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L'Employé

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
L'Employé
Sternberg, Jacques
Par Véronique Desgagnés


Nationalité de l'auteur : Belge
Genre : Roman
Courant :
Siècle :
Groupe d'âge visé : Deuxième cycle secondaire
Auteur de la séquence : Véronique Desgagnés
Date du dépôt : Hiver 2012


 

Cette séquence didactique s’adresse aux élèves de deuxième cycle du secondaire, puisqu’elle s’inscrit dans la progression des genres écrits. L’étude du roman L’Employé de Jacques Sternberg nécessite préalablement des connaissances et des compétences provenant du genre fantastique, de la Science-Fiction, du conte et de la nouvelle littéraire qui s’arriment pendant le premier cycle du secondaire.

 

Sternberg est un écrivain belge très peu connu et pourtant, la qualité de son héritage narratif est comparable à celle des Grands. Le roman, L’Employé, a été choisi en raison de sa double face : il explose de l’extérieur et implose de l’intérieur. En fait, l’œuvre nous plonge dans un mélange de contes insolites et d’anecdotes fantastiques pour relier ses 143 pages à un fil conducteur : l’absurdité. Dans un monde vidé de sens, l’employé vit une condition absurde. Déconstruisant les notions de temps, d’espace et de logique, l’employé modifie même la posture de Descartes en « Je change, donc je suis.  »

 

Entre la première phrase du roman où l’employé, Sternberg lui-même, devant la porte constate qu’il est dix heures cinq et la dernière phrase du roman où il est dix heures six, le texte crée un décor et uniquement un décor dans lequel il accumule des fragments et les met en mouvement par un principe rythmique et non pas par un principe logique. Voilà l’objectif de cette séquence didactique, c’est-à-dire amener les élèves à comprendre le décor absurde construit par Sternberg afin d’y entrer et d’y participer. Pour ce faire, trois problèmes de lecture sont travaillés en classe :

1)    comprendre l’absurde ;

2)    comprendre l’absurde par la déconstruction de la réalité ;

3)    comprendre l’absurde par la déconstruction du langage.

 

 

Séquence 1 : avant la lecture

 

Activité 1 : présentation de l’auteur, de l’œuvre et du courant de l’absurde

D’abord, une brève présentation de l’auteur s’avère nécessaire en classe afin d’introduire le contexte sociohistorique de l’œuvre et la naissance du mouvement littéraire de l’absurde en réaction à la Deuxième Guerre mondiale. L’enseignant établit des liens entre les faits historiques  et la vie de l’auteur. Sternberg vécut les horreurs de la guerre (son père, qui était juif, fut déporté et mourut dans un camp de concentration) et il dut fuir à l’étranger sous de fausses identités. Il s’installa en France et fit plusieurs petits boulots stupides et sous-payés. L’enseignant oriente les savoirs théoriques et les données biographiques vers deux composantes importantes de l’œuvre étudiée : la thématique centrale à savoir la succession d’emplois inutiles et dérisoires et la déraison du monde engendrée par les crimes contre l’humanité commis pendant la Seconde Guerre mondiale. L’enseignant invite les élèves à partager leurs connaissances et appuie leurs dires en se référant à des films connus : La vie est belle, Le pianiste, Opération Walkyrie, La liste de Schindler, etc.

 

Vers une définition commune de l’absurde (les dessous du décor)

 

Activité 2 : l’absurde par l’image (rendre concret une notion abstraite)

L’introduction de l’absurde, qui se fait de manière progressive, débute par l’analyse de la page couverture de l’œuvre (de préférence celle de la première édition). Sous forme de plénière, l’enseignant demande aux élèves d’anticiper l’histoire en faisant des liens avec le titre et l’illustration figurant sur la couverture du livre. L’objectif est de préparer les élèves à entrer dans l’univers de Sternberg, un univers sans repères, sans logique et sans réponses. Aux questions suivantes : Pourquoi lit-il le journal à l’envers? Pourquoi a-t-il des tentacules?  Aucune réponse logique n’est possible.

