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Scènes d'enfants

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Scènes d'enfants
CHAURETTE, Normand
Par Julie Gignac


Nationalité de l'auteur : Québécoise
Genre : Roman
Courant : Postmodernité
Siècle : 20e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Julie Gignac
Date du dépôt : Automne 2008


 

Présentation et justification de l’œuvre

Cette séquence didactique a été conçue pour des étudiants de niveau collégial et, plus particulièrement, pour ceux qui suivent le troisième cours de français, soit "Littérature québécoise". Elle porte sur Scènes d’enfants[1], de Normand Chaurette. Cette œuvre québécoise est peu connue. Voici donc un bref résumé. Mark Wilbraham est un dramaturge dont la femme s’est suicidée. Son suicide résulte de sa folie. Mark a également perdu sa fille lors d’un procès qui l’opposait à ses beaux-parents. Ceux-ci ont obtenu la garde de la fillette. Afin de comprendre les causes de la folie de sa femme et de récupérer sa fille, Mark écrit une pièce de théâtre dont l’unique représentation aura lieu dans la demeure de ses beaux-parents. Ces derniers joueront leur propre rôle à leur insu. Mark engage deux comédiennes, Betty Kossmut et Gila Rogalska. Le roman raconte donc « les préparatifs de cette représentation unique à venir [2] ». Cette œuvre exemplifie bien le postmodernisme en littérature québécoise. En effet, elle possède plusieurs caractéristiques communes aux œuvres postmodernes dont la métatextualité, l’écriture fragmentée, l’hybridation générique et la remise en question des genres littéraires.

 

Identification des problèmes à résoudre et des objectifs d’apprentissage

Chaurette emploie, dans Scènes d’enfants, certains procédés littéraires, notamment associés au postmodernisme, pour véhiculer une réflexion sur le théâtre contemporain et sur l’acte d’écriture qui précède la représentation théâtrale. Donc, l’un des problèmes que pose l’œuvre est que celle-ci est à la fois fiction et critique de la fiction. Cette problématique se subdivise en deux, car elle s’observe autant dans le contenu que dans la forme de l’œuvre. Les étudiants devront réfléchir à la fonction de la quête de la vérité par la fiction de Mark Wilbraham et sur celle de l’hybridation générique dans le roman. La séquence vise à atteindre cinq objectifs d’apprentissage :

 

- familiariser les étudiants avec le postmodernisme ;

- leur faire comprendre la notion de métatextualité ;

- les amener à prendre conscience du processus de création ;

- développer leurs capacités à comprendre et à interpréter une œuvre littéraire ;

- améliorer leur expression orale et écrite.

 

La séquence didactique

 

Activité 1 (avant) : le contexte sociohistorique et culturel

L’enseignant interroge les étudiants sur le contexte sociohistorique et culturel de la deuxième moitié du XXe siècle au Québec. Il réactive ainsi leurs connaissances antérieures. Les étudiants forment, ensuite, cinq équipes. L’enseignant assigne un sujet à chacune d’elles. Les étudiants doivent effectuer une recherche, supervisée par l’enseignant, à la bibliothèque. Chaque sujet comporte une ou deux questions, car les étudiants ne sont pas nécessairement familiers avec ce dernier :

 

1 – Le contexte sociohistorique : Quels sont les événements marquants au Québec en ce qui concerne la politique et l’économie dans la décennie 1980 ? Quels effets produisent-ils sur les Québécois ?

2 – La littérature québécoise : Quels sont les grands noms de la littérature québécoise entre 1970-1990 ? Quelles sont les principales caractéristiques littéraires de leurs œuvres ?

3-  La dramaturgie québécoise : En quoi la dramaturgie des années 1980 est-elle différente de celle des années 1960-1970 ?

4- Normand Chaurette : Écrivez une courte biographie de Normand Chaurette et décrivez son parcours littéraire.

5- Le postmodernisme : Qu’est-ce que le postmodernisme ? Quelles sont les principales caractéristiques de ce mouvement ?

 

À la suite de leur recherche, les étudiants présentent à la classe leurs réponses. L’enseignant effectue un retour en grand groupe afin d’inciter les étudiants à établir des liens entre les différents sujets. Par exemple, il amène les étudiants à constater l’influence du contexte sociohistorique sur la littérature et le caractère postmoderne des œuvres de Chaurette. De surcroît, la quatrième question amène les étudiants à constater que Chaurette est davantage un dramaturge qu'un écrivain, car, jusqu'en 1988, il n'a écrit que des pièces de théâtre. Scènes d'enfants est son premier roman. Cela permet aux étudiants de comprendre pourquoi son roman véhicule une réflexion sur le théâtre. Les connaissances acquises durant cette activité introduisent progressivement les étudiants dans la situation-problème. Elles constituent, en fait, les notions de base qui leur permettront de résoudre le problème.

