JUSTIFICATION DE LA PERTINENCE DE L’OEUVRE CHOISIE
Cette séquence
didactique porte sur l’œuvre théâtrale Le visiteur d’Eric-Emmanuel
Schmitt et s’adresse aux élèves de quatrième et de cinquième secondaire. Puisque
le théâtre s’avère parfois un genre oublié dans les classes de français ou
méconnu par les élèves, il est pertinent de travailler sur une pièce d’un auteur dont la réputation
n’est plus à faire et qui s’adresse autant aux filles qu’aux garçons. Cette séquence s’inscrit dans une approche culturelle de
l’enseignement, puisqu’à travers la littérature, il s’avèrera
possible d’enrichir les connaissances historiques des jeunes concernant
l’époque de la Seconde
Guerre mondiale ainsi que de les sensibiliser aux diverses
religions. En plus, elle met en scène des personnages historiques ayant existé,
soit Sigmund et Anna Freud.
SITUATIONS-PROBLEMES
Pour amener les
jeunes à saisir l’essentiel de l’œuvre, la présente séquence visera à résoudre
les deux problèmes suivants :
1) Comprendre le
message social véhiculé dans la pièce, c’est-à-dire la dénonciation par Schmitt
de la persécution des juifs par les nazis;
2) Comprendre que
l’œuvre constitue une réflexion sur l’existence de Dieu en opposant la foi à la
raison.
AVANT LA LECTURE
Activité 1 – Questionnaire d'activation des connaissances
La première
activité vise à activer les connaissances que les élèves possèdent sur le
sujet du texte et ainsi leur faire prendre conscience qu’ils ne sont pas
dépourvus de repères. Elle portera sur des « concepts clés ou sur des
informations essentielles du texte à lire » et
permettra aux jeunes de se familiariser avec le contexte historique de la Seconde Guerre
mondiale. L’enseignant remet d’abord un questionnaire aux élèves et ils y
répondent individuellement.
Questionnaire :
1)
Qui était Sigmund Freud? Un psychologue qui a
eu recours à l’hypnose, le père de la théorie psychanalytique, etc.
2) Qu’est-ce
qu’un athée? Une personne qui nie l’existence de Dieu, des divinités.
3) Qui
était Hitler? Un homme politique allemand, chef d’un État dictatorial fondé
sur l’élimination des opposants et le racisme pendant la Seconde Guerre
mondiale, etc.
4) Qu’est-ce
qu’un juif? Une personne qui adhère à la religion judaïque (judaïsme), qui ne croit pas
que le fils de Dieu soit venu, qui attend toujours sa venue.
5) Selon
vous, pourquoi les juifs ont-ils été persécutés? Ils ne correspondaient
pas à la race aryenne, à cause de leur religion, en raison du racisme.
6) Qu’est-ce
qu’un nazi? Une personne qui appartient à un mouvement nationaliste et raciste (certains ont persécuté les juifs).
7) Qu’est-ce
que la Gestapo? La police politique sous le régime d’Hitler; les agents de la Gestapo arrêtaient les
juifs, etc.
8) Selon vous, qui sera le visiteur dont nous
parle le titre? Un membre éloigné de la famille du personnage principal,
un malfaiteur, un bandit, un policier, etc.
Lorsque les
élèves ont terminé, une mise en commun des réponses et des connaissances
s’effectue sous forme de discussion et l’enseignant complète les informations
manquantes, s’il y en a. Il s’assure alors que les élèves possèdent tous les
éléments nécessaires pour commencer la lecture.
Activité 2 – À la découverte du théâtre
Cette activité a
pour objectif de familiariser les élèves avec le genre théâtral et de voir
quelques-unes de ses spécificités puisqu’il s’avère possible que certains
jeunes n’aient jamais abordé le théâtre en classe. Il faut donc réaliser cette
activité avant la lecture. Elle consiste d’abord en une discussion entre les
élèves et l’enseignant, dans laquelle il essaie de savoir ce que connaissent
les jeunes à propos du théâtre. Puis, pour les amener à comprendre la structure
d’une pièce, l’enseignant établit des comparaisons avec le genre romanesque. Au
cours de la discussion, les élèves doivent remplir un bref aide-mémoire fourni
par l’enseignant, contenant les connaissances littéraires à maitriser pour effectuer
une lecture adéquate de l’œuvre. En cas de problème, ils pourront s’y référer.
Les mots en caractère gras et souligné correspondent aux éléments à remplir.
