CHOIX DE L’ŒUVRE
Notre choix de l’œuvre, Les Belles-Sœurs de Michel Tremblay, ne s’est pas fait aléatoirement. Le caractère comique de l’œuvre, notre amour pour cet auteur et les thèmes qui y sont traités sont des éléments qui ont beaucoup influencé notre choix. De plus, cette pièce de théâtre a été écrite au XXe siècle. En fait, nous ne voulions pas faire lire aux élèves une œuvre d’un siècle antérieur parce que nous voulons qu’ils soient capables de retrouver des modes de vie et des modes de pensées propres à la société dans laquelle ils vivent. D’ailleurs, Michel Tremblay est un auteur réputé pour sa capacité à traduire avec justesse les mœurs québécoises. Il est donc tout à fait indiqué de proposer ses œuvres à des apprentis lecteurs québécois. Nous avons choisi une pièce de théâtre parce que nous trouvons que c’est un bon prétexte pour leur faire découvrir ce genre : « Le genre théâtral est méconnu de la plupart des étudiants comme de la population en général. Si les gens ne fréquentent pas assidûment les salles, ils ne prennent guère plus le temps de lire des œuvres.1 » Enfin, nous avons arrêté notre choix sur cette pièce de théâtre de Michel Tremblay, car nous croyons que c’est une œuvre que les jeunes aimeront : « L’œuvre de Tremblay est un véritable chef-d’œuvre, troublant, bouleversant, profondément humain.2 » Le théâtre est sans aucun doute un genre qui touchera les élèves.
PROLÈMES DE LECTURE
Concrètement, le problème principal de lecture que nous avons ciblé avant de construire la séquence qui suit est de l’ordre de l’interprétation textuelle. En fait, nous voulons que les élèves découvrent et comprennent la quête du personnage principal, c’est-à-dire la liberté. Nous les accompagnerons donc dans leur démarche avant, pendant et après leur lecture. Nous avons aussi ciblé trois autres problèmes de lecture, soit le joual, le grand nombre de personnages et les didascalies. Par contre, nous qualifions plutôt ceux-ci de sous-problèmes au problème principal : trouver et comprendre la quête. Le joual est un registre de langue qui sous-entend une réalité spécifique des personnages. Son emploi doit être élucidé puisqu’il peut aider à mieux comprendre la quête. De même, le fait qu’il y ait beaucoup de personnages dans la pièce de Tremblay peut entraîner une incompréhension de celle-ci. Peu importe le type de lecteur qui lit cette œuvre, il est recommandé de faire le lien entre les personnages en prenant des notes. C’est ce que nous avons l’intention de faire pratiquer à nos apprentis lecteurs. Enfin, nous classons aussi la lecture des didascalies comme étant un sous-problème à la lecture de la pièce parce qu’une mauvaise compréhension des didascalies pourrait aussi causer une incompréhension de la pièce. Leur utilité doit être justifiée pour qu’ils ne se butent pas à celles-ci chaque fois qu’ils en rencontrent.
SÉQUENCE DIDACTIQUE
Avant la lecture
Présentation de l’auteur : Michel Tremblay
Nous commençons par interroger les élèves sur ce qu’ils connaissent de l’auteur de la pièce de théâtre Les Belles-Sœurs, qu’ils auront à lire ultérieurement. Cela se fait sous forme de questionnement de la part de l’enseignant à l’ensemble de la classe. Cette méthode fait ressortir ce que les élèves savent au sujet de Michel Tremblay et permet à l’enseignant de sélectionner les informations qu’il doit ajouter afin de compléter le portrait de Tremblay. Cette étape permet alors au lecteur de se créer un horizon d’attente avant d’entrer dans l’aventure de la lecture de l’œuvre.
Présentation de l’œuvre intégrale : Les Belles-sœurs de Michel Tremblay
La présentation de l’œuvre se fait de la même façon que celle de l’auteur. L’enseignant interroge une fois de plus les élèves de manière interactive pour ensuite ajouter des informations manquantes aux connaissances des jeunes : l’année au cours de laquelle se déroule la pièce, par exemple, les idées qui y sont véhiculées, les réalités sociales qui étaient présentes à cette époque. De plus, il est absolument nécessaire de préciser la signification de ce qu’est un timbre-prime aux élèves, vu l'ampleur de son importance dans la pièce. Enfin, la clarification de ces connaissances facilite la compréhension de la pièce.
Le joual comme registre de langue
L’enseignant peut par exemple lire les deux premières pages de l’œuvre des Belles-Sœurs aux élèves et leur en faire lire quelques lignes. Cela a pour but de faire réaliser aux élèves qu’il est difficile de lire ce type de langage. Aussi, il est très important de les amener à saisir la raison pour laquelle l’auteur a décidé d’employer le joual comme registre de langue. Une activité peut consister à faire traduire par les élèves, individuellement, en langage neutre, un extrait puisé dans la pièce Les Belles-Sœurs. Ensuite, l’enseignant fait lire quelques traductions d’élèves. Le but de cette activité est de leur faire prendre conscience, sous forme de questionnement et d’explication, que le choix de ce registre, par Michel Tremblay, n’est pas arbitraire. Finalement, l’enseignant devra divulguer à ses élèves le problème de lecture : trouver la quête du personnage principal.