 

Activité 2 (avant) : le postmodernisme

L’enseignant s’assure, dans cette activité, de la compréhension du postmodernisme par les étudiants. Comme amorce, il présente aux étudiants des photos représentatives de l’architecture postmoderne. Les références à l’architecture montrent aux étudiants que des mouvements artistiques semblables caractérisent différents arts à une même époque. Les étudiants forment, ensuite, des équipes de trois ou de quatre. D’ailleurs, pour les prochaines activités, les étudiants conserveront ces équipes. L’enseignant leur remet deux extraits d’œuvres québécoises postmodernes, soit un passage de Panique à Longueuil, de René-Daniel Dubois, et l’un de Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer, de Dany Laferrière. Les étudiants analysent les deux extraits selon la question suivante : cet extrait appartient-il à une œuvre postmoderne ? Ils doivent justifier leurs réponses en se référant aux textes. L’analyse des extraits leur permet de développer leurs capacités à interpréter une œuvre littéraire tout en les initiant aux diverses formes que peut revêtir le postmodernisme dans la littérature québécoise.

 

Activité 3 (avant) : la quête de la vérité par la fiction

L’enseignant lit avec les étudiants le début de Scènes d’enfants, soit les pages neuf à vingt. Il est important d’amener les étudiants à « intérioriser la situation de départ [3] » en leur fournissant certaines pistes de réflexion avant leur lecture. L’extrait lu en classe présente les principaux personnages du roman et met en place des éléments importants de l’histoire. L’enseignant attire l’attention des étudiants sur ces éléments sans, toutefois, trop élaborer. Lors de cette lecture, il explique aux étudiants les principales composantes du genre romanesque. En équipe, les étudiants rédigent une description du narrateur à partir des données fournies par l’extrait. Cet atelier d’écriture vise à familiariser les étudiants avec le personnage principal du roman. Lorsque leur rédaction est terminée, les équipes comparent leur description afin de vérifier si celle-ci est complète. Ensuite, les étudiants remplissent, de façon individuelle, une fiche de lecture. Celle-ci les accompagnera tout au long de leur lecture afin de faciliter leur compréhension de l’oeuvre :

 

1- Qui est le narrateur ? Justifiez votre réponse.

2- Quel est son nom ? Quelle profession exerce-t-il ?

3- Décrivez la situation initiale du narrateur.

4- Quels sont ses buts ?

5- Comment compte-t-il les atteindre ?

6- Quels obstacles rencontre-t-il ?

7- Décrivez le comportement des deux actrices.

8- Quelles sont les principales actions de l’histoire ?

9- Comment se termine le récit ?

10- Selon vous, pourquoi Chaurette a-t-il choisi cette fin ?

 

Dans le cadre de cette activité, les étudiants répondent aux cinq premières questions et l’enseignant leur donne, ensuite, une rétroaction sur la justesse et la pertinence de leurs réponses. Celles-ci doivent mener les étudiants à définir la quête du narrateur, soit une quête de la vérité par la fiction. La question deux, elle, permet d’établir un lien intéressant entre le statut du narrateur et celui de Chaurette. L’enseignant discute avec les étudiants de l’autoreprésentation de l’auteur dans les œuvres postmodernes.

 

Activité 4 (pendant) : la quête comme prétexte à la critique de la fiction

L’enseignant, lors d’un exposé magistral, explique aux étudiants les composantes et les fonctions du schéma actantiel et du schéma narratif. Les étudiants doivent, ensuite, créer deux immenses schémas qu’ils affichent sur les murs de la classe. L’un représente le schéma actantiel de l’œuvre et l’autre, son schéma narratif. Au fil de leur lecture, les étudiants ajoutent les différentes informations requises. La fiche de lecture aide les étudiants à cibler les éléments importants dans le texte. Cette activité les amène à décortiquer le texte, à le manipuler, ce qui favorise leur compréhension de l’œuvre de Chaurette. Lorsque les schémas sont complétés, l’enseignant demande aux étudiants de les comparer. Les étudiants constatent alors que la quête du narrateur est quasi absente dans le schéma narratif. La comparaison des schémas démontre l’importance du théâtre dans le roman et même sa primauté sur la quête de Wilbraham. Ainsi, les étudiants comprennent que la quête de la vérité par la fiction constitue un prétexte pour amener une réflexion sur cette fiction. Les schémas servent donc d’outils de compréhension et d’interprétation.

