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L'herbe bleue

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
L'herbe bleue
Anonyme
Par Myriame Munger


Nationalité de l'auteur : Autres
Genre : Autres
Courant :
Siècle : 20e siècle
Groupe d'âge visé : Deuxième cycle secondaire
Auteur de la séquence : Myriame Munger
Date du dépôt : Hiver 2012


 

 

 

L’herbe bleue [1] (Traduit de l’anglais Go Ask Alice [2])

 

Parue en 1971, en anglais, on croyait que l’herbe bleue était un journal rédigé par une adolescente de 15 ans, mais aujourd’hui, la paternité de cette œuvre a été attribuée à une psychologue américaine : Béatrice Sparks. Cette psychologue a mis plusieurs années avant de reconnaitre en être l’auteure. Il existe derrière cet anonymat une intention particulière à laquelle s’ajoute la particularité de la forme (celle d’un journal intime) et de sa structure. L’analyse de ce roman par les élèves du secondaire s’avère tout à fait pertinente dans l’optique où l’intention de l’auteure est tacite et qu’elle s’appuie sur les particularités de l’œuvre. De plus, elle permet une implication et un engagement dans la lecture puisque le personnage principal est une adolescente et que l’œuvre est sous forme de journal. La structure épistolaire facilite la lecture et permet de mieux inscrire le récit dans le temps.

 

 

 

Les problèmes reliés à la lecture de L’herbe bleue sont amenés par le fait que ce n’est pas un réel journal intime. En effet, l’intention expressive[3] de la narratrice, l’adolescente de 15 ans, sert à l’intention de l’auteur, c’est-à-dire informer (ou ne serait-ce que démystifier) le monde dans lequel sont enfermé les consommateurs de drogues et, indirectement, celui des adolescents. Le « je » et la forme « journal » permet d’ajouter du réalisme et du mordant au récit que l’on voit se défiler sous nos yeux et auquel on a le droit de s’identifier. Bref, par cette séquence d’enseignement, nous tenterons d’amener les élèves à comprendre les enjeux de la forme comme stratégie argumentative.

 

 

 

Grâce au travail sur l’ouvrage, L’herbe bleue, les élèves comprendront l’importance de l’intention de communication dans la rédaction. Ils verront aussi que le choix de la narration et de la forme permet de soutenir cette intention. De plus, écrire pour soi, que permet l’écriture d’un journal personnel, ne fait pas appel aux mêmes procédés et stratégies d’écriture que ceux utilisés à des fins de publication. Il en est de même pour les procédés qui servent à l’expression que pour les procédés qui servent à l’argumentation. C’est ce que nous verrons par le travail sur le roman.

 

 

 

Par un travail sur le vocabulaire, sur l’énonciation et sur l’expression (la ponctuation comprise), nous mettrons en évidence les procédés utiles dans la production expressive d’un journal. Aussi, grâce à l’analyse des effets que créent certains extraits, nous verrons plus clairement la double intention de rédaction. Finalement, un travail de rédaction sera fait par les élèves pour mieux comprendre les choix de l’auteur d’avoir gardé l’anonymat et d’avoir choisi la forme du journal intime.  

 

 

 

 

 

Avant la lecture 

 

 

 

Activité 1 : Présentation et amorce

 

L’enseignant présente l’œuvre aux élèves de sorte qu’ils croient réellement qu’elle est la publication d’un journal intime. Il lit avec eux la première et la quatrième de couverture (qui correspond dans la plupart des éditions à la note de l’éditeur). Cette quatrième fait état de la non-intention moralisatrice de l’œuvre.

 

 

 

Cet ouvrage ne prétend pas décrire le monde de la drogue chez les jeunes. Il n’apporte aucune solution à ce problème. C’est une chronique personnelle, spécifique, qui, en tant que telle, permettra peut-être de comprendre un peu l’univers de plus en plus compliqué dans lequel nous vivons. Les noms, les dates, les lieux et certains évènements ont été changés, selon le désir de toutes les personnes mêlées à ce récit. (Quatrième de couverture)

 

 

 

Ce passage, en plus de mettre l’accent sur le réalisme du récit, permet aux élèves d’entrer dans le livre pour le simple plaisir de lire, un peu par curiosité et de ne pas porter de jugements trop hâtifs sur le personnage principal.

