LA PERTINENCE DE L'OEUVRE
Si, pour les Québécois, le XVIIIe siècle marque la conquête des Anglais, c’est plutôt la recherche de l’égalité et de la liberté qui le caractérise chez les Français. La Révolution qui s’est opérée à la fin du siècle découle en effet des idées que promouvaient les Lumières : critique de l’injustice liée à la monarchie absolue et à la hiérarchie, montée de l’esprit scientifique, importance de l’Homme et critique de l’obscurantisme. Et ces idées foisonnent dans la littérature française. Alors que Diderot et D’Alembert rêvaient d’une encyclopédie qui regrouperait tous les savoirs de l’époque, Laclos et le marquis de Sade décrivaient le libertinage alors bien présent dans leur société. Montesquieu, dans ses Lettres persanes, critiquait la société française et Voltaire, quant à lui, abordait un point de vue philosophique dans son Candide. C’est d’ailleurs dans cette lignée d’œuvres qui ont marqué le Siècle des Lumières que s’inscrit Marivaux, auteur de la pièce de théâtre L’Ile des esclaves[1].
Étudier cette pièce de théâtre s’avère très pertinent dans le cadre du premier cours de littérature au collégial, Écriture et littérature (601-101). L’œuvre s’inscrit dans la période choisie pour ce cours (Moyen-âge à 1850) et elle permet la compréhension d’un des siècles les plus importants de l’histoire de la France (la Révolution française et les évènements qui ont mené à cette rébellion marquent l’imaginaire littéraire, notamment). Par ailleurs, la pièce, qui est plutôt courte, plait généralement aux étudiants par son sujet qui, bien qu’il ne soit plus très actuel, peut très bien faire référence à des situations que nous vivons aujourd’hui. Si l’œuvre semble peu complexe, c’est justement par sa simplicité qu’elle pose problème, et la rédaction d’une analyse finale sur cette œuvre s’avère pertinente pour le professeur : il peut ainsi évaluer les compétences que ses étudiants auront acquises tout au long de leur session.
Si l’enseignant qui veut aborder cette œuvre dans le cadre de son cours adopte un fil conducteur chronologique, l’œuvre (écrite en 1725) risque de ne pas être la dernière au programme. Toutefois, en fin de session, elle amène un petit « vent de fraicheur » pour les étudiants épuisés : la lecture se fait rapidement, ils n’ont pas besoin de travailler beaucoup à la maison, et la pièce permet de faire une synthèse du Siècle des Lumières (donc de la dernière partie du cours).
LES DIFFICULTÉS DE L'OEUVRE
Pour un lecteur débutant, la pièce semble facile à comprendre; la morale est simple et presque écrite en gros caractères… Pourtant, le problème de l’œuvre réside justement dans cette simplicité, qui cache beaucoup de choses. Pour que les étudiants puissent analyser cette pièce (la compétence à atteindre dans ce cours de français vise en fait la rédaction d’une analyse d’une œuvre littéraire), ils devront percevoir l’ironie qui y est véhiculée. C’est effectivement toute l’ironie de la situation dans laquelle les personnages sont posés qui permet la compréhension de l’œuvre dans son contexte historique, c’est-à-dire le début du XVIIIe siècle, période où les auteurs critiquaient les injustices sociales.
Trois éléments permettent aux étudiants de déceler l’ironie dans l’œuvre, et ces éléments représentent souvent des obstacles de compréhension pour les lecteurs. Les étudiants devront donc d’abord situer dans le temps et surtout dans l’espace l’histoire de L’Ile des esclaves. Puisque la pièce se déroule sur une ile, loin de ce que l’on connait et à une époque incertaine, les étudiants devront comprendre que le lieu et le temps servaient dans ce cas d’autocensure de la part de l’auteur. Par ailleurs, comme seulement cinq personnages sont présents dans la pièce, il importe que les étudiants reconnaissent bien les caractéristiques psychologiques qui les définissent. Souvent, les personnages ne sont pas ce qu’ils disent réellement, et c’est dans cette ironie que le lecteur peut comprendre la critique sociale de Marivaux. Enfin, la notion de « théâtre dans le théâtre » joue un rôle prépondérant dans l’œuvre. L’ironie se caractérise en effet par les différents jeux de rôle des personnages dans la pièce; lorsque le lecteur parvient à comprendre ces échanges de rôle et distingue la pièce de théâtre dans la pièce de théâtre, il comprend alors la psychologie des personnages et peut plus facilement déceler l’ironie dans l’œuvre.
