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Génération X

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Génération X
COUPLAND, Douglas
Par Marie-Hélène LeBel


Nationalité de l'auteur : Autres
Genre : Roman
Courant :
Siècle : 20e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Marie-Hélène LeBel
Date du dépôt : Hiver 2011


  

Séquence didactique sur Génération X de Douglas Coupland

 

S’il est une qualité que l’on reconnait à l’œuvre de Coupland, c’est bien de savoir rendre manifeste la zeitgeist sous forme écrite[1]. Par ce fait, les impacts de ses écrits sont multiples. Au plan social, il a créé (ou du moins popularisé) divers termes qui rendent compte de l’expérience contemporaine, que ce soit l’idée d’une génération X ou encore des termes sociologiques comme McJob ou brazilification. Ces concepts sont employés en ce jour encore par des experts en sciences sociales pour rendre compte de l’époque du tournant du siècle. Cette influence sociale est indéniable; qu’en est-il maintenant de son importance littéraire? Ses quinze ans de carrière ont donné une dizaine de romans et quatre essais théoriques sur les lettres, l’art plastique ou encore son époque. Coupland n’est pas un auteur consacré, certes. Néanmoins, les théoriciens littéraires de langue anglaise s’accordent pour lui accorder un rôle prédominant dans certaines mouvances qui marquent la littérature du 21e siècle. Le mélange des genres est évident dans Génération X par l’emploi juxtaposé d’un texte suivi et d’œuvres picturales, de slogans publicitaires et de définitions à saveur sociologique. Le roman lui-même est de structure éclatée, alternant entre le conte, le récit, la description et l’allégorie. Ce bricolage formel était encore novateur au moment de la publication de Génération X et donnera le ton à une grande branche de la production artistique actuelle.

 

 

 

La vision de Coupland forme des pistes dans l’air du temps qui sont autant de repères pour l’explorateur qui cherche à en discerner, à postériori, les signes majeurs cette époque encore mal digérée par les discours savants. Or, l’intérêt didactique vient justement de cette virginité discursive entourant tant l’œuvre que son époque. L’élève n’aura d’autre choix que de générer des interprétations propres puisqu’aucune autorité ne peut venir teinter sa compréhension. La séquence à venir se pose donc dans l’optique de l’enseignement stratégique, visant à développer l’autonomie du lecteur comme but ultime. À cet effet, nous laisserons une large place à la discussion et à l’interlecture, l’évaluation finale constituant à un exposé sous forme de panel d’experts.

 

 

 

 

 

Considérations didactiques

 

La nature même des écrits de Coupland rend facile son emploi dans le cours de français 601-102 – Littérature et imaginaire. Dans le cadre de celui-ci, on attend de l’élève qu’il se montre apte à : « expliquer les représentations du monde contenues dans des textes littéraires ... »[2]. Il apparait évident qu’une œuvre aussi collée à la réalité et à la culture populaire des années 1990 soit, justement, capable de rendre compte de cette capacité qu’à la littérature de s’imprégner de l’air du temps. L’imaginaire devient à cet effet une cristallisation du réel; les élèves seront évidemment amenés au fil de la séquence à découvrir les processus par lesquels ce phénomène s’effectue et les paramètres littéraires que cela induit. Dans cette optique, les éléments de compétences attendus à la fin de la séquence sont :

 

1. Émettre une analyse personnelle sur un thème donné;

 

2. Comprendre les apports des divers styles au propos général;

 

3. Discerner la critique sociale sous ses diverses formes;

 

4. Émettre un discours oral structuré sur une œuvre littéraire;

 

5. Montrer la capacité de transférer les apprentissages de Génération X à son univers propre.

 

Quelques résistances sont toutefois à prévoir de la part des lecteurs. L’œuvre, par exemple, s’appuie sur des références politiques ou culturelles typiques des années 1990. Pour éviter de perdre le lecteur, il sera important de bien camper cette époque avant de commencer la lecture. Le problème est toutefois plus subtil : il ne suffira pas de renseigner la classe sur tel politicien ou telle marque de produit pour bien comprendre le tissage constant qu’effectue Coupland entre ses personnages et leur temps. La motivation aux actes de ceux-ci semble en effet prendre racine directement dans le bassin de réflexions et de peurs propres à leur génération. Les choix de vie des protagonistes peuvent alors totalement échapper aux lecteurs qui trouveraient antipathiques ces jeunes gâtés par la vie, mais néanmoins désabusés et démissionnaires. S’il est intéressant que les lecteurs sentent temporairement cette irritation, il importe que le professeur travaille graduellement à transformer celle-ci en curiosité puis en compréhension critique[3]. Enfin, le mélange des styles peut être déroutant pour quelques-uns; la séquence inclut cependant divers moments où ce mélange sera exploré et révèlera sa cohérence avec le propos général de Coupland.