 

Activité 5 (pendant) : le discours métatextuel

Cette activité vise principalement l’acquisition du concept de métatextualité par les étudiants. Dans cette perspective, elle tend aussi à faire comprendre aux étudiants l’effet produit par l’écriture fragmentée. En équipe, les étudiants analysent un extrait de Scènes d’enfants. La moitié de la classe travaille sur les pages quarante à quarante-neuf et l’autre moitié, sur les pages soixante-deux à soixante et onze. Ces deux passages de l’œuvre se caractérisent par l’alternance du récit et des extraits de la pièce de théâtre de Wilbraham. L’analyse des étudiants se fonde sur les questions suivantes :

 

1- Quels sont les sujets abordés par les personnages dans les fragments « récits » ?

2-  Selon vous, quelle est la fonction des fragments « récits » dans l’œuvre ?

3- Les fragments de la pièce de théâtre du narrateur sont-ils différents les uns des autres ? Si oui, en quoi le sont-ils ?

4- Pourquoi, selon vous, sont-ils présents dans le récit ?

5- La quête du narrateur apparaît-elle dans cet extrait ? Justifiez votre réponse.

 

À la suite de leur analyse, les étudiants forment de nouvelles équipes composées d’au moins un étudiant ayant travaillé sur l’autre extrait afin qu’ils puissent échanger le fruit de leur travail. L’enseignant effectue un retour en grand groupe. Les étudiants doivent arriver à la conclusion que le récit est subordonné à la pièce de théâtre du narrateur et, plus précisément, à son processus de création. L’enseignant explique le concept de métatextualité aux étudiants. Il exemplifie son propos par d’autres extraits du roman. Il entame également une discussion avec les étudiants sur les difficultés rencontrées par Wilbraham tout au long de son processus de création. Il interroge, entre autres, les étudiants sur les critiques effectuées par les deux actrices, Betty Kossmut et Gila Rogalska. Il peut élargir son propos et discuter des conditions de production au Québec afin d’amener les étudiants à se familiariser avec le champ littéraire.

 

Activité 6 (après) : la signification de la fin de l’œuvre

La fin de Scènes d’enfants risque de susciter plusieurs réactions chez les étudiants, car elle s’ouvre sur la représentation théâtrale et, ainsi, laisse les lecteurs dans le doute quant au véritable dénouement du récit. Dans cette perspective, les étudiants doivent écrire une réflexion sur la signification de la fin de l’œuvre à partir de la citation suivante : « Si le théâtre avait besoin de se libérer du texte à une certain époque, aujourd’hui, dans certains milieux théâtraux, la situation semble devenue pratiquement opposée[4]. » L’enseignant interroge ensuite les étudiants sur leur réflexion. La discussion a comme but d’établir que la quête du narrateur est inachevée, car elle n’est qu’un prétexte pour présenter le processus de création de la pièce de théâtre. Elle doit également amener les étudiants à comprendre que le récit se termine sur le début de la représentation théâtrale afin de souligner l’importance de l’acte d’écriture qui précède la représentation. Les étudiants prennent ici conscience de l’ampleur du discours métatextuel dans l’œuvre de Chaurette. L’enseignant montre l’importance de ce procédé dans les œuvres québécoises postmodernes en présentant des extraits d’Agonie de Jacques Brault.

 

Activité 7 (après) : l’hybridation générique

Les étudiants, en équipe, comparent un extrait de La honte d’Annie Ernaux avec un passage d’Un simple soldat de Marcel Dubé. Ils doivent compléter un tableau des divergences existantes entre le genre romanesque et celui dramatique. L’enseignant donne une rétroaction en grand groupe et détermine avec les étudiants les spécificités de chaque genre. Les étudiants procèdent à une deuxième comparaison, mais, cette fois-ci, entre l’extrait d’Un simple soldat et la pièce de théâtre incluse dans Scènes d’enfants. Les étudiants constatent alors que la pièce de théâtre de Wilbraham n’est pas conventionnelle, car les répliques des personnages ne sont pas identifiées, les didascalies sont narrées et la pièce est écrite au passé simple. L’enseignant relit avec les étudiants les pages soixante-quatorze à soixante-seize, où Betty Kossmut s’interroge sur le caractère théâtral de la pièce de Wilbraham. Cet extrait démontre aux étudiants que Chaurette cherche intentionnellement à remettre en question les frontières génériques et la tradition théâtrale en incluant une pièce de théâtre dans un roman et en lui accordant des caractéristiques romanesques. À la suite de cette constatation, l’enseignant interroge avec les étudiants le paratexte. La page couverture énonce que l’œuvre est un roman, tandis que la page de présentation à l’intérieur du livre indique que l’œuvre est un récit. L’enseignant discute avec les étudiants du rôle de l’éditeur et de l’auteur dans l’inscription du genre. Il établit également certaines distinctions entre le roman et le récit.