 

 

 

L’enseignant demande aux élèves s’ils ont déjà lu des journaux intimes (celui d’Anne Frank par exemple) ou s’ils en tiennent un. Il les interroge sur l’intention de l’auteur au moment de l’écriture d’un tel texte. Bien sûr, les réponses obtenues seront de divers ordres, mais il n’en demeure pas moins que la tendance convergera vers la fonction expressive de l’écriture. Ce qui explique pourquoi le langage tend vers l’oralité; la syntaxe déroge des normes et il en est de même pour le vocabulaire utilisé.

 

 

 

Tout au long de la lecture individuelle, les élèves remplissent un carnet de lecture dans lequel ils notent : 1) les mots difficiles qui requièrent une recherche dans un ouvrage de référence, 2) les noms de drogues ou de substances ayant un effet psychotrope, 3) des réflexions personnelles faites lors de la lecture de certains passages. L’enseignant reviendra sur ce cahier à la fin de la lecture.

 

 

 

 

 

Pendant la lecture 

 

 

 

Activité 2 : Le journal intime et l’expression, des procédés d’écriture bien distincts

 

L’enseignant entame la lecture du premier jour, le 16 septembre. À voix haute, il lit avec les élèves en tentant de trouver l’intonation d’une jeune fille de 15 ans déçue. Il met l’accent sur le passage suivant :

 

 

 

Hier, j’ai acheté ce cahier, mon journal intime, en pensant que j’avais à raconter quelque chose de si merveilleux, de si formidable et de si personnel, que je serais incapable d’en parler à quelqu’un; seulement à moi-même. Et voilà que, comme tout le reste, comme tout ce qui m’arrive, ce n’est plus qu’un gros tas de rien. (P. 9)

 

 

 

Il s’interroge à haute voix sur les raisons qui peuvent pousser une adolescente qui a pour destinataire un journal, de lui écrire à la troisième personne. Il note un détachement de la part de la narratrice. Comme si elle s’adressait à une troisième personne, un destinataire absent. Il note aussi aux élèves que le reste de cette journée est écrite à la deuxième personne du singulier et comprend plusieurs phrases interrogatives destinées à son journal (ou à elle-même) : « Comment? » (P. 9). Il comprend aussi un vocabulaire soutenu : « j’ai cru que j’allais mourir de bonheur ». (P. 10) En faisant cela, l’enseignant montre bien[4] aux élèves à s’interroger sur les procédés langagiers mis en œuvre, dans ce cas-ci, la dualité entre le discours interne expressif de l’adolescente et le discours public narratif des genres romanesques. C’est en s’exprimant au « je » que la narratrice nous donne accès à ce qu’elle pense, ce qui favorise l’identification à son personnage.

 

 

 

Activité 3 : La psychologie du personnage

 

Pour la poursuite de la lecture, les élèves rempliront une fiche de personnage. Ils y indiqueront les caractéristiques physiques[5] et psychologiques de l’adolescente que l’on retrouve jusqu’au 8 juillet. Ils doivent aussi y écrire s’ils pensent que les propos sont objectifs ou s’ils sont subjectifs grâce aux indices laissés par le texte (vocabulaire mélioratif ou péjoratif, tournure de phrase, etc.) Cette fiche servira à cerner l’évolution psychologique de la protagoniste après la lecture. Les pages 9 à 15 sont importantes, car on y voit le décalage qu’il y a entre ce qu’elle voudrait être et ce qu’elle est réellement avant de sombrer dans la drogue. « En tout cas, je ne suis pas du tout ce que j’aurais espéré être moi-même » (P. 11) « Je commence à me sentir vraiment moche. » (P. 11) Le personnage a une vision négative d’elle-même. La lecture s’arrête avant la première prise de drogue (involontaire) du personnage lors d’un jeu « il court il court le furet ».

