Justification de la pertinence du texte choisi

L'étude de la poésie contemporaine permettra aux étudiants de constater que la littérature est en constante évolution, en plus d’accroître leur culture générale. De plus, le recueil contient plusieurs thèmes (l’amour, la guerre, le quotidien, l’imaginaire, l’art, etc.) susceptibles de toucher les étudiants étant donné leur caractère intemporel. Ainsi, ils seront en mesure, grâce à la critique sociale contenue dans Paroles, de poser un regard engagé sur le monde. Aussi, la façon qu’a Prévert d’expliquer les choses, par le recours à de nombreux jeux de mots, met entre autres l’accent sur l’importance de la langue, ce qui permettra aux étudiants de s’initier au plaisir de la sonorité des mots et de leur signification. Finalement, puisque la simplicité de sa poésie ne demande pas une analyse détaillée afin d’en saisir tout le sens, icela facilite lecture d'un recueil intégral  pour  un cours de formation générale.

Identification du problème à résoudre

La présente séquence didactique vise à répondre à ces objectifs : lors de la lecture d’un poème de Prévert, l’étudiant devra être capable de repérer les images poétiques, de les expliquer et de les illustrer à l’aide d’images concrètes afin d’en dégager le sens profond. Le problème demeure assez large pour ne pas limiter l’enseignant à des cadres théoriques précis et pour amener les apprenants à explorer différentes sphères du genre poétique. Puisque le problème apparaît comme complexe, sa résolution aura pour conséquence de stimuler les étudiants dans leur réflexion vis-à-vis du contenu et  de la forme de l’œuvre. Ainsi,  la séquence leur permettra d’apprivoiser le genre poétique pour finalement les rendre compétents dans l’analyse de poèmes de Jacques Prévert. Pour y arriver, des objectifs précis seront associés à chacune des activités : démystifier la poésie, situer l’œuvre dans son contexte socio-historique, développer l’esprit d’analyse, s’initier au langage poétique, être à même d’accomplir une lecture plurielle d’un poème et développer la créativité.

LA SÉQUENCE

AVANT LA LECTURE

Activité 1 - Initiation à l’écriture poétique

La séquence débute avec un atelier d’écriture poétique par le biais de jeux ludiques.

Le premier jeu consiste à demander aux étudiants de réaliser un pastiche d’un poème d’Eugène Guillevic. L’enseignant débute par un exemple devant les étudiants et fait la lecture à voix haute d’un poème de l’auteur. Ensuite, il projette le texte sur un diaporama dans lequel certains mots-clés ont été enlevés. Pour l’apprenant, l’exercice consiste à remplacer les blancs par des mots de son choix pour réaliser le pastiche.

Le deuxième jeu vise à familiariser les étudiants avec l’écriture automatique, propre au courant surréaliste auquel on rattache le plus souvent Jacques Prévert. Le professeur pige une dizaine de mots et les étudiants doivent écrire une phrase, spontanément, pour chacun d’eux. Ils doivent ensuite jouer avec leur dix vers pour arriver à une sélection de quatre vers qui suggèrent un thème, une expression ou une pensée.

Ces deux activités de création permettent l’expérimentation de l’écriture poétique à l’aide de déclencheurs ce qui contribue à démystifier la poésie étant donné que chacun a réussi à réaliser un poème, et ce, peu importe le résultat.

Activité 2 - Mise en contexte de l’œuvre par le biais de l’art pictural

L’enseignant commence par un bref cours magistral portant sur l’évolution de la poésie en parlant du passage du réalisme à la modernité. Afin de faire le pont entre le courant réaliste et le courant surréaliste, il présente deux toiles d’artistes : Le pape innocent X, de Diego Velasquez, qui représente le portrait de l’homme de façon réaliste, et Étude d’après le portrait du pape innocent X par Velasquez, de Françis Bacon, qui reprend le même portrait, mais avec une véritable destruction des traits. En demandant aux étudiants leurs observations, l’enseignant arrive à établir des liens avec les caractéristiques des deux courants poétiques, Velasquez étant associé au réalisme, puisqu’il nous impose un sujet, et Bacon au surréalisme, puisqu’il suggère l’émotion du peintre par ses lignes irrégulières et irréalistes. De cette façon, les étudiants pourront transposer l’abstraction des courants poétiques par le biais d’une image concrète qu’est l’art pictural.

Activité 3 - Contexte socio-historique de l’œuvre

La compréhension du contexte socio-historique de l’œuvre est très importante afin d’en dégager toute la richesse et d'en saisir tout le sens. Comme le recueil fût publié au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, l’enseignant distribue un document dans lequel on retrouve quelques textes qui rendent compte, entre autres, d’une introduction quant aux causes et aux conséquences de la guerre ainsi que des caractéristiques des différents mouvements littéraires d’après-guerre (l’absurde, l’existentialisme, le surréalisme). À la suite de leur lecture, les étudiants auront à compléter une ligne du temps pour schématiser les éléments importants du contexte socio-historique, ce qui les amènera, par conséquent, à synthétiser la matière.

