de
l’extrait visionné (le témoignage), et des éléments du paratexte du roman
(citations, références historiques, etc.) Cet exercice vise à ce qu’ils
puissent comparer les constructions narratives et leurs répercussions sur le
lecteur. Quelle est la forme narrative la plus efficace? Pourquoi adhère-t-on
plus facilement à une forme narrative qui nous semble plus vraisemblable, voire
réelle?
La seconde activité vise à ce que
les élèves puissent comparer deux postures narratives littéraires. Un
extrait d'Un dimanche à la piscine à Kigali (p. 225-226) sera comparé à un extrait de L’aîné des
orphelins (p. 14-15 et 153-156) de Tierno
Monénembo.
L’analyse comparée devra être orientée par les questions suivantes :
- Comment le sujet est-il abordé?
- Quel est le type de narrateur?
- Observe-t-on des marques de subjectivité?
D’objectivité?
- Quelles sont les répercussions des postures
narratives sur la lecture?
Cette activité a donc pour
objectif de permettre aux élèves de comprendre la dimension affective de la
lecture tout en y posant un regard critique et en y intégrant les notions
acquises depuis le début de la séquence. Une discussion en groupe devra suivre
cette analyse et quelques notions théoriques concernant les théories de la
réception (réception d’archives historiques ou réception impliquée)
devront être enseignées.
Activité 7 – Table ronde: l’indicible et la beauté littéraire
Cette activité porte sur le
rapport à la beauté du monde que l’on retrouve dans le roman de Courtemanche.
Comment un écrivain peut-il rendre compte de la beauté alors que le sujet
abordé, les violences inhumaines, semble indicible? Cette période est donc
consacrée à l’analyse de l’utilité, de la construction et des répercussions de
l’utilisation de la poésie dans ce roman. Les élèves auront à se préparer en
équipe de trois en vue d’une table ronde ayant pour sujet les poèmes de Paul
Éluard dans le chapitre onze. À ce moment-ci de la séquence didactique,
l’enseignant ne devrait qu’orienter la discussion : l’activité doit être
menée en majeure partie par les élèves.
Il s’agit ici d’une plénière au cours de laquelle les élèves auront à
s’exprimer oralement de façon claire et précise sur l’œuvre.
Après
la lecture
Activité 8 – Réinvestissement des connaissances et création littéraire
Cette activité constitue un
réinvestissement et une réutilisation finale des connaissances acquises au
cours de cette séquence didactique. Il s’agit d’une activité de création d’une
durée de deux périodes au cours desquelles les élèves devront réécrire un
extrait de Un dimanche à la piscine
(p.105-106) en changeant le narrateur. Ils auront donc à choisir un des
personnages présents (Valcourt, Gentille, Cyprien) et devront réécrire la scène
du point de vue de ce personnage. On vise ici à ce que les élèves puissent
réutiliser toutes les connaissances acquises au cours de la séquence didactique
pour produire à leur tour un texte littéraire traitant des
« événements » de 1994.
Activité 9 – Évaluation,
commentaire justificatif
Les élèves devront produire un
commentaire critique sur leur création et justifier les éléments qui composent
leur texte
(posture d’écriture) tout en insistant sur l’effet recherché chez le lecteur
(réception d’archives ou réception impliquée).
Le commentaire doit être fait à la maison avant la dernière période de cette
séquence didactique et constitue l’évaluation finale des apprentissages
effectués en classe. L’élève devra de plus lire Le degré xérox de la
violence de Jean Baudrillard
pour la période suivante.
Activité 10 : Conclusion,
la Haine et le degré xérox de la violence
Nous reviendrons en groupe pour
discuter des réflexions qui auront été faites tout au long de cette séquence
didactique. Nous regarderons d’un tout autre angle le questionnaire que les
élèves auront rempli lors de la première période de la séquence pour
comparer les réponses initiales au regard « actualisé et informé »
des élèves en fin de parcours didactique. Cette dernière période constitue
un moment de réflexion pour les élèves qui auront à poser un regard
personnel sur leurs perceptions du monde et sur leur rapport à l’information
qui leur est présentée. Il s’agit ici de conclure cette séquence didactique en
permettant aux élèves de s’exprimer sur ce qu’ils ont appris au cours de cette
séquence tout en transférant leurs connaissances à l’actualité.
Bibliographie
FALARDEAU,
Érick, « Piste d’entrée en
littérature ou en lecture? », Enjeux, no 58, déc. 2003, p. 83-94.
MONÉNEMBO, Tierno, L’ainé des orphelins, Paris, Seuil, coll.
« points », 2000, 157p.
TAUVERON, Anne-Marie, « Le commentaire
justificatif après l’écriture d’invention ou travailler la prise de distance
avec son texte », Pratiques, 127, 2005, p. 113-132.