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Paradis, clef en main

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Paradis, clef en main
Nelly Arcan
Par Marie-Michèle Poulin


Nationalité de l'auteur : Québécoise
Genre : Roman
Courant :
Siècle :
Groupe d'âge visé : Deuxième cycle secondaire
Auteur de la séquence : Marie-Michèle Poulin
Date du dépôt : Hiver 2010


 

Pertinence du texte choisi

La séquence didactique a été conçue pour des élèves de cinquième secondaire. Elle est construite autour du roman Paradis, clef en main de Nelly Arcan. À notre avis, la beauté de la plume littéraire de cette auteure et l’originalité de sa vision de la société ne sont que deux des raisons pouvant être évoquées pour justifier sa découverte. Le sujet abordé dans Paradis, clef en main est, selon nous, original, actuel et fait réfléchir : le suicide assisté. Si des thèmes tels que le mal de vivre ou le suicide peuvent sembler plutôt noirs, le roman se termine toutefois le désir de vivre. Il y a donc matière à sensibiliser les jeunes à la dépression tout en insistant sur la possibilité de s’en sortir. Puisque le langage utilisé par l’écrivaine est très cru et que, pour elle, les tabous et la censure n’existent pas, cette œuvre a également été choisie parce qu’elle semble être la plus adaptée au contexte scolaire. De plus, nous sommes d’avis qu’il peut être justifiable de ne pas aborder, dans la classe de français, exclusivement les grands classiques littéraires et de nous intéresser, à l’occasion, à des œuvres contemporaines.

 

Objectifs d’apprentissage et problèmes à résoudre

Les thèmes abordés dans l’œuvre étant plutôt lourds, nous croyons qu’il serait bon de ne pas la travailler comme nous le ferions probablement avec un roman plus léger. Lors des activités menées autour du roman, une attention particulière devra être portée au message positif qui peut en être dégagé. De plus, la longueur des phrases ainsi que l’alternance entre le présent et le passé pourraient engendrer une certaine confusion. Aussi, quelques connaissances sur l’histoire de Marie-Antoinette, épouse de Louis XVI, sont nécessaires pour bien comprendre l’œuvre.

 

Afin de mieux comprendre Paradis, clef en main, les apprentissages visés par cette séquence sont les suivants:

  1. Amener les élèves à comprendre l’univers de Nelly Arcan;
  2. Comprendre ce qu’est un paradoxe.

 

 

AVANT LA LECTURE

 

Activité 1 – Mise en contexte de l’œuvre

Avant d’entamer la lecture de Paradis, clef en main, les élèves devront approfondir leurs connaissances sur quelques sujets afin d’éviter certaines incompréhensions qui pourraient survenir. Ils devront eux-mêmes faire des recherches. Les sujets seront répartis entre différentes équipes. Ensuite, les élèves traitant du même sujet devront se regrouper et faire un court compte-rendu de leurs découvertes. Pour chaque thème, un porte-parole sera délégué pour faire une brève présentation orale afin que tous puissent connaitre davantage chaque sujet. Les thèmes sur lesquels les recherches seront effectuées sont les suivants.

 

A) L’histoire de Marie-Antoinette: Qui est cette femme? Quelle est son histoire?

B) Le suicide assisté: Qu’est-ce que le suicide assisté? Est-ce légal?

C) La dépression: Quels sont les symptômes?

 

Puisqu’il est, de manière explicite, question de Marie-Antoinette, épouse de Louis XVI, les élèves devront recueillir quelques informations à son sujet. De plus, il sera utile qu’ils sachent en quoi consiste le suicide assisté. Dans le but de bien percevoir l’état dans lequel se trouve le personnage, quelques connaissances en ce qui a trait à la dépression pourront également leur servir. L’enseignant devra avoir consigné, pour le cours suivant, les informations recueillies par les élèves dans un tableau. Une colonne devra être ajoutée et laissée vide pour la prochaine activité.

 

Histoire de Marie-Antoinette

Le suicide assisté

Symptômes de la dépression

Symptômes liés à la dépression observés chez le personnage

 

 

 

 

 

 

 

 

PENDANT LA LECTURE

 

Activité 2 – Journal de lecture :

Au fil de leur lecture, les élèves sont invités à écrire, dans un cahier à cette fin, leurs réactions, leurs critiques, leurs incompréhensions, etc. La lecture de ces journaux permettra à l’enseignant de connaitre les gouts de ses élèves ainsi que les lacunes de son enseignement : il pourra donc se réajuster au besoin. De plus, « lorsque les réponses de l’enseignant sont personnalisées, on constate que ce dialogue encourage l’élève à affiner, à approfondir, ses premières réactions […]. »[1] Les thèmes abordés sont délicats, parfois controversés et peuvent faire partie de la réalité des élèves. Selon nous, leur donner l’opportunité de s’exprimer n’est donc pas ici superflu.