Aide-mémoire sur le théâtre
- Tout comme le roman, le théâtre a un univers qui
comporte les éléments suivants : des personnages, une époque,
des lieux et des thèmes.
- Comparativement au roman qui comporte des
chapitres, les pièces de théâtre comprennent des actes et
des scènes. Les actes
correspondent aux grandes séquences de l’histoire et les scènes
constituent les subdivisions des actes.
- Dans une pièce de théâtre, l’auteur peut manifester
sa présence à travers les didascalies et les répliques
des personnages.
- Les didascalies représentent les parties du texte
qui renseignent sur les lieux, les gestes et
les attitudes des personnages.
Par la suite, pour
bien guider les élèves et rendre l’apprentissage plus significatif, la lecture
de la première scène s’effectue à haute voix. Puis,
l’enseignant mentionne aux élèves que le reste de l’œuvre se lira
individuellement et il fixe une date à laquelle ils doivent être rendus à la
sixième scène.
PENDANT LA LECTURE
Activité
3 – Lecture du dossier « Le racisme, au cœur du nazisme »
Cette activité a
pour objectif d’aider les élèves à voir la dénonciation sociale de la
persécution des juifs par les nazis et de développer leur culture historique. Elle
se réalise après la lecture des cinq premières scènes, ce qui permet à
l’enseignant de vérifier si les jeunes comprennent la pièce jusqu’à maintenant.
Pour commencer l’activité, il remet le dossier « Le racisme, au cœur du
nazisme »
et sélectionne les textes les plus pertinents, soit « Un antisémitisme
ancien et diffus », « L’infamie raciale » et « La doctrine
nazie ». En groupe de trois, les élèves ont chacun un texte à lire et
doivent trouver les éléments importants pour ensuite en faire part aux autres
membres de l’équipe. Exemple d’une possible discussion :
Élève 1 :
dans « Un antisémitisme ancien et diffus », on apprend qu’il y a de
l’hostilité envers les juifs, des actes de violence. Ils sont vus comme des
profiteurs ou des communistes dangereux. On colle des affiches haineuses à leur
sujet.
Élève 2 : dans « L’infamie raciale », on montre
qu’on persécutait les femmes juives en disant des propos malsains.
Élève 3 : « La doctrine nazie » est un discours d’Hitler. Il dit
qu’il doit y avoir un peuple unique, de même sang, avec la même langue.
Lorsque le travail coopératif est terminé, l’enseignant
leur demande d’établir des liens entre le dossier et l’œuvre de Schmitt, ce qui
les fait cheminer vers la compréhension de la critique sociale. Exemples de
réponses attendues :
Tout comme dans les textes, on
tient des propos méchants envers les juifs, ils sont rabaissés et considérés
inférieurs, on les bat à cause de leur race, leurs droits sont brimés, ils sont
maltraités.
Activité 4 – anticipation et écriture
Pour préparer
les élèves à la lecture de la deuxième partie de l’œuvre et les faire cheminer dans
la découverte de la critique sociale, une activité d’anticipation est proposée.
Ils pourront alors « établir des liens entre leurs connaissances et le
texte »
et donc réfléchir à l’histoire de la persécution des juifs. L’activité commence
par la lecture de trois extraits tirés de la pièce :
-
Page 133 : Anna.
Non, il n’y a pas de nazis viennois […] il faudrait
inventer un nouveau terme pour l’immonde!
-
Page 165 : Le
nazi (rire gras). Pourquoi? […] Freud
(très choqué). Pardon?
-
Page 188 : L’Inconnu
(doucement). On vous chasse, docteur Freud? […] se laver
le cul avec ce que l’on hait?
L’enseignant propose ensuite aux élèves d’écrire un court
texte d’environ 50-75 mots dans lequel ils émettent des hypothèses sur ce qui
pourrait être arrivé à Anna depuis qu’elle a été emmenée par la Gestapo. Il lit le
début de la page 168 avec eux :
L’inconnu.
Il ment au sujet d’Anna. On ne l’interroge pas.
Freud
(immédiatement inquiet). Anna! Que lui fait-on?
Exemples de réponses :
certains écriront qu’Anna se fait maltraiter, car elle est
juive, qu’on l’insulte en lui disant qu’elle ne vaut rien, qu’elle pue, qu’on
menace de la tuer, de l’intoxiquer. D’autres, ayant effectué une lecture
plus efficace, répondront qu’Anna se fait insulter, mais finit
par revenir saine et sauve, car son père décide de signer le visa de sortie,
etc.
