Se connecter
 Retour à la page précédente
Le parti pris des choses

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Le parti pris des choses
PONGE, Francis
Par David Riffin


Nationalité de l'auteur : Française
Genre : Poésie
Courant :
Siècle : 20e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : David Riffin
Date du dépôt : Automne 2007


Justification de la pertinence de l’oeuvre choisie


Dans le cadre du quatrième cours de français au collégial, j’ai choisi de faire travailler les élèves autour du recueil Le parti pris des choses (1942) de Francis Ponge (1899-1988). Ce dernier cours de français obligatoire a comme objectif de produire différents types de discours oraux et écrits, d’ordre culturel ou autre, dans lesquels les élèves doivent reconnaître les caractéristiques de la situation de communication ainsi que de rédiger et présenter des textes de type informatif, critique ou expressif[1], ce qui, à mon sens, est ce que je propose dans la présente séquence : produire et déclamer des poèmes selon une situation particulière proposée par la lecture du recueil de Francis Ponge.


La découverte de l’inédit qui réside dans les choses, lorsque nous nous attardons à les (d)écrire, est une activité sociale que Ponge nomme « l’objeu[2] », c’est-à-dire la transposition d’un objet physique en objet de langage poétique. Les moyens rhétoriques et littéraires aident à montrer qu’à partir des choses les plus simples on peut construire un infini de discours composés de déclarations inédites. Ponge affirme « qu’à propos de n’importe quoi tout n’est pas dit, que tout reste à dire[3] ». Cet acte de parole demande tout un travail, ce que Ponge lui-même, à travers ses écrits, encourage fortement à pratiquer. C’est une invitation à prendre place dans la société, bref à être Poète : « apprendre à chacun l’art de fonder sa propre rhétorique […] est une œuvre de salut public[4] ».


Situation-problème


Avec Le parti pris des choses, les élèves se rendront rapidement compte que les objets choisis par le poète sont familiers, mais qu’ils sont décrits avec un niveau de langage élevé; certains textes sont amusants à lire à cause des jeux de mots, d’autres sont complexes, voire énigmatiques. Les élèves auraient beaucoup de plaisir à écrire ce type de texte; cela leur permettrait d’apprécier la poésie sous un nouvel angle, d’acquérir des savoirs sur le langage, de se sensibiliser à la poésie qui réside dans les choses du quotidien, de travailler à partir d’une méthode de recherche et d’écriture pour organiser les jeux de sens et de langage qui caractérisent la poésie.


Claudette Oriol-Boyer affirme que « le lecteur de textes littéraires tout comme l’étranger devant un texte en langue étrangère doit adopter une méthode hypothético-déductive et observer le signifiant dans toutes ses composantes. En effet, le texte littéraire est une variation langagière unique. Pour chaque texte, un code spécifique est à découvrir[5] ». Cette découverte est le travail d’écriture que je propose pour rendre accessible la poésie de Ponge, car « celui qui écrit un tel texte apprend sans cesse à décrypter les codes qu’il applique sans en être conscient[6] ».


Dans une perspective plus large, ce type de séquence apprendrait aux élèves à améliorer leur maîtrise du français et à découvrir leur propre voix poétique, « leur propre rhétorique » comme dirait Ponge.


Avant la lecture


Activité 1 - La description d’objet dans la société

Le cours commence avec une participation active des élèves sur des lectures de textes qui décrivent des « choses », par exemple des descriptions d’objets dans des catalogues, des magazines, des dictionnaires. Ensuite, l'enseignant fait lire aux élèves des descriptions d’objets tirées d’œuvres littéraires (Balzac, Zola, Proust, etc.) et d’œuvres poétiques (Marot, Baudelaire, Apollinaire, etc.). Ces extraits seront distribués en classe sous forme de recueil (feuilles brochées). L'enseignant ajoutera à travers ces extraits des images représentant des peintures de natures mortes réalisées par des peintres (Manet, Gauguin, Van Gogh, etc.). Ce recueil aura comme fonction d’activer les connaissances antérieures en prenant comme point de référence le simple dépliant de commerce ou l’image d’un plat de fruits pour amener les élèves à apprendre à reconnaître les différents niveaux de langage (familier, soutenu, style littéraire) et intentions des textes et des tableaux (informer, convaincre, émouvoir).


L’objectif de cette activité sera de préparer les élèves à la lecture du recueil de Ponge. Il faut d’abord que les élèves se familiarisent avec la lecture littéraire. L’activité aura une portée ludique puisque l'enseignant proposera une lecture des textes à voix haute, question de s’amuser, de mettre en confiance les élèves et de pratiquer la déclamation.


Aussi, les élèves pourront apprécier le contraste entre la lecture d’une description tirée d’un catalogue d’achat et d’un poème d’Apollinaire, contraste qui démontrera les exigences du travail d’écriture poétique.