 

Visionnement d’un extrait vidéo de l’auteur et étude collective de l’art de Topor

 

Cet extrait vidéo  met un visage sur le nom de l’auteur et présente Sternberg, rigolo et nonchalant, dans son quotidien, ce qui désacralise sans aucun doute le métier d’écrivain. L’enseignant dirige une discussion avec les élèves sur l’acte d’écriture en portant « […] attention au riche matériau que constituent les « traces » et les brouillons des écrivains ainsi que leurs témoignages […] sur l’activité d’écriture, car ceux-ci sont de nature à démystifier quelque peu l’activité littéraire ».
Toujours dans le même extrait vidéo, Sternberg nous présente son ami, l’artiste Roland Topor. S’inspirant d’une école de pensées (Collège pataphysique) qui parodie les sciences modernes, Topor teinte ses créations de non-sens et d’absurdité. Une analyse collective de quelques illustrations prépare les élèves à repérer la déconstruction du réel par l’absurde. « Montrer les convergences qui ont relié, dans chaque courant esthétique majeur, la littérature, la peinture, la musique, l’architecture et récemment le cinéma […] constitue une démarche susceptible de déboucher sur des analyses fines. » Prenons cette illustration de Topor. Une main humaine qui se déconstruit en cinq entités distinctes et dont le pouce armé menace les quatre autres doigts de la main qui ont les mains en l’air. Que dire de plus!

 

Activité 3 : l’absurde par l’action

Après avoir travaillé l’absurde à partir d’une image, il faut maintenant identifier l’absurde à partir d’un texte, ce qui est plus exigeant. L’enseignant distribue un conte,  L’inconnue, écrit par Sternberg, qui se trouve intégralement dans L’Employé, et demande aux élèves qui sont en équipe de relever les passages qui leur semblent absurdes et de dire en quoi ils le sont. Le conte met en scène le narrateur qui cherche désespérément à retrouver une belle inconnue en posant des actions extravagantes aux conclusions loufoques : « Je fis recenser, sans regarder aux frais, toutes les femmes aux yeux gris, mais ses yeux avaient probablement eu le temps de virer au vert. » Il la retrouvera à la morgue où il était employé…L’absurde transite par les actions posées par le personnage.

 

Une version ancienne de l’absurdité

Le visionnement du film (ou d’extraits) de Charlie Chaplin Les temps modernes  introduit l’absurdité par les actions posées au travail, ce que Sternberg illustre tout au long de son roman. L’enseignant insiste sur la scène dans laquelle Charlie Chaplin entre dans la « machine » et suit le mouvement des engrenages et des rouages avant d’en ressortir. L’impossible devient possible, principe moteur de l’œuvre étudiée.

 

Une version moderne de l’absurdité

La présentation d’une émission de la série télévisée La Petite Vie (au choix) de Claude Meunier enclenche une réflexion sur les finalités de l’action, à savoir l’obsession des vidanges de Popa. L’objectif est de faire prendre conscience aux élèves que cette action n’a aucun sens. Pourquoi s’affectionner à des déchets qui par définition sont des objets inutiles et sans valeur que nous jetons volontairement ? C’est complètement absurde ! Donc, au terme de cet exercice, l’enseignant et les élèves arrivent à construire une définition étoffée de ce qu’est l’absurdité. Les élèves sont prêts à lire le premier chapitre.

 

Activité 4 : lecture du premier chapitre (l’entrée en douceur dans le décor)

La lecture du premier chapitre se fait en classe de manière collective afin d’accompagner les élèves pour qu’ils puissent bien endosser la rupture abrupte avec la réalité. La première phrase du roman construit un horizon d’attente  stable à savoir que le narrateur autodiégétique commence à raconter son histoire. Or, dès la deuxième phrase, la narration prend une autre direction et bouleverse les premières attentes du lecteur. On y décrit le personnage principal, Sternberg, qui est né d’une mère nymphomane et de pères multiples, vivant dans un hangar rouge où ses frères et ses sœurs meurent comme des mouches et où les pères se dissolvent facilement sous la pluie qui abondait cette année-là. Dès lors, l’horizon d’attente est rompu et l’accompagnement de l’enseignant est essentiel dès le premier chapitre pour réorienter l’horizon d’attente vers une lecture de l’absurde (précadrage).

 

 

Séquence 2 : pendant la lecture : la déconstruction de la réalité

 

Activité 1 : carnet de lecture relevant les divers emplois de l’employé

Dans la mesure où le roman L’Employé est le déploiement d’un décor, l’approche générique proposant des concepts d’analyse narrative (comme le schéma narratif ou actanciel) n’est pas utile à la compréhension des élèves. Néanmoins, la tenue d’un carnet de lecture relevant les divers emplois occupés par l’employé l’est grandement. L’élève est invité, au fur et à mesure de sa lecture, à remplir un tableau  répertoriant les titres des postes occupés, les tâches qui s’y rattachent, les stéréotypes de ce travail et les causes de la perte d’emploi. La dernière colonne est réservée aux  réactions personnelles de l’élève.