 

 

 

Comme l’œuvre à l’étude est de nature composite, les ateliers portant sur ce roman ne sauraient être de pure nature littéraire. Pour bien saisir Génération X des incursions historiques, sociologiques et en arts plastiques sont nécessaires. La littérature demeure toutefois la préoccupation principale. La séquence prévoit 6 semaines pour se réaliser, soit 22 heures incluant l’évaluation et un cours de deux heures prévu pour rattacher l’étude de ce roman à un semestre entier portant sur le thème de la citoyenneté.

 

 

 

Avant la lecture

 

Afin de susciter une appétence pour le contenu du livre, nous proposons de commencer la séquence en faisant réfléchir au titre : Génération X. Le sous-titre, tales for an accelerated culture, n’a pas été conservé par la traduction française, mais je me permets tout de même de l’employer pour générer un horizon d’attente[4]. On fait en effet remarquer la contradiction entre le mot« conte » et l’inscription « roman » de la couverture. Dans cette phase, afin d’activer le mouvement de va-et-vient entre le vécu des personnages et ceux des futurs lecteurs, il sera régulièrement demandé aux élèves de transposer leurs découvertes et conceptions quant à l’époque étudiée sur leur propre univers référentiel et de se situer face à celui-ci. Cela aura pour effet de rendre la lecture à venir plus signifiante. Nous sommes donc conscients que cette section peut paraitre longue et déconnectée de la littérature pure, mais elle semble essentielle pour aborder efficacement l’œuvre, qui fait une large part à des motifs tirés de l’environnement social de 1990. Le lecteur doit pouvoir s’y projeter et on doit pour cela le doter des stéréotypes appropriés[5].

 

 

 

Semaine 1- Considérations sur le thème de Génération (2 heures)

 

D’entrée de jeu, les jeunes se verront distribuer 6 textes portant plus ou moins explicitement sur le concept de génération. Ce seront :

 

1- Un extrait de la Genèse (GN 17, 7-8; « …les enfants de tes enfants, jusqu’à la 7e génération… »);

 

2- Un extrait de Totem et Tabou de Sigmund Freud;

 

3- Un article du quotidien Le Monde : De la lutte des classes à la guerre des générations par Ann Duprez;

 

4- Les six premiers paragraphes de la préface d’Hernani de Victor Hugo;

 

5- Une citation de Henry David Thoreau : « Chaque génération se moque des vieilles modes, mais suit religieusement les nouvelles »;

 

6- Un extrait de Avoir trente ans en 1968 et 1998 de Roger Establet et Christian Baudelot.

 

 

 

Après la lecture, les élèves seront répartis en équipe de 5 ou 6, en fonction de leur date de naissance pour refléter concrètement l’idée de groupes définis par l’âge. On leur distribuera une feuille portant les questions suivantes, une autre portant la définition du terme génération tirée du Robert, puis on les invite à y répondre en groupe :

 

- Le mot est-il employé avec le même sens dans tous les textes?

 

- À quelle définition rattacheriez-vous chacun de ces textes?

 

- Voyez-vous des différences dans l’emploi du terme selon que le texte soit littéraire, journalistique, scientifique; ancien ou récent ?

 

- À la lumière de ces textes, qu’est-ce qu’une génération pour vous?

 

- Dans quelle optique croyez-vous qu’on emploiera le mot dans le roman que vous aurez à lire?

 

 

 

Après une vingtaine de minutes, on reviendra sur l’exercice en plénière afin de permettre à tous de partager leurs avis. Graduellement, on demandera aux élèves de discriminer les définitions du mot qui ne leur semblent pas pertinentes pour aborder le roman. En classe, on amorcera une discussion portant sur les deux questions suivantes. Quelles générations connaissent-ils? À quelle génération croient-ils eux-mêmes appartenir?

 

 

 

En fin de cours, les élèves sont invités à écrire un texte, en style libre, parlant de leur génération et de leur place dans celle-ci. Ce texte sera utilisé comme diagnostic pour cerner l’état d’esprit des élèves, mais aussi leur niveau en écriture et leurs principales faiblesses. Il aura aussi pour but de mieux les connaitre puisque la séquence est destinée à se tenir en début de semestre. Le texte devra faire un minimum de trois quarts de pages ou de 12 vers, mais n’aura pas de maximum. Il sera remis en fin de cours.