Activité 2 – Réflexion sur les objets

À la suite de cette première activité réalisée en classe, les élèves seront invités à réfléchir individuellement sur la valeur accordée aux objets dans la société. Cette réflexion personnelle sera faite en classe. Les réponses devront s’inspirer du recueil d’extraits distribué auparavant. L'enseignant leur posera trois questions :

1) Parmi les extraits lus en classe, lesquels préférez-vous et pourquoi?

2) Selon vous, comment les humains donnent-ils de la valeur aux objets?

3) Quel est votre rapport aux objets? Donnez un exemple en vous rapportant à un objet de valeur que vous possédez.

Dans la réponse aux deux premières questions, les élèves devraient démontrer un sens critique à l’égard des différents extraits lus en classe et reconnaitre la différence entre les niveaux de langage (en donnant des exemples tirés du recueil d’extraits). L’objectif est de rendre compte des différents types de discours humains (informatifs, expressifs). Dans la troisième réponse, les élèves devraient se questionner plus sérieusement sur la réalité matérielle qui les entoure. En choisissant un objet personnel et en en faisant part par écrit, ils seront amenés à poser un regard neuf sur leur quotidien.


Ensuite, à partir du petit questionnaire introductif, les élèves discuteront des réponses qu’ils auront formulées. Dans un premier temps, ils seront invités à travailler en petits groupes pour faire part de leurs réflexions à propos des deux premières questions. Les réponses convergent ou divergent-elles? Le but est simplement d'amener les élèves à partager leurs idées pour qu’ils se rendent compte de la diversité des points de vue.


Dans un deuxième temps, cette fois-ci en grand groupe, les élèves pourront partager les réflexions qui ont émergées de la troisième question, c’est-à-dire de dire quelque chose à propos d’un objet de valeur. Cet échange plutôt personnel donnera la chance aux élèves de se prononcer sur leur choix d’objet et sur celui des autres en réfléchissant davantage à leurs aspects poétiques ou « anti-poétiques ».


À la fin du cours, je demanderai aux élèves de commencer la lecture du Parti pris des choses en considérant les réflexions qu’ils ont faites en classe.


Pendant la lecture

Activité 3 (à la maison) - La vie et l’œuvre de Francis Ponge

Pour introduire la vie et l’œuvre de Francis Ponge, l'enseignant invitera les élèves à consulter un site Internet[7]. Il demandera de lire en devoir les textes présentés sur le site et de prendre en note les passages qui aident à comprendre le projet de Francis Ponge.


La lecture attentive de ce site aidera les élèves dans leur lecture de du Parti pris des choses. Aussi, ils se rendront compte de l’intérêt qu’a eu Ponge pour les arts visuels, surtout son admiration pour le peintre Georges Braque. Ainsi, les élèves pourront faire des liens entre la description écrite et la représentation picturale d'objets comme nous l’avons vu lors de la première activité. Les éléments plus théoriques que les élèves liront sur le site les introduiront à la pensée du poète, ce qui permettra une mise à distance des poèmes à lire.

Activité 4 - Recherche et définition de mots

 

Cette activité sera réalisée en classe et portera sur une recherche de définitions de mots. Les élèves travailleront en équipe pour chercher la signification de quelques mots clés comme « objet », « chose », « dénotation », « connotation » et « rhétorique ». Les élèves auront à apprendre à travailler avec un dictionnaire. L’activité consistera à rechercher ces mots et à transcrire sommairement leurs significations pour se constituer un glossaire. Le but premier est d’apprendre à chercher dans un dictionnaire pour comprendre le sens des mots que nous utilisons. Il sera important pour les élèves de saisir la différence entre la dénotation et la connotation des mots, car Ponge joue beaucoup avec les deux modes de définitions pour construire ces poèmes. Aussi, les élèves seront en mesure de savoir de quoi il est question lorsque sera abordé le concept de rhétorique, c’est-à-dire une technique d’élaboration d’un discours.


La question qui commencera sûrement à brûler les lèvres des élèves sera : Comment pouvons-nous faire pour écrire comme un poète ? La réponse n’étant pas simple, c’est tout de même en appliquant une méthode de travail : la rhétorique ancienne expliquée par Barthes[8].


En m’inspirant de Barthes et de Ponge, j’ai élaboré une méthode simple et pourtant assez complexe à suivre. Voici la méthode proposée aux élèves :

1) Choisir un objet (il est préférable d’avoir cet objet devant les yeux) et choisir quoi dire de cet objet : écrire un premier jet qui consiste à écrire pourquoi avoir choisi cet objet, décrire ses caractéristiques (dénotation de l’objet) et ce à quoi il fait penser (connotation de l’objet).


2) À partir de ce premier jet, approfondir sa connaissance de l’objet par une recherche : rechercher sa définition et son étymologie dans un dictionnaire, découvrir les couches de sens que contient l’objet, apprendre à quoi renvoie l’objet en question et élaborer plusieurs points de vue (au moins deux).


