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La vie devant soi

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
La vie devant soi
GARY, Romain
Par Patrick Kallis


Nationalité de l'auteur : Française
Genre : Roman
Courant : Autres
Siècle : 20e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Patrick Kallis
Date du dépôt : Hiver 2009


 

Justification de l'oeuvre

 

La séquence didactique qui est ici présentée s’inscrit dans le cadre de l’ensemble deux du parcours littéraire de la formation générale au collégial du système d’éducation québécois. Dans l’éventualité d’un enseignement à l’extérieur du Québec, elle s’adresse à des étudiants ayant entre dix-sept et dix-neuf ans. L’objet de cette séquence didactique est le roman La vie devant soi de l’écrivain français Romain Gary, publié initialement sous le pseudonyme d’Émile Ajar. Il nous semble que l’enseignement de ce roman au collégial est un choix éclairé puisque cette œuvre, parce qu’elle aborde un problème social actuel, c’est-à-dire la multiethnicité urbaine et les problèmes d’intégration qui en découlent, risque fort d’intéresser les étudiants. Aussi, elle permet d’aborder le courant de l’humanisme en littérature.

 

Problèmes de lecture et objectifs

 

De plus, la narration de La vie devant soi, notamment par son caractère hétéroclite, pose pour les étudiants un problème de lecture qu’il s’agit de surmonter. Donc, les objectifs que nous poursuivons sont d’amener les étudiants à percevoir la philosophie humaniste à travers l’analyse des principaux thèmes du roman, en plus de leur donner les outils nécessaires à la résolution du problème de lecture posé par le langage du roman, cela afin qu’ils puissent établir des liens entre les caractéristiques du discours du narrateur et la réalité sociale qui nous est montrée. Cette séquence didactique est prévue pour se réaliser à l’intérieur de six séances de cours de deux heures et trois séances de même durée dédiées à l’évaluation finale, une dissertation sur table de neuf-cents mots. Nous mentionnons également la création d’un réseau de textes pour accompagner l’étude du roman, ce réseau étant constitué de courts extraits de La fée carabine de Daniel Pennac, La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy, Vie et mort d’Émile Ajar de Romain Gary, Les Misérables de Victor Hugo et de L’espoir d’André Malraux. Nous avons également mis au programme le visionnage d’un extrait provenant d’un documentaire sur la vie de Romain Gary et du film La haine de Mathieu Kassovitz.

 

LA SÉQUENCE

 

AVANT LA LECTURE 

 

Activité 1 - Mise en contexte de l'oeuvre 

           

Le récit du roman La vie devant soi se déroule à la fin des années soixante dans le quartier populaire et multiethnique de Belleville à Paris. Nous croyons qu’il est justifié de commencer la première séance de cours par un exposé magistral portant sur les caractéristiques de ce quartier et de l’époque qui sont mis en scène dans le roman.. Nous avons pensé faire lire ici un court extrait de La fée carabine de Daniel Pennac, puisque le romancier présente lui aussi une vision intéressante et réaliste du quartier de Belleville.

           

Considérant que le roman fait référence plus ou moins explicitement à quelques évènements historiques qui aident à la compréhension du récit, notamment en ce qui concerne le thème du racisme et les conditions précaires des immigrés, nous suggérons que l’enseignant fasse une présentation de ces événements. Nous croyons que ceux qui méritent une attention particulière sont la Rafle du Vélodrome d’Hiver de 1942, le camp d’extermination d’Auschwitz, l’incendie d’un HLM d’Aubervilliers dans la nuit du 1er janvier 1970 et la Rumeur d’Orléans.

 

Activité 2 - Atelier sur les néologismes

 

Le langage du roman est caractérisé par des expressions hétéroclites et des impropriétés langagières, particulièrement la création de néologismes, qui visent notamment à renouveler le sens des mots ou à augmenter leur portée symbolique. Pour préparer les étudiants à cette lecture, nous proposons à l’enseignant de constituer un atelier formatif. Cet atelier serait constitué d’expressions problématiques tirées de l’œuvre, par exemple «se défendre avec son cul», «il y avait des Noirs, des Arabes et toutes sortes de maladies», «personnes usagées», «bagues diamantaires» ou «faux-papiers en règles». L’objectif poursuivi par cet atelier est d’amener les étudiants à expliciter ce que leur suggère chacune de ces expressions. Les étudiants, en groupes de trois ou quatre, seraient amenés à discuter ensemble de la portée symbolique de ces expressions.