 

 

 

Camper le contexte des années 1990 (1 heure)

 

Ce cours de deux heures est dédié à camper le contexte politique, culturel et idéologique dans lequel baigne la jeunesse des années 1990. En guise d’amorce, on projette lu vidéoclip de Jean Leloup, 1990. Les élèves se font distribuer une feuille contenant les paroles de la chanson. Suite à la projection, on invite les élèves à faire un remue-méninge de ce qu’ils connaissent de l’époque afin d’activer efficacement les connaissances antérieures sur cette tranche historique. On peut mentionner que cela correspond à l’arrivée de leurs parents dans la vingtaine, pour la plupart d’entre eux. Il importe aussi d’utiliser les paroles de la chanson : comprennent-ils pourquoi on parle de bombe; les allusions fréquentes à la technologie, aux ondes… L’ensemble des idées et conceptions des élèves seront écrites au tableau, puis photographiées par le professeur, le but étant de revenir sur celles-ci à la fin de la séquence. Le professeur enchaine avec une quinzaine de minutes d’exposé magistral portant justement sur les caractéristiques de la génération X-génération en attente, réduction de la mobilisation politique, repli sur de nouveaux types d’engagement de nature individualiste, disparition des grandes idéologies, nouvelles technologies, chômage, défaitisme, perte d’avenir, sentiment d’injustice envers la génération précédente, rejet de la politique partisane… [6]

 

 

 

Relier les données et le vécu (1 heure)

 

À la fin de cette première semaine, les élèves verront un documentaire, My dinner with generation X, qui retrace de façon ludique l’expérience de ses membres, de l’enfance adulte[7]. Pendant l’écoute, ils sont invités à noter les évènements ayant ponctué le vécu de ceux qui sont nés en 1960 et 1970. À la fin du cours, ils se regroupent librement en cinq équipes et sont invités à les hiérarchiser du plus au moins important pour l’apparition de caractéristiques générationnelles. Chaque équipe devra effectuer une recherche sur l’élément jugé prédominant (ou le second en cas d’équivalence avec une autre équipe) et présenter un exposé de cinq minutes sur ce sujet lors du cours suivant[8].

 

 

 

Semaine 2- Station 1990 (1 heure)

 

Après une discussion en équipe d’environ 25 minutes pour mettre en commun les résultats des recherches, les équipes sont séparées. De nouveaux groupes se forment, comprenant un membre de chaque groupe d’experts; chaque membre présente de son pan d’histoire et insiste pour rattacher celui-ci à une caractéristique de la Génération X.

 

 

 

 

 

Pendant la lecture : Faire de sa vie une œuvre d’art (1 heure)

 

Au début de cet atelier, les élèves devraient déjà avoir lu les 37 premières pages du roman, ce qui permet à la classe d’avoir commencé à percevoir le ton désabusé et la critique intergénérationnelle qui infuse le roman. Le professeur revient alors plus particulièrement sur ce passage : « Soit nous faisons de notre vie un roman, soit on ne s’en sortira jamais[9] ». Cette tirade de Claire constitue l’angle d’approche à partir duquel ce cours rendra perceptible le problème de lecture qui s’énonce comme suit : quels sont les mécanismes par lesquels on transforme le quotidien d’une époque en art?

 

 

 

Pour alimenter la discussion, le professeur présente diverses œuvres qui ont su transmuer le banal en esthétisme. On débute avec la lecture d'Une charogne, de Baudelaire, où un sujet repoussant est élevé au titre de symbole. On présentera aussi une description tirée du Germinal de Zola. Il convient de préciser que ces œuvres, aujourd’hui consacrées, ont créé la controverse à l’origine, car on critiquait leur vulgarité. Pour poursuivre sur l’aspect formel, on projettera ensuite un extrait de la Nuit de la Poésie où Gaston Miron lit Sur la place publique, poème ponctué d’expressions typiques du milieu ouvrier des années 1950. Enfin, un fera une incursion du côté de l’art plastique, avec présentation de diverses œuvres utilisant le collage et le recyclage (par exemple des pièces de Marcel Duchamp). À la fin de ce cours, les élèves devraient avoir une bonne idée de diverses méthodes permettant d’intégrer le concret dans l’art- les jeunes peuvent donner des exemples personnels. On aboutira alors sur un dernier questionnement qui prend le cours à rebrousse-poil : de quelle façon peut-on être créatif dans notre rapport au quotidien?

