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La part de l'autre

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
La part de l'autre
Schmitt Éric-Emmanuel
Par Audrey Frenette


Nationalité de l'auteur : Française
Genre : Roman
Courant :
Siècle :
Groupe d'âge visé : Deuxième cycle secondaire
Auteur de la séquence : Audrey Frenette
Date du dépôt : Hiver 2012


   

 

Présentation et pertinence de l’œuvre

Cette séquence didactique est construite autour de La part de l’autre, un roman d’Éric Emmanuel Schmitt. L’auteur contemporain d’origine française est de plus en plus reconnu grâce à des œuvres comme L’Évangile selon Pilate, Oscar et la dame en rose, Lorsque j’étais une œuvre d’art et de nombreuses pièces de théâtre. Le roman est donc pertinent à travailler avec les élèves afin de les familiariser avec l’institution littéraire [1]. L’auteur dit lui-même : « Le roman ne m’intéresse que s’il est philosophique. Il doit être une machine à idées, provoquer la réflexion [2].» Ses œuvres ont donc beaucoup de profondeur et représentent un défi de lecture pour les élèves. La part de l’autre a soulevé une certaine controverse [3], car le roman contient à la fois une partie historique relatant la vie d’Hitler, après son refus à l’école des Beaux Arts, et une partie fictive qui raconte ce qu’il serait devenu s’il y avait été accepté. L’humanisation de ce dictateur responsable de la Deuxième Guerre mondiale a suscité des réactions partagées. Pour comprendre cette polémique, il est nécessaire d’être bien informé. La séquence autour de cette œuvre permettra donc aux élèves de porter un jugement critique sur les idées l’entourant. Pour ce faire, un travail sur le contexte historique, sur les références culturelles, les personnages, les caractéristiques de l’œuvre, le vocabulaire, la structure et la causalité sera effectué en classe. Au terme de cette séquence, les élèves auront assez d’outils pour comprendre l’aspect philosophique du récit, apprécier le travail de l’auteur et porter leur propre jugement. Elle s’adresse à des élèves de cinquième secondaire, étant donné que les thèmes tournent parfois autour de la violence, de la mort et de la sexualité. La réalisation de la séquence requiert aussi d’être un lecteur suffisamment outillé pour réussir à interpréter le sens de l’œuvre.

 

 

Problèmes à résoudre

Le roman renferme plusieurs problèmes de lecture à résoudre avec les élèves. Cette séquence contient des tâches guidées par l’enseignant qui permettront aux élèves de développer des compétences, grâce à la résolution de ces problèmes [4].

 

1. Références sociohistoriques et opposition avec la portion fictive du roman

Les élèves devront être en mesure de reconnaitre les nombreuses références historiques présentes dans l’œuvre. Cela leur permettra de situer le récit, mais aussi d’utiliser le texte littéraire pour enrichir leur culture personnelle. Ils devront mettre en opposition les parties historiques du récit et celles qui sont uchroniques, en comparant notamment les deux Hitler.

 

2. Structure et caractéristiques de l’œuvre

Les élèves devront comprendre la structure complexe du roman en comparant les deux récits, en analysant les caractéristiques historiques, uchroniques et philosophiques et en travaillant à partir des thèmes, de la causalité et du vocabulaire. Ils devront être en mesure d’expliquer les choix de l’auteur et de faire des liens entre ces choix et le sens de l’œuvre.

 

3. Réflexion philosophique et interprétation

Ils devront aussi émettre des hypothèses et discuter des émotions ressenties à la lecture [5] afin de développer leur compétence interprétative [6] [7] et de comprendre l’aspect philosophique du roman. Ils tenteront aussi de porter un jugement critique sur les idées discutées en classe.

 

 

AVANT LA LECTURE

 

 

Activité 1- La mise en contexte sociohistorique du roman et l’activation des connaissances

Objectif : Préparer les élèves à la lecture du roman en leur donnant des ressources pour comprendre le contexte historique, en plus d’introduire le personnage principal.

 

1.1 Étant donné que l’œuvre de Schmitt raconte la vie du dictateur de sa jeunesse jusqu’à sa mort, à la fin de la guerre, le contexte de l’époque est au cœur de l’histoire.  Cela peut entrainer des problèmes si le lecteur ne comprend pas les enjeux, les évènements décrits ou les réactions des personnages. Lors de cette activité, l’enseignant demande d’abord aux élèves ce qu’ils connaissent de la Deuxième Guerre mondiale. Il prépare une liste de questions sur le déroulement de la guerre, les enjeux, les conséquences et sur Hitler. En plénière, les élèves discutent de leurs connaissances et de leurs opinions. Cela permet à l’enseignant de partir des représentations des élèves [8].

 

1.2 L’enseignant leur présente ensuite des extraits de la série documentaire Apocalypse [9] qui raconte la Seconde Guerre mondiale, à l’aide d’images réelles de l’époque, afin d’approfondir ou de valider leurs connaissances. L’utilisation du documentaire est un soutien à l’appréciation de l’œuvre [10] et leur donne des référents utiles pour l’analyse du sens de celle-ci.

 

1.3 Il peut aussi demander aux enseignants d’histoire et de géographie de s’impliquer en traitant de ce sujet parallèlement en classe. Les élèves pourraient ainsi repérer les pays et les villes importantes et connaitre plus de détails sur l’époque. La multidisciplinarité motive les élèves à la découverte du roman et maximise le développement de plusieurs compétences.

 

1.4 L’enseignant peut aussi proposer aux élèves de regarder des films comme La chute, La vie est belle, La liste de Schindler, pour avoir en tête des interprétations différentes de la guerre et d’Hitler.