 

Activité 3 – Première rencontre avec l’œuvre

Les élèves doivent entamer leur lecture. Ils devront s’arrêter à la page 8, à la ligne se terminant par : « […] comme un essaim d’abeilles impossible à chasser du revers de la main, à moins d’être piqué, mangé » [2]. Puisque les réflexions de l’auteure sur la vie sont, jusqu’à cette ligne, plutôt négatives, mais que les pages suivantes laissent présager un désir de vivre et viennent déséquilibrer l’atmosphère qui régnait, l’enseignant demandera aux élèves d’anticiper la suite de leur lecture. Ils devront ajuster leurs prédictions après la lecture des pages qui suivent. Ainsi, ils pourront mieux comprendre que le thème central de l’œuvre n’est pas réellement le suicide, mais plutôt le désir de vivre.

 

Un tel tableau peut être utilisé.

Anticipations à la suite de la lecture de l’œuvre jusqu’à la page 8 :

Anticipations à la suite de la lecture des pages suivantes :

 

 

 

Ensuite, afin de faire écho à ce qu’ils auront appris plus tôt sur la dépression, l’enseignant demande aux élèves s’ils croient reconnaitre certains symptômes chez le personnage. Ils devront avoir en main le tableau utilisé lors de l’activité précédente et remplir la dernière colonne. Ils commenceront ainsi à mieux comprendre l’univers dans lequel ils seront plongés et pourront se servir de ces informations lors de la dernière activité de la séquence.

 

Activité 4 – Les cartes conceptuelles

Ensuite, les élèves poursuivent leur lecture jusqu’au deuxième chapitre. Lorsqu’ils ont terminé, l’enseignant leur distribue un extrait du roman Lorsque j’étais une œuvre d’art [3] d’Eric-Emmanuel Schmitt (pages 7 à 10 jusqu’à la ligne se terminant par : « À mon avis, ça suffira. ») Il leur demande quels liens peuvent être établis entre l’œuvre de Schmitt et celle d’Arcan.

La consigne est la suivante : 

« Illustrez, par une carte conceptuelle, les différents liens que vous faites entre Paradis, clef en main et Lorsque j’étais une œuvre d’art»

 

L’enseignant demande à quelques élèves d’aller à l’avant et d’expliquer aux autres les rapprochements qu’ils ont faits entre les deux œuvres. Par la suite, il présente un réseau de concepts illustrant les éléments ci-dessous.

 

  • Les thèmes communs entre le roman de Schmitt et Paradis, clef en main (le suicide, le mal de vivre)
  • Les rapprochements thématiques à faire avec Lorsque j’étais une œuvre d’art et les autres romans de Nelly Arcan ainsi que le paradoxe commun aux œuvres (le thème du culte de la beauté, le paradoxe en lien avec le désir de vivre: lorsqu’ils obtiennent l’approbation de quelqu’un quant au geste qu’ils s’apprêtent à commettre, les protagonistes des deux œuvres découvrent un nouveau désir de vivre)
  • Le paradoxe récurrent dans les écrits de l’auteure (le paradoxe concernant la relation mère-fille dans Paradis, clef en main: Antoinette déteste sa mère jusqu’à ce qu’elle apprenne qu’elle va la perdre; le paradoxe commun aux trois autres romans de Nelly Arcan: elle dénonce l’obsession pour l’image, mais est elle-même obsédée par son corps)
  • Le genre littéraire paradoxal de ses deux premiers romans: l’autofiction («récit mêlant fiction et réalité autobiographique» [4] ).

 

L’enseignant demande aux élèves d’observer la carte conceptuelle et d’expliquer ce qu’est un paradoxe. Il peut insister particulièrement sur le fait qu’Antoinette ne s’attache à la vie qu’à partir du moment où elle apprend qu’elle ne vivra plus. Les élèves pourront ainsi remettre en perspective ce qu’ils ont appris sur le suicide assisté, ce qui rendra non seulement l’œuvre moins affligeante, mais pourra également les aider lors de l’activité finale. De plus, nous sommes d’avis qu’accorder « une attention particulière à l’auteur, en tant que personne singulière qui met en œuvre des processus d’écriture singuliers »[5], est une approche très intéressante. Les liens qui seront faits avec les autres œuvres écrites par l’auteure de même que le parallèle avec le roman d’Eric-Emmanuel Schmitt aideront les élèves à mieux comprendre Paradis, clef en main et, par le fait même, développeront leur culture.

 

Activité 5 – La syntaxe particulière de l’auteure

Étant donné la confusion pouvant être engendrée par la longueur des phrases, il serait pertinent de s’y arrêter. L’enseignant pourra amener les élèves à voir que la longueur des phrases ajoute une certaine lourdeur qui va de pair avec les propos relativement sombres. Il choisit donc une phrase particulièrement longue et l’inscrit au tableau. Il interroge les élèves :

 

« En lisant cette phrase, remarquez-vous quelque chose de particulier? »

 

Il demande ensuite aux élèves de parcourir quelques pages et de chercher, à leur tour, des phrases qui se démarquent par leur longueur. Après avoir lu quelques-uns de ces passages à voix haute, l’enseignant demande à sa classe :

 

« Croyez-vous que cette particularité est volontaire? »

