JUSTIFICATION DE LA PERTINENCE DE L’OEUVRE CHOISIE 

Cette séquence didactique est construite autour de Vie et mort du Roi Boiteux, une œuvre du dramaturge Jean-Pierre Ronfard. Elle s’adresse aux élèves du deuxième cycle du secondaire. Il est pertinent, à mon avis, de travailler cette pièce de théâtre, car elle est totalement différente des œuvres généralement étudiées au secondaire. Pourtant, Ronfard s’est inscrit dans la lignée des grands noms comme Tremblay, Dubé et Beaulieu. Le cycle du Roi Boiteux est original, absurde. Il saura, sans aucun doute, ouvrir l’esprit des élèves à un monde qui sort de l’ordinaire.

SITUATIONS-PROBLEMES 

Une lecture de premier plan est tout à fait faisable par les élèves. Par contre, il n’est pas garanti qu’ils saisiront toutes les subtilités de l’écriture de Ronfard. Pour arriver à permettre aux jeunes d’effectuer une lecture plus éclairée, il est nécessaire de résoudre les problèmes de lecture suivant :

• Amener les élèves à comprendre que derrière l’absurdité qu’ils retrouveront dans l’œuvre de Ronfard, il y a une intention parodique.
• Découvrir et comprendre les liens intertextuels ainsi que les référents historiques qui s’entremêlent dans la saga du Roi Boiteux.

LA SEQUENCE

AVANT LA LECTURE

Activité 1 – Présentation du théâtre expérimental et de Jean-Pierre Ronfard

Cette activité a comme objectif d’initier les élèves au théâtre expérimental pour leur permettre de ne pas se sentir désarmés lorsqu’ils entreprendront la lecture de Vie et mort du Roi Boiteux. Pour ce faire, les élèves visionnent la dernière scène de la pièce La naissance du Roi Boiteux telle qu’elle a été tournée lors de la représentation faite par le T.E.M.[1] en 1982. Suite à la présentation de cet extrait, l’enseignant amorce une discussion sur ce qui vient d’être visionné. Il oriente la discussion de façon à ce que les élèves fassent part de ce qu’ils ont compris de cet extrait, mais aussi de ce qui pose problème pour eux.

Il est également important que l’enseignant prenne le temps de décrire aux élèves les traits génériques du théâtre expérimental pour leur permettre de mieux s’inscrire dans le contexte de Vie et mort du Roi Boiteux. Ils comprendront, entre autres, que les auteurs de pièces expérimentales cherchent à provoquer le lecteur et à transgresser les règles du théâtre. Une brève présentation de Ronfard et de ses principales réalisations est souhaitée pour faire comprendre aux élèves que même s’ils n’ont probablement jamais entendu parler de lui, ce dernier a joué un rôle important sur la scène artistique québécoise.

Activité 2 – Activité d'anticipation

La deuxième activité a pour but de réaliser un travail d’anticipation de la pièce de la part des élèves, tout en mettant en application ce qu’ils ont appris lors de la première activité. Les jeunes doivent, dans un texte d’environ 300 mots, décrire, ce qui, selon eux, a pu se passer entre le début de la pièce et l’accouchement de l’enfant de Catherine Ragone, lors de la dernière scène de La naissance. Ils sont également tenus, dans cette même page, d’écrire un bref commentaire sur ce qu’ils entrevoient comme lecture future. Il ne faut pas oublier que les élèves, avec cette œuvre de Ronfard, peuvent être déconcertés. Cette discussion sert aux élèves à s’exprimer sur leurs espérances et leurs appréhensions face à la pièce.

PENDANT LA LECTURE 

Activité 3 – Une parodie de Richard III de Shakespeare

Pour faire prendre conscience aux élèves de tout le côté parodique de Vie et mort du Roi Boiteux, il est nécessaire de les faire travailler sur des extraits de Richard III[2] de Shakespeare. Cette pièce est la dernière d’une tétralogie racontant l’histoire du roi Henry VI. Dans cette dernière pièce, Shakespeare présente les complots de Richard III pour accéder au trône. Ils se rendront alors compte que Ronfard est allé puisé dans cette œuvre pour construire ses personnages et une grande partie de l’intrigue de Vie et mort du Roi Boiteux.

Les élèves sont d’abord invités à lire la scène 1 du premier acte de Richard III. Par la suite, ils doivent faire la lecture de la huitième scène de L’enfance du Roi Boiteux. À la suite de ces deux lectures, les élèves doivent répondre à des questions qui leur feront réaliser les liens existants entre le Richard présenté dans la pièce de théâtre de Ronfard et celui présenté dans celle de Shakespeare:

1. Quels sont le ou les buts de chacun des deux personnages et quel plan élaborent-ils pour y arriver?
2. Y a-t-il des ressemblances et des différences que vous pouvez déceler chez les deux personnages principaux?

