Présentation et pertinence de l’œuvre

La nouvelle est un genre d’envergure au Québec. Parfois mal-aimée, sous-genre pour certains, elle demeure des plus publiés et est défendue ardemment par ses auteurs et amateurs. Il nous paraît ainsi capital de travailler la nouvelle en classe de français. Pour cette séquence didactique, qui ciblera les élèves du deuxième cycle et plus précisément ceux de 5^e secondaire, le recueil de nouvelles Insulaires de Christiane Lahaie, une auteure québécoise, a été choisi. Ce recueil propose au lecteur un voyage en Angleterre et en Écosse où l’ambiance parfois glauque, typique de ces pays et de leur art, ressort fortement. Chaque nouvelle traite de la solitude d’un personnage de manière à créer un assemblage de solitudes, d’Insulaires. De plus, il est intéressant de présenter cette artiste québécoise aux élèves du secondaire puisqu’elle est peu connue dans un premier temps et, dans un deuxième, que ses œuvres font appel à des émotions affectionnées par les adolescents telles que la peur et l’angoisse. Nous désirons travailler la nouvelle en tant que partie d’un tout construit : le recueil de nouvelles. Malheureusement, nous étudions trop souvent la nouvelle de façon indépendante en présentant des anthologies, souvent photocopiées, aux élèves. En procédant ainsi, nous éludons une partie importante du genre nouvelliste. Insulaires propose aussi une ambiance et une démarche d’écriture propre à son auteure et offre un tout cohérent qui nous permettra de faire découvrir aux élèves comment un recueil de nouvelles peut se construire.

Buts didactiques de la séquence

Comprendre comment se construit un recueil de nouvelles et comment une ambiance angoissante est créée.

Problématique globale : expliquer le titre du recueil.

Activité 1 : Créer la peur

But : amorcer une réflexion sur ce qui crée la peur dans les œuvres picturales, littéraires et cinématographiques, et faire découvrir de nouveaux objets culturels aux élèves.

Tout au long de la présentation des œuvres, les élèves devront noter les émotions qu’ils vivent et leurs hypothèses quant à ce qui peut les créer.

- Présentation de séquences de films d’horreur connus des élèves tels que Frisson, Le dernier exorcisme, etc. Visionnement de séquences des films Nosferatu (1922) et Frankenstein(1910). L’enseignant veillera à faire observer aux élèves que la peur n’est pas créée de la même façon dans les films actuels que dans ceux du début du 20^esiècle.

- Présentation d’œuvres picturales de Munch, Füssli, etc. qui créent la peur, l’angoisse grâce au clair-obscur particulièrement.

- Lecture à la chandelle faite par l’enseignant d’une nouvelle d’Edgar Allan Poe, Le chat noir.

Suite à la présentation de ces œuvres diverses, l’enseignant anime une discussion en classe visant à faire ressortir les différentes émotions qui ont été vécues par les élèves. On remplit un premier carton avec ces sentiments. Dans un deuxième temps, l’enseignant demande aux élèves d’émettre leurs hypothèses quant à ce qui permet de créer les émotions. Un deuxième carton est rempli afin de consigner ces réponses. Les cartons seront réutilisés à l’activité 5.

- Présentation du recueil de nouvelles et lecture individuelle : l’enseignant fait une présentation magistrale où il donnera beaucoup d’informations aux élèves à différents sujets : auteure, maison d’édition [1], observation du livre afin de créer une attente de lecture, définition du titre, retour sur certaines propriétés du genre et de son édition. Il demande ensuite aux élèves de lire l’entièreté du recueil afin de s’assurer qu’il soit perçu comme un ouvrage complet basé sur une ligne directrice plutôt que simplement comme des textes superposés.

Activité 2 : Retour sur la première lecture et début d’analyse

But : développer le plaisir de lire en partant des émotions et des opinions des élèves puis amorcer, à l’aide de ces dernières, une première analyse en surface du recueil.

En classe, l’enseignant anime une discussion avec les élèves afin de faire ressortir leur opinion sur le recueil. Dans un deuxième temps, il leur demande de repérer rapidement, en équipe de quatre, les ressemblances et les différences entre les nouvelles. L’enseignant leur demande aussi de tenter quelques hypothèses pour expliquer pourquoi on retrouve une page de texte entre chaque chapitre. De retour en grand groupe, l’enseignant pourra faire ressortir l’ambiance générale du recueil et expliquer ce qu’est la nouvelle intercalaire.

Activité 3 : Voyage en Angleterre et en Écosse

But : observer que les nouvelles amènent le lecteur à faire un voyage plausible en Angleterre et en Écosse, mieux connaître les lieux où se déroulent les nouvelles, comprendre aussi que le recueil de nouvelles a une ligne directrice.

