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L'hiver de force

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
L'hiver de force
DUCHARME, Réjean
Par Marie-Pier Lachapelle


Nationalité de l'auteur : Québécoise
Genre : Roman
Courant :
Siècle :
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Marie-Pier Lachapelle
Date du dépôt : Hiver 2011


 

Cette proposition de séquence s’inscrit dans le cadre du cours de français intitulé Littérature québécoise dont le code est 601-103-04. La séquence s’adresse donc principalement à des étudiants de niveau collégial suivant une formation générale. L’étudiant qui suit ce cours devra être en mesure de reconnaitre les caractéristiques de certains textes de la littérature québécoise. Il devra également être capable de les comparer et de déterminer un point de vue critique. Au final, l’étudiant devra élaborer un plan de rédaction, rédiger une dissertation critique de 900 mots et la réviser. La séquence élaborée est présentée lors de la première moitié de la session, et ce, pour une durée de sept séances.

 

L’œuvre mise intégralement à l’étude est le cinquième roman de l’écrivain Réjean Ducharmesoit L’hiver de force [1]. Il s’agit d’un incontournable de la littérature québécoise qui, par son originalité et sa richesse de langage, représente une source intarissable de sujets à analyser et à approfondir. De plus, l’œuvre constitue un défi de lecture pour les étudiants plus habitués à un genre romanesque beaucoup plus cadré et linéaire. De plus, l’auteur fait de multiples allusions au contexte social, politique et culturel des années soixante-dix au Québec, ce qui constitue l’occasion d’en apprendre plus sur l’histoire du Québec et sur la production littéraire associée à ces années.

 

Les défis que pose la lecture du roman L’hiver de force sont nombreux. Toutefois, la séquence se concentre sur trois problèmes qui sont jugés nécessaires à travailler pour assurer une compréhension juste de l’œuvre. Ces éléments du texte sont également ciblés dans le but de rendre la lecture plaisante et enrichissante. Ducharme effectue un constant et impressionnant jeu sur le langage. Il est donc important de connaitre certains éléments propres au langage ducharmien. La formation de néologismes, l’utilisation de certaines figures de style (aphérèse, assonance, dérive phonétique), la juxtaposition de divers registres ainsi que l’inversion du signifiant et du signifié sont les éléments principaux qui seront expliqués et travaillés en classe. Le second défi posé à l’étudiant-lecteur est l’écart entre le contexte de sa propre génération et celui traité dans le roman. Ducharme accorde une place importante aux référents culturels, politiques et sociaux : il fait de multiples allusions qui peuvent s’avérer déroutantes pour le jeune lecteur. Une contextualisation est donc nécessaire pour une bonne compréhension du roman. L’étude des principaux sujets polémiques et des grands évènements de l’époque s’avère donc efficace pour pallier ce possible manque. Finalement, un défi de taille pour le lecteur est de comprendre les personnages principaux du roman. Ducharme met en récit des personnages marginaux, différents de ce qui est généralement présenté en littérature québécoise dans les mêmes années. Contrairement à certains romanciers qui situent leurs personnages dans une société, ceux de Ducharme sont maitres du jeu. Ils refusent la contrainte, refusent de s’ancrer dans la société telle que nous la connaissons. Il s’avère alors nécessaire de comprendre leur psychologie, ce qui motive leurs attitudes et les choix qu’ils font. Une étude en profondeur des personnages est donc proposée afin de fournir des outils d’analyse et des pistes de compréhension au lecteur.

 

 

Avant la lecture: Créer des attentes, susciter des hypothèses

 

Séance 1 Mise en contexte et présentation

Cette séance est consacrée à la présentation de l’auteur. Dans un premier temps, les étudiants visionneront un court reportage réalisé par le journaliste Pierre Paquette en 1966 (Qui est Réjean Ducharme?). Puis, une courte biographie sera présentée, suivie d’un coup d’œil à l’ensemble de la production artistique de l’auteur. Pour ce faire, l’enseignante présentera un blogue créé spécialement pour le cours et qui servira de support web tout au long de la session [2]. En groupe, les étudiants pourront en apprendre davantage sur le fonctionnement des sections et auront accès à divers liens pertinents pour le cours (biographie de l’auteur, bibliographie complète, ressources variées, tests de lecture en ligne, diaporamas téléchargeables, etc.).