 

 

 

Activité 4 : Le fond et la forme (le vocabulaire connoté positivement)

 

La première expérience de drogue du personnage principal, bien qu’elle soit involontaire, est une expérience positive. Elle prend du LSD à son insu et fait un voyage merveilleux. L’enseignant lit (ou fait lire les élèves) à voix haute le premier paragraphe du jour du 10 juillet. Il sonde les élèves à savoir si l’évènement narré est perçu positivement ou négativement par le narrateur. Les élèves doivent justifier leur réponse. On s’attend à ce que les élèves relèvent les mots et les groupes de mots mélioratifs suivants : incroyable, extraordinaire, formidable, merveilleux et miraculeux, ce qui appuie la thèse qui affirme que le personnage perçoit positivement son expérience. Les élèves continuent individuellement la lecture et répertorient les autres items ayant la même valeur afin de confirmer cette hypothèse. Seule ombre au tableau, c’est le paragraphe qui explique le moment où elle commence à se rendre compte qu’elle a bu un verre contenant du LSD. Son incompréhension de ce qui lui arrive explique le champ lexical autour des symptômes corporels résultants de l’angoisse ou de l’angoisse elle-même : sentie toute drôle, tempête en moi, mains moites, gouttes de sueur, anormalement, empoisonner, corps tendu, muscles crispés, bizarre appréhension qui m’étranglait, me suffoquait. Malgré ce sentiment inconfortable, aussitôt que le personnage a été rassuré par son nouvel ami Bill, elle se mit à apprécier son expérience. Par contre, le reste de cet événement est narré avec un vocabulaire connoté positivement.

 

 

 

À des fins de compréhension de cette première portion du journal, les élèves répondent en quelques lignes à la question suivante : Est-on en mesure de croire que la protagoniste recommencera à consommer de la drogue? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur des extraits du texte. Mettez bien en relation les émotions de la protagoniste avant le 10 juillet et celles du 10 juillet. La réponse attendue est : Oui, la protagoniste continuera à consommer de la drogue parce qu’elle a éprouvé des sentiments positifs comme de l’émerveillement et de l’excitation lors de son expérience alors qu’elle s’ennuyait à mourir (2 juillet). De plus, elle a trouvé des amis de remplacement, qui la rendent « si heureuse qu’elle en pleurerait » (p. 37), à Beth dont le départ a beaucoup attristé le personnage principal (voir 25 juin). Bref, elle perçoit en ses nouveaux amis et en leur « style de vie » du réconfort et du plaisir.

 

 

 

En plus de faire appel aux hypothèses de lecture (voir activité 6), cette activité favorise le va-et-vient entre la participation émotive du lecteur (on ne veut pas que le personnage consomme à nouveau) et la distanciation en ce qu’elle invite à interpréter le texte pour lui-même[6].

 

 

 

Activité 5 : La structure de l’œuvre, une structure narrative ou un concept psychologique?

 

Individuellement, les élèves lisent jusqu’au 19 octobre inclusivement. Ils s’arrêtent sur la notion de « pattern ». En psychologie, un « pattern » c’est un « modèle simplifié d'une structure physique ou comportementale[7] ». En plénière, ils retracent le « pattern » de la protagoniste qui la pousse à consommer encore et encore. De cette façon, ils auront une représentation graphique de ce schéma[8]. Cela implique une compréhension approfondie du texte et une bonne mise en relation des éléments qui le composent. L’enseignant fait remarquer que la séquence de consommation de la protagoniste correspond à la définition de « pattern » en psychologie dont il donne la définition. Ce « pattern » est explicité de façon claire et est accessible à tout lecteur, qu’il s’y connaisse ou non en psychologie. De plus, cela ouvre les horizons des élèves vers une discipline.

 

 

 

Activité 6 : Comprendre et interpréter

 

Les élèves poursuivent la lecture jusqu’au 3 décembre inclusivement (pas le 3 décembre, toujours). L’enseignant demande aux élèves s’ils ont répertorié le nombre de fois que protagoniste a consommé de la drogue pendant cette période. Ils répondront qu’elle n’a pas consommé. L’enseignant demande aux élèves de trouver des hypothèses[9] pouvant expliquer cette « abstinence » temporaire. Ils spéculent individuellement[10], par écrit et en quelques lignes. On remarque que, avant la soirée chez Shelia, elle ne parle pas de drogue, mais se consacre à son emploi et à ses aspirations. On s’attend à ce que les élèves relèvent une forme de valorisation dans le travail qui la rapproche de la vie adulte tant convoitée.