En équipe de quatre, les élèves doivent d’abord trouver le lieu (ville ou comté) de chaque nouvelle. Sur une carte plastifiée de l’Angleterre et de l’Écosse, ils devront identifier l’endroit où se déroule chaque nouvelle et relier les points afin de recréer le trajet que le lecteur effectue. Si un tableau interactif est à la disposition de l’enseignant, cette carte pourra y être reconstruite grâce aux réponses des élèves. Il sera aussi important de faire ressortir que les deux pays forment une grande île afin qu’ils puissent utiliser cette information lors de l’activité 6. La carte pourra être affichée en classe afin que les élèves puissent la conserver en tête au cours de la séquence.

Activité 4 : Des personnages qui ont des points communs

But : faire ressortir les ressemblances entre les personnages.

En équipe de quatre, les élèves devront dresser le profil psychologique de chaque protagoniste. Ils pourront ainsi découvrir des personnages qui ont différentes quêtes et qui sont très seuls, isolés du monde. En classe, l’enseignant animera une discussion avec les élèves afin qu’ils mettent en commun leurs découvertes sur les protagonistes et qu’ils observent les liens qui les unissent.

Activité 5 : Créer une ambiance angoissante

But : faire ressortir les éléments langagiers qui permettent de créer une ambiance angoissante dans un recueil.

Les élèves auront à chercher, en équipe de quatre, les champs lexicaux qui créent la peur dans quatre nouvelles particulièrement angoissantes, Bridge over the River Cam, York’s  Bars, Men of the Moors et Whispers in my Room. Ils découvriront rapidement que l’eau est une thématique très importante du recueil. La noirceur et la lumière s’y opposent aussi ce qui permet de créer l’ambiance angoissante. De retour en classe, l’enseignant amènera les élèves à faire le lien entre l’état des personnages, les lieux et les champs lexicaux afin d’expliquer les sentiments qu’ils auront ressentis à la lecture du texte. Un retour sur les cartons confectionnés lors de la première activité permettra de confirmer ou d’infirmer leurs premières hypothèses.

Activité 6 : Expliquer le titre

But : résoudre la problématique principale qui était d’expliquer le titre.

En classe, l’enseignant anime une discussion visant à expliquer le titre du recueil : Pourquoi ce recueil se nomme-t-il « Insulaires », selon vous? Les élèves devront utiliser toutes les informations qu’ils auront trouvées lors des précédentes activités d’analyse : les élèves auront pu constater que les histoires se déroulent sur une immense île; ils auront aussi étudié les personnages de manière à faire ressortir leur solitude; ils auront travaillé les champs lexicaux où ils auront observé la prédominance de l’eau dans le vocabulaire choisi par l’auteure. L’enseignant veillera aussi à revenir sur la complexité du recueil. Les élèves pourront alors constater à quel point la ligne directrice y est omniprésente. On pourra, dans la même veine, s’interroger sur le rôle de la nouvelle intercalaire.

Activité 7 : Réinvestir les connaissances par le biais de l’écriture

But : Réinvestir ce qui a été appris lors des activités précédentes en créant soi-même une nouvelle présentant une ambiance angoissante.

Afin d’évaluer la compréhension des élèves, l’enseignant leur demande de rédiger une nouvelle à la manière de Christiane Lahaie. L’action devra se dérouler dans une ville en Angleterre ou en Écosse. Les élèves auront à présenter un personnage solitaire qui poursuit une quête. Les champs lexicaux ressortis au cours de la séquence devront être utilisés afin de créer une ambiance angoissante digne du recueil de nouvelles.

Conclusion

Nous espérons que cette séquence permettra aux élèves de comprendre autrement le recueil de nouvelles ; qu’ils ne le percevront plus comme une simple anthologie, un recueil de textes épars, mais bien comme un tout organisé en fonction d’une même ligne directrice. Nous souhaitons aussi leur avoir permis de découvrir un style littéraire un peu moins connu qui saura certainement leur plaire puisqu’ils démontrent un goût marqué pour la peur, l’épouvante.

Bibliographie :

DUFAYS, J.-L., GEMME, L. et D. LEDUR, Pour une lecture littéraire, 2^e édition, Édition de Boeck Université, Bruxelles, 2005.

LAHAIE, Christiane, Insulaires, L’Instant même, Québec, 1996 (réédité en 2005).

PELLERIN, G., Nous aurions un petit genre – Publier des nouvelles, L’instant même, Essai, Québec, 1997.

[1] L’Instant même est une maison d’édition québécoise qui se spécialise dans la publication de nouvelles et d’essais. On retrouve un très grand souci dans le choix des matériaux et du format des livres qui y sont produits. Il serait d’ailleurs intéressant de comparer les deux éditions du recueil Insulaires afin d’analyser les différences et de voir l’effet des choix éditoriaux sur la perception du lecteur.