Justification du texte choisi

Le texte choisi pour cette séquence didactique est Nikolski[1], de Nicolas Dickner. Celle-ci s’insère dans le cours de littérature québécoise au collégial (ensemble 3) et constitue la dernière œuvre intégrale à étudier au programme. D’une part, cette œuvre est intéressante à lire, car elle est susceptible de rejoindre les étudiants par les thèmes qu’elle aborde : la famille, l’amour, le voyage, la recherche d’identité, etc. De plus, les personnages du récit ont approximativement le même âge que les étudiants du collégial et vivent des événements similaires à eux. La société représentée dans le récit correspond à celle dans laquelle évoluent les étudiants, c’est-à-dire la société québécoise de la fin du XX^e et le début du XXI^e siècle, période caractérisée par l’accroissement du multiculturalisme et par la mondialisation. La représentation du monde dans le récit peut donc piquer la curiosité des étudiants. D’autre part, Nikolski a remporté le Prix littéraire des collégiens en 2006, ce qui montre bien l’intérêt que suscite le récit auprès de cette clientèle.

Problèmes à résoudre

Les destins parallèles et les personnages atypiques seront les deux problèmes qui devront être résolus au terme de cette séquence. D’abord, l’enchevêtrement des trois trames narratives risque de susciter de l’incompréhension chez les étudiants. Or, cette difficulté doit être surmontée afin que les étudiants perçoivent les signes rassembleurs du texte, car ceux-ci permettent de comprendre la représentation des destins parallèles à travers les trois récits. Ensuite, les personnages du récit peuvent aussi poser problème lors de la lecture. En effet, les étudiants adhèreront-ils aux activités des personnages et à leur parcours de vie somme toute peu banals? Il s’avère donc nécessaire de les étudier afin d’avoir une meilleure compréhension de l’ensemble de l’œuvre. La principale compétence à atteindre pour le cours de l’ensemble 3 est d’ « apprécier des œuvres de la littérature québécoise ». Les objectifs d’apprentissage spécifiques sont les suivants :

1. Amener les étudiants à réfléchir sur la société et le monde actuels;
2. Amener les étudiants à percevoir la représentation du monde exprimée dans le récit;
3. Permettre aux étudiants de développer leur sens critique;
4. Faire connaître des caractéristiques du contexte sociohistorique de la fin du XX^e et du début du XXI^e siècle aux étudiants;
5. Développer le plaisir de la lecture chez les étudiants.

LA SÉQUENCE

AVANT LA LECTURE

Activité 1 - L’objet-livre, le récit et l’horizon d’attente

Le professeur aborde le livre en tant qu’objet en questionnant les étudiants, par exemple, sur la maison d’édition Alto, la signification du titre et les trois poissons présentés sur la page couverture. La quatrième de couverture permet aussi au professeur de recueillir les préconceptions des étudiants, car elle mentionne un « enchevêtrement de récits et d’images ». Cette entrée en matière permettra d’aborder brièvement la notion d’horizon d’attente avec les étudiants. Le professeur aborde aussi le succès de l’œuvre ainsi que les prix littéraires remportés.

Activité 2 - Lecture en classe, présentation d’un problème et narration

Le professeur lit des extraits[2] des trois premiers chapitres de Nikolski en classe. Ces passages permettent de présenter les trois personnages principaux aux étudiants (le narrateur, Noah et Joyce). Le professeur explique l’enchevêtrement des récits aux étudiants. Cette activité a pour objectif de donner le goût aux étudiants de poursuivre la lecture de l’œuvre. Le professeur vérifie aussi les connaissances antérieures des étudiants en ce qui a trait à la narration en posant des questions telles que : « Qu’est-ce qu’un narrateur? », car un des personnages principaux du récit n’a pas de nom et semble connaître les histoires des autres personnages.

Activité 3 - Cahier de lecture : chasse aux indices, personnages et interrogations

Dans les deux premiers chapitres, un indice est présenté qui donne le ton au reste du récit : le narrateur et Noah ont le même père, Jonas Doucet. Le professeur attire l’attention des étudiants sur ce point de contact entre les histoires et leur présente une chasse aux indices. Il leur mentionne qu’il y a au moins 10 éléments qui lient les histoires. Les étudiants devront produire un cahier de lecture dans lequel ils résumeront chaque chapitre et inscriront les indices trouvés. Ils devront aussi rassembler les informations sur les personnages et les interrogations suscitées pendant la lecture dans leur cahier. Cette activité se déploie tout au long de la lecture.

Activité 4 - retour sur les lectures et discussion

Les étudiants se placent en petites équipes de 3 ou 4 et comparent ce qu’ils ont noté dans leur cahier de lecture, pendant environ 5 minutes. De retour en grand groupe, le porte-parole de chaque équipe mentionne les éléments retenus, que le professeur inscrit au tableau. Cette activité permet de remettre de l’ordre dans les histoires, d’établir des liens entre elles et de résoudre les interrogations soulevées par les étudiants. Le professeur attire l’attention des étudiants sur des éléments des chapitres lus pouvant leur être inconnus. Par exemple, la question « Est-ce un hasard si les personnages déménagent tous dans le quartier de la Petite-Italie à Montréal? » pourrait être posée. Cela situe, par le fait même, l’œuvre dans son contexte sociohistorique.