 

 

 

Activité 6 : Place au « Elle »

 

Les élèves continuent leur lecture jusqu’au 24 janvier inclusivement. Pour bien comprendre l’importance de la narration et de l’énonciation, les élèves sont invités à réécrire le premier paragraphe du jour du 24 janvier en se mettant dans la peau d’un narrateur omniscient où le « je » devient « elle ». Bien sûr, ils doivent éviter les formes exclamatives et les formes s’apparentant à l’oralité afin de ne pas trahir le message d’origine. Ce travail met en relief l’impact de l’écriture au « je » sur le réalisme et sur la lecture « objective ». En effet, la lecture de ce passage au « je » annihile toute forme de jugement par la narration. Au contraire, une écriture au « elle » fait en sorte que le narrateur, détaché du récit, porte un regard critique sur ce qui se passe.

 

 

 

Réponse attendue. Elle a recommencé. Elle ne sait pas si elle doit pousser des cris de joie ou se couvrir la tête de cendres et s’habiller d’un sac ou elle ne sait quoi. Tous ceux qui prétendent qu’il n’y a pas d’accoutumance s’ils prennent de l’herbe ou de l’acide sont des ignorants imbéciles. Elle se défonce avec ces trucs-là depuis le 10 juillet, et chaque fois qu’elle a laissé tomber elle a cru mourir de peur à la pensée de tout ce qui peut ressembler à de la drogue. Et comme une idiote elle croyait qu’elle pouvait en prendre et laisser tomber aussi sec.

 

 

 

Ce passage, ainsi traduit, on se rend vite compte de l’impact qu’a le choix de la forme dans l’intention de l’auteur réelle. Cela dit, il n’est pas souhaitable que l’enseignant mentionne que l’auteure réelle est une psychologue, car cela gâcherait l’effet d’identification possible des élèves au personnage et ruinerait l’épilogue. Mais, à ce stade-ci, les élèves sont en mesure de voir que la narration autodiégétique du journal intime, incluant son mode d’énonciation, sa syntaxe particulière et sa ponctuation expressive sont des éléments conférant réalisme et permettant l’attachement au narrateur. Le sort de l’adolescente compte pour les lecteurs qui peuvent s’être identifiés à elle, ce qui d’ailleurs participe au plaisir de lire[11].

 

 

 

Les élèves finissent de lire le premier cahier, c’est-à-dire qu’ils poursuivent leur lecture jusqu’à la page 122. Ce cahier finit de façon subite et la tourmente que vit l’adolescente est explicite. On voit qu’elle a honte de son passé et qu’elle désire une nouvelle vie. Cette révélation concorde avec la fin d’un cahier dans lequel les émotions de la protagoniste s’opposent, c’est-à-dire qu’elles oscillent entre le désir de se reprendre en main ou le désir de mettre fin à ses jours.

 

 

 

Pour la poursuite de l’œuvre, l’enseignant n’intervient plus comme il le faisait précédemment, c’est-à-dire de manière à donner de plus en plus d’autonomie aux élèves. Les élèves ont en main les outils nécessaires à la poursuite de l’œuvre et peuvent, au besoin, revenir sur des éléments qui posent problème de manière générale ou individuelle[12].

 

 

 

 

 

Après la lecture

 

 

 

Activité 7 : Le carnet de lecture, pendant et après la lecture

 

La poursuite de la lecture des élèves se fera individuellement, et ce, jusqu’à l’épilogue. Grâce au travail fait précédemment, les élèves sont à même de compléter leur carnet de lecture individuellement. On remarque alors qu’un grand nombre de mots difficiles est utilisé par l’adolescente. Les mots répertoriés par les élèves ne seront pas tous les mêmes. L’enseignant dresse une liste au tableau des principaux trouvés par les élèves. En plénière, on discute à savoir si les adolescents utilisent ce vocabulaire tous les jours. Le but de cet exercice est de faire voir que derrière la fonction expressive du journal, transparait la fonction argumentative de l’auteur. À ce stade, les élèves ne savent pas encore que l’auteur n’est nul autre qu’une psychologue.