 

Cette pratique permet à l’élève de retracer la succession des emplois que l’employé a occupés, mais aussi d’identifier la vitesse à laquelle se déroule le temps. Sternberg change tellement souvent d’emplois que le lecteur devient essoufflé. Ainsi, l’auteur a eu recours à diverses techniques narratives  pour accélérer le rythme du temps, la preuve en est que la fiction diégétique est contenue dans une seule minute : l’action se bouscule et le temps file à toute allure pour joindre ces soixante secondes.
La comparaison des tâches de l’employé avec les stéréotypes  de l’emploi amène les élèves à détecter la logique inversée utilisée par Sternberg. « […] toute littérature est porteuse de valeurs et de représentations du monde qui gagnent à être décodées et mises en débat , […] par leur caractère modélisant, qui intéressent à priori le plus les élèves et leur permettant de se construire leur propre système de références. » Cette réflexion sur les stéréotypes permet de comprendre que l’employé exécute, certes, des tâches absurdes, mais qui sont à l’opposé des tâches habituelles remplies par un employé. Après la compilation du tableau, les réponses sont mises en commun en grand groupe et l’enseignant accorde du temps aux élèves afin qu’ils verbalisent les réactions personnelles qu’ils ont eues pendant la lecture (sujet-lecteur).

 

La déconstruction du langage : Ionesco et le théâtre de l’absurde

L’intertextualité est très explicite dans le roman de Sternberg. De façon constante, il fait des clins d’œil à d’autres auteurs (et à lui-même). L’enseignant demande aux élèves de se référer à la page 54 du roman afin de relire la réplique suivante : « Vous voyez… Ils sont tous là, me dit cet amateur, ceux que j’aime et relis sans cesse, Kafka, Cioran, Ionesco, Melville, Dostoïevski, Sternberg, Lautréamont, Beckett, Joyce, Lovecraft, Céline et les autres. » La mise en écho d’extraits de textes de tous ces auteurs avec l’œuvre étudiée serait très enrichissante, cependant celle d’Ionesco est capitale en raison de la déconstruction du langage qui est également exploitée dans le roman de Sternberg.

 

Activité 2 : lecture de trois scènes de la pièce de théâtre La cantatrice chauve

Ce n’est pas un hasard si Sternberg fait sonner la cantatrice chauve  à son appartement et du coup, il n’y a personne. Pour symboliser l’absurdité contenue dans cette pièce, trois extraits sont étudiés en classe. La scène de la sonnette (scènes 7 et 8) démontre l’absurdité qui transite, cette fois-ci, par la langue à savoir que si la sonnette sonne c’est qu’il y a forcément quelqu’un qui l’a actionnée alors que les personnages en viennent à la conclusion contraire. De plus, Ionesco brise le contrat de lecture en ayant donné un titre, La cantatrice chauve, sans qu’il n’entretienne de liens logiques avec le récit, les personnages ou l’intrigue. La cantatrice chauve est mentionnée une seule fois dans la pièce (à la page 70) alors que le pompier demande de ses nouvelles avant de quitter la maison et madame Smith lui répond qu’elle se coiffe toujours de la même façon. Cela ne répond en rien à la question formulée. Donc, Sternberg récupère l’absurdité de la scène de la sonnette en mettant la cantatrice chauve à la porte, qui se trouve à n’être personne. Cette juxtaposition de la part de Sternberg fait bien ressortir l’absurdité d’Ionesco dont il s’est inspiré.

 

Activité 3 : l’échec de la langue et la déconstruction du langage

La prochaine activité travaille la déconstruction du langage. Or, avant de déconstruire la langue, vaut mieux s’assurer que sa construction est comprise. C’est donc le moment idéal de réviser l’ensemble des critères syntaxiques, grammaticaux, orthographiques et sémantiques de la construction de la phrase. De plus, étant donné que nous analysons des dialogues, il est très important de revoir les règles grammaticales (concordance des temps,  ponctuation, etc.) qui arriment le discours rapporté, direct ou indirect.

