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La moustache

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
La moustache
CARRÈRE, Emmanuel
Par Guillaume Joyal-Tremblay


Nationalité de l'auteur : Française
Genre : Roman
Courant : Postmodernité
Siècle : 20e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Guillaume Joyal-Tremblay
Date du dépôt : Hiver 2009


 

Justification de la pertinence de l’œuvre choisie

 

Le roman La moustache[1] semble d’abord résulter d’une intention réaliste pour décrire une situation presque burlesque, voire absurde. Cependant, au cours de la lecture, les évènements s’additionnent pour composer un récit de plus en plus insaisissable penchant vers le fantastique. Pourquoi donc étudier un texte aussi flou? Justement parce que La moustache est un roman contemporain qui pose plusieurs problèmes de lecture puisque sa structure narrative provoque une impossibilité de saisir entièrement les rouages de l’histoire. Par ailleurs, c’est un roman dont le niveau de langue est abordable, mais dont la compréhension, si compréhension il y a, est ardue. Ce texte suppose donc une acceptation de l’incertitude dans la mesure où on ne peut définir une seule interprétation. D’autre part, ce roman est l’un des rares à avoir été transposé au cinéma par l’auteur lui-même qui en a profité pour transformer son récit et notamment la fin, ce qui implique une réinterprétation de l’histoire, et ce, dix-neuf ans plus tard.

 

Situation-problème et objectif d’apprentissage

 

Par quels procédés l’auteur du roman La moustache nous fait-il vivre l’histoire de son personnage et quelles sont les conséquences de ses choix? D’autre part, en quoi les procédés liés à la transposition cinématographiques et les changements narratifs impliquent-ils une relecture de l’œuvre? Pour répondre à ces questions, les étudiants devront reconnaitre l’importance du traitement des thèmes par le biais de l’objectivité, de la subjectivité, de la focalisation et de la narration. Par ailleurs, les apprenants devront également savoir distinguer le réalisme du fantastique et élaborer un plan de rédaction propre à l’écriture d’une dissertation comparative portant sur la différence entre le roman et son adaptation cinématographique.

 

LA SÉQUENCE

 

AVANT LA LECTURE

 

Activité 1 - Présentation de l’auteur et premier contact avec l’œuvre

 

Avant que les apprenants abordent le roman d’Emmanuel Carrère, il sera nécessaire que l’enseignant présente brièvement cet auteur contemporain en décrivant succinctement quelques-unes de ses œuvres. Par la suite, en groupe de quatre, les étudiants se verront attribuer une image de la page couverture d’une des éditions de La moustache et ils devront écrire une quatrième de couverture s’inspirant de ces images qui ont parfois une charge émotive fort différente les unes des autres. De cette façon, la notion de paratexte[2] et son influence sur l’interprétation sera abordée, ce qui permettra de constater que l’œuvre de Carrère peut être présentée différemment même s’il s’agit du même texte qui se retrouve dans le livre. Puis, ils liront la véritable quatrième de couverture de l’édition 2005 qui présente le roman sous forme d’un appel au lecteur et ils analyseront l’impact de cette présentation sur le lecteur. Finalement, au terme de cette activité, les étudiants liront les huit premières pages de l’œuvre pour se familiariser avec elle et, surtout, avec son personnage principal afin d'en cerner quelques caractéristiques, notamment l'absence de nom et ses doutes constants. 

 

PENDANT LA LECTURE

 

 

Activité 2 - Distinguer l’objectivité de la subjectivité dans une œuvre romanesque et cinématographique

 

Pour commencer cette activité, deux extraits de film seront utilisés: d’abord, un court-métrage intitulé Allée 12[3], disponible sur le site de Radio-Québec, puis le début du film Tous les matins du monde[4], tiré de l’œuvre du même nom de Pascal Quignard[5]. Après la projection du premier film, les étudiants comprendront aisément que Allée 12 est présenté du point de vue d’un personnage subjectif puisqu’il y a un narrateur dont la voix hors-champ explique ce qu’il voit, ce qu’il ressent et pourquoi. Dans Tous les matins du monde, la voix hors-champ du personnage principal, Marin Marais, expose plutôt les faits de son passé sans les juger. Cette différence subtile démontrera qu’il est presque impossible d’user d’objectivité totale lorsqu’un personnage prend la parole, mais que la subjectivité peut être graduée. Puis, les étudiants compareront le dernier extrait visionné avec son pendant littéraire pour en percevoir les changements attribuables à la transposition cinématographique et ils percevront davantage l’objectivité de l’œuvre originale. Cela dit, une discussion en petits groupe se déroulera pour imaginer la forme littéraire que pourrait prendre Allée 12 dans une éventuelle adaptation romanesque et l’idée d’un narrateur homodiégétique utilisant le «je» pour s’exprimer devrait probablement ressurgir.

