La lecture littéraire est plus qu’une lecture naïve. Il y a tout un travail d’interprétation qui doit être fait par le cerveau sur la signification des différents signes et indices contenus dans le texte. C’est justement ce qui pose problème dans l’œuvre L’Acquittement, de Gaétan Soucy.

 

Justification et pertinence de l'oeuvre

 

Gaétan Soucy est un auteur québécois, gagnant du Grand prix du livre de Montréal pour L’Acquittement en 1998. Ce roman s’inscrit dans le mouvement postmoderne, un mouvement qui n’est pas souvent abordé dans les cours de littérature au collégial. De plus, ce livre est très court, ce qui est particulièrement intéressant, autant pour les étudiants que pour les enseignants.

 

Problèmes à résoudre et objectifs

 

L’Acquittement pose plusieurs problèmes de lecture. Cependant, afin de s’adapter à un public de niveau collégial et pour permettre aux étudiants de faire des apprentissages intéressants et motivants, seul le problème suivant sera travaillé en classe :

 

• Surmonter les difficultés liées à la présence de l’étrange dans l’œuvre, notamment à cause de la fin ouverte et de la lecture erratique(1) que peuvent faire les étudiants.

À la suite des activités proposées dans cette séquence, plusieurs objectifs devront être atteints. Les étudiants seront en mesure :

 

• de cerner l’étrange dans une œuvre;
• d’éprouver du plaisir dans l’indétermination;
• de surmonter une lecture erratique;
• de développer une meilleure argumentation et une prise de position plus critique;
• de faire des liens avec d’autres textes de la littérature québécoise.

 

Toutes les activités suggérées font intervenir l’aspect cognitif, constructiviste et socioconstructiviste de l’apprentissage.

 

LA SÉQUENCE DIDACTIQUE

Pour réaliser pleinement toutes les activités suggérées, l’enseignant doit auparavant mettre en place certaines notions. Les étudiants devront avoir rencontrés les concepts de merveilleux et de fantastique, ce qui a probablement été fait dans les cours de littérature précédents. Les étudiants devront également être renseignés sur la dissertation critique comparative, que ce soit par un exposé informel ou par des exemples pertinents, puisque l’atteinte des objectifs sera vérifiée par la rédaction de ce type de dissertation.

 

AVANT LA LECTURE

Activité 1 - L’Acquittement et l’horizon d’attente

 

A. Recherche Internet sur le postmodernisme et sur Gaétan Soucy :
Des sites web seront suggérés aux étudiants. Chaque étudiant devra en consulter au moins un à la maison. Au retour en classe, l’enseignant prend quelques minutes pour faire une plénière sur le sujet, afin de regrouper toutes les informations glanées sur les sites web.

 

B. L’objet-livre :
Ensuite, seuls, les étudiants observent les quatre couvertures (coll. Boréal compact) du livre L’Acquittement. Dans leur cahier de lecture, ils doivent noter tout ce qu’ils remarquent. Ensuite, les étudiants se regroupent en équipe de quatre pour mettre en commun leurs résultats.

 

C. L’horizon d’attente :
En quoi leurs nouvelles connaissances sur Soucy et sur le postmodernisme peuvent-elles influencer leur horizon d’attente? Est-ce que le modèle-type va être chamboulé? Dans leur journal de bord, les étudiants décrivent leur horizon d’attente. Ensuite, en grand groupe, l’enseignant fait un retour sur les attentes des étudiants.

 

PENDANT LA LECTURE

Activité 2 - Accompagnement à la lecture
La lecture de l’œuvre s’inscrit dès la deuxième activité. Il n’est pas nécessaire de passer davantage de temps à préparer la lecture, puisque les problèmes des étudiants ne surviendront qu’après avoir lu le livre en question. En effet, en lisant L’Acquittement, la plupart des étudiants risquent de faire une lecture erratique. Ils seront également tentés de comprendre certains éléments « incompréhensibles » du texte liés à l’étrange. Ainsi, les premières pages de l’œuvre sont lues à voix haute par l’enseignant, ce qui permettra aux étudiants d’être accompagnés dans leur lecture et d’être interrogé par l’enseignant.

 

Activité 3 - Cahier de lecture
Pendant leur lecture solitaire, les étudiants notent ce qui les étonne et répondent à des questions dans un cahier de lecture. Ainsi, les étudiants ne sont pas abandonnés, et leur réflexion est orientée par les questions posées. Les étudiants ont à répondre à des questions de ce genre au long de leur lecture : Que remarquez-vous? Qu’est-ce qui vous frappe? Quel type de narrateur retrouvez-vous dans le texte? Quel est le lien entre les titres des chapitres et leur contenu? Pourquoi Bapaume retourne-t-il à St-Aldor?

