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Le buveur de Lune

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Le buveur de Lune
TUNSTRÖM, Göran
Par Bruno Maranda


Nationalité de l'auteur : Autres
Genre : Roman
Courant : Autres
Siècle : 21e siècle
Groupe d'âge visé : Deuxième cycle secondaire
Auteur de la séquence : Bruno Maranda
Date du dépôt : Hiver 2008


 

 

 

 

JUSTIFICATION DE LA PERTINENCE DE L’OEUVRE CHOISIE

 

Le buveur de Lune est un roman aux limites de la biographie, du roman philosophique et du roman fantastique. On y rencontre Pétur, qui décide d'entamer l'écriture de la vie de son père. On entre donc dans le passé du fils pour découvrir la vie du paternel, mais aussi dans son imaginaire : il a été mis au monde par une mère sismique et un père qui boit du lait de lune, le ballon qui contenait l’âme de son père a été déclaré possession nationale par un ambassadeur de France et à la suite de la victoire au Scrabble du ministre de l’Économie, il se lance dans le surgelé de rat de mer. À travers les péripéties et les récits métatextuels s’entrechoquent constamment réel et imaginaire, et ce, par l’intermédiaire d’un langage poétique et de thèmes profonds, dont l’approche de la mort, la solitude et la fuite du temps. Tunström fait donc découvrir un univers parsemé de scintillements magiques, mais aussi le monde artistique : on retrouve des références à Boticelli, Wagner, René Char ainsi qu’à La jeune fille et la mort. Finalement, Le buveur de Lune est une ouverture à l’imaginaire et à la poésie, tout en ayant une touche d’humour et d’ironie.

 

 

 

SITUATIONS-PROBLEMES ET OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE

 

Le roman de Tunström est pertinent dans une démarche de résolution de problèmes littéraires dans la mesure où il présente des éléments complexes dont l’interprétation peut être multiple, entre autres la place qu’occupe l’imaginaire, l’entrecroisement des niveaux de récit et l’humour particulier. Compte tenu de la relative subtilité de compréhension du roman et de l’optique de coconstruction interprétative avec les élèves, cette séquence didactique s’avère plus particulièrement pertinente pour des jeunes de la fin du deuxième cycle du secondaire.

 

Cette séquence tente de résoudre les problèmes suivants :

 

- L’éclatement de la structure narrative par divers niveaux de récit, ainsi que certaines analepses et prolepses.

 

- L’interprétation des images créées par l’auteur et la compréhension de la place de l’imaginaire au sein du roman.

 

- Un humour qui repose sur des chaînes de causalité déroutantes et exagérées.

 

Elle vise également l’atteinte de ces objectifs d’apprentissage :

 

- Maîtriser le métalangage lié au statut du narrateur et aux niveaux narratifs dans le but de les appliquer au roman Le buveur de lune.

 

- Délimiter les éléments réels des éléments imaginaires au sein du récit de Pétur et en interpréter l’impact sur la compréhension du récit.

- Réaliser une chaîne de cause à effet à partir d’un extrait du récit et en faire ressortir les éléments ironiques.



LA SEQUENCE

 

 

AVANT LA LECTURE

 

 

Activité 1 – Première application des concepts

 

 

Le but de cette activité est de présenter aux élèves les concepts de narrateur homodiégétique et hétérodiégétique ainsi que les niveaux de récit, soit extradiégétique, intradiégétique et métadiégétique (pour les assises théoriques de ces concepts, consulter l’article Narratologie de Christian Angelet et Jan Herman). Après avoir présenté les concepts aux élèves, l’enseignant leur demande de les mettre en application avec un extrait des Mille et Une Nuits (première à VIe nuit). Tout d’abord, l’enseignant fait la première étape avec les élèves : un premier narrateur hétérodiégétique raconte l’histoire de Schéhérazade, qui constitue le récit premier, à un niveau extradiégétique. Les élèves, en équipes, retrouvent ensuite les changements de narrateur et de niveau de récit à partir de la première nuit en utilisant le métalangage approprié. En plénière, les réponses sont mises en commun et justifiées.