 

 

 

On leur demandera de porter attention, tout au long de la lecture, à la manière dont Coupland intègre le concret dans son roman, d’une part. Aussi, ils devront identifier comment les personnages négocient l’ordre établi et injectent de la créativité là où on prend les faits comme immuables. Comme cette tâche est colossale, on divisera la tâche à travers la classe et quatre thèmes sont établis : le rapport à la famille, au travail, au corps et à l’Histoire. Les élèves doivent en choisir un et former des équipes d’experts qui auront à analyser le roman selon cette lunette. À chaque cours, ils auront dorénavant entre 30 et 45 minutes pour se réunir en équipes et discuter de leurs découvertes dans le but de préparer l’exposé final. On leur mentionne qu’il est essentiel que chaque point qu’ils soulèvent soit appuyé par un élément du texte[10].

 

 

 

Exemple d’analyse thématique : la peur du nucléaire (1 :30)

 

Puisqu’il n’est pas donné que tous les élèves en présence sachent effectuer une analyse, ce cours cherchera à les doter de techniques et de stratégies visant à s’approprier des éléments de cette compétence. Le professeur agit alors à titre d’exemple, bien que la participation des autres élèves soit encouragée. Il commence par attirer l’attention des élèves sur les passages du texte qui lui inspirent cette impression que la peur du nucléaire est omniprésente : les contes de Dag, la fréquente mention par Claire que les radiations causent le cancer... De la lecture de ces passages, il établit un champ lexical au tableau pour montrer qu’une étude thématique ne se limite pas à la simple utilisation d’un mot. Il met aussi ces éléments en lien avec les paroles de la chanson de Jean Leloup et des passages du documentaire visionné- les élèves peuvent aussi donner des exemples d’œuvres. Enfin, il retrace le ton avec lequel on rapporte cette peur : dérision, révolte, fascination[11]… Tout ce qui est dit et ce que les élèves affirment est mis au tableau, sans ordre. En fin de cours, les élèves sont invités à se réunir et à organiser ces diverses informations sous la forme d’un plan d’analyse que le professeur évaluera « formativement »[12].

 

 

 

Semaine 3 - Puisque les rencontres d’experts permettent déjà de discuter du contenu de l’œuvre, les activités du groupe porteront pour la semaine à venir sur des aspects formels.

 

 

 

Le conte (1 heure)

 

Tel que mentionné, la structure éclatée du roman peut porter à confusion. L’emploi du conte dans un cadre romanesque peut perdre le lecteur inexpérimenté qui sentirait alors que sa lecture n’a plus de fil conducteur[13].

 

 

 

Pour cet atelier, chaque élève pige au hasard un des contes de Génération X qu’ils auront lu à ce moment (ils sont à la page 155; il y en a 8). Ils auront 15 minutes pour remplir une fiche sur ce conte contenant ces éléments :

 

1. Résumez ce conte : quelle en est l’idée centrale?

 

2. Quel est l’effet produit par le conte (tristesse, mélancolie, révolte, espoir…)?

 

3. Qui raconte?

 

4. À quel moment du récit du roman placé est-il placé? Qu’est-ce qui le précède, qu’est-ce qui le suit?

 

5. Aurait-il été possible, selon vous, de mettre ce conte avant ou après?

 

6. Y a-t-il des liens entre le personnage qui raconte et le vécu du personnage du conte?

 

7. Y a-t-il des liens entre le récit global et la microhistoire du conte?

 

 

 

Une fois ce travail personnel effectué, les élèves se réunissent avec les autres travaillant sur le même conte; ils ont 10 minutes pour valider ou nuancer leurs réponses. Ensuite, en classe, les élèves expriment leurs découvertes. Un conte après l’autre, selon l’ordre textuel, on établit les effets de sens produits par ceux-ci. Cela permettra de retracer l’architecture du roman, de voir les effets d’histoires juxtaposées par opposition à une plus conventionnelle histoire linéaire. En fin de cours, on présente les théories de Jean-François Lyotard qui a réfléchi sur l’éclatement des grands récits dans la civilisation postmoderne[14]. Le parallèle entre la structure de Génération X et le contexte idéologique des années 1990 est alors manifeste.