 

APRÈS LA LECTURE

Activité 4 : Table ronde - chamboulement de l’horizon d’attente et graffiti circulaire

 

Activité A : Table ronde sur l’horizon d’attente
La moitié de la classe participe à la table ronde. Les tables sont placées en grand cercle. Chaque étudiant rappelle ses attentes du départ. Ensuite, il doit mentionner s’il garde ou non les mêmes conceptions de ce livre en ce qui concerne la forme et le contenu. Les étudiants risquent d’avoir des conceptions qui se recoupent. Ensemble, à l’aide de leur cahier de lecture, ils doivent relever les éléments qui ont bousculé leur horizon d’attente. L’enseignant agit comme un guide.

 

Activité B : Graffiti circulaire
Pendant qu’une équipe participe à la table ronde, l’autre équipe fait un graffiti circulaire en équipe de trois ou quatre étudiants. Sur une grande feuille de papier, chaque membre de l’équipe écrit, d’une couleur différente, le plus d’idées sur ce qui le frappe, ou le marque, dans le récit. Ensuite, les étudiants cessent d’écrire et examinent les similitudes, les différences et les relations qui existent entre elles. Chaque équipe est responsable de trouver le mot qui va ramasser toute l’information avant le cours suivant, puisque ce concept servira d’amorce à l’activité suivante.

 

Activité 5 - L’étrange, le merveilleux, le fantastique et le réseau de textes

 

A. L’enseignant demande à chaque équipe d’écrire au tableau le mot qui rassemblait toute l’information. Les étudiants commentent les mots. Afin de bien le faire comprendre des étudiants, qui en ont déjà une bonne idée grâce au cahier de lecture et à la table ronde, l’étrange sera travaillé en contre-exemple avec le merveilleux et le fantastique. Les étudiants sont placés en équipe de trois. Chaque équipe reçoit une enveloppe contenant des définitions sommaires du fantastique, du merveilleux et de l’étrange, et les trois nouvelles et contes suivants : « La cafetière », de Théophile Gautier (fantastique), « La tache », de Jean-Paul Baumier (étrange) et « Le petit poisson d’or », de Pouchkine (merveilleux). Ensemble, les étudiants doivent identifier et prendre en note, pour chacun des textes, les éléments suivants : les personnages et leurs caractéristiques; l’intrigue; les éléments surprenants. Lorsqu’ils ont terminé, ils tentent de trouver quel texte correspond à la bonne définition.

 

B. Les étudiants reprennent leur équipe. Ils prennent la nouvelle « Un drame bien parisien », d’Alphonse Allais. Cette nouvelle a été choisie puisqu’en quelques pages, elle présente bien comment un narrateur peut tromper le lecteur. Les étudiants pourront alors comparer leur méprise avec celle vécue dans L’Acquittement.

 

Activité 6 - Schématisation collective *évaluation formative

 

Maintenant que les étudiants savent qu’ils peuvent faire abstraction de certains éléments du texte afin de surmonter le caractère étrange, ils vont faire une dernière activité avant la dissertation finale. En équipe de quatre, ils doivent créer un schéma du parcours linéaire du lecteur, en ordre chronologique, d’une certaine couleur. En rouge, ils peuvent ajouter les éléments qui nuisent à la compréhension ou à l’interprétation (ex. le porc-épic, les deux mères, l’ourson…), mais qui n’apportent rien au récit. Ces mots en rouge ne doivent donc pas se retrouver dans le parcours « parfait » du lecteur, ils doivent donc être placés dessus ou dessous.

 

Activité 7 - Dissertation critique comparative *évaluation sommative 40 points

 

Les étudiants disposeront de quatre ou six périodes de cinquante minutes (selon le plan-cadre de leur cégep) pour écrire le plan et la dissertation critique. La consigne est la suivante : Peut-on affirmer que l’étrange dans La tache, de Jean-Pierre Baumier, est comparable, tant par la forme que par le contenu, à celle que propose L’Acquittement, de Gaétan Soucy? Il est possible de faire une correction globale de la dissertation. Sinon, 10 points peuvent être alloués pour l’introduction, 80 points pour le développement et 10 points pour la conclusion. La langue doit être pénalisée de façon négative, jusqu’à 30% en moins selon les différents cégeps.

 

Conlusion:

 

Bref, L’Acquittement peut présenter une difficulté de lecture par sa présence d’étrange, qui entraîne le lecteur dans une lecture erratique troublée par la fin ouverte. Ma séquence didactique met tout en place pour bien préparer le lecteur à sa découverte de l’étrange. Ainsi, l’étudiant peut ajouter une corde à son arc, laquelle lui permettra d’apprécier davantage les œuvres de la littérature québécoise, et ainsi, de poser un meilleur regard critique sur ces dernières.

 

Bibliographie
SOUCY, Gaétan, L’Acquittement, Montréal, Boréal, 1997, 122 p.

 

Note de bas de page

(1) Selon Saint-Gelais, la lecture erratique est une lecture qui hésite, qui dérape. Richard Saint-Gelais, « La lecture erratique », dans Bertand Gervais et Rachel Bouvet (dir.), Théories et pratiques de la lecture littéraire, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2007, p. 177.