 

PENDANT LA LECTURE

 

Activité 3 - Présentation de l'auteur

 

La deuxième séance de cette séquence didactique se veut essentiellement un cours magistral sur la vie de l’auteur de La vie devant soi, Romain Gary. Ces informations sont hautement utiles pour bien comprendre l’humanisme qui caractérise l’œuvre, puisque l’auteur, véritable diaspora humaine sans nationalité précise, outre ses racines juives, a cependant développé une foi en la survie de la dignité humaine dans les conditions les plus difficiles, en plus de cautionner le droit à l’euthanasie, thème central de La vie devant soi. Pour illustrer la diaspora individuelle que fut l’auteur, nous suggérons la création d’une mappemonde virtuelle, à l’aide du logiciel Photoshop, qui indiquerait la quinzaine de pays qui furent pour Romain Gary davantage que de simples escales. Ensuite, le visionnage de la partie consacrée à «l’affaire Ajar» du documentaire intitulé Romain Gary peut servir à bien faire percevoir aux étudiants la mise en scène entourant la supercherie. Enfin, la lecture d’un extrait de Vie et mort d’Émile Ajar, petite plaquette contenant les aveux de Gary et parue post-mortem, donne un bon aperçu de la personnalité de l’auteur.

 

Activité 4 - Film La haine  de Mathieu Kassovitz

            

La troisième séance de notre séquence didactique est dédiée au visionnage du film La haine, réalisé en 1995 par Mathieu Kassovitz. On retrouve dans cette œuvre cinématographique et dans La vie devant soi une mise en scène des problèmes d’intégration présents dans la ville de Paris. Plus encore, les ethnies présentes, c’est-à-dire les Maghrébins, les Africains et les Juifs, sont les mêmes dans les deux œuvres. Ces deux œuvres partagent également un caractère humaniste, puisqu’elles mettent en scènes des relations basées sur la solidarité interraciale, et refusent surtout de transmettre une vision manichéenne de la réalité. L’objectif que nous poursuivons est donc d’attirer l’attention des étudiants sur des aspects centraux du roman par le biais de l’œuvre cinématographique.

 

Activité 5 -  Atelier formatif sur le film 

           

 La quatrième séance se compose d’un atelier formatif portant sur le film La haine. Les questions sont les suivantes :

  • 1) Depuis le mouvement sioniste (retour des Juifs de la diaspora dans la «terre promise») et la création de l’état d’Israël en 1948, les Juifs et les Arabes entretiennent des rapports problématiques et conflictuels. Dans La haine cependant, Juifs et Arabes se côtoient sans problème et peuvent même être des amis. Pourquoi?
  • 2) Les protagonistes de La haine vivent dans ce qu’on appelle la banlieue parisienne. Or, leur périple dans le centre-ville de Paris ressemble davantage à un «voyage à l’étranger». Commentez cette affirmation à l’aide de quelques exemples tirés du film.
  • 3) Lors de ce périple, Vincent, Saïd et Hubert se querellent fréquemment. Parallèlement, ils font la rencontre de quelques personnages symboliques qu’ils ne sont pas habitués de côtoyer. Pourquoi se réconcilient-ils après chacune de ces rencontres?
  • 4) Peut-on dire que Mathieu Kassovitz dresse un portrait manichéen (vision peu nuancée mettant les bons d’un côté et les méchants de l’autre) de la réalité urbaine moderne? Donnez des exemples.

           Nous précisons que cet atelier doit se réaliser en équipe de trois ou quatre étudiants, cela afin de s’assurer que ceux-ci puissent débattre de leurs différents points de vue sur les questions posées. Également, une consigne de l’atelier stipule que pour chaque question, les étudiants doivent tenter d’établir au moins un parallèle possible avec le roman. La deuxième partie de la séance est quant à elle consacrée à un partage des réponses en grand groupe.

 

APRÈS LA LECTURE

 

Activité 6 - Analyse de l'oeuvre

 

Maintenant que les étudiants ont achevé la lecture de La vie devant soi, nous pouvons nous lancer dans l’analyse de l’œuvre. Nous voulons que les étudiants se sentent grandement impliqués dans le processus, c’est pourquoi nous suggérons à l’enseignant de mener l’analyse par de nombreuses questions posées aux étudiants. Puisque la mise en contexte de l’œuvre fut établie au premier cours de la séquence, nous suggérons à l’enseignant de poser des questions aux étudiants à propos du cadre spatiotemporel du récit, cela afin de rafraîchir leurs connaissances de cet aspect du roman.

 

Le roman de Romain Gary peut être vu comme une réécriture et une réactualisation des principaux thèmes du roman Les Misérables de Victor Hugo. L’enseignant pourra mener l’analyse de ces thèmes par des questions telles que : «si pour Victor Hugo les hommes misérables du 19ème siècle sont les ouvriers de Paris, qui sont maintenant les misérables du 20ème siècle selon Romain Gary?», «quelles sont les nouvelles réalités de la prostitution présentes dans le roman?» ou «quel nouveau fléau menace les enfants laissés à eux-mêmes?» Ensuite, il pourra aborder les thèmes spécifiques au roman de Romain Gary tels que la vieillesse, l’euthanasie, le racisme ou la tolérance, mais toujours à l’aide de questions destinées à impliquer les étudiants dans le processus d’analyse.