Les didascalies
En quatrième secondaire, c’est la première fois que les élèves étudient une pièce de théâtre, il est donc primordial de les familiariser avec les didascalies avant la lecture. Le but de l’activité est d’amener les élèves à comprendre l’utilité des didascalies dans un texte dramatique. Cette activité consistera donc à lire un extrait ciblé du texte, sans lire les didascalies, et ensuite, à faire une lecture avec celles-ci. Par la suite, l’enseignant interroge les élèves, afin qu’ils comprennent la fonction des didascalies dans un texte dramatique et surtout, pour qu’ils comprennent qu’il y aurait une incohérence si elles étaient absentes.
Rappel théorique : Schéma actantiel et thème
Avant de laisser aller les élèves dans leur lecture, il est nécessaire de faire un bref rappel à propos de deux concepts importants avec lesquels ils auront à travailler tout au long de leur lecture : le schéma actantiel, et le thème.
La quête
Avant de commencer la lecture, l’enseignant doit définir ce qu’est la quête avec les élèves. Pour ce faire, il demande à certains élèves s’ils poursuivent un but dans la vie ou s’ils ont des rêves. Donner aux élèves un extrait de la pièce contenant un indice peut aussi les aider à découvrir la quête. Ainsi, avec cet indice, il est facile pour l’enseignant de leur faire remarquer qu’une quête peut avoir un premier degré, c’est-à-dire un besoin matériel, mais cette quête de premier degré cache une quête de second degré.
(Un journal de lecture leur est fourni à ce moment-ci. Il contient toutes les explications nécessaires à la réalisation du travail pendant la lecture.)
Pendant la lecture :
Étant donné le grand nombre de personnages, nous avons d’abord l’intention de faire compléter aux élèves un tableau à l’intérieur duquel ils doivent lister les noms des personnages ainsi que leurs caractéristiques respectives. Pendant la lecture, les élèves doivent également déterminer les principaux thèmes qui sont véhiculés dans la pièce de théâtre et les inscrire dans un tableau réservé à cet effet. De cette façon, les élèves auront davantage de facilité à cibler la quête de la protagoniste de même qu’à réaliser leur exercice d’écriture qui suivra la lecture. Les élèves doivent aussi compléter le schéma actantiel (complètement vierge) de cette pièce de théâtre, afin de déterminer plus aisément la quête de Germaine (le personnage principal). D’ailleurs, pour les aider à construire leur réflexion, nous leur donnons quelques questions auxquelles ils doivent répondre. Ces questions ciblent certains éléments qui contribuent ou nuisent à la quête, ce qui facilite leur recherche de la quête de deuxième niveau.
(Nous laissons une période d’une semaine aux élèves afin qu’ils puissent lire l’œuvre et qu’ils puissent compléter leur journal de lecture. Nous croyons que ce temps est amplement suffisant, étant donné que la pièce ne comporte que quatre-vingt-dix pages.)
Après la lecture :
À la suite de la lecture de la pièce, les élèves mettent en commun, en équipe, les différentes informations qu’ils ont trouvées. De cette manière, les élèves peuvent comparer leurs réponses pour déterminer la véritable quête de Germaine et aussi échanger leurs impressions sur la pièce. Ensuite, les informations recueillies sont partagées avec l’enseignant et ceci se fait sous forme de plénière. Un porte-parole de chaque équipe présente la réponse à laquelle ils sont arrivés quant à la quête de Germaine. L’enseignant prend en note les différentes quêtes des élèves au tableau et une réflexion plus pointue est par la suite prise en charge par l’enseignant, par l’entremise d’une discussion et d’un questionnement. Cet approfondissement servira à l’activité de réinvestissement.
Comme activité de réinvestissement, nous proposons une activité d’écriture étant donné que les élèves n’écrivent pas suffisamment. Ce travail se fait de façon individuelle. Concrètement, les élèves doivent continuer une réplique d’un personnage, dans un registre familier, dans le but d’en faire un monologue. Ils doivent approfondir et mettre en évidence la quête de liberté d’un seul personnage, autre que le personnage principal (Germaine).
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1 Christian Beaucage, « Le théâtre : un genre ingrat de la littérature? », dans Québec français, 1994, no 93, p. 82.
2 Jeanine Hiester, « La structure classique des Belles-Sœurs de Michel Tremblay », dans Incidences, vol. 6, nos 1-2, janvier-août 1982, p. 59.