 

Activité 3 - Techniques narratives et focalisation

 

Cette activité consistera d’abord à analyser quelques extraits de Exercices de style[6] de Raymond Queneau afin que les étudiants saisissent la focalisation en utilisant un plan de la scène du métro élaborée par Queneau et en dessinant le point de vue du narrateur dans les textes. Par la suite, le caractère hétéro ou homodiégétique du narrateur ainsi que le style libre indirect seront également explicités par l’analyse et la comparaison d’extraits de Exercices de style. Après cette première partie, la comparaison de la construction narrative du poème Le corbeau d’Edgar Allan Poe et d’un extrait de La moustache servira à distinguer la présence d’un je-personnage dans le poème fantastique de celle d’un narrateur hétérodiégétique en focalisation interne racontant une histoire en style libre indirect dans le roman de Carrère. Ensuite, à l’aide d’un extrait de La moustache, les effets du style indirect libre sur le lecteur seront explicités et les étudiants seront amenés à comprendre que ce narrateur s’apparente en fait à un je-personnage. Finalement, en équipe, les étudiants réécriront Le corbeau en transformant le narrateur homodiégétique en focalisation interne utilisant le discours direct en un narrateur hétérodiégétique en focalisation interne racontant une histoire en style libre indirect. Cette activité permettra de saisir la vision qui nous est présentée dans La moustache et qui se réduit aux seules connaissances du personnage.

 

Activité 4 - Le réalisme et le fantastique

 

Reprenant le court-métrage Allée 12, les étudiants maintenant familiarisés avec cette œuvre devront définir son statut : réaliste ou fantastique? Ils devront donc s’expliquer entre eux la place de la subjectivité dans l’histoire pour finalement comprendre que l’histoire fantastique imaginée par le personnage se déroule en fait dans un cadre tout à fait réaliste présenté par la caméra et soutenu par la réflexion finale du personnage. Le même travail d’analyse devra à nouveau être effectué, mais cette fois-ci avec le poème fantastique Le corbeau d’Edgar Allan Poe[7]. Ils réaliseront alors que le fantastique découle d’une hésitation entre le réalisme et le surnaturel et qu’il prend forme dans l’atmosphère qui enrobe l’histoire. À cette étape, les étudiants reviendront sur le début de La moustache pour bien cerner le caractère réaliste, voire banal, des premiers chapitres.

 

APRÈS LA LECTURE

 

Activité 5 - Plénière et mise en relief des thèmes

 

Après avoir donné leurs impressions sur l’œuvre, les étudiants seront amenés à s’exprimer sur la nature de l’œuvre et sur les raisons qui les poussent à une telle catégorisation. Certains éléments marquants seront soulevés, notamment la fin et sa grande violence ainsi que le développement de certaines informations qui se contredisent tout au long du roman[8]. Ces éléments d’incertitude, incertitude vécue autant par le personnage que les lecteurs, serviront à faire ressortir les thèmes de l’œuvre de Carrère, soit principalement l’identité et le rapport au monde[9], tout en  analysant leur traitement littéraire. À la suite de cette discussion, les étudiants seront invités à réinvestir leurs connaissances et à mettre en action leur créativité en répondant, en équipe toujours, à la question :

 

Si vous étiez le réalisateur du film, comment le réaliseriez-vous et pourquoi?

 

Activité 6 - Retour sur le film et sur les changements imposés à l’œuvre

 

En équipe, les étudiants reviendront sur le film qu'ils auront visionné à la maison, sur ce qu’ils auront noté de différent par rapport au roman et sur les conséquences de ces choix d’auteur. Ils devront, entre autres se questionner sur la transformation de la scène finale qui donne au personnage principal un aspect psychologique plus positif grâce à son acceptation des faits plutôt qu'à sa fuite dans la mort. Puis, ils rédigeront le plan de rédaction de leur dissertation qui répondra à la question :

 

En quoi la transposition cinématographique implique-t-elle une relecture de l’œuvre d’Emmanuel Carrère? Expliquez votre réponse en vous servant des notions vues en classe.

 

Cette question nécessitera évidemment une comparaison entre les deux manifestations artistiques de La moustache et elle obligera les étudiants à mettre en application leurs connaissances et les effets qu’ont ces notions sur le lecteur/spectateur. Cela dit, pour soutenir ou enrichir leur réflexion, ils pourront reprendre les arguments avancés lors de l’activité précédente.

 

 

 


[1] Emmanuel Carrère, La moustache, Paris, P.O.L., 1986, 186 p.

[2] Gérard Genette, Seuils, Paris, Édition du Seuil (Poétique), 1987, 389 p.

[3] Jean’Philippe Bouddreault et Anh  Minh Truong, Allée 12, film réalisé dans le cadre de l’émission Fais ça court diffusée sur les ondes de téléquébec le 29 avril 2007

[en ligne] http://faiscacourt.telequebec.tv/courtsmetrages.aspx?Sorting=date&IdSaison=1&IdFilm=1 [Site consulté le 15 avril 2009]

[4] Alain Corneau, Tous les matins du monde, 1991, 114  min.

[5] Pascal Quignard, Tous les matins du monde, Paris, Gallimard (Folio), 1991, 117 p.

[6] Raymond Queneau, Exercices de style, Paris, Gallimard (Folio plus), 1995, 215 pages.

[7] Edgar Allan Poe, Le corbeau, Paris, Séguier, 1994, 99 p.

[8] On peut noter comme exemple parmi tant d’autre le statut familial du personnage principal dont le père laisse d’abord un message sur le répondeur (p.91) avant d’être déclaré mort un an plus tôt par Agnès (p.104)  et dont le protagoniste ignore désormais le lieu de résidence où il a pourtant vécu son enfance (p.118-120).

[9] Guillaume Bardet et Dominic Caron, Étude sur Emmanuel Carrère, La moustache, Paris, Ellipses (Résonnances, 2007), 128 p.


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