 

 

 

Aussi, on note que la variété de drogue présentée est assez large. En équipe de deux, les élèves feront un travail de recherche sur les drogues présentées par la protagoniste. Chacune des équipes prépare une présentation orale faisant montre des caractéristiques de la drogue choisie par les élèves ou allouée par l’enseignant.

 

 

 

Drogues[13]

Dépresseurs

Stimulants

Hallucinogènes

Les dépresseurs ralentissent

le fonctionnement du système nerveux.

1- Alcool (p. 63)

2- Médicaments

dépresseurs :

Tranquillisants (p. 60)

Somnifères (p. 60)

(exemple:

barbituriques p. 68)

3- Héroïne (p. 82)

Smack (p. 191)

Les stimulants stimulent le

fonctionnement du système

nerveux.

Stim (p.116)

1- Speed (p. 44, 82)

2- Médicaments

stimulants :

Amphétamines (p. 69)

Benzédrine (benny p. 62)

Dexédrine (dexies p. 62)

Pilules

Les hallucinogènes perturbent le fonctionnement du système nerveux.

1- Cannabis et dérivés :

Herbe, Marie-Jeanne

Marijuana (p. 63, 143)

Hasch (p. 63, 80)

LSD (p. 41)

DMT (p. 69)

Produits volatils : colle   (p. 190)

 

 

 

Le but de cette activité est de 1) familiariser les élèves avec la recherche documentaire, 2) de mieux comprendre le fonctionnement chimique des drogues sur le corps humain et 3) de faire voir l’intention pédagogique de l’œuvre qui réside dans l’abondance des informations.

 

 

 

L’enseignant profite des réflexions personnelles qu’auront faites les élèves pour animer une discussion dans laquelle toutes les interprétations et les réflexions seront considérées.

 

 

 

Activités 8 : Les États-Unis des années 70[14]

 

Afin de mieux comprendre le choix formel de l’auteur, les élèves font une recherche sur le contexte social des années 70 aux États-Unis. Ils sont dès lors plus en mesure de comprendre en quoi une œuvre ayant pour thème la consommation de drogue chez une adolescente aurait pu être mal reçue si cela n’avait pas été rédigé sous forme de journal intime. Certains auraient pu y voir une forme d’apologie de la drogue et d’autres auraient pu y voir l’intention de critiquer le courant « hippie » de plus en plus fort à l’époque et une mise en garde contre ce mouvement reconnu pour leur consommation de drogue. Aussi faudrait-il soulever le fait que les valeurs familiales de l’époque, encore très centrées sur la religion, avaient encore beaucoup de poids dans le développement personnel des adolescents. Un travail sur ces valeurs peut être fait en comparaison avec les valeurs actuelles, mais là n’est pas l’objet de la présente séquence.

 

 

 

Activité 9 : La forme comme stratégie argumentative

 

La lecture est maintenant terminée. L’enseignant revient sur l’épilogue. Il parle du contrat de lecture. Il mentionne aux élèves que le contrat de lecture est l’équivalent d’une entente. Ce qui est présenté comme fantastique, possible, fait vécu ou fiction doit l’être dans tout le roman et toute dérogation à ce contrat peut être perçue négativement par le lecteur. Dans ce cas-ci, on présente un journal intime d’une adolescente et on le lit comme tel. Que se passerait-il si l’on apprenait après la lecture, après s’être identifié à l’auteur de ce journal que l’on croit être une adolescente de 15 ans s’étant suicidé que cet auteur est une psychologue américaine? L’œuvre aurait-elle eu le même impact? Aurait-on eu l’impression de se faire faire la morale? Ne prenez pas de drogue, soyez honnête envers vos parents, ne buvez pas d’alcool, vivez votre adolescence et n’essayez pas de vieillir trop vite, aimez-vous et l’on vous aimera[15], etc. Voici autant de morales pouvant émaner de ce pseudojournal. C’est donc sous le couvert de l’anonymat que Beatrice Sparks a publié son œuvre afin de faire passer son message qui aurait pu être perçu comme maternant si son auteur réel avait été déclaré. Les élèves voient clairement que la forme, parce qu’elle s’adresse aux affects des lecteurs, joue le rôle d’une stratégie argumentative. On revient alors sur le travail qui a été fait précédemment, c’est-à-dire l’écriture expressive, la psychologie du personnage, le vocabulaire, la structure de l’œuvre, la narration autodiégétique et le carnet de lecture. Ce retour valorise le choix de l’anonymat fait par l’auteur. En effet, tous ces procédés appuient l’intention pédagogique sans toutefois sermonner le lecteur.