 

 

 

Les recyclages textuels (2 heures)

 

Ce cours vise à rendre le lecteur conscient de l’utilité des notes en marge pour transmettre la vision de Coupland sur son époque, tout en favorisant le transfert des notions retracées vers le propre vécu du lecteur. Le cours implique quatre stations d’activités où l’élève pourra imiter les créations de Coupland. La première invite à découper des messages publicitaires puisés dans des revues et à en recoller les mots pour générer des slogans qui leurs semblent emblématiques de l’époque actuelle. La deuxième station demande d’écrire des définitions pour des phénomènes sociaux actuels qui leur paraissent importants, mais qui sont dans l’anomie. La troisième travaille sur l’effet de décalage temporel : à partir d’images très typiques tirées d’une autre époque que l’on propose (peintures de Lichtenstein ou BD des années 60 dont on vide les phylactères et pour lesquelles Coupland a d’ailleurs un grand intérêt…), on invite les équipes à remplir les bulles de discours typique des années 2010 à mesurer l’effet comique de ce décalage historique. Enfin, le dernier poste implique une recherche sur divers noms de produits employés dans le roman afin de créer un effet. Une liste est établie et, à partir d’un ordinateur, les élèves font des recherches pour mieux les connaitre, car ils ont souvent disparu de la sphère populaire de nos jours. On leur demande de dire en quoi utiliser cette marque crée, selon eux, un effet, et quelle marque actuelle serait équivalente de nos jours. Ces stations visent à susciter un investissement émotif du lecteur dans ces éléments du texte qui peuvent autrement être jugés accessoires, voire superflus. Ils sont aussi amenés à questionner leur époque de façon critique et peuvent donc percevoir l’ampleur du travail de Coupland. Le fait de travailler en équipe permet d’approfondir le phénomène, le processus réflexif était épaissi par les diverses couches d’interprétations étant apposées par les pairs.

 

 

 

Semaine 4- Œuvre connexe (1 :30 )

 

Afin de donner du volume à leur compréhension des discours sur le postmodernisme, les élèves verront en classe des extraits du film Le Déclin de l’empire américain de Denys Arcand. Les élèves reçoivent un tableau, en lien avec le thème sur lequel leur équipe travaille qu’ils doivent le remplir en fonction de ce qu’ils voient dans le film. Quelles sont les ressemblances et les dissemblances entre le film et le roman, sur le plan du contenu et de la forme? Ces personnages, plus âgés que ceux de Génération X, vivent-ils les mêmes problèmes, de la même manière? En fin de compte, ils doivent répondre à la question : le cynisme ressenti dans Génération X est-il le fait d’une génération ou plutôt celui d’une époque, le postmodernisme? Les élèves devront inclure la réponse à cette question à leur exposé final.

 

 

 

Du simple au complexe (1 heure)

 

Les trois derniers chapitres formant un bris avec le ton du reste du roman, il importe de s’y attarder en classe. Reprenant la formule de l’analyse en classe, avec les pistes d’interprétation écrites au tableau, le professeur demande d’abord ce qui a frappé les élèves dans cette partie. Qu’est-ce, par exemple, que cette admonestation d’Andy à lui-même : « Retour à la vraie vie. Il est temps de se réveiller. Temps de vivre. Mais que c’est dur. [15]»? Quel est le sens de l’épisode final, quasi mystique? Est-ce un bris total d’avec le reste du roman? Est-ce que les personnages « rentrent dans le moule »? Le professeur est alors muet : comme l’ensemble de la séquence est placé sous l’égide de l’enseignement stratégique, il ne fait que souligner des points d’intérêt et laisse les élèves trouver leurs réponses ou, du moins, entrer dans les questionnements.

 

 

 

Coupland ironisé (1 heure)

 

L’étude d’un texte en classe est presque toujours faite sur un ton implicitement élogieux. Le simple fait d’aborder un livre précis, sélectionné avec soin, dans un cadre scolaire contribue à sa glorification. Or, certains élèves peuvent se sentir mal à l’aise s’ils sont repoussés par le style de l’auteur : leur investissement est alors louable, mais leur déplaisir à la lecture peut laisser l’impression de n’avoir pas su atteindre les objectifs de la lecture. Pour dédramatiser ce phénomène, il semble intéressant de terminer les ateliers d’exploration sur Génération X par un texte qui raille Douglas Coupland. Le court texte Digested Classic; Generation X by Douglas Coupland, publié dans The Gardian, est en ce sens une excellente satire. En résumant dans le style de Coupland l’action du livre, on amplifie les motifs du livre à les rendre risibles.