 

 

 

 

Activité 2 – Modélisation

 

 

Cette activité vise à donner un exemple aux élèves de la manière dont le roman devrait être lu pour en maximiser la compréhension. L’enseignant lit la première partie du roman à voix haute devant les élèves en expliquant les raisonnements qu’il effectue. Par exemple, il est important de souligner un passage clé de la première partie, qui donne un aperçu du style de l’auteur et introduit le récit :

 

Sur la lande, mes personnages errent dans des contextes bien différents de ceux que semble exiger un réalisme frustrant. Ici, ils surgissent aux limites du champ de vision, pour disparaître à peine je fixe sur eux mon regard. Leurs caractères oscillent, bref, je ne sais encore rien, car pour le moment la connaissance m’effraie, celle qui se referme sur l’individu, et l’abandonne comme un livre que l’on vient de terminer. (p. 12)

 

 

 

L’enseignant peut donner son interprétation du passage et lancer quelques pistes par rapport à l’histoire qui commence, soit celle de Pétur qui décide d’écrire le récit de son père, mais à travers un mélange entre réalité et imaginaire.

 

 

PENDANT LA LECTURE

 

 

Activité 3 – Cercles de lecture

 

Le but de cette activité est de permettre à l’élève de participer à un débat interprétatif portant sur une œuvre commune, de se distancier de sa lecture en passant de la participation à la formulation d’un jugement critique et de réagir à un texte littéraire en justifiant ses impressions de lecture. Tout d’abord, le roman est divisé en quatre parties afin que les élèves remplissent un carnet de bord à la fin de chacune d’elles. Ils devront y inscrire leurs impressions ainsi qu’un commentaire critique. L’enseignant peut diriger la réflexion en donnant des pistes, dont l’analyse des personnages ou des lieux, la critique d’un extrait en particulier, l’analyse des références intertextuelles ou l’explication des réflexions suscitées par les thèmes. Il ne s’agit pas ici de restreindre les productions des élèves, mais bien de leur donner un certain cadre afin d’éviter qu’ils ne se limitent à une appréciation générale et en surface. Après la lecture de chaque partie et l’écriture du commentaire critique, les élèves, en équipes de cinq, mettent en commun leurs appréciations et leurs analyses afin de constater les diverses interprétations possibles. En plénière, l’enseignant fait un retour sur les éléments qui ont été soulevés afin de résumer l’interprétation générale qui ressort de chacune des quatre divisions du roman, tout en apportant certaines pistes de réflexion et en répondant aux questions soulevées par les élèves.

 

 

APRÈS LA LECTURE

 

Activité 4 – Analyse de la structure narrative

 

Le but de cette activité est de faire un transfert des connaissances étudiées lors de la première activité tout en permettant aux élèves d’utiliser des outils narratologiques afin de mieux comprendre et interpréter l’œuvre à l’étude. Ils devront donc faire ressortir les divers niveaux de récit et analyser le statut du narrateur en utilisant le langage approprié. Le récit premier et le récit second devront être retracés (le récit premier étant celui de Pétur en train d’écrire la vie de son père et le récit second, celui de la vie du père), mais seulement deux métarécits devront être trouvés (l’œuvre en contient plusieurs, dont ceux du baptême de Pétur (pp. 45-49), de la naissance d’Halldór (pp. 57-62), de la rencontre entre l’oncle Thorsteinn et sa femme (pp. 133-136) et de la conception de Pétur (pp. 220-228)). Encore une fois, l’accent doit être porté sur les justifications des élèves: selon l’interprétation qu’ils font, il est possible que les narrateurs n’aient pas le même statut à l’intérieur des récits métadiégétiques ou que ces derniers soient perçus différemment. Il est donc plus intéressant de comparer les réponses des équipes que de tenter de formuler une réponse unique. À partir des contributions des élèves, il est ensuite possible de compiler les récits et de diriger en plénière une discussion sur l’impact que ceux-ci peuvent avoir sur la lecture du roman et interpréter leur fonction au sein de l’histoire.

 

 

Activité 5 – Travail sur un extrait

 

Cette activité vise à interpréter un extrait et à en faire ressortir un second niveau de lecture avec les élèves. En équipes de trois ou quatre élèves, ils confrontent leurs idées et tentent d’analyser le passage des pages 34 et 35. Après avoir laissé quelques minutes aux élèves pour qu’ils discutent de l’extrait, l’enseignant distribue un questionnaire (les réponses attendues ou les pistes de réponse sont en italique):

 

1) Pourquoi l’auteur met-il entre guillemets l’expression "être sur la Lune ?" Pour montrer que c’est le terme utilisé pour désigner un jeu imaginaire auquel Pétur et son père ont l’habitude de jouer.