Lorsque les productions sont terminées, les élèves lisent leur
texte à leurs pairs. En entendant des obscénités et des propos malveillants
envers les juifs, ils prennent mieux conscience de la façon dont les juifs ont
été persécutés et que cela constitue la critique sociale que Schmitt inclut dans Le
visiteur. Après la lecture complète
de l’œuvre, l’enseignant revient sur les prédictions de ses élèves. Ils auront
alors constaté qu’Anna, contrairement aux autres juifs, échappe aux camps de
concentration et s’en sort saine et sauve, car son père a décidé de signer le
visa de sortie.
APRES LA LECTURE
Activité 5 – Réflexion sur la foi en Dieu
L’objectif est
de montrer aux élèves que par l’entremise des personnages de Freud et de
l’Inconnu, Schmitt présente une réflexion sur l’existence de Dieu. L’activité
se réalisera après la lecture de l’œuvre pour approfondir un aspect important
de celle-ci, soit le doute de Freud à propos de l’existence de Dieu. Il s’agit
d’un élément clé pour saisir l’essence du texte. Elle prend la forme d’une
discussion en plénière menée par l’enseignant, dans laquelle il vérifie leur
degré de compréhension.
Il pose les deux questions suivantes :
1) Comment qualifierez-vous la foi en Dieu de
Freud ? Exemples
de réponses des élèves : 1- Elle n’est pas forte, car
lorsqu’on a vraiment la foi, on n’a pas besoin de voir un miracle. 2- Freud n’est pas croyant puisqu’il
veut des preuves, ce qui relève de la raison. 3- Sa foi est ambigüe, il a envie de croire, car l’Inconnu connait
tout de sa vie, mais il essaie de raisonner et se dit que si Dieu existait, il
arrêterait le mal.
2) Selon vous, qu’est-ce qui peut expliquer que Freud se refuse à croire
en l’existence de Dieu? Exemples de réponses des élèves : 1- Freud ne croit pas, car Dieu ne fait rien
pour éviter que les juifs soient maltraités. 2- Il se refuse à croire,
car le monde est rempli de souffrance et d’actes de violence. Si Dieu existait, la vie serait meilleure. 3- Freud a de la difficulté à croire,
car lorsque sa fille voit l’Inconnu, Freud réalise qu’elle le connait. Il se
demande alors si c’est véritablement Dieu qui s’est incarné dans un corps ou
bien s’il s’agit d’un simple mortel. 4-
Il ne veut pas croire, car cela embrouille l’esprit.
Les élèves comprennent alors qu’à travers la réflexion de Freud sur
l’existence de Dieu, Schmitt véhicule
son message social. Le discours de Freud
montre effectivement qu’il ne veut pas croire en Dieu, car les juifs sont
persécutés, ce qui est critiqué par Schmitt.
Activité 6 – écriture d’un extrait de théâtre
L’activité finale
constitue une tâche d’écriture créative visant à développer la compétence
scripturale des élèves tout en intégrant les apprentissages faits au cours de
la séquence. Les élèves sont invités à produire un pastiche sous forme d’un
extrait théâtral en poursuivant la dernière scène de la pièce (scène 17, p.
216), et ce, en équipe de deux. Dans leur production, ils devront réinvestir
les connaissances apprises sur le théâtre (didascalies, actes, scènes…) et
reprendre les thèmes abordés (critique sociale et réflexion sur l’existence de
Dieu). Il s’agit là d’un
« exercice susceptible de vérifier ou de consolider les acquis en matière
de lecture et d’écriture ». Les élèves peuvent se servir de tout le matériel utilisé au cours de la
séquence pour rédiger.
Consigne : Rédigez une dix-huitième scène d’environ
250-350 mots en imaginant ce qui pourrait arriver après le départ de l’Inconnu.
Écrivez sous la plume d’Eric-Emmanuel Schmitt en respectant son style
d’écriture. À l’intérieur de votre extrait théâtral, respectez les thèmes
abordés au cours de la séquence. N’oubliez pas d’utiliser l’organisation
textuelle propre au théâtre.
Possibles propositions des élèves : 1- faire intervenir un nouveau personnage qui discute avec Freud, par
exemple le diable. 2- En quittant
Vienne, Freud et Anna sont témoins de l’arrestation brutale d’un couple par la Gestapo. 3- Freud fait un monologue dans lequel
il réfléchit à tout ce qui vient de se passer. 4- Anna et Freud discutent ensemble et il la convainc que Dieu
n’est qu’une invention pour les esprits faibles, etc.
BIBLIOGRAPHIE
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