 

 

 

Ce texte (évidemment traduit par le professeur) sera donc distribué en début d’atelier. Il leur sera présenté comme une critique prouvant l’excellence du roman : ce sera pour brouiller les pistes et activer le sens critique des élèves quand ils réaliseront que le texte ne concorde pas avec leur horizon d’attente. Une fois la lecture terminée, ils pourront s’exprimer sur leur acceptation de la critique : leur semble-t-elle justifiée? Trop sévère? Trouvent-ils, par exemple, que les personnages se plaignent injustement de ne pas avoir la « supériorité facile à laquelle ils avaient été promis? [16] ». Les élèves doivent, au final, rédiger une réponse à l’auteur de The Guardian. Ce texte d’évaluation formative pourra être remis à la fin du cours ou encore par courriel d’ici au cours suivant; elle devra faire environ une page.

 

 

 

 

 

Semaine 5- Après la lecture

 

 

 

Retour sur les conceptions initiales (1 heure)

 

Afin de conclure l’étude de ce roman, le professeur retranscrit au tableau les conceptions sur les années 1990 que les élèves avaient élaborées au premier cours. Le professeur remet aussi les textes où les jeunes se situaient à l’intérieur de leur génération. Enfin, on affiche sous forme d’expositions les exercices effectués lors du cours sur le recyclage textuel.

 

 

 

Sous forme de discussion en classe, les questions suivantes sont abordées.

 

1. Quelles conceptions se sont avérées fausses ou erronées?

 

2. Qu’avez-vous appris de nouveau?

 

3. Croyez-vous que Coupland et ses personnages soient vraiment représentatifs de leur époque, ou sont-ce des phénomènes marginaux?

 

4. Croyez-vous que votre texte aurait pu être écrit par un membre de la génération X? Aurait-il été jaloux de vous? Êtes-vous envieux de quelque chose de son temps?

 

5. Croyez-vous que le mélange de genres apporte quelque chose au propos ou est-ce selon vous, du remplissage de pages (comme le laisse sous-entendre le texte Digested Reading)?

 

 

 

Préparation finale pour le panel d’experts et rédaction d’un plan d’analyse. (1 heure)

 

On demande aux élèves de faire une dernière réunion pendant laquelle ils préparent la table ronde du cours suivant. Leur discours devra rendre compte de l’analyse de leur thème selon le problème initial, soit celui des procédés de transformation du quotidien d’une époque en art. Ils devront trouver des extraits textuels appuyant leurs dires et faire référence aux activités faites en classe. S’ils le désirent, ils peuvent aussi intégrer à leur discours d’autres textes à titre de comparaison, mais Génération X doit demeurer central à leur analyse. Les idées sont organisées sous forme de plan détaillé d’analyse que le professeur aura à approuver avant la fin du cours.

 

 

 

Panel d’experts (2 heures)

 

Chacun des quatre groupes aura à tenir un exposé de 20 minutes où tous les membres prennent la parole, suivie d’une dizaine de minutes de questions. Ce cours est sommatif; tant la pertinence de l’exposé que la participation générale seront notées.

 

 

 

Semaine 6- Transition : de l’individu au citoyen (1 heure)

 

Dans un essai subséquent, Polaroids from de Dead, Coupland réfléchit sur son temps parle des alternatives séduisantes offertes par la vie contemporaine. Ce sont la surcharge d’information, l’ignorance volontaire de l’Histoire, la croyance que le spectacle est la réalité, et le fait de vivre par procuration de la vie des célébrités[17].

 

 

 

En lien avec la parodie lue, on peut alors aisément faire un pont entre Génération X et une critique du désengagement citoyen qui marque l’ère postmoderne. Au-delà de la compréhension du roman, l’heure sera alors à la réflexion d’ordre éthique portant sur les personnages. Il peut être intéressant de montrer que Coupland lui-même semble se dissocier de ses personnages en raison de son discours critique afin d’aider l’élève à dissocier l’auteur et l’univers fictif qu’il met en place. Les questions abordées à ce moment sont les suivantes.

 

 

 

- Est-il viable en tant que collectivité de rejeter les éléments traditionnels comme l’ont fait les personnages du roman?

 

- Le repli sur soi est-il vraiment une solution?

 

- Qu’est-ce que d’être un citoyen?

 

- Comment se manifeste concrètement son attitude?