 

1.5 Un retour en classe permet un premier échange sur les sentiments des élèves par rapport à ce qu’ils ont découvert [11]. Cette première activité introduit le contexte et le personnage du roman et servira d’appui pour que les élèves puissent, au terme de la séquence, réagir sur l’effet ressenti par rapport à Hitler, dans le roman.

 

 

Activité 2- Découverte du roman comme objet

Objectif : Prendre connaissance du roman et de son intérêt. Découvrir l’auteur et avoir des pistes de lecture en tête avant d’entamer la lecture.

 

1.1 L’enseignant présente le roman et l’auteur. Il parle de la carrière de Schmitt et explique pourquoi il aime particulièrement La part de l’autre. Il peut parler de l’histoire, du personnage, de l’intérêt philosophique ou du style : l’enseignant cible ce qui le passionne le plus. Il demande aux élèves ce qu’ils pensent du titre, de l’image, de la quatrième de couverture. Cela encourage les élèves à découvrir le roman et à le manipuler [12].

 

1.2 Pour faire comprendre aux élèves l’intérêt du roman, l’enseignant leur fait lire quelques critiques, les commentaires de Schmitt [13] et les premières pages du journal de l’auteur qui se trouve à la fin du roman (p.475). L’enseignant demande à des élèves de lire ces textes à voix haute et il les fait discuter pour pratiquer l’écoute-découverte [14]. Les textes mettront en place les principaux thèmes, comme l’amitié, la mort, la puissance, la sexualité, la violence, etc. Les élèves seront aussi informés, grâce à ces textes du double récit, des intentions de l’auteur et ils pourront remarquer que les opinions sont partagées par rapport à l’aspect humain de Hitler. L’enseignant questionne les élèves sur ce qu’ils retiennent et ce qu’ils pensent de la polémique entourant le roman.

 

1.3 Il leur demande de noter toutes leurs attentes et leurs hypothèses. L’enseignant peut guider les élèves en leur demandant comment ils imaginent les deux personnages, comment ils pensent que l’histoire se termine. Ils peuvent s’amuser à imaginer eux-mêmes un autre Hitler. Cette étape est utile pour résumer les informations qui auront été partagées en classe. Les élèves auront donc déjà une idée des difficultés qui les attendent pendant la lecture.

 

 

PENDANT LA LECTURE

 

 

Activité 1- Lecture accompagnée par l’enseignant

Objectif : Aider les élèves à comprendre la structure du roman et repérer les différences entre les deux récits.

 

1.1 La structure du roman est complexe, car les deux récits s’entrecroisent sans qu’on ne le précise clairement. Au début de la séquence, les premiers chapitres du roman sont lus par l’enseignant, à voix haute. Cela lui permet de faire remarquer la structure du roman aux élèves en leur faisant repérer les changements de paragraphes et le nom du personnage qui varie (Adolph H. et Hitler). Ainsi, il leur fait prendre conscience qu’un des personnages est réel et que l’autre est fictif et il les aide à repérer les endroits où l’on passe d’un récit à l’autre.

 

1.2 Il introduit alors le roman historique et le roman uchronique afin d’initier les élèves à la différence des genres [15]. Le premier se caractérise par le fait qu’il raconte des évènements réels alors que le second se base sur des éléments réels dans le but de créer une fiction. Il établit avec les élèves les caractéristiques de chacun et ils déterminent ensemble que la vie de Hitler est historique et que la vie de Adolph H. est uchronique. Cette étape assure la compréhension des élèves pendant leur lecture.

 

1.3 De plus, il prend le temps de faire réagir les élèves sur le début du roman : le refus et l’entrée à l’école des Beaux Arts. Cette activité permet aux plus faibles lecteurs de bien comprendre les éléments qui mettent en place l’intrigue parallèle. L’enseignant précise l’importance de comparer les deux Hitler en faisant des arrêts sur certains passages. L’enseignant doit aussi faire des liens avec les critiques et les commentaires lus auparavant. Remarquez-vous le contexte, les thèmes? Dans quelles phrases?

 

 

Activité 2- Journal de lecture

Objectif : Utiliser un journal de lecture pour repérer et noter des éléments importants dans le texte afin de comprendre la structure, les personnages et la portée philosophique.

 

1.1 En se basant sur les commentaires lus sur l’œuvre, l’enseignant précise l’intérêt des deux personnages opposés. Il accorde une importance particulière, pendant la lecture, aux différences entre les deux personnages et ce qu’ils vivent et explique aux élèves la notion d’antagonistes (personnages opposés). Il leur explique que d’observer le personnage fictif est une manière de comparer la création de l’auteur avec la réalité [16].

 

1.2 Il introduit le journal de lecture [17] que les élèves devront remplir. Celui-ci permet de responsabiliser les élèves et les aide à développer leur pratique réflexive [18]. L’enseignant prépare un document qui servira de guide aux élèves. Une section sera réservée pour noter les évènements importants dans la vie de chaque personnage. Un tableau comparatif des différences physiques et psychologiques des antagonistes sera aussi produit pour chaque chapitre. Un espace sera réservé pour noter les thèmes principaux et les personnages rencontrés dans le roman. Cela aide les élèves à ne pas oublier des éléments importants et à résumer leur pensée. Cela pourra aussi leur servir à comprendre les différences entre les personnages et les effets de causalité qui mènent chacun à des destins différents, à la fin de la séquence. L’enseignant aide les élèves à annoter leur journal au cours de la lecture du premier chapitre.

 

1.3 Les élèves poursuivront la lecture de manière individuelle. Tel