Activité 5 - Réflexion sur les personnages

À l’aide d’un questionnaire divisé en deux parties, le professeur amène les étudiants à réfléchir sur les personnages dans Nikolski. Dans la première partie, les étudiants répondent individuellement à des questions telles que : « Que ressentez-vous pour les personnages, principaux ou secondaires, dans Nikolski? ». Les questions ont pour but « d’arrimer la nécessaire prise de distance de l’analyse […] aux expériences interprétatives fondatrices de textes singuliers[3] ». La deuxième partie du questionnaire s’effectue en petites équipes de 3 ou 4 étudiants, afin que ceux-ci puissent confronter leur point de vue. Une des questions posées pourrait être, par exemple, « Croyez-vous à ces personnages (à leur vie, à leur parcours)? ». Le professeur fait ensuite un retour en grand groupe sur les réponses des étudiants. Cette activité a pour but d’amener les étudiants à percevoir l’effet de réel produit par l’écriture de l’auteur et de développer leur sens critique. Le professeur interroge ensuite les étudiants sur leurs réactions pendant la lecture (ont-il été surpris, déçus, frustrés?). Cela permet d’amener les étudiants à comprendre que l’excentricité des personnages et la narration créent un sentiment de complicité entre le narrateur et le lecteur, ce qui explique les réactions pouvant être provoquées lors de la lecture. Cette activité participe à développer le plaisir de la lecture, en les amenant à comprendre les effets de l’écriture sur le lecteur.

Activité 6 - L’éducation d’une fée et schéma actanciel

Le professeur demande aux étudiants de lire, en classe, des extraits[4] de L’éducation d’une fée de Didier Van Cauwelaert. Le professeur comble les vides en résumant aux étudiants ce qui se passe entre les extraits. Par la suite, le professeur fait le schéma actanciel du personnage de Nicolas Rockel dans L’éducation d’une fée avec les étudiants. L’activité permettra aux étudiants d’identifier la quête du personnage, ses alliés et ses ennemis et servira à des fins de comparaison avec Nikolski.

APRÈS LA LECTURE

Activité 7 - Schéma actanciel et questionnaire comparatif

Le professeur forme des groupes d’experts et demande aux étudiants de produire le schéma actanciel des trois personnages principaux de Nikolski. Ils peuvent utiliser leur cahier de lecture pour faciliter le repérage de l’information. Les porte-parole des équipes doivent venir présenter au tableau le schéma de leur personnage. Cette activité a pour but de mettre en évidence les différentes représentations des destins des personnages dans les textes (destins interreliés / destins parallèles) Le professeur distribue ensuite un questionnaire aux étudiants, afin de les amener à comparer les schémas et à les interpréter.

Activité 8 - Structure narrative

Le professeur demande aux étudiants de faire le schéma narratif de chacune des histoires présentées dans Nikolski. Cette activité leur permettra de percevoir, à travers les péripéties des personnages, ce qui les réunit et l’excentricité de leur parcours de vie, de leurs activités et de leurs intérêts. Cela permettra également de dégager les thèmes propres à chacun des personnages. Enfin, cette activité permet aux étudiants de bien voir le découpage entre les histoires, malgré l’enchevêtrement des récits.

Activité 9 - Tableau synthèse (évaluation formative)

En équipe de deux, les étudiants utilisent leurs cahiers de lecture afin de rassembler dans un tableau ce qui caractérise les trois histoires du récit (personnages, lieux) et les éléments communs (points de contact) qui parcourent celles-ci. Cette activité sera évaluée de façon formative par le professeur, car elle fait la synthèse de tout ce que les étudiants auront appris depuis le début de la séquence. Le professeur recueillera les tableaux et les annotera afin d’indiquer aux étudiants les améliorations à apporter à leur travail. Cette activité permet de représenter « schématiquement » les destins parallèles (les trois histoires) et les caractéristiques hors du commun des personnages.

 Activité 10 - Table ronde - portée de l’œuvre

Afin d’amener les étudiants à percevoir l’unité de l’œuvre au-delà de sa déconstruction, le professeur divise la classe en 4 groupes d’étudiants et leur donne des questions à préparer en vue d’une table ronde. Celle-ci est divisée en deux parties. Les questions à préparer portent sur des aspects précis de la lecture et de l’œuvre, par exemple : « Pensez-vous que nous aurions pu lire les histoires de chaque personnage de façon linéaire? Expliquez. ». Ces questions sont des pistes qui permettront aux étudiants d’expliquer comment se présentent les destins parallèles dans le récit de Dickner et quelle représentation du réel s’en dégage, notamment par les personnages atypiques. Cette activité a pour but d’amener les étudiants à percevoir la représentation du monde exprimée dans l’œuvre, de réfléchir sur la société et le monde actuels et de développer leur esprit critique.  Cette activité permet de saisir le message porté par l’œuvre et de rassembler des éléments qui pourront être utilisés dans la dissertation finale (évaluation sommative). La deuxième partie de la table ronde vise à revenir sur les premières impressions des étudiants par rapport à l’œuvre et sur leur appréciation de celle-ci.

Activité 11 - Dissertation critique (évaluation sommative)

L’évaluation sommative consistera en une dissertation critique de 900 mots qui comptera pour 40 % de la session. La consigne de ce travail sera la suivante : « Est-il juste d’affirmer que le récit Nikolski de Nicolas Dickner est insolite? Appuyez votre argumentation sur l’analyse des personnages (leurs parcours, leurs caractéristiques, leur quête, leur vision du monde, etc.) et la forme du récit ». Cette dissertation permettra d’évaluer la compréhension des étudiants en ce qui a trait aux personnages atypiques et à la représentation des destins parallèles dans le récit.

[1] Nicolas Dickner, Nikolski, Alto (collection Coda), Québec, 2007, 208 p.

[2] « Anomalie magnétique », p. 11 à 13, « Granpa », p. 27-28 et « Tête-à-la-Baleine », p. 51.

[3] Gérard Langlade, « Sortir du formalisme, accueillir les lecteurs réels », art. cit., p. 91.

[4] Chapitres 1 à 4 et 16 à 21.