 

 

 

Les élèves, pour bien comprendre l’intention de l’auteur réel, doivent jouer le même rôle. Ils écrivent trois jours de journal intime en ayant pour but de livrer un message, une morale ou donner une leçon. Pour ce faire, ils doivent se glisser dans la peau d’un personnage fictif, à l’image de l’adolescente de L’herbe bleue, qui écrira au « je » et qui aura une écriture expressive (vocabulaire, syntaxe et ponctuation). L’enseignant peut suggérer des morales, mais les élèves peuvent réinvestir celles contenues dans L’herbe bleue. Les élèves doivent mettre en évidence la psychologie du personnage comme cela a été vu dans l’activité 2. Les critères de correction seront construits sur la base d’un texte argumentatif, l’expérience du protagoniste appuyant la morale défendue.

 

 

 

En conclusion

 

Loin de prétendre couvrir toutes les pistes d’analyse possible, cette séquence permet de mettre en évidence la structure de l’œuvre littéraire et ses composantes langagières et formelles en tant que choix conscient et volontaire de l’auteur. En effet, parce que L’herbe bleue est rédigée sous forme de journal intime, avec les caractéristiques génériques que cela implique, les élèves ont intégré une morale et des connaissances en psychologie de manière implicite. Donc, par le dévoilement tardif de la réelle auteure de ce roman, les élèves ont pu constater que l’intention réelle de l’œuvre ne réside pas dans l’expression personnelle, mais dans l’argumentation. En effet, le discours narratif dominant sert à l’intention argumentative cachée. Aussi, le travail sur cette œuvre permet un regard subjectif sur la littérature puisqu’elle permet de se sentir interpelé par sa lecture autant par le thème de la drogue que par celui des difficultés que vivent les adolescents, mais surtout par l’écriture subjective que permet le journal intime. Il aurait été intéressant de travailler par le fait même les registres de langues, puisque le genre s’y prête. Mais dans l’optique où le registre familier est celui de France, cette séquence n’y fait pas allusion. Aussi l’enseignant peut-il lancer des pistes de réflexion quant à la raison qui a poussé l’auteure à faire se suicider la narratrice dans l’épilogue. Qu’en est-il de l’anonymat de cette dernière?  

 

 

 

 

 

Bibliographie

 

 

 

Œuvre intégrale

 

Anonyme, L’herbe bleue, Presses pocket, France, 1973, 214 pages.

 

 

 

Séquence consultée

 

Alauda Gutiérrez López et de Suzanne Vannay pour la Formation initiale professionnelle des enseignant(e)s des écoles secondaires I et II,  [En ligne], http://www.google.ca/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0CCcQFjAA&url=http%3A%2F%2Fanimation.hepvs.ch%2Ffrancais%2Findex.php%3Foption%3Dcom_rokdownloads%26view%3Dfile%26task%3Ddownload%26id%3D881%253Alherbebleue%26Itemid%3D90&ei=MseFT6CmLOXz0gHGr_TcBw&usg=AFQjCNGwpHM-0q4adUwZiGsFMW3tQ8MswA&sig2=iSMLzuypnsHN3a7h2K9m4A

 

 

 

Ouvrages de références

 

Jocelyne Giasson, « Stratégies d’intervention en lecture : quatre modèles récents », Dans Préfontaine et Lebrun (dir.). La lecture et l’écriture, p. 225.