Résoudre ces différents problèmes permettra aux étudiants de rédiger une analyse littéraire comme dernier examen sommatif de la session, la compétence que doivent acquérir les élèves étant d’analyser des textes littéraires appartenant aux courants littéraires et en rendre compte dans un texte cohérent et correct.[2]
LES OBJECTIFS À ATTEINDRE
Puisque la pièce de théâtre fera l’objet d’une analyse littéraire complète de 700 mots, il importe que les étudiants puissent :
- 1. Situer la pièce dans le temps et dans l’espace;
- 2. Connaitre les évènements et les auteurs marquants du Siècle des Lumières
- 3. Dresser un portrait des personnages de la pièce;
- 4. Mettre en scène différentes scènes de L’Ile des esclaves;
- 5. Analyser de façon critique la pièce et son propos;
- 6. Écrire un plan d’analyse de la pièce;
- 7. Illustrer leur compréhension de l’œuvre par une analyse littéraire de 700 mots sur une scène en particulier.
LA SÉQUENCE DIDACTIQUE
Puisque la pièce de théâtre est assez courte, le travail sur l’œuvre ne s’échelonne que sur quatre semaines et demie de cours, soit pendant 18 heures en classe. Les activités présentées permettent la compréhension des élèves, mais sont également faites de façon à ce que ce ne soit pas l’enseignant qui donne toutes les réponses. Les étudiants seront simplement guidés par l’enseignant. (La séquence peut être plus longue si les étudiants n’ont pas préalablement travaillé le genre théâtral et qu’ils n’en maitrisent pas quelques notions de base.)
Avant la lecture
Cours 1. L’ironie (2 heures)
L’ironie étant le point d’ancrage de la pièce, l’élément permettant une meilleure compréhension des trois « problèmes » posés par l’œuvre, il importe que l’enseignant ne tienne pas pour acquis que tous ses étudiants la comprennent. Ainsi, pour familiariser les élèves avec ce procédé, le professeur optera pour des activités qui favorisent sa compréhension avant qu’ils entament leur lecture.
L’enseignant demandera d’abord aux étudiants de définir ce qu’est l’ironie. Cette étape vise surtout à démystifier ce terme, qui semble plutôt flou pour des étudiants âgés de 17 à 20 ans… En effet, plusieurs arrivent mal à percevoir l’ironie dans des textes, mais aussi dans diverses situations, et puisque la ligne est mince entre l’ironie et le sarcasme, il importe que les étudiants ne les confondent pas. Ainsi, lorsqu’ils commenceront la lecture de la pièce, ils pourront déjà saisir (peut-être pas partout, certes) l’ironie dans le texte. Cette étape « […] fait apparaitre l’absolue nécessité qu’il y a de concevoir l’enseignement de la littérature comme une initiation non seulement à des textes et à des auteurs particuliers mais aussi aux codes qui sont à l’œuvre dans de nombreux textes, littéraires et non littéraires, anciens et actuels.[3] »
Lorsque la classe aura défini correctement le terme[4] (ce sont eux qui doivent donner une réponse, et l’enseignant doit les guider dans leur démarche), les étudiants pourront observer des photos[5] qui sont toutes, à leur façon, ironiques. Ils devront, encore en grand groupe, trouver la raison pour laquelle les images et le texte sont « drôles » et expliquer pourquoi ils croient que l’image est ironique. Cette étape n’est en fait qu’un prétexte pour permettre aux étudiants de comprendre ce procédé grâce à des exemples dont ils se souviendront très certainement.