 

Activité 1.1 – Exploration de l’horizon

En équipe de quatre ou cinq, les étudiants devront examiner le livre. Ils devront remplir une fiche descriptive en qualifiant, dans leurs mots, la jaquette du livre (l’image choisie, le titre, la quatrième de couverture, le résumé), l’épigraphe, les titres des chapitres et le nombre de divisions. Ils devront ensuite rendre compte de leurs observations en groupe afin de comparer les évaluations effectuées par chaque équipe. Par la suite, les étudiants devront lire individuellement l’incipit du roman. Andrea Del Lungo affirme que cette partie de l’œuvre est révélatrice de la totalité du roman puisque, selon lui, « le début joue un rôle stratégique décisif, puisqu’il doit légitimer et orienter le texte, donner des indications génériques et stylistiques, construire un univers fictionnel, fournir des informations sur l’histoire racontée [3] ». Il est donc pertinent d’étudier les premières pages plus en profondeur avec les étudiants de manière à créer un horizon d’attente fidèle à la réalité. Une fois la lecture complétée, les étudiants devront reformer les équipes afin de remplir une seconde fiche. Quel est le type de narration? Quel est le contexte du récit? Qui sont les personnages? À quoi peut-on s’attendre lors des prochaines pages? Ces questions demeurent hypothétiques, mais permettent aux étudiants de s’interroger sur l’œuvre avant de commencer officiellement la lecture. De plus, « une telle réflexion préalable permet à la lectrice et au lecteur de se familiariser avec une œuvre nouvelle en recourant à ses propres savoirs et savoir-faire et en en développant de nouveau au besoin [4] ». Ainsi, cette activité a un double objectif : préparer l’étudiant à sa lecture en lui donnant confiance en ses moyens.

 

Séance 2 – Exploration du langage

Lors de cette séance, l’enseignante présentera un diaporama théorique expliquant divers procédés employés par Ducharme pour jouer littéralement avec le langage. Il sera d’abord question d’expliquer en quoi consiste un néologisme, figure marquante du langage ducharmien. Puis, certaines figures de style seront vues plus en profondeur afin d’illustrer les procédés utilisés dans le roman. Finalement, plusieurs exemples d’expressions figées seront présentés afin d’illustrer comment l’auteur procède pour effectuer des modifications et quel effet cela a sur le sens (ironie, jeu sur les tonalités, humour).

 

Activité 2.2 – Si solement Sol savait sola… (sic)

Cette activité formative prend la forme d’un projet de création. Dans un premier temps, les étudiants visionneront un extrait du spectacle de Marc Favreau intitulé Sol… Le retour aux souches [5], une représentation truffée de jeux de mots, de néologismes et de modifications d’expressions figées. Cette projection permettra aux étudiants de comparer les utilisations des jeux sur la langue, cette fois-ci dans un contexte théâtral. Par la suite, inspirés des acquis de la séance précédente ainsi que du spectacle de Favreau, les étudiants devront, en équipe de trois ou quatre, inventer un néologisme et en fournir la définition. Ils devront également modifier une expression déjà existante et expliquer son sens une fois modifié. Le projet sera présenté par chaque équipe à la fin du cours. Cette activité permettra aux étudiants d’effectuer eux-mêmes un jeu créatif sur le langage, donnant un aspect ludique au travail effectué par Ducharme lui-même.

 

Activité 2.3 – Dictionnaire interactif & encyclopédie ducharmienne

Cette activité est une évaluation sommative qui devra être réalisée hors des heures de cours, et ce, individuellement. Les étudiants devront, au fur et à mesure de leur lecture, remplir deux fiches distinctes. La première consiste en l’élaboration en groupe d’un dictionnaire interactif de néologismes. Chaque étudiant devra inventer dix néologismes et leurs définitions. La seconde fiche consiste à créer une banque d’expressions ducharmiennes. L’étudiant devra sélectionner dix expressions ou néologismes propres à l’univers du roman, et ce, à l’intérieur de la partie qui lui sera attribuée au préalable. Les pages sont restreintes afin de couvrir toutes les parties du roman ainsi que d’éviter de recueillir des exemples identiques. Les fiches devront être remises à l’enseignante avant le dernier cours de la séquence afin de recueillir les mots et les publier sur le blogue, dans les sections associées. Un dévoilement en classe est prévu afin que chacun puisse profiter de la créativité des autres.

 

 

Pendant la lecture: Analyser, comprendre & interpréter le texte

 

Séance 3 – Québec 1970, je me souviens

Cette séance est axée sur la contextualisation du roman. Tel que le relate Micheline Cambron, dans L’Hiver de force, le contexte joue un rôle important pour le récit et affecte les personnages.