 

Jean-Louis Dufays, Louis Gemenne et Dominique Ledur, Pour une lecture littéraire, De boeck, Bruxelles, 2009, 370 pages.

 

 

 

Articles de périodique 

 

Guy Lusignan, « La lecture stratégique », Québec français, Numéro 96, Hiver 1995, p. 30-31.

 

Catherine Croisetière, « Former des lecteurs stratégiques au primaire », Québec français, 157, printemps 2010, p. 54. 

 

 

 

Manuel scolaire

 

Michèle Salesse et Nicole Bonenfant, « Au fil des mots », Visa, GB éditions FM, Québec, 1999.

 

 

 

Autre

 

Dictionnaire de psychologie, Dicopsy.com, [En ligne] http://www.dicopsy.com/dictionnaire.php/_/tests-methodes/pattern, (page consultée le 5 avril 2012).

 

 

 


 

[1] Anonyme, L’herbe bleue, Presses pocket, France, 1973, 214 pages.

 

[2] Il serait bien de mentionner l’allusion à Alice au pays des merveilles même si elle est traduite de l’anglais. D’ailleurs, on en retrouve un appel explicite à la page 44 où l’auteur se demande si Lewis Caroll était drogué. Aussi trouve-t-on une allusion à Alice à la page 120.

 

[3] Pour un travail sur l’expression, vous pouvez consulter le manuel suivant : Michèle Salesse et Nicole Bonenfant, « Au fil des mots », Visa, GB éditions FM, Québec, 1999.

 

[4] Catherine Croisetière, « Former des lecteurs stratégiques au primaire », Québec français, 157, printemps 2010, p. 54.

 

[5] Nous travaillons aussi le physique, car il traduit la manière dont se perçoit la protagoniste et c’est en lien étroit avec le portrait psychologique.

 

[6] Jean-Louis Dufays, Louis Gemenne et Dominique Ledur, Pour une lecture littéraire, De boeck, Bruxelles, 2009, p. 91-92.

 

[7] Dictionnaire de psychologie, Dicopsy.com, [En ligne] http://www.dicopsy.com/dictionnaire.php/_/tests-methodes/pattern, (page consultée le 5 avril 2012).

 

[8] Guy Lusignan, « La lecture stratégique », Québec français, Numéro 96, Hiver 1995, p. 30-31.

 

[9] Jean-Louis Dufays, Louis Gemenne et Dominique Ledur, Pour une lecture littéraire, De boeck, Bruxelles, 2009,  p. 211-212.

 

[10] L’interprétation d’une œuvre est quelque chose de personnel qui ne doit pas être corrompu par les interprétations extérieures, car cela constituerait un obstacle pédagogique, c’est pourquoi les élèves travaillent individuellement. Voir Dufays, Pour une lecture littéraire,  Les difficultés de lecture, Les difficultés pédagogiques.  p. 138-139.

 

[11] Jean-Louis Dufays, Louis Gemenne et Dominique Ledur, Pour une lecture littéraire, De boeck, Bruxelles, 2009, p. 132.

 

[12] Jocelyne Giasson, « Stratégies d’intervention en lecture : quatre modèles récents », Dans Préfontaine et Lebrun (dir.). La lecture et l’écriture, p. 225.

 

[13] Tableau inspiré du dossier de lecture d’Alauda Gutiérrez López et de Suzanne Vannay pour la Formation initiale professionnelle des enseignant(e)s des écoles secondaires I et II,  [En ligne], http://www.google.ca/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0CCcQFjAA&url=http%3A%2F%2Fanimation.hepvs.ch%2Ffrancais%2Findex.php%3Foption%3Dcom_rokdownloads%26view%3Dfile%26task%3Ddownload%26id%3D881%253Alherbebleue%26Itemid%3D90&ei=MseFT6CmLOXz0gHGr_TcBw&usg=AFQjCNGwpHM-0q4adUwZiGsFMW3tQ8MswA&sig2=iSMLzuypnsHN3a7h2K9m4A

 

[14] Nous suggérons un travail en partenariat avec l’enseignant d’histoire.

 

[15] Morale pouvant être des pistes pour l’activité d’écriture finale.

 

 

 


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