Ensuite, l’enseignant présentera des extraits du film Un vendredi dingue, dingue, dingue, réalisé par Mark Waters. Dans ce film, une mère et sa fille échangent de corps, l’instant d’une journée, pour découvrir les dures réalités que chacune d’elles doit vivre dans son quotidien. Puisque cette histoire ressemble beaucoup à celle de l’œuvre de Marivaux, les étudiants pourront faire des liens lorsqu’ils commenceront la lecture. Le professeur choisira donc des moments importants du film (la situation initiale, l’élément déclencheur, la situation finale où l’on présente la morale de l’histoire) pour permettre à ses étudiants de déjà se familiariser avec l’œuvre qu’ils liront pour le prochain cours. Lorsque les étudiants auront une bonne idée de l’histoire du film, l’enseignant leur demandera d’écrire un court texte (environ 250 mots) qui relaterait de façon ironique une péripétie dans la journée de la mère ou de la fille[6]. Pendant l’exercice, l’enseignant observera les textes que les élèves écriront. Cette étape vise deux objectifs. D’une part, lorsque l’étudiant lira l’œuvre de Marivaux, il pourra déterminer « […] quelle attitude (célébration, respect, dérision, critique, neutralité…) la réécriture [dans ce cas-ci, le film] adopte par rapport au texte-source[7] ». Ainsi, il pourra déjà jeter un regard critique sur l’œuvre en la lisant pour la première fois. D’autre part, ce travail vise à consolider les connaissances qu’ils auront acquises en matière d’ironie de manière à ce qu’ils la perçoivent en lisant la pièce de théâtre.
Enfin, l’enseignant doit spécifier que la lecture de la pièce de théâtre devra être complétée pour le second cours de la semaine.
Pendant la lecture
Même si les étudiants auront terminé la lecture de la pièce (il serait difficile de leur demander de n’en lire que quelques pages, puisqu’elle est très courte et qu’elle ne comporte qu’un seul acte), nous considérons que les cours 2 à 5 se font pendant la lecture. Les élèves creuseront davantage dans le texte et effectueront une lecture plus critique durant ces cours.
Cours 2. Le siècle des Lumières (2 heures)
Comme activité d’amorce dans un cours où l’on veut présenter les différents niveaux de lecture de l’œuvre, l’enseignant peut faire lire à ses étudiants la lettre qu’a écrite George Sand à Alfred de Musset[8], celle où tout semble romantique alors que, en réalité, c’est une lettre libertine où Sand avoue son désir charnel… Les étudiants verront rapidement qu’un texte ne veut pas toujours dire ce qu’il dit à la première lecture!
Les étudiants n’étant pas encore familiers avec le contexte sociohistorique de l’époque, l’enseignant peut jouer la carte des hypothèses pour aborder le temps et l’espace dans la pièce. Ainsi, les étudiants, qui ne savent pas que le siècle dans lequel a été écrite l’œuvre est un siècle où le peuple s’insurgeait contre l’injustice de la monarchie, devront émettre des hypothèses quant à la raison pour laquelle le lieu et le temps sont si « flous » jusqu’à ce qu’ils parviennent à comprendre les raisons qui ont poussé Marivaux à écrire de la sorte. En classe, les étudiants devront d’abord se regrouper en équipe de deux personnes. Chacune des équipes devra décrire, à sa façon, l’époque durant laquelle se déroule l’histoire et le lieu de la pièce (en quelle année, d’où viennent les personnages, où se situe l’ile, etc.). Les étudiants devront émettre des hypothèses qui s’appuient sur certains détails dans l’œuvre. Pendant cette activité, l’enseignant observera le travail de ses étudiants et enrichira leurs réflexions par des questions qui les pousseront à préciser leurs réponses.