 

Activité 8 (après) : le réinvestissement des connaissances acquises

Les étudiants, en équipe de cinq ou de six, écrivent une courte pièce de théâtre où la fiction est un prétexte pour véhiculer une réflexion critique sur le roman québécois postmoderne. Ils doivent reprendre les procédés de Chaurette, soit l’écriture fragmentée, l’hybridation générique et le discours métatextuel. Les étudiants, pour résoudre le problème, doivent le reproduire. Donc, tout comme le pastiche, cette activité d’écriture créative possède une valeur formative, car « [elle] est un exercice susceptible de vérifier ou de consolider les acquis en matière de lecture et d’écriture [5] ». Ensuite, les étudiants interprètent en classe leur création. Ils justifient leurs choix à leurs pairs et à l’enseignant à la suite de leur représentation théâtrale. Cette partie de l’activité leur permet d’expliquer leur processus de création. En effet, les étudiants ont dû réfléchir comme des auteurs lors de l’écriture de leur pièce et cela les a sûrement amenés à rencontrer des difficultés semblables aux leurs. En s’appropriant le processus de création, ils en comprennent davantage les enjeux. Cette activité vérifie donc l’atteinte des cinq objectifs poursuivis par l’enseignant.

 

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Bibliographie de la séquence didactique

CHAURETTE, Normand, Scènes d’enfants, Montréal, Leméac (Roman), 150 p.

DUPONT, Caroline, « Interprétation et quête de la vérité par la fiction : Scènes d’enfants  de Normand Chaurette », dans Voix et images, vol. 27, no 81.3 (printemps 2002), p. 540-557.

FALARDEAU, Éric, « Quelle place pour les lecteurs dans nos classes de littérature ? », dans Québec français, no 135 (automne 2004), p. 38-41.

FALARDEAU, Éric, « Exploiter l’interactivité d’Internet avec les enseignants en formation dans la production de séquences didactiques », dans Recherches, no 44 (2006), p. 1-19.

LAROCHELLE, Josée, « Constructivisme et socioconstructivisme », dans L’éclairage socioconstructiviste pour l’apprentissage de la littérature au collégial assisté par une technologie de réseau, examen de doctorat soutenu en juin 2006 à l’Université Laval, p. 13-24.

LEGROS, George, « Quelle place pour la didactique de la littérature ? », dans Didactique du français. État d’une discipline, Paris Nathan, 1995, p. 33-45.

NONNON, Élisabeth, « Fonction de l’aide et du questionnement de l’enseignant dans la lecture et la compréhension de textes », dans Recherches, no 17 (1992), p. 97-132.

PERRENOUD, Philippe, Dix nouvelles compétences pour enseigner, Paris, ESF (pédagogies/outils), 1999, 188 p.

PETITJEAN, André, « Pastiche et parodie : enjeux théoriques et pédagogiques », dans Pratiques, no 42 (1984), p. 3-33.

RIENDAU, Pascal, La cohérence fautive. L’hybridité textuelle dans l’œuvre de Normand Chaurette, Montréal, Nuit blanche éditeur (Études), 1997, 163 p.

ROMANO, Guy, « Comment favoriser le développement des habiletés de pensée chez les élèves ? », dans Pédagogie collégiale, vol. 6, no 1 (1992), p. 17-21.

RYNGAERT, Jean-Pierre, « Scènes d’enfants, un roman sur l’art du théâtre », dans Voix et images, vol. 25, no 75.3 (printemps 2000), p. 449-461.

SIMARD, Claude, « Le choix des textes littéraires, une question idéologique », dans Québec français, no 100 (hiver 1996), p. 44-47.



[1] Normand Chaurette, Scènes d’enfants, Montréal, Leméac (Roman), 1988, 150 p.

[2] Caroline Dupont, « Interprétation et quête de la vérité par la fiction : Scènes d’enfants de Normand Chaurette », dans Voix et images, vol. 27, no 81.3 (printemps 2002), p. 545.

[3] Élisabeth Nonnon, « Fonction de l’aide et du questionnement de l’enseignant dans la lecture et la compréhension de textes », dans Recherches, no 17 (1992), p. 110.

[4] Pascal Riendeau, La cohérence fautive. L’hybridité textuelle dans l’œuvre de Normand Chaurette, Montréal, Nuit blanche éditeur (Études), 1997, p. 130.

[5] André Petitjean, « Pastiche et parodie : enjeux théoriques et pédagogiques », dans Pratiques, no 42 (1984), p. 6.


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