JUSTIFICATION DU CHOIX DE L’ŒUVRE

Cette séquence didactique s’inscrit dans le cadre du deuxième cours de littérature offert aux étudiants québécois au cégep : Littérature et imaginaire. Les étudiants qui suivent ce cours sont âgés, en moyenne, de 17 à 19 ans et proviennent d’horizons variés, puisque la littérature fait partie du cursus de la formation générale obligatoire. Nous avons choisi de créer cette séquence autour de La vie devant soi de Romain Gary (Émile Ajar). Ce roman permet aux étudiants d’explorer un univers inconnu, le quartier multiethnique de Belleville dans les années 1970. Le personnage de Momo, narrateur sensible et sympathique, permet d’entrer facilement dans le récit. Le regard posé par Momo sur le monde est riche de possibilités d’analyse. De plus, le roman, porteur de valeurs humanistes, s’inscrit parfaitement dans un parcours de formation générale, qui vise à former les étudiants à leur rôle de citoyens.

PROBLÈMES DE LECTURE ET OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES

La séquence a été construite autour de trois problèmes de lecture :

1. Le contexte sociohistorique dans lequel se situe l’histoire, le Belleville des années 1970, qui est peu connu des jeunes Québécois de 2011 ;
2. Les jeux de langage et leurs effets humoristiques dans le texte ;
3. L’interprétation du message humaniste et la compréhension de l’intertextualité avec Les Misérables de Victor Hugo. 

L’objectif de la séquence est d’amener les étudiants vers la rédaction d’une dissertation dans laquelle la compréhension de l’humour et de l’humanisme sera primordiale. La séquence poursuit aussi d’autres objectifs comme la compréhension de la notion d’horizon d’attente, la rédaction d’une création littéraire au « je » et la capacité de travailler en équipes.

AVANT LA LECTURE

COURS 1 -Introduction (à lire pour le cours 3 : p. 1 à 75)

Activité 1 (15 minutes)

La première activité sert d’amorce à la séquence. Nous proposons à l’enseignant de poser au groupe la question suivante : « Si vous écriviez un roman ayant pour titre La vie devant soi, que contiendrait ce roman ? » Les étudiants disposent de dix minutes pour réfléchir à la question et produire un court texte. L’enseignant, au terme de l’écriture, ramasse les créations et en lit quelques-unes à voix haute, afin de découvrir s’il y a un lien entre les textes produits par le groupe.

Activité 2 (30 minutes)

L’enseignant distribue aux étudiants, placés en équipes, un questionnaire qui propose d’analyser trois éléments précis du paratexte : les illustrations qui ont servi de page couverture aux diverses éditions de l’œuvre, l’exergue et la quatrième de couverture. Des éléments concernant l’espoir, l’enfance, l’amour filial, la diversité culturelle et la solidarité devraient ressortir de cette analyse.

Activité 3 (20 minutes)

L’enseignant présente Romain Gary de façon magistrale, brève et classique. La présentation a été élaborée à partir du Tombeau de Romain Gary [1] de Nancy Huston et elle est disponible sur le blogue [2] créé pour cette séquence sous la rubrique « Présentation de l’auteur ».

Activité 4 (35 minutes)

Chaque étudiant doit se rendre sur le blogue du cours [3] pour y lire les textes se trouvant sous la rubrique « Connaissances préalables à la lecture ». Ces textes portent sur l’immigration en France, la Seconde Guerre mondiale, le lien entre les Juifs et Israël, la rumeur d’Orléans et le quartier de Belleville. Après avoir lu ces textes, les étudiants sont invités à répondre à un quiz interactif. Le quiz est également disponible sur le blogue. Cette activité permet aux étudiants de développer un sentiment d’expertise et de contrôle par rapport aux références savantes du texte avant même d’en commencer la lecture.  

PENDANT LA LECTURE

COURS 2 – Le langage, l’humour

Activité 5 (50 minutes)

Le deuxième cours de la séquence débute par la lecture, en équipes, de quatre extraits de textes énoncés par des narrateurs enfants. Le réseau de textes suggéré est La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy [4], Le souffle de l’harmattan de Sylvain Trudel [5], L’avalée des avalés de Réjean Ducharme [6] et La vie devant soi de Romain Gary [7]. Les étudiants lisent à voix haute dans leur équipe et soulignent chaque manipulation langagière qui leur parait étrange. Ils doivent ensuite essayer de nommer ces manipulations langagières et les classer dans un tableau synthèse. Les caractéristiques du langage du narrateur enfant qui seront relevées dans le tableau sont les suivantes: néologismes; utilisation d'expressions toutes faites; modification d'expressions; jeux de mots sur le sens propre et le sens figuré; comparaisons saugrenues; erreurs de vocabulaire, de grammaire et syntaxe; tendance à l'exagération; personnification; illogismes.