Par la suite, toujours en équipe, les élèves devront lire la préface de Laclos dans Les liaisons dangereuses[9]. L’enseignant leur demandera, comme seule consigne, d’expliquer la raison pour laquelle la préface et l’œuvre de Marivaux sont si semblables. Cette activité vise à « renverser des habitudes “passives” de lecture grâce à des textes et des démarches qui contraignent le lecteur à se servir de ses compétences, à se comporter activement parce qu’ils provoquent son désir de trouver la solution, de résoudre l’énigme, de gagner le jeu[10] ». À première vue, la pièce de théâtre et la préface n’ont rien en commun. Pourtant, Laclos s’est autocensuré de la même manière que Marivaux : les deux ne situent pas leurs histoires à leur époque et dans leur pays pour que leurs livres paraissent, mais pour critiquer la société dans un même temps. « L’intérêt de cet exercice est qu’il permet d’identifier des fonctionnements, des thèmes ou des structures récurrentes – en un mot, des stéréotypies – essentiels pour la construction du sens, mais dont l’élève n’a pas nécessairement la maitrise au départ.[11] » Enfin, en plénière, les étudiants devront partager leurs hypothèses et l’enseignant les guidera s’ils ne parviennent pas à la « réponse[12] » qu’il attend d’eux.
Si les étudiants comprennent, grâce à l’exercice, la volonté de s’autocensurer pour partager son opinion, ils ne connaissent toujours pas le contexte sociohistorique du XVIIIe siècle. L’enseignant fera, dans la seconde moitié du cours, un petit exposé relatant les évènements marquants du Siècle des Lumières, les œuvres qui ont traversé le temps, l’auteur de la pièce de théâtre à l’étude, mais il expliquera surtout les raisons qui ont mené à la Révolution française de 1789. Par exemple, à l’aide de peintures et d’images (La liberté guidant le peuple, de Delacroix), de vidéos (le film Révolution française), de chansons (la Marseillaise) ou de textes (L’encyclopédie, de Diderot), l’enseignant peut faire une présentation dynamique qui « […] peut servir à informer les élèves, à leur communiquer des savoirs nouveaux à propos d’un texte ou d’une problématique[13] ». Pour conclure son cours, il fera lire aux étudiants un extrait de la lettre XXIV des Lettres persanes[14] de Montesquieu. Il demandera aux étudiants de parler des thèmes de la lettre, mais surtout d’expliquer, dans leurs mots, en quoi la lettre peut s’inscrire dans le même courant de pensée que la préface de Laclos et la pièce de Marivaux. Cette dernière activité vise non seulement à faire voir l’ironie dans l’œuvre de Marivaux, mais également à consolider leurs savoirs et à synthétiser tout le cours.
Cours 3. Les personnages (2 heures)
Nul ne peut comprendre une pièce de théâtre s’il ne tente pas de comprendre les personnages, puisque ce sont eux qui forment le récit. D’ailleurs, dans L’Ile des esclaves, ce sont les personnages qui teintent l’œuvre d’ironie, par leurs gestes et par leurs paroles. L’activité du troisième cours vise donc la compréhension des personnages d’un point de vue psychologique. Tranquillement, les étudiants « entreront » dans l’œuvre pour se l’approprier. Il ne s’agit donc plus de faire une lecture par hypothèses, mais bien de faire une lecture plus axée sur la distanciation (sans pour autant éviter le plaisir de lire). Ainsi, « [l]'intrigue n'a plus autant d'importance que les stratégies qui l'ont rendue telle. La distanciation délaisse la dénotation pour déchiffrer la connotation, les non-dits. […] Les figures de discours et les difficultés langagières sont alors analysées comme des spécificités du texte littéraire susceptibles d'enrichir le sens.[15] »
Pour que les étudiants comprennent bien que la critique, et la morale, de la pièce de théâtre n’est pas l’abolition de l’esclavage, mais bien la dénonciation de la hiérarchie dans la société, il importe qu’ils perçoivent l’ironie et la critique chez les personnages principaux. L’enseignant dressera, sous forme de tableau, le portrait d’un des personnages de la pièce[16]. À l’aide de preuves tirées de l’œuvre, il amènera les étudiants à réfléchir et à prendre du recul sur le personnage qu’il aura choisi. Ensuite, les élèves seront invités à se regrouper en équipe de quatre où une dyade analysera le couple Iphicrate/Arlequin et l’autre, Euphrosine/Cléanthis. L’enseignant circulera dans la classe afin de valider les réponses des étudiants, mais surtout afin de leur poser des questions qui les feront réfléchir : Dans la commedia dell’arte[17], comment Arlequin est-il représenté? Est-il différent dans la pièce?, D’après-vous, que signifie Iphicrate? Que signifie Euphrosine? D’où proviennent ces noms?, etc.