PENDANT LA LECTURE

Activité 4 - La grille de repérage

Dans le cadre de cette activité, les étudiants doivent répondre à une grille de repérage de 20 poèmes de leur choix pour les encourager à parcourir le recueil. Ils devront faire par eux-mêmes une sélection de poèmes qui traitent de certains thèmes, dont la guerre, l’amour, la liberté, le quotidien, etc., afin de les conscientiser à la critique sociale exprimée dans Paroles. À l’aide d’une grille de repérage, les étudiants écrivent d’abord le titre du poème, ils identifient le ou les thème(s), ils donnent une ou des citation(s) qui illustre(nt) le thème et, finalement, ils doivent identifier le procédé stylistique (jeux de mots). N.B. Les étudiants ont déjà suivi un cours sur les procédés stylistiques dans le cadre de cette séquence. Cette grille de repérage est importante dans le processus du travail d’analyse puisque de cette façon, l’étudiant a parcouru le recueil, il a lu au moins 20 poèmes en profondeur, il a identifié les thèmes et les procédés importants. En exemple, l’enseignant  commence par l’écoute du poème « Pour faire le portrait d’un oiseau » en chanson suivie d’une analyse en grand groupe orientée par des questions précises : De quoi parle le poème? Que pensez-vous de la fin? Qu’est-ce que Prévert veut suggérer par ce vers?, etc. Subséquemment, les étudiants lisent, tous ensemble à voix haute, « Je suis allé au marché ». Le choix de ces poèmes n’est pas anodin. De fait, les deux ont pour thème l’amour, mais dans le cas de « Pour faire le portrait d’un oiseau », il s’agit d’un amour libre, tandis que « Je suis allé au marché » rend compte d’un amour possessif. Ainsi, ils pourront prendre conscience qu’un même thème peut être traité de différentes façons.

APRÈS LA LECTURE

Activité 5 - Exposé oral sur un poème de Jacques Prévert

Dans la présente séquence didactique, les étudiants ont à réaliser une analyse d’un poème de Jacques Prévert qu’ils devront présenter lors d’un exposé oral, en équipe de deux, comptant pour 20% de la note finale, soit 15% pour la présentation et 5% pour le plan détaillé. Ils doivent d’abord sélectionner un poème qui n’a pas été étudié pendant les cours pour les inciter à accomplir un travail d’analyse complet. Lorsqu’ils ont fait leur choix, le travail consiste à analyser chacun des vers pour ensuite les représenter par une image afin d’en saisir concrètement le sens. L’activité se déroule sur cinq cours. Deux cours sont prévus pour le travail d’analyse du poème en équipe dans lesquels l’enseignant circule pour apporter de l’aide aux étudiants et trois cours pour les exposés oraux (nous comptons ici environ 20 équipes qui font un exposé d’environ 12 minutes.) À la suite de leur étude, les apprenants devront rendre le poème en images, et ce, par le biais du média de leur choix. L’enseignant propose diverses méthodes : le logiciel Powerpoint, le logiciel Movie Maker (un exemple de montage vidéo est présenté aux étudiants sur le blogue), une séquence filmée, une adaptation théâtrale, etc. Finalement, les élèves auront à préparer une présentation orale dans laquelle ils devront rendre compte de leur analyse et de leur projet de mise en images. Ici, le professeur demande aux étudiants de s’approprier le poème en faisant appel à leur créativité plutôt que de leur enseigner de façon théorique la matière poétique.

PENDANT ET APRÈS LA LECTURE

Activité 6 - Cabaret poésie

Finalement, j’aimerais accorder du temps à une évaluation formative qui se déroulerait tout au long de la séquence didactique. À la fin de chaque cours, l’enseignant pige le nom de trois étudiants qui devront, pour la prochaine rencontre, partager avec nous des phrases ou des vers qui leur parlent. Les apprenants auront à faire une sélection d’un ou plusieurs vers tirés du recueil Paroles qui les a particulièrement touchés, mais aussi à dévoiler un extrait tiré d’une autre source qui les a également émus. L’activité reste assez libre en soi, excepté pour un élément : les deux locutions choisies doivent contenir une figure de style ou une image, bref elles doivent être poétiques. L’atelier se déroule à la fin du cours et l’enseignant peut tamiser l’éclairage pour donner une ambiance chaleureuse à ce que l’on pourrait appeler, un cabaret de poésie. Le moment venu, l’élève se présente à l’avant de la classe pour lire les phrases et/ou les vers qu’il a choisi et pour expliquer pourquoi ils l’ont touché et ont retenu son attention. Ensuite, il doit justifier en quoi ils sont poétiques (les jeux de mots ou les figures de style). Cette activité vise à orienter l’étudiant à une lecture participative, c’est-à-dire qu’elle les amène à considérer la poésie comme un lieu « habitable » dans lequel il est possible d’aller au cœur de sa propre sensibilité. Conséquemment, ils pourront comprendre que d’ouvrir un livre, c’est partir à la découverte de quelque chose et que la poésie se retrouve un peu partout.

Bibliographie

• - AUROUET, Carole, Prévert, portrait d’une vie, Paris, Ramsay, 2007, 239 pages.
• - C. LAROCHELLE, Josée, « Constructivisme et socioconstructivisme », dans L’éclairage socioconstructiviste pour l’apprentissage de la littérature au collégial assisté par une technologie de réseau, examen de doctorat soutenu en juin 2006 à l’Université Laval, p.34-45.
• - FALARDEAU, Érick, « Quelle place pour les lecteurs dans nos classes de littérature? », dans Québec français, 135, 2004, p.38-41.
• - FRENETTE, Christiane et Josée C. LAROCHELLE, « Enseigner la poésie: être ou ne pas être », dans Vincent Charles Lambert [dir.], Leçons du poème, Québec, Nota bene, 2008, p.19-21.
• - LAROSE, Karim, « Donner à lire. Poésie absence », dans Vincent Charles Lambert [dir.], Leçons du poème, Québec, Nota bene, 2008, p.53-56.
• - POIRIER-PROULX, Lise, « Enseigner et apprendre la résolution de problèmes », dans Pédagogie collégiale, Vol.11 no3 (mars 1998), p.18-23.
• - RAYMOND, Danielle, Qu’est-ce qu’apprendre et qu’est-ce qu’enseigner? Un tandem en piste!, Canada, AQPC, 2006, 156 pages.