 

Activité 7 - Exposé magistral sur l'humanisme en littérature 

 

Cela fait, nous croyons qu’un exposé magistral sur l’humanisme en littérature est nécessaire. Sans être exhaustif, cet exposé poursuit l’objectif de faire comprendre aux étudiants l’importance du refus du manichéisme par l’auteur, ainsi que sa foi en la dignité humaine dans des situations excessivement difficiles. Pour appuyer cet exposé, l’enseignant pourra lire un extrait de L’espoir d’André Malraux, œuvre humaniste s’il en est une. Pour vérifier la compréhension des étudiants, nous avons pensé terminer la séance par un bref atelier formatif, toujours en équipe, qui ne comportera que cette question : «Pour chaque thème abordé pendant le cours, dites en quoi son traitement est représentatif de la vision d’un humaniste.» L’atelier sera évidemment suivi d’un partage des réponses des différentes équipes.

 

 

Activité 8 - La dignité humaine par l'humour 

         

Dans le roman de Romain Gary, l’espoir en la dignité humaine est également perceptible par le caractère humoristique de l’œuvre. Nous avons sélectionné différentes scènes du roman telles que la rencontre entre Momo et son père, Mme Rosa dans l’escalier ou le portrait d’Hitler servant à sortir Mme Rosa de son état d’hébétude, mais également des jeux de mots tels que «chez-nous les aveugles sont bien vus» ou «Mme Rosa a été envoyée dans un foyer en Allemagne». Pour chacun de ces éléments, les étudiants, toujours en équipe, devront indiquer en quoi ces exemples ne sont pas comiques de prime abord, pour ensuite expliciter pourquoi nous pouvons les qualifier d’humoristiques. Ensuite, les équipes partageront leurs réponses au reste du groupe.

 

Activité 9 - Dissertation         

 

La dernière partie de cette séance sera consacrée à la présentation du sujet de rédaction de la dissertation :

«Dans La vie devant soi, Romain Gary aborde le phénomène encore très actuel de la multiethnicité urbaine. Bien que racontée par un jeune en apparence naïf, le roman aborde de nombreux aspects entourant cette réalité urbaine.                                   Grâce à l’analyse de quelques-uns de ces aspects, montrez comment, dans La vie devant soi, on retrouve une contradiction apparente entre une situation sociale difficile, d’une part, et, d’autre part, des individus porteurs d’humanité et d’espoir.»  

 

 

Bibliographie

 

ANISSIMOV, Myriam. Romain Gary, le caméléon, Paris, Éditions Gallimard, Collection Folio, 2006, 1050 pages.

GARY, Romain. La vie devant soi, Paris, Éditions Mercure de France, Collection Folio, 2008, 288 pages.

GENEST, Guy. « Le cinéma au service de la littérature », dans Québec français, nº93 (printemps 1994), p. 91-92.

HUGO, Victor. Les Misérables I, Paris, Éditions Gallimard, Collection Folio, 1986, 612 pages.

LECARME-TABONE, Éliane. Commente La vie devant soi de Romain Gary (Émile Ajar), Paris, Éditions Gallimard, Collection Foliothèque, 2005, 256 pages.

MALRAUX, André. L’espoir, Paris, Éditions Gallimard, 1986, 342 pages.

MORIN, Christian. Analyse sémiotique du discours humoristique et de la supercherie chez Gary-Ajar, Québec, Éditions Nota Bene, 2006, 192 pages.

PENNAC, Daniel. La fée carabine, Paris, Éditions Gallimard, Collection Folio, 1987, 322 pages.

SOUCY, Gaétan. La petite fille qui aimait trop les allumettes, Montréal, Éditions Boréal, 2004, 186 pages.  

Médiagraphie

MELS, «Objectifs des composantes de la formation générale», Description de la formation générale, [en ligne]. http://www.mels.gouv.qc.ca/ens-sup/ens-coll/Cahiers/DescFG.asp#objectif [texte consulté le 24 avril 2009].

UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À TROIS-RIVIÈRES, Enseigner à l’UQTR, [en ligne].https://oraprdnt.uqtr.uquebec.ca/pls/public/gscw031?owa_no_site=47&owa_no_fiche=50&owa_apercu=N&owa_imprimable=N&owa_bottin=&owa_no_fiche_dev_ajout=-1&owa_no_fiche_dev_suppr=-1#-1 [site consulté le 25 avril 2009].

KASSOVITZ, Mathieu. La haine, Studio Canal, 1995, 92 minutes.

MOSZYNSKI, Variety. Romain Gary, K Film Amérique, 1987, 54 minutes.

 


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