Ensuite, chaque dyade devra présenter le fruit de son travail à ses coéquipiers afin que toute l’équipe ait une idée bien précise de la psychologie de chaque personnage. Cette activité vise donc le travail constant de l’étudiant : « […] l’élève doit être actif : aucun apprentissage ne se fait sans la participation de l’apprenant.[18] » Puisque c’est l’étudiant lui-même qui dresse le portrait du personnage et qui, en quelque sorte, l’enseigne à ses coéquipiers, il peut clairement comprendre son travail. Dans cette activité, l’enseignant joue le rôle de guide : il s’assure que les élèves comprennent bien les personnages et il les laisse réfléchir par eux-mêmes. Ainsi, les étudiants peuvent comprendre davantage l’œuvre, puisque ce sont eux qui ont analysé les personnages et qui ont observé l’ironie chez certains. D’ailleurs, l’enseignant devra bien vérifier le travail des équipes : les personnages usent souvent d’ironie dans leurs paroles, et les étudiants risquent de tenir pour acquis que ce qu’ils disent les définisse réellement s’ils ne saisissent pas le procédé comique de Marivaux…
Enfin, afin de permettre aux étudiants de voir l’ironie et la critique dans l’œuvre de Marivaux, l’enseignant pourra leur faire lire un extrait du Jeu de l’amour et du hasard[19] ou leur en présenter un extrait[20]. Dans cette pièce, les rôles sont également échangés entre maitres et servants, et les situations ironiques et comiques abondent. L’enseignant pourra alors « introduire des textes d’hier ou d’aujourd’hui qui présentent des défis de lecture à l’aide de leur transposition au cinéma dont les codes d’expression permettent à l’élève de se représenter des univers complexes ou lointains.[21] » Non seulement les étudiants pourront se baser sur leurs connaissances déjà acquises depuis le début de la séquence sur L’Ile des esclaves, mais ils pourront également relier les procédés comiques à d’autres situations qui faisaient la force de Marivaux. Aborder une seconde œuvre du même auteur est également une façon de le présenter plus particulièrement, sans toutefois en faire un récit exhaustif. Ainsi armés, les étudiants pourront entrer davantage dans la pièce pour en dégager le sens et l’analyser.
Cours 4 et 5. Le théâtre dans le théâtre (4 heures)
Afin de préparer les étudiants à la rédaction de leur analyse finale, le professeur pourra animer une activité de lecture-jeu en classe. Durant le premier cours, il leur présentera le projet et les consignes : les étudiants devront se regrouper en équipe de trois ou quatre personnes et choisir une scène qu’ils pourraient jouer parmi la scène 2 (quatre personnes), la scène 3 (trois personnes) et la scène 5 (trois personnes). Cette activité a pour but d’encourager « […] la rencontre (avec des personnages, des situations, des actions), […] l’appropriation personnelle (qu’elle prenne la forme du fantasme, de la projection, de l’illusion ou de l’identification) et […] la lecture référentielle (il faut que les élèves soient invités à se situer par rapport à ce qu’ils lisent, à prendre position, à dire quelles vérités, quelles valeurs éthiques ils croient déceler dans le livre).[22] » En équipe, les étudiants devront partager leurs réflexions sur la scène qu’ils auront choisie puisqu’ils devront déterminer la façon dont ils vont la jouer. D’ailleurs, afin que tous les élèves s’approprient bien le texte, ils devront trouver un élément de costume, un élément de décor et un accessoire qui signifient quelque chose pour la scène qu’ils vont jouer. Ils devront également en dégager le propos. L’enseignant leur laissera toute la période pour se préparer et sera toujours présent pour les aider dans leurs démarches et pour valider le propos qu’ils auront trouvé.