 

Le roman décrit en effet la faune contreculturelle montréalaise des années soixante-dix et, par là, il parait une description de la société québécoise. De plus, Ducharme n’a esquivé aucun des sujets polémiques de l’époque : la drogue, le Parti québécois, l’Art, « le p’tit Québécois de la base », la révolution sexuelle, tout est passé à la moulinette critique de Nicole et d’André Ferron, deux personnages étonnants qui refusent absolument d’abdiquer leur liberté pour se fondre dans un groupe, fût-ce le plus marginal. [6]

 

Il est donc important de s’attarder aux grands évènements, aux idées et au contexte des années soixante-dix. Voilà donc ce qui sera présenté lors d’un diaporama agrémenté de photos d’archives de la ville de Montréal et de vidéos variées, notamment la célèbre Nuit de la poésie [7] de 1970, présentant les années du roman. Ainsi, les étudiants pourront se faire une idée concrète d’un contexte politique, culturel et social éloigné du leur. Par la suite, une discussion sera menée en groupe afin de cibler des extraits du roman qui font mention des évènements et des personnalités citées lors de la présentation. Les étudiants seront amenés à réfléchir sur la présence de ces référents et surtout, sur l’impact qu’ont ces derniers sur le récit.

 

Séance 4 – Saisir l’insaisissable : étude du personnage

Cette séance est entièrement consacrée à l’analyse des personnages de l’œuvre. Dès le départ, lors de l’étude de l’incipit, l’étudiant est confronté à la narration d’un personnage qui parle au nom de deux individus. Le premier contact est donc très différent de celui effectué auprès d’autres romans québécois. L’étudiant-lecteur est habitué à ce que le personnage s’inscrive dans un univers sensé et renvoyant à une structure sociale déjà existante. Pourtant, tel que le relate Michel Biron, « chez Ducharme, le texte ne tient pas debout sans le personnage. Celui-ci est premier : il n’est pas chargé de représenter la réalité sociale ou de déplacer telle ou telle forme narrative, mais de mettre le monde à l’épreuve d’une voix singulière [8] ». À partir de cette citation, les étudiants devront discuter en groupe de trois ou quatre. Ils devront répondre à quelques questions. Comment les personnages sont-ils désignés (surnom, nom)? Comment sont-ils présentés (physiquement, moralement et socialement)? Quelles sont leurs motivations? Une fois la discussion terminée, un retour en groupe sera effectué afin de partager les analyses de chaque équipe. Un tableau sera créé à partir de ce compte-rendu, associant chacun des personnages aux caractéristiques trouvées par les équipes.

 

Séance 5 Comparer pour mieux comprendre : étude du personnage (suite)

Cette séance est consacrée à l’étude des personnages, mais cette fois-ci, d’un point de vue comparatif. C’est-à-dire que les étudiants seront confrontés à divers exemples de personnages et devront évaluer les ressemblances et les différences entre les personnages présentés et ceux du roman à l’étude. Il sera notamment question d’étudier plus en profondeur les relations des personnages. Cette séance est cruciale puisque la relation entre les personnages est un élément fort complexe de l’œuvre et pourtant très important pour le déroulement du récit.

 

Activité 5.1 Cadavres : la dysfonction

À partir d’extraits du film Cadavres [9] réalisé par Érik Canuel, les étudiants seront amenés à observer ce qui constitue la relation entre Nicole et André (frère et sœur dans L’hiver de force) comparativement à la relation entre Raymond et Angèle (frère et sœur dans Cadavres). Les étudiants auront en main la version papier du film, puisqu’il s’agit d’une adaptation d’un roman du Québécois François Barcelo [10]. Ils pourront ainsi s’appuyer sur le texte original afin de se remémorer les extraits visionnés. En équipe de quatre, les étudiants devront d’abord décrire chacune des relations. Ensuite, ils devront évaluer les ressemblances et les différences entre les personnages ainsi qu’entre les relations. Le contenu des discussions sera ensuite révélé en grand groupe afin de former un tableau des éléments répertoriés. Cette activité permet d’approfondir l’étude des personnages de l’œuvre, tout en fournissant un point de comparaison avec un autre roman du répertoire québécois.

 

 

Après la lecture: Valider et transférer les résultats

 

Séance 6 – Le compte-rendu critique : s’y préparer et réussir

Cette séance est consacrée à la théorisation de ce qui constitue la seconde évaluation sommative. Les étudiants devront réaliser à la maison un compte-rendu critique du roman L’Hiver de force qui sera par la suite publiée sur le site de Babelio [11], une communauté en ligne de lecteurs francophones. Selon des critères préétablis et une grille de correction précisant les éléments évalués, les étudiants devront composer un texte à remettre lors d’une date ultérieure. La séance sera donc nécessaire pour expliquer avec précision en quoi consiste un compte-rendu. Plusieurs modèles seront fournis afin d’illustrer des exemples réussis, et ce, dans différents domaines (compte-rendu critique de cinéma et compte-rendu critique de site web). Les critères de correction seront donc basés sur les éléments nécessaires à la formation d’un compte-rendu critique ainsi que sur la pertinence de ces derniers.