3) Écrire un deuxième jet qui respectera la recherche qui a été faite de l’objet en tenant compte des points de vue choisis, des comparaisons possibles, de l’étymologie. Nous passons de l’objet à « l’objeu ».

Activité 5 (à la maison) – analyse de poèmes

 

Le point de départ de la poésie de Ponge est l’objet, un prétexte à l’écriture poétique. À partir de deux poèmes dans Le parti pris des choses, « La pluie » et « La bougie », les élèves auront à rendre compte du lexique, des structures, de la rhétorique et des correspondances (réseau de sens) dans les textes et entre les textes.


Cette activité, commencée à la maison, sera terminée en classe en équipe. Les élèves pourront alors échanger sur ce qu’ils ont découvert, sur les difficultés de langage rencontrées dans les textes. La mise à distance des deux textes permettra aux élèves de consolider leur savoir autour des notions de dénotation, de connotation et de rhétorique.


Après la lecture


Activités 6 et 7 – Évaluation : écriture et réécriture poétique

Jusqu’à maintenant, les élèves ont appris que Francis Ponge est un poète accessible, mais que sa poésie est complexe. Pour la rendre accessible, il faut s’attarder à chaque poème et comprendre comment celui-ci fonctionne. Le temps est venu pour les élèves de démystifier l’écriture poétique en s’exerçant à cette pratique littéraire : choisir un objet et en faire un « objeu » de langage.


Dans un premier temps, les élèves commenceront par choisir un objet. Ils pourront conserver l’objet qu’ils ont choisi lors de la deuxième activité ou en choisir un autre. Ils pourront même choisir un objet que Francis Ponge a traité dans son recueil (sans le copier, évidemment). Individuellement d’abord, les élèves écriront spontanément un premier jet à propos de l’objet choisi, sans utiliser de dictionnaire et sans appliquer la méthode proposée à l’activité 4. Ensuite, les élèves, en équipes, s’échangeront leurs textes et expliqueront la manière dont ils auront procédé. L'enseignant les guidera en leur proposant des pistes de réflexion sur : la méthode appliquée, l’acte poétique, les jeux de langage, la notion d’atelier d’écriture comme lieu d’exploration de sens.


Dans un deuxième temps, les élèves réécriront une description de l’objet, cette fois-ci en se basant sur une recherche dans le dictionnaire (définitions, connotations, emploi du mot juste) et sur la méthode rhétorique d’élaboration de texte.


Enfin, les élèves auront à considérer la progression du premier jet au deuxième jet en expliquant leur démarche. Cette dernière activité se fera sous forme d’exposé oral. Devant la classe, chaque élève devra lire ses deux textes et expliquer la progression. L’élève aura à reprendre le chemin qu’il a parcouru pour arriver d’un texte à l’autre en mentionnant les éléments de sa démarche.


Les élèves auront participé activement à l’écriture d’un « objeu » inspiré de la poésie accessible de Francis Ponge.

 

Bibliographie

BARTHES, Roland. « L’ancienne rhétorique » dans L'aventure sémiologique, Paris, Éditions du Seuil, coll. Points Essais, 1991, 360 p.

ORIOL-BOYER, Claudette. « Pour une didactique du Français Langue ET Littérature étrangères » dans Centre Paris Lecture [en ligne]. http://www.centre-lecture.com/home/spip.php?article971, [consulté le 16 décembre 2007].

PONGE, Francis. Le parti pris des choses, précédé de « Douze petits écrits » suivi de « Proêmes », Paris, Poésie/Gallimard, 1984, 221 p.

PONGE, Francis. « Le soleil placé en abîme » dans Pièces, Paris, Poésie/Gallimard, 1993, 192 p.


[2] Francis Ponge. « Le soleil placé en abîme » dans Pièces, Paris, Poésie/Gallimard, 1993, p. 133.

[3] Francis Ponge. « Introduction au galet » dans « Proêmes », dans Le parti pris des choses, Paris, Poésie/Gallimard, 1984, p. 173.

[4] Francis Ponge. « Rhétorique » dans « Proêmes », dans Le parti pris des choses, P. 157.

[5] Claudette Oriol-Boyer. « Pour une didactique du Français Langue ET Littérature étrangères » dans Centre Paris Lecture [en ligne]. http://www.centre-lecture.com/home/spip.php?article971, [consulté le 16 décembre 2007].

[6] Claudette Oriol-Boyer. Idem.

[8] Roland Barthes. « L’ancienne rhétorique » dans L'aventure sémiologique, Paris, Éditions du Seuil, coll. Points Essais, 1991, p. 97.


 


---
© 2025, Université Laval
Ce texte est protégé par la loi sur les droits d'auteur. Il peut cependant être utilisé à des fins éducatives. Nous vous prions d'en indiquer la source lors d'une éventuelle utilisation.


À propos | Aide | Contactez-nous