 

L’enseignant fait ressortir les dialogues entretenus entre Sternberg et sa femme en comparaison avec la scène I de La cantatrice chauve dans laquelle monsieur Smith parle avec sa femme de la mort de Bobby Watson. Dans les deux cas, nous trouvons une conversation qui respecte les normes syntaxiques, orthographiques, et celles du discours rapporté, mais elle est dénudée de sens (rupture sémantique). Les répliques ne concordent pas et il semble que les personnages se répondent sans s’écouter, faisant ainsi échouer le rôle premier de la communication. En lisant son journal, monsieur Smith affirme que Bobby Watson n’avait pas d’enfants et madame Smith lui répond que cela était une chance. Or, deux répliques plus loin, elle dit : « Mais qui prendra soin des enfants? Tu sais bien qu’ils ont un garçon et une fille. » Cela ne fait aucun sens. Même scénario pour Sternberg qui se fait demander par sa femme s’il travaille en ce moment. Il lui répond que oui. Deux heures plus tard, elle lui demande encore s’il occupe un emploi et il lui répond : « toujours la même chose, lui dis-je, sous des noms différents ». Donc, comme un dialogue de sourds à savoir qu’il n’y a aucune réception des messages, les personnages utilisent la langue pour des raisons autres que son effet linguistique porteur de sens.

 

Plus le récit avance et plus la langue se déconstruit à travers son sens, mais aussi à travers sa forme (morphologie). La scène finale d’Ionesco (scène XI) montre l’apogée de la déconstruction du langage d’une manière dégénérative : des phrases, des unités lexicales seules, des syllabes et des lettres. Cette déconstruction du langage est aussi présente chez Sternberg en discours rapporté direct dans le chapitre cinq (Tape, tourne, je te tourne, je te tape, je t’atourne, je t’attrape, je te retourne, je te rattrape, je te détourne, je te détrape), mais elle est plus significative dans le dernier chapitre (lu en classe). Sternberg entreprend une descente vers la réalité dans laquelle aucun repère ne subsiste, même ses phrases ne tiennent plus la route. « Il est très exactement 0 heure 0 minute et 1 millième de seconde. Il ne fait ni jour ni nuit. La température n’est pas. Et je tombe, sans risque, car aucun sol ne m’aura jamais. Je coule, je me noie, je vole, je ressuscite, j’éclate de rire sous l’eau temporelle, je me recrache en toussant, je me recrée, je me récris, je me liquéfie, je me gomme. » En plus de déconstruire le langage, Sternberg se déconstruit lui-même… avant de réintégrer la réalité qu’il avait quittée il y a une minute à peine.

 

 

Après la lecture : séquence 3 (la participation au décor)

 

Activité 1 : les processus de lecture

«Les préconstruits doivent nous permettre de « circuler » entre le lecteur et le livre». Ainsi, tout au long de la lecture, le lecteur met en place de façon progressive les préconstruits qui ont un noyau fixe minimal et repérable (compréhension) et un noyau mobile qui est soumis aux changements (interprétation). Le noyau fixe assure la permanence et le noyau mobile la précarise. En se prêtant à l’exercice en plénière, les élèves vont se rendre compte que les noyaux fixes des quatre préconstruits sont assez pauvres tandis que les noyaux mobiles sont riches et déstabilisent constamment la lecture. L’enseignant construit de manière évolutive à l’aide de réponses venant des élèves un tableau synthèse des noyaux fixes (compréhension) et par la suite, des noyaux mobiles (interprétation). « Il est donc bon de se rappeler que l’interprétation est seconde par rapport à la compréhension […]. »

 

Compréhension

Les préconstruits du personnage sont très limités à savoir qu’il est un homme, qu’il s’appelle Sternberg, qu’il est marié à Mygale et qu’ils ont un garçon. Quant à l’espace, nous savons qu’ils habitent dans un appartement en France. Le temps chronologique indique que le récit se déroule en une minute et que l’action principale, elle s’en tient au changement d’emploi du protagoniste.

 