Lors du deuxième cours, les étudiants présenteront leur scène en équipe. Ils devront d’abord décrire brièvement la scène qu’ils ont choisie, partager leur propos et expliquer le choix de leur costume, de leur élément de décor et de leur accessoire. Par la suite, les membres de l’équipe pourront faire une lecture « théâtrale » de la scène. Si cette activité permet à l’enseignant de bien cibler les forces et les faiblesses de ses étudiants quant à leurs réflexions sur l’œuvre, elle peut également aider les autres étudiants de la classe à comprendre des détails qu’ils n’avaient pas saisis au départ : « Écouter une lecture à haute voix peut aider à comprendre le sens de certains mots, à percevoir l’organisation de certains passages, à mieux saisir telle ou telle intention […]. De plus, par l’impression qu’elle peut provoquer sur les auditeurs, cette lecture capte mieux leur attention et répond davantage à l’économie de “progression” ou d’élaboration progressive du sens[23] ». Les étudiants resteront donc encore actifs durant cette activité, ce qui favorisera leur réussite. Certaines équipes pourront même comparer leur vision à celle d’une autre équipe qui jouera la même scène qu’elles.
Après la lecture
Cours 6-7-8-9 (8 heures)
Les étudiants étant alors assez outillés pour effectuer l’analyse de la pièce de théâtre de Marivaux, ils pourront commencer le travail sommatif avec assurance.
La première période de cours visera surtout la préparation à l’analyse : l’enseignant choisira deux scènes (par exemple la scène 2 et la scène 3) qui pourraient faire l’objet de l’analyse finale. Il permettra aux étudiants de faire un plan détaillé (sous forme de puces) des deux scènes. Il sera également disponible pour répondre aux questions des étudiants et valider (sans toutefois donner de réponses) leurs plans.
Les trois dernières périodes de cours seront consacrées à la rédaction de l’analyse. Les étudiants n’auront droit qu’à leurs plans, à un dictionnaire et à la pièce de théâtre. Ils devront rédiger leur travail selon les exigences du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.
BIBLIOGRAPHIE
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Dufays, J.-L., L. Gemenne et D. Ledur. (1996). « Initier au jeu des hypothèses », dans Pour une lecture littéraire 1. Approches historique et théorique. Propositions pour la classe de français. Bruxelles : DeBoeck, p. 174-197.
Dufays, J.-L. L. Gemenne et D. Ledur. (2005). « Aborder le texte via l’image », dans Pour une lecture littéraire : histoire, théories, pistes pour la classe (2e éd.). Bruxelles : DeBoeck, p. 313-319.
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Lacelle, N. (2006). « L’intégration du film dans une approche culturelle de l’enseignement de œuvre littéraire », dans A.-M. Boucher et A. Pilote (dir.). La culture en classe de français. Québec : Publications Québec Français, p. 43-52.
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Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. (2011). « Langue d’enseignement et littérature – Ensemble 1 ». [En ligne]. Site consulté le 8 décembre 2011. http://www.mels.gouv.qc.ca/ens-sup/ens-coll/Cahiers/cours-comp/cours.asp?NoCours=601-101-04
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[1] Marivaux. (2004). La colonie suivi de L’Ile des esclaves. Paris : Magnard, 199 p. (première parution en 1725)
[2] Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. (1994) « Langue d’enseignement et littérature – Ensemble 1 ». [En ligne]. Site consulté le 8 décembre 2011.
http://www.mels.gouv.qc.ca/ens-sup/ens-coll/Cahiers/cours-comp/cours.asp?NoCours=601-101-04
[3] J.-L. Dufays, L. Gemenne et D. Ledur. (2005). « Enseigner les codes par la lecture », dans Pour une lecture littéraire : histoire, théories, pistes pour la classe (2e éd.). Bruxelles : DeBoeck, p. 286.