 

 

 

Suite à ces considérations, nous indiquerons que toutes les époques n’ont pas toujours présenté le même regard face au vivre-ensemble. À titre d’exemple, les années 1960 et 1970 sont marquées par le militantisme en Occident. La seconde partie du trimestre sera donc à mi-chemin entre la continuité et l’opposition de la première et portera sur la poésie engagée. L’étude de Coupland aura toutefois servi à acquérir quelques notions qui seront transposables, à savoir l’idée d’une concordance entre la zeitgeist et les productions textuelles, l’amélioration des capacités d’interprétation et d’analyse, la capacité à percevoir la structure dans un ensemble littéraire aux éléments sans lien explicite (utile pour explorer des recueils de poésie) et l’éveil aux effets de la forme pour créer des effets de sens.

 

 

 

 

 

 

 


 

[1] « Since the publication of his debut novel, Coupand has been exploring the textures and traumas of an era that, supercially at least, appears hostile to conviction. » Andrew TATE, Douglas Coupland, p.2.

 

[2] Ministère de l’Éducation, des Loisirs et des Sports,  Description de la formation générale : http://www.mels.gouv.qc.ca/ens-sup/ens-coll/Cahiers/cours-comp/comp.asp?NoObj=0002.

 

[3] On rejoint ici la notion de continuum efferent-affectif, tel que réfléchi par Rossenblatt, The transactional theory of reading and writing, 1994.

 

[4] Cette étape est cruciale pour engendrer une lecture littéraire : « L’appropriation d’un texte littéraire passe d’abord par la création d’un horizon d’attente, c’est-à-dire la définition de ce qu’on devine du texte à lire, l’anticipation du contenu à partir de connaissances déjà maitrisées ». Falardeau, Pistes d’entrée pour la lecture de textes littéraires : la mise en place de situations problèmes, 2004.

 

[5] « L’activité fictionnelle se nourrit de références culturelles entendues au sens large […] Des stéréotypes culturels, des motifs récurrents, des scénarios… modelés par la subjectivité du lecteur sont enrôlées dans les activités de complément. » Langlade et Fourtanier, La question du sujet lecteur en didactique de la lecture littéraire, 2007.

 

[6] Comme exprimé par Fernand Dumont, en entrevue avec Stéphane Bureau sur les ondes de Radio-Canada en 1986. Adresse URL : http://archives.radio-canada.ca/societe/jeunesse/dossiers/1244/.

 

[7] Cela permettra de mettre des images sur des concepts autrement abstraits, facilitant ensuite la visualisation du sujet lecteur. « Lorsqu’il [le recours à l’image] précède l’entrée dans le texte, il permet d’améliorer sous divers angles le rapport audit texte… » Dufays, Gemenne et Ledur, Aborder le texte via l’image, 2005.

 

[8] Par l’emploi fréquent d’apprentissage en groupes, nous rejoignons les thèses largement répandues de Vygotzky pour qui « l’apprentissage est avant tout social »; voir Martineau et Simard, Les groupes de discussion, 2001.

 

[9] Coupland, Génération X, 1991, p. 18.

 

[10] Ce procédé vise à inscrire la séquence dans la lignée de l’enseignement stratégique, plus précisément selon les observations de Richard et Lecavalier, Une démarche stratégique pour enseigner la littérature, 2009.

 

[11] En effet, selon Lavoie, « Les stratégies ne doivent pas faire l’objet d’un cours entier, mais doivent être intégrées dans l’enseignement d’une matière au programme ». Pour développer des stratégies de lecture et d’analyse, il faut mettre les élèves en situation de lecture. Il importe cependant que le professeur effectue une pratique guidée par laquelle il « modèle la façon de faire, c’est-à-dire applique la stratégie dans un contexte réel devant les élèves en verbalisant ce qui se passe dans sa tête à chaque étape de l’opération. » Lavoie, L’enseignement des stratégies d’apprentissage, 1995.

 

[12] Ce qui permet une acquisition partielle de cette compétence qui sera évaluée sous peu.

 

[13] Selon les critères de lisibilité de Ledur : « La première fois que le lecteur prend contact avec la réalisation d’un modèle, il doit faire un effort pour en percevoir tous les éléments […] Puis, la récurrence du nouveau modèle lui procure un certain plaisir… »Ledur, Lecture littéraire et enseignement professionnel : faut-il former des « héritiers »?, 1996. Pour accompagner la lecture, il sera bénéfique de souligner en classe cette récurrence et de rende explicite les procédés du roman.

 

[14] « En simplifiant à l’extrême, on tient pour postmoderne l’incrédulité à l’égard des métarécits » Lyotard, La condition postmoderne, rapport sur le savoir, 1979, p.7.

 

[15] Coupland, Génération X, 1991, p. 219.