Interprétation

Par contre, les préconstruits des noyaux mobiles peuvent prendre mille-et-une directions. Est-ce que Sternberg fabule, rêve, extrapole pendant cette minute qui sépare l’ouverture de la porte ou ne fait-il qu’amplifier sa perception de la réalité jusqu’à la folie? Le déroulement de l’action portait-il Sternberg à changer d’emploi pour dénoncer les conditions de travail, pour expérimenter, pour passer le temps, pour vivre, pour mourir?  Les données spatiales qui étaient bouleversées, donnant des surfaces perméables et réversibles, des dimensions vagabondes et des déplacements hasardeux, reflétaient-elles la réalité, l’évolution ou la déchéance? Par exemple, la scène où Sternberg sonne à la porte d’entrée de l’orphéonat [sic] et l’établissement se change en salle de bains. L’océan arrive jusqu’au mur et des requins bondissent dans l’eau savonneuse. Il entre dans l’eau et se retrouve un peu à gauche des Philippines. La décadence du temps était-elle le fruit de son imagination ou un trop-plein de réalisme? Sternberg s’interroge lui-même à savoir ce qu’il faisait la veille de n’importe quel jour. Il se répond que le 9 octobre, d’une année prise entre deux autres, ce jour-là, il ne se passait rien. Plus tard, vers dix heures, on a sonné à la grille. Sternberg consulte son agenda : aujourd’hui, rien au programme et demain ne figure pas au calepin. Nous passons donc au mercredi. Il est férié, puis nous passons au dimanche, pour des raisons qu’il ignore, il a été décalé cette semaine. Le temps s’accélère ou s’inverse, se contracte, se rétracte. Sternberg dérègle les horloges en démontrant sa mécanique et ses rouages (d’où l’importance de l’extrait vidéo Les temps modernes de Chaplin).

 

Activité 2 : écriture créative et exposé oral (évaluation sommative)

La dernière activité consiste à exécuter une tâche d’écriture créative en équipe de deux. Les élèves doivent écrire une séquence dialogale de 50-100 mots en répondant à la consigne suivante.

 

La cantatrice chauve, qui se coiffe toujours de la même façon, sonne réellement à la porte et Sternberg l’ouvre. Inventez un court dialogue entre les deux personnages en vous inspirant de l’absurde.

 

Outre les critères de correction portant sur la langue, les élèves sont évalués sur la réutilisation de l’absurdité à travers la déconstruction de la réalité et/ou du langage en respectant les règles grammaticales portant sur le discours rapporté. Bien que tout cela ait été vu et travaillé en classe, l’enseignant peut construire une grille de correction de manière collective afin de préciser les contenus attendus et de hiérarchiser les étapes du travail. Après l’écriture, l’enseignant travaille les éléments prosodiques par la mise en jeu à voix haute de la première scène de La cantatrice chauve (qui a déjà été lue et analysée). Pendant cette lecture, l’enseignant et les élèves justifient les raisons qui ont motivé la nature de la verbalisation. Quand monsieur Smith annonce la mort de Bobby Watson à sa femme, le cotexte nous indique que monsieur Smith n’est pas du tout triste, mais bien étonné de le trouver dans son journal.  Ensuite, l’équipe est invitée à présenter le travail sous forme d’exposé oral dans lequel les membres prêtent leur voix à l’absurdité : la cantatrice chauve et Sternberg.

 

 

Conclusion

Avec son roman, Sternberg nous prête ses lunettes teintées d’absurde pour nous faire lire un monde complètement éclaté. Cette séquence didactique permettra aux élèves d’entrer dans cet univers déconstruit par l’explosion de la forme et par l’implosion du contenu. L’étude de cette œuvre n’est pas achevée, voici donc d’autres pistes d’analyse que l’enseignant pourrait exploiter en classe : la mise en abime ; l’étroite relation avec l’œuvre complète de Kafka (surtout Le Procès) ; l’étude onomastique des prénoms utilisés ; le rapprochement avec le Mythe de Sisyphe de Camus sous une approche philosophique ou existentielle et par le fait même une introduction de la mythologie gréco-romaine ; la critique de la religion catholique et de l’état, de la guerre, etc.

 

 

Annexes

 

Tableau I

 

Emplois

Tâches de l’employé

Stéréotype (s) de l’emploi

Cause (s) de la perte d’emploi

Réaction personnelle

1. Espion (p.21)

Il est au service de l’ambassadeur ennemi qui l’engage comme valet de chambre. Il n’a rien volé  ni document ni information.    

Obtenir de l’information secrète, voler, espionner.

N’a jamais rien volé.

 

 

2. Militaire dans l’infanterie (p.21)

Il va à la guerre, mais celle-ci est finie depuis deux mois.

Se battre et combattre.

La guerre est finie.

 

3. Mineur (p.25-26)

 Il excave entre deux heures et quatre heures du matin et fait une fortune avec le gravier.

Les mineurs travaillent généralement le jour et le gravier ne vaut rien sur le marché.

Il fait faillite en raison d’une facture de gaz impayée. Les mines ne sont pas alimentées au gaz!

 

4. Employé pour les égouts (p.33)

 Travail exigeant : centraliser les graphistes de fréquence et les modulations perturbatrices des égouts.

Nettoyer et entretenir le réseau d’aqueduc.    

On ne sait pas.