Activité 6 (50 minutes)

La seconde moitié du cours est consacrée à une évaluation formative : une création littéraire dans laquelle les étudiants doivent utiliser les procédés langagiers découverts lors de l’activité précédente. Les étudiants doivent choisir Momo comme personnage principal et composer une histoire contenant au moins cinq procédés différents. De plus, leur histoire doit contenir une critique sociale, puisque c’est souvent ce qui se cache derrière le discours des narrateurs enfants. Ici, notre objectif est de permettre aux étudiants de s’approprier le style de Gary afin de mieux le comprendre et l’apprécier.

COURS 3 – Le langage, l’humour (à lire pour le cours 5 : p. 75 à 151)

Activité 7 (50 minutes)

Le troisième cours commence par la présentation d’œuvres choisies pour amener les étudiants à bien comprendre l’humour noir, les personnages clownesques et quelques autres effets comiques. Tout d’abord, l’enseignant présente des dessins de Jean Bosc [8] (dessinateur contemporain de Gary) qui contiennent de l’humour noir. Ensuite, il présente deux extraits de films de Charlie Chaplin : un extrait des Temps modernes (celui où le travailleur est happé par la chaine de montage) et un extrait du Dictateur (celui où l’on voit le dictateur danser avec le globe terrestre). Enfin, les étudiants, en équipes, doivent remplir un questionnaire sur leur compréhension des notions induites par les dessins et par les extraits cinématographiques. Les questions posées sont les suivantes : « Qu’est-ce que l’humour noir ? », « À quoi sert l’humour noir ? », « Pouvez-vous me donner des exemples personnels d’humour noir ? », « Quels sont les effets introduits par un personnage clownesque ? » et « Quels liens pouvez-vous établir entre ces notions et La vie devant soi ? ».

Activité 8 (50 minutes)

Pendant la deuxième heure du cours, les étudiants sont évalués de manière formative. Ils doivent choisir un extrait du début du roman qui leur a paru particulièrement drôle et procéder à son analyse. Ils doivent expliquer pourquoi cet extrait est drôle en utilisant les concepts vus en classe.

COURS 4 – Le langage, l’humour

Activité 9 (100 minutes)

La première heure de la séance est consacrée au visionnement du début du film La vie devant soi de Moshé Mozrahi. La deuxième heure du cours est, quant à elle, consacrée à une comparaison entre le film et le roman. Le fait de mettre côte à côte les deux œuvres met en évidence l’humour contenu dans la narration du roman.

COURS 5 –Amour, humanisme (à lire pour le cours 7 : p. 151 à 229)

Activité 10 (30 minutes)

Les étudiants doivent construire le schéma actanciel du roman en plaçant Momo au centre du schéma. Ils dessinent le schéma sur une affiche. Nous procédons ensuite à une mise en commun. L’enseignant amène ses étudiants à voir que le dénominateur commun de leurs réponses est l’amour dont Momo a viscéralement besoin. Cette activité sert d’amorce aux activités liées à l’humanisme.

Activité 11 (45 minutes)

Cette activité a comme objectif de familiariser les étudiants avec les valeurs humanistes. D’abord, deux extraits de textes à caractère humaniste ont été sélectionnés : l’un provient des Identités meurtrières d’Amin Maalouf [9] et l’autre de l’Éloge de la différence d’Albert Jacquard [10]. L’enseignant demande à des étudiants de faire la lecture des textes à voix haute. Ensuite, deux extraits du film Il y a longtemps que je t’aime de Philippe Claudel sont présentés au groupe. Le premier extrait [11] est un contrexemple d’humanisme, alors que le second extrait [12] s’inscrit tout à fait dans une perspective humaniste. Enfin, à l’aide du matériel proposé (textes et film), les étudiants, en équipes, doivent établir une liste de caractéristiques humanistes [13]. Lorsque la liste est approuvée par l’enseignant, les étudiants peuvent passer à l’étape ultérieure : l’activité 12.

Activité 12 (25 minutes)

Le reste de la période est utilisé pour faire fouiller les étudiants dans le roman. Ils doivent trouver des réponses à la question suivante : « Pourquoi peut-on dire que La vie devant soi appartient au courant humaniste ? » L’analyse se fait en équipes, afin de stimuler l’émergence des idées.

COURS 6 –Humanisme, problèmes sociaux

Le début du cours 6 (30 minutes) est consacré à la poursuite de l’activité amorcée au cours précédent.