 

[16] Crace, Digested Classic : Generation X by Douglas Coupland, 2009; site internet de The Guardian, (en ligne), adresse URL : http://www.guardian.co.uk/books/2009/apr/11/digested-classics-generation-x-coupland; je traduis.

 

[17] Andrew TATE, Douglas Coupland, 2010, p. 39.

 

 

 

 

 

Bibliographie

 

 

 

Ouvrages théoriques

 

Stéphane BUREAU et Fernand DUMONT, Génération X en quête d’identité, 1986; Société Radio-Canada, (en ligne), adresse URL : http://archives.radio-canada.ca/societe/jeunesse/dossiers/1244/, 5 :47.

 

Charles DANTZIG, Pourquoi lire? 2010; Bernard Grasset, 249 p.

 

DUFAYS, GEMENNE et LEDUR, Aborder le texte via l’image dans Pour une lecture littéraire : histoire, théories, pistes pour la classe, 2005; De Boeck, pp. 313-319.

 

Érick FALARDEAU, Pistes d’entrée pour la lecture de textes littéraires : la mise en place de situations problèmes, 2004; Skholê, Hors-série 1, pp.91-98

 

Gérard LANGLADE et Marie-Josée FOURTANIER, La question du sujet lecteur en didactique de la lecture littéraire, dans Les voies actuelles de la recherche en didactique du français. Eric FALARDEAU, C. FISCHER, C. SIMARD, N. SORIN (dir.), 2007; Presses de l’Université de Laval, pp 101 à 123.

 

Rachèle LAVOIE, L’enseignement des stratégies d’apprentissage. Des conditions d’efficacité, dans Recueil de textes et d’activités d’apprentissage du cours PPG-6013. Josée LAROCHELLE et Rachèle LAVOIE, 2011; pp. 222 et 223. 

 

Jacques LECAVALIER et Suzanne RICHARD, Une démarche stratégique pour enseigner la littérature, 2009; Correspondance, vol. 14, no3.

 

Dominique LEDUR, Lecture littéraire et enseignement professionnel : faut-il former des « héritiers »?, dans DUFAYS, GEMENNE et LEDUR Pour une lecture littéraire 2, 1996; De Boeck et Duculot, pp. 328-338.

 

Jean-François LYOTARD, La condition postmoderne, rapport sur le savoir, 1979; Les Éditions de Minuits, 128 p.

 

Stéphane MARTINEAU et  Denis SIMARD,  Les groupes de discussion, 2001;  Presses de l’Université du Québec, 163 p.

 

Louise ROSSENBLATT, The transactional theory of reading and writing. dans Making meaning with texts. Selected essays, 2005; Heinemann, p. 1-37.

 

Andrew TATE, Douglas Coupland, 2007; Manchester University Press, 188 p.

 

 

 

Œuvres utilisées

 

Denys ARCAND, Le déclin de l’empire américain, 2003 [1986]; DVD, Warner Bros, 1h35min.

 

Charles BAUDELAIRE, Une charogne dans Les fleurs du mal, 1979 [1961]; Gallimard, p. 59.

 

Christian BAUDELOT et Roger ESTABLET, Avoir trente ans en 1968 et 1998, 2008; Éditions Seuil, pp. 211 à 215.

 

Brian STOCKTON, My dinner with Generation X, 2010; DVD, Saskfilm, 48 min.

 

Douglas COUPLAND, Genération X, 1991; Robet Laffont, 234 p.

 

John CRACE, Digested Classic : Generation X by Douglas Coupland, 2009; site internet de The Guardian, (en ligne), adresse URL : http://www.guardian.co.uk/books/2009/apr/11/digested-classics-generation-x-coupland.

 

Ann DUPREZ, De la lutte des classes à la guerre des générations, dans Le Monde, 15 décembre 2010, édition en ligne (en ligne), page consultée le 10 décembre 2011, adresse URL :  http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/10/15/de-la-lutte-des-classes-a-la-guerre-des-generations_1425997_3232.html.

 

Sigmund FREUD, Totem et tabou, 1914 ; Petite Bibliothèque Payot, pp. 221 et 222.

 

Jean-Claude LABRECQUE et Jean-Pierre MASSE, La nuit de la poésie, 1970; DVD, Office national du film du Canada, de 45:28 à 50 :30.

 

Victor HUGO, Hernani, 2006 [1830]; Paris, Flammarion, 199 p.

 

Émile ZOLA, Germinal, 1995 [1885]; Moscou Éditions langues étrangères, pp. 18 à 20.

 


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