 

5. Plieur pour circulaire (p.44)

Il ordonne d’adresser 10 000 circulaires identiques à la même firme.

Plier des circulaires.

Il se retrouve par hasard chez lui.    

 

6. Employé de banque (p.46)

Il ignorait travailler à la banque, donc il ne faisait rien.

Tout ce qui a trait aux transactions financières.

Il rencontre sa femme.

 

 

7. Travaux forcés de broderie (p.48)

Il a eu des relations sexuelles avec des religieuses.

Broderie et de la couture.

Il a purgé sa peine.

 

8. Devient représentant puisqu’il a une valise (p.51)

Il ne vend rien et ne possède aucun échantillon.

Vente d’articles et démonstration de la marchandise.

Il va en prison.

 

9. Administrateur (p.68)

Il entre comme copiste et il devient un simple commis par son succès.

Gérer et administrer quelque chose.

Son salaire régresse à cause de son succès. Il fait faillite.

 

10. Secrétaire (p.85)

Il écrit des lettres sans raison et à raison de 10 par jour. 

Écrire des lettres avec des motifs et en plus grande quantité.

On ne sait pas.

 

11. Employé dans une compagnie d’assurances (p.93).

Il essaie en vain de parler à son directeur.

Vendre des assurances.

L’édifice s’effondre.

 

12. Employé des pompes funèbres (p.95)

Il organise son premier enterrement au rythme trépidant.

Organiser les enterrements de façon respectueuse.

Poursuite de la famille du défunt.

 

13. Conducteur d’une rame de métro (p.95)

Il tient personnellement à ce que chaque voyageur soit bien installé.

Conduire le métro.

Il se fait renvoyer.

 

14. Retour à la compagnie d’assurances (p.96)

Il fait connaitre l’invention du téléphone à son directeur.

Vendre des assurances.

On ne sait pas.

 

15. Producteur de films suite à une conversation avec le directeur des finances (p.103)

Il fait deux films dont le dernier dura six jours et six nuits.    

Produire un film de deux ou trois heures.    

Faillite de la compagnie.

 

16. Emballeur (p.123)

Il emballe tous les articles de la boutique.

Emballer ce que les clients achètent.

Il se fait congédier.

 

17. Boursier (p.129)

Il a juré qu’il renoncerait jusqu’à la mort au travail.

Investir dans les fonds monétaires.

Il s’est fait congédier parce qu’il a appuyé l’inventeur des congés horaires des grévistes.

 

Tableau II

 

Le sommaire

Le roulement d’emplois en témoigne. C’est la technique narrative la plus utilisée par Sternberg.

L’ellipse

 

Cette technique est abondante dans l’œuvre et peut être analysée à la première page du premier chapitre où en l’espace de trois paragraphes Sternberg nait et atteint l’âge de raison.

La pause

 

Au chapitre 9, il y a une pause et le lecteur souffre à passer ces interminables treize minutes. La pause est peu fréquente.

Le retour en arrière

Le retour en arrière accompagné d’ellipses se retrouve dans le dernier chapitre où les années se succèdent et se précédent en même temps.

La scène

Elle est absente puisqu’elle ralentit le récit.

Autres (le lexique)

D’autres signes du temps peuvent être exploités par l’accélération et l’inversion du temps : des mois d’avraoût et des marlundis.

 

 

Bibliographie

 

CHARTRAND, S.-G., AUBIN, D., BLAIN, R., SIMARD, CL. (1999). Grammaire pédagogique du français d’aujourd’hui, Montréal, Graficor.

CHARTRAND, S.-G. (2008). Progression dans l’enseignement du français langue première au secondaire québécois. Répartition des genres textuels, des notions, des stratégies et des procédures à enseigner de la 1re à  la 5e  secondaire. Les Publications Québec Français. Numéro hors série. Novembre.

DUFAYS, Jean-Louis., GEMENNE, Louis., LEDUR, Dominique. (2005). Pour une lecture littéraire, Bruxelles, Éditions de Boeck.

IONESCO, Eugène. (1954). La cantatrice chauve, Paris, Gallimard.

JAUSS, Hans Robert. (1978). Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard.

SIMARD, Claude., DUFAYS, Jean-Louis., DOLZ, Joaquim., GARCIA-DEBANC, Claudine. (2010). Didactique du français langue première, Bruxelles, Éditions de Boeck Université.

STERNBERG, Jacques. (1998). Contes glacés, Bruxelles, Éditions Labor.

STERNBERG, Jacques. (1989). L’Employé. Bruxelles, Éditions Labor.


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