 

2) Quel procédé linguistique l’auteur utilise-t-il pour accentuer l’effet de surprise de Pétur? La répétition de l’adverbe soudain.

 

3) Quels indices nous indiquent que les deux personnages sont réellement sur la Lune? Le père l’affirme, la présence d’astronautes en combinaison blanche, l’expression de Pétur (et c’était vrai), la description des créatures : le visage dissimulé derrière d’épais hublots de verre.

 

4) Qu’est-ce qu’un "musée de voix" et comment expliquez-vous que l’auteur utilise cette expression? C’est un magnétophone; parce qu’il décrit l’univers de fiction à travers les yeux d’un enfant.

 

5) Qu’est-ce qui fait comprendre au lecteur que les personnages ne sont pas réellement sur la Lune? Lorsque le père explique la situation : ce sont des Américains qui s’entraînent pour un voyage sur la Lune.

 

6) Quel effet la déclaration du père provoque-t-elle chez le lecteur? On se rend compte qu'on était dans l’imaginaire de Pétur, mais qu’il y avait une explication logique derrière la situation.

 

7) Qu’est-ce que Pétur veut dire lorsqu’il affirme que la vie n’est pas ce à quoi elle ressemble? Que parfois, nous interprétons la réalité à notre façon, ce qui peut créer des situations comme celle qu’a vécue Pétur.

 

 

 

 

 

 

En plénière, l’enseignant fait un retour sur les réponses des élèves et dirige la discussion vers le questionnement que pose l’extrait, à savoir si l’unique nature des choses n’est matérialisée que dans le récit qu’on en fait (p. 175), en faisant le lien avec la fin du roman.

 

 

Activité 6 – Analyse de l’humour par la causalité

 

Le but de cette activité est de permettre aux élèves de mieux comprendre l’humour utilisé par l’auteur et de se familiariser avec l’ironie. Tout d’abord, l’enseignant fait avec les élèves un premier exemple à partir du roman, en utilisant la relation entre Pétur et la fille de l’ambassadeur. L’enseignant retrace la suite de causalité ayant mené à une relation entre Pétur et Juliette. Après la construction de la chaîne de causalité, une discussion est menée par l’enseignant afin de faire ressortir les éléments ironiques et en quoi l’ironie devient un élément d’humour. Il est possible de constater que les événements prennent des tournures inattendues et souvent exagérées, par exemple lorsque Pétur perd son ballon et que cela entraîne un conflit politique international. Après ce travail en plénière, les élèves doivent retracer un événement qui suit cette même logique dans le roman. Plusieurs passages peuvent être retenus : la question que pose Pétur à son père concernant le raifort et le beurre fondu, qui mène au renversement du gouvernement (pp. 22-26); le récit du baptême de Pétur, qui fit de lui le plus grand problème théologique du monde (pp. 45-49); l’histoire de la fécondation et de la naissance d’Halldór, le père de Pétur (pp. 57-62); l’idée des vases Ming qui mène à l’exil de Pétur (pp. 110 à 124); le récit de la rencontre entre l’oncle Thorsteinn et sa femme (pp. 133-136); le récit de la conception de Pétur (pp. 220-228); l’origine du lait de lune (pp. 233-234).

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

- ANGELET, Christian et HERMAN, Jan, "Narratologie", dans DELACROIX Maurice et al., Introduction aux études littéraires : méthodes du texte, Gembloux, Duclot, 1990.


- Contes arabes, Les Mille et Une Nuits, Flammarion, Paris, 2004.


- FALARDEAU, Érick, "La place des lecteurs [dans les classes de littérature]", dans Québec français, no 135, automne 2004.


- LEBRUN, Marlène et COULET, Christine, "Favoriser un rapport critique à la lecture-écriture littéraire en constituant la classe comme une communauté active de lecteurs et d’auteurs", dans ENJEUX, nº 57, septembre 2003.


- TUNSTRÖM, Göran, Le buveur de lune, Actes du sud, Stockholm, 1997.


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