Ensuite, les élèves se regroupent en petite équipe et confrontent les réponses qu’ils ont trouvées à celles de leurs pairs pour alimenter et valider leur réflexion.

Activité 4 – Intertextualité et niveaux de langue

Dans la même lignée que l’activité précédente, les élèves sont ici amenés à voir que Ronfard a beaucoup utilisé l’intertextualité pour créer Vie et mort du Roi Boiteux. Les élèves remarqueront certainement que de constants changements de niveau de langue sont utilisés par l’auteur. Les élèves ont déjà étudié un extrait de Shakespare; la présentation d’un extrait des Belles-Sœurs de Michel Tremblay[4] prend donc son sens puisque le langage utilisé, le joual, est utilisé dans la pièce.

Après avoir lu un extrait de l’œuvre de Tremblay, l’enseignant amorce une discussion avec les élèves sur les différences qu’ils ont vues entre l’écriture de Tremblay et de Shakespeare. Ils finissent par faire ressortir les différences entre les registres de langage utilisés par les deux auteurs. L’enseignant guide leur réflexion tout en faisant des liens avec l’écriture de Ronfard dans Vie et mort du Roi Boiteux. Les élèves comprennent donc que l’auteur de la pièce à l’étude voulait, avec les différents niveaux de langue, accentuer la rupture qu’il crée entre les deux familles rivales.

Après ces constatations, les élèves ont à inventer une scène dans laquelle il est possible de retrouver un personnage de chaque famille. Ils doivent, dans leur création, utiliser le même style d’écriture que Ronfard. Cette activité sert à vérifier si les élèves ont bien saisi tout le travail sur l’intertextualité qu’ils ont effectué à partir de Richard III et des Belles-Sœurs en lien avec l’œuvre à l’étude.

Activité 5 – Lecture subjective

Cette activité a pour but de permettre aux élèves de s’exprimer sur la lecture qu’ils font de l’œuvre de Ronfard. Les élèves sont, en premier lieu, amenés à relire le texte qu’ils ont composé pendant la deuxième activité de la séquence. Maintenant qu’ils sont conscients de la grande place qu’occupe l’intertextualité dans la pièce, les élèves sont en mesure d’évaluer le travail qu’ils avaient fait durant cette activité. Après cette relecture, l’enseignant interroge les jeunes sur les parties ou les personnages de La naissance du Roi Boiteux qui les ont marqués. Ils sont invités à échanger des commentaires sur leur vision des personnages, sur le rôle de ces derniers dans le cheminement de l’histoire.

Activité 6 – Référents historiques

Pour débuter, l’enseignant attribue à chacun des groupes un nombre précis de pages, afin de couvrir l’ensemble des deux premières pièces de Vie et mort du Roi Boiteux. Le travail qu’ils doivent réaliser consiste à faire ressortir tous les éléments qui peuvent d’une façon ou d’une autre se rattacher à un référent historique. Les élèves doivent mettre sur papier les références qu’ils auront trouvées grâce aux références Internet et papiers mises à leur disposition. Puis, ils doivent les décrire brièvement en expliquant à quelle œuvre elles renvoient, à quel moment dans l’histoire elles sont rattachées, etc. L’enseignant regroupe les différentes parties pour en faire un guide prêt à être consulté par les élèves.

APRES LA LECTURE 

Activité 7 – Interprétation théâtrale

Cette dernière activité a pour but d’aider les élèves à mieux s’approprier les pièces qu’ils viennent de lire. L’activité consiste à interpréter chaque semaine une des six pièces de Vie et mort du Roi Boiteux. Le prologue et l’épilogue, de très courte durée, peuvent être interprétés pendant le même cours qu’une des pièces.

Chaque élève se voit attribuer un personnage qu'il a la responsabilité d’interpréter en compagnie des autres élèves jouant un personnage de la même pièce. Ces représentations donnent la chance au groupe de s’approprier l’œuvre de Ronfard, de saisir certaines subtilités du genre théâtral ainsi que, par pur plaisir de connaitre toute la saga des familles Ragone et Roberge.

De plus, puisque les élèves n’ont que très peu souvent la chance de s’exprimer devant un groupe, il serait intéressant qu’une rétroaction soit effectuée, après la petite représentation, en guise d’évaluation formative. L’enseignant et les élèves spectateurs pourraient formuler des commentaires constructifs aux acteurs pour qu’ils soient en mesure de réajuster ou consolider certains comportements en vue d’une prochaine production orale.

[1] T.E.M signifie Théâtre expérimental de Montréal. Ce dernier a d’ailleurs été fondé par Ronfard en 1975.

[2] William SHAKESPEARE, Richard III, Roméo et Juliette, Hamlet, Montréal, Flammarion, 1979, 373 pages.

[4] Michel TREMBLAY, Les Belles-Sœurs, Cap-Saint-Ignace, Éditions Leméac, 1995, 151 pages.