 

Séance 7 – Prendre le pouls de la situation

Cette séance consiste en une synthèse des cours antérieurs. Il s’agit d’un suivi rigoureux de la lecture qui doit désormais être terminée. Le cours permet de vérifier si tous les éléments abordés en classe ont été compris et, dans le cas contraire, il est possible de faire un retour sur ce qui aurait été mal interprété. La première étape de cette séance consiste en un test de lecture formatif. À l’aide du blogue, plus précisément à partir de la section Tests de lecture, l’enseignante fera la projection du test à laquelle les étudiants devront répondre sur une feuille libre. Les réponses seront fournies au fur et à mesure et les étudiants auront l’occasion de poser des questions ou de commenter les réponses. Cette formule est adoptée afin de répondre devant le groupe à une multitude de questions souvent partagée par une majorité silencieuse. Elle permet également d’effectuer un retour sur les éléments importants et donc, « permet une rétroaction rapide, autant aux étudiants qu’à l’enseignant, qui peut mener à des ajustements didactiques [12] ».

 

Par la suite, les étudiants devront former des groupes de discussion d’environ quatre personnes. Ils devront choisir les aspects du livre qu’ils considèrent intéressants d’un point de vue théorique et expliquer pourquoi ces éléments ont été choisis. Ensuite, chaque étudiant devra déterminer personnellement son moment clé dans l’œuvre et expliquer pourquoi son choix s’est arrêté sur le passage en question. Une fois les discussions terminées, un retour en groupe sera effectué et ceux qui voudront partager leurs réflexions seront invités à le faire. Par ces discussions, l’enseignante permet aux étudiants d’exprimer leurs véritables émotions quant au roman à l’étude, ce qui pousse l’étudiant à se percevoir « comme un lecteur véritable, capable de subjectivité et autorisé à convoquer ce qui constitue ses propres références sur le monde [13] ».

 

Activité 7.1– Le dévoilement des mots

Cette activité constitue l’aboutissement de l’activité 2.3 intitulée Dictionnaire interactif & encyclopédie ducharmienne. Il s’agit d’un moment consacré au dévoilement officiel du dictionnaire créé par les étudiants. C’est aussi le moment de dévoiler le contenu de la banque d’expressions répertoriées par les lecteurs.

 


[1] DUCHARME, Réjean, L’hiver de force, Gallimard, 1973, Paris, 273 p.

[2] http://mariepierlachapelle.wordpress.com

[3] Del Lungo, Andrea, « Pour une poétique de l’incipit ». Dans Poétique, n° 94 (avril 1993), p. 131.

[4] FALARDEAU, Érick, « La préparation à la lecture pour améliorer les compétences des élèves en littérature ». Dans Pédagogie collégiale, octobre 2002, 16 (1), p. 6.

[5] FAVREAU, Marc, Sol : 4 spectacles, Canada, 3 DVD, 2004, coul.

[6] Cambron, Micheline, « Un roman montréalais à la Ducharme : L’Hiver de force ». Dans Une société, un récit. Discours culturel au Québec (1967-1976), Montréal, L’Hexagone, coll. Essais littéraires, 1989, p.161-162.

[7] LABRECQUE, Jean-Claude et MASSE, Jean-Pierre, La nuit de la poésie 1970, Canada, 1970, 111 min. 18., noir et blanc.

[8] Biron, Michel, L’absence du maître. Saint-Denys Garneau, Ferron, Ducharme, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, Coll. Socius, 2000, p. 203.

[9] CANUEL, Érik, Cadavres, Canada, 2009, 117 min., coul.

[10] BARCELO, François, Cadavres, Gallimard, coll. « Série noire », 1998, Paris.

[11] Teisseire, Guillaume, Babelio, en ligne, consulté le 7 avril 2011, http://www.babelio.com/

[12] Lavoie, Rachèle, « L’apprentissage par projet ». Dans Cadre conceptuel. Document de travail. Québec : Bureau d’approbation du matériel didactique, juillet 2002, p.28.

[13] Falardeau, Érick, « La place des lecteurs dans les classes de littérature ». Dans Québec français, automne 2004, 135,  p. 40.

 


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