Activité 13 (45 minutes)

Les étudiants reçoivent, au début de cette activité créée autour de l’intertextualité avec Les Misérables, un fascicule contenant trois extraits du roman de Victor Hugo. Chaque extrait présente un personnage différent (Fantine, Jean Valjean et Cosette). Les étudiants doivent lire en groupe les extraits et répondre à deux questions précises : « Quels sont les problèmes sociaux dénoncés dans ces extraits ? » et « De quelle manière les personnages sont-ils décrits ? »

Activité 14 (25 minutes)

L’activité suivante est sensiblement la même, mais adaptée au roman La vie devant soi. Les étudiants analysent le roman en se posant les mêmes questions. Cette activité permet de mettre en lumière les liens forts entre le roman de Romain Gary et celui de Victor Hugo.

COURS 7 –Humanisme, problèmes sociaux (à lire pour le cours 8 : p. 229 à 274)

Activité 15

Les étudiants se voient proposer le sujet suivant : « Dans La vie devant soi, Momo dit : " […] quand je serai grand j’écrirai moi aussi les misérables parce que c’est ce qu’on écrit toujours quand on a quelque chose à dire […] " Et vous, si vous deviez écrire Les Misérables, version XXI^e siècle, de quel problème social parleriez-vous ? Pourquoi ce problème vous touche-t-il particulièrement ? » Ils doivent insérer, dans leur création littéraire, trois caractéristiques de l’humanisme. Les textes des étudiants seront publiés sur le blogue[14] du cours afin de créer une communauté d’humanistes d’aujourd’hui.

COURS 8 – Synthèse

Activité 16 (50 minutes)

Les étudiants sont invités à utiliser les ordinateurs portables et à se rendre sur le site « Bubbl.us », qui permet de créer des cartes conceptuelles en ligne. En équipes, ils fouillent dans leurs notes de cours afin de créer une cartographie de tous les concepts étudiés depuis le début de leur lecture de La vie devant soi. En s’inspirant de leurs cartes de concepts, les étudiants doivent inventer deux questions de dissertation qui seraient pertinentes en fonction du travail que nous avons fait sur le texte.

Activité 17 (50 minutes)

La dernière activité proposée aux étudiants avant l’évaluation finale a comme objectif d’amorcer la réflexion sur la question qui leur sera posée au cours suivant. La classe est divisée en deux groupes pour la tenue d’un petit débat informel autour de la question suivante : « Est-ce que La vie devant soi est un roman porteur d’espoir ou de désespoir? »

APRÈS LA LECTURE

COURS 9 et 10

Activité 18

Les deux derniers cours sont consacrés à une dissertation en classe ayant pour sujet : « Montrez que La vie devant soi est un roman porteur d’espoir. » Ce sujet permet aux étudiants de réinvestir plusieurs des concepts étudiés en cours de séquence. Les étudiants disposent de quatre heures pour réaliser leur travail, ils ont accès aux ordinateurs portables et au logiciel Antidote.

La dissertation vaut 30 % de la session.

OEUVRES UTILISÉES POUR NOURRIR LA RÉFLEXION LITTÉRAIRE SUR L'OEUVRE

LECARME-TABONE, Éliane (2005). La vie devant soi de Romain Gary (Émile Ajar). Folio, Paris. 

MORIN, Christian (2006). L'humour avec soi. Analyse sémiotique du discours humoristique et de la supercherie chez Gary-Ajar. Nota Bene, Québec.

[1] Nancy Huston (1995). Tombeau de Romain Gary. Léméac / Actes Sud, Paris.

[2] Adresse complète du blogue : www.catherinemartineau.wordpress.com

[3] id.

[4] Gaétan Soucy (1998). La petite fille qui aimait trop les allumettes. Boréal, Montréal. p. 13 à 16.

[5] Sylvain Trudel (1986). Le souffle de l’harmattan. Typo, Montréal. p. 25 à 28.

[6] Réjean Ducharme (1966). L’avalée des avalés. Folio, Paris. p. 9 à 12.

[7] Romain Gary (1975). La vie devant soi. Folio, Paris. p. 85-88 (il s’agit d’un extrait que les étudiants n’ont pas encore lu, ils se sentiront donc en terrain connu lorsqu’ils y arriveront).

[8] À l’adresse http://www.j-m-bosc.com, dans la section « Expositions tournantes », il est possible de voir plusieurs des dessins de Jean Bosc.

[9] Amin Maalouf (1998). Les identités meurtrières. Grasset, Paris. p. 16-17.

[10] Albert Jacquard (1981). Éloge de la différence. Seuil, Paris. Passage intitulé « L’amour des différences ».

[11] Scène où l'on voit le personnage de Juliette totalement hermétique et incompris.

[12] Scène finale du film où le personnage de Juliette s'ouvre à sa sœur et où l'on comprend le drame qui a eu lieu.

[13] Exemple de liste : compréhension, ouverture à la différence, importance de la dignité humaine, place centrale de l'homme, présence de problèmes éthiques que l’homme règle sans Dieu, importance de la science, etc.

[14] http://catherinemartineau.wordpress.com