 

Si les élèves répondent négativement, l’enseignant peut trouver des phrases dans l’œuvre qui sont plutôt brèves et poser sa question à nouveau. Il demande ensuite pourquoi, selon eux, l’auteure a choisi de formuler de si longues phrases. Il peut guider les réponses en faisant un lien avec l’état dépressif du personnage et amener les élèves à voir que les phrases relatant des réflexions et des états d’âme sont souvent peu ponctuées et que les phrases où l’action est décrite sont plus courtes. Il demande ensuite à quelques élèves de résumer, dans leurs mots, ce que dit l’auteur dans les phrases qu’ils ont relevées plus tôt. Ensuite, il les interroge :

 

« Avez-vous mieux saisi le sens des phrases lorsque je les ai lues à voix haute? »

 

À ce moment, l’enseignant poursuit la lecture en lisant à voix haute afin que les élèves comprennent mieux l’organisation de certaines phrases. Finalement, l’enseignant invite les élèves à répéter ces stratégies (résumer dans leurs mots, lire à voix haute) lorsqu’ils liront de manière individuelle.

 

 

APRÈS LA LECTURE

 

Activité 6 – La quatrième de couverture

Puisque la quatrième de couverture est, selon nous, beaucoup trop révélatrice, nous l’utiliserons pour aider les élèves à mieux comprendre Paradis, clef en main. L’enseignant lit le résumé à voix haute avec les élèves. Ensuite, il leur demande :

 

« Aviez-vous lu la quatrième de couverture avant de commencer le roman? »

« Aviez-vous compris que le psychiatre n’était que le fruit de l’imagination du personnage? »

 

Les élèves doivent désormais relever des indices dans le texte qui pouvaient laisser présager que le psychiatre n’était pas réel. Il répète l’exercice avec cette question :

 

« Aviez-vous compris que le plan de l’organisme Paradis clef en main avait échoué et que cet échec avait rendu le protagoniste paraplégique? »

 

Le principal indicateur étant l’alternance entre le passé et le présent, donc entre des moments où elle est paraplégique et d’autres non, il est important de s’y arrêter puisque cet aspect du roman peut créer de la confusion. L’enseignant demande alors aux élèves de relire quelques pages de chacun des cinq chapitres et d’indiquer si ce chapitre se situe dans le présent ou s’il s’agit d’un retour dans le passé. Ensuite, il pose les questions suivantes à ses élèves :

 

« Maintenant que nous avons lu la quatrième de couverture, comprenez-vous l’œuvre différemment? »

« À votre avis, la quatrième de couverture en dit-elle trop? »

 

À ce moment, l’enseignant demande à ses élèves d’écrire une toute nouvelle quatrième de couverture qui laissera davantage place à l’imagination. De cette manière, il pourra vérifier la compréhension de ses élèves en s’éloignant des traditionnels questionnaires de compréhension en lecture.

 

Activité 7 – Écriture :

Les élèves devront écrire un texte de 250 mots et utiliser le « je » puisqu’ils personnifieront le personnage d’Antoinette.

 

La consigne est la suivante :

« Vous devez choisir un passage où Antoinette est particulièrement négative et changez le point de vue : réécrivez le passage en étant très optimistes. »

 

Ils pourront utiliser les manifestations de la dépression qu’ils ont relevées plus tôt pour créer un personnage qui ne souffre plus de tels symptômes. Plusieurs critères peuvent être évalués :

  • fidélité au style d’écriture de l’auteure (réflexions et états d’âme exprimés dans des phrases longues, la description des actions dans des phrases courtes);
  • présence d’une alternance entre le passé et le présent;
  • respect de l’esprit initial de l’œuvre (thèmes, paradoxes, fidélité à la personnalité d’Antoinette).

 

Puisqu’il doit toujours y avoir « un rapport étroit entre ce qui est évalué et ce qui a fait l’objet d’apprentissage » [6], les critères suggérés sont directement en lien avec les activités menées précédemment. L’évaluation de ces critères permettra donc à l’enseignant de vérifier si les objectifs ont été atteints.

 

 


[1] Jean-Louis Dufays et al., « Prendre en compte les lectures réelles et les représentations des élèves », Pour une lecture littéraire (2e éd.), Éditions de Boeck Université, Bruxelles, 2005, p. 182.

[2] Id.  p.183

[3] Eric-Emmanuel Schmitt, Lorsque j’étais une oeuvre d’art, Éditions Albin Michel S.A., Paris, 2002, 289 p.

[4] Josette Rey-Debove et Alain Rey, Le Nouveau Petit Robert, nouvelle édition du Petit Robert, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2010, p. 187

[5] Claude Simard et al., Didactique du français langue première, Bruxelles : De Boeck, 2010, p. 337.

[6] Gouvernement du Québec, « Décroche tes rêves », Politique d’évaluation des apprentissages, [en ligne].http://fse-swebbd.fse.ulaval.ca/ext/cours/distance/fichier/MEV-1904/pea_2381.pdf [texte consulté le 10 avril 2011].

 


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