[4] Au préalable, l’enseignant aura cherché les définitions des mots ironie et sarcasme dans le Petit Robert. Il ne s’agit toutefois pas, dans cette activité, d’un concours de justesse de définition…
[5] Les photos ironiques abondent sur Internet, une petite recherche suffit pour que l’enseignant en trouve suffisamment.
[6] Certains étudiants qui ont déjà vu le film pourront être tentés de reprendre des scènes du film. Ce sera à l’enseignant de décider si la reprise est pertinente, mais elle ne doit pas être complètement semblable.
[7] J.-L. Dufays, L Gemenne et D. Ledur. (2005). « Enseigner les codes par la lecture », dans Op. cit., p. 290.
[8] G. Sand. « Correspondances entre George Sand et Alfred de Musset », dans Astussima. [En ligne]. Site consulté le 9 décembre 2011. http://www.astussima.com/correspondances-george-sand-alfred-de-musset.html.
(Nul ne sait s’il s’agit réellement d’une lettre qu’elle a écrite, mais l’effet est réussi!)
[9] C. de Laclos. (2004). Les liaisons dangereuses. Montréal : Beauchemin, 443 p.
[10] J.-L. Dufays, L. Gemenne et D. Ledur. (1996). « Initier au jeu des hypothèses », dans Pour une lecture littéraire 1. Approches historique et théorique. Propositions pour la classe de français. Bruxelles : De Boeck, p. 179.
[11] Ibid., p. 194.
[12] Plusieurs réponses sont bonnes. L’enseignant doit s’assurer toutefois que les élèves comprennent bien l’importance de la critique sociale et de la peur des auteurs d’être mis à l’Index… Les réponses doivent donc faire référence au contexte sociohistorique du XVIIIe siècle.
[13] J.-L. Dufays, L. Gemenne, D. Ledur. (2005). « Aborder le texte via l’image », dans Op. cit., p. 315.
[14] Montesquieu. (1833). Lettres persanes. Paris : Le Roi, 391 p.
[15] E. Falardeau. (2004). « La place des lecteurs dans les classes de littérature », dans Québec français, nº 135, p. 39.
[16] Puisque la pièce ne comporte que cinq personnages, choisir Trivelin comme exemple s’avère un choix sensé, puisque les quatre autres personnages peuvent être analysés en couple.
[17] Dans ce cas, les étudiants auront déjà étudié brièvement la commedia dell’arte. Il importe que les élèves en connaissent les personnages typiques, puisque Marivaux s’en inspire beaucoup dans sa pièce, quoiqu’il les ait fait évoluer.
[18] J. Giasson. (1990). « Un modèle d’enseignement de la compréhension en lecture », dans La compréhension en lecture. Boucherville : Gaëtan Morin, p. 27.
[19] Marivaux. (1996). Le jeu de l’amour et du hasard. Alleur : Marabout, 145 p.
[20] Plusieurs films s’inspirent du scénario de cette pièce. Il n’est donc pas nécessaire que l’enseignant présente un extrait du téléfilm adapté de la pièce. Par exemple, si la séquence se déroule un peu avant les fêtes, l’enseignant pourrait présenter Christmas in Boston, une comédie romantique qui adapte la pièce de façon plus moderne.
[21] N. Lacelle. (2006). « L’intégration du film dans une approche culturelle de l’enseignement de l’œuvre littéraire », dans A.-M. Boucher et A. Pilote (dir.). La culture en classe de français. Québec : Publications Québec Français, p. 46.
[22] J.-L. Dufays, L. Gemenne et D. Ledur. (1996). « Favoriser l’appropriation vocale et imaginaire des textes », dans Op. cit., p. 168.
[23] J.-L. Dufays, L. Gemenne et D. Ledur. (1996). « Favoriser l’appropriation vocale et imaginaire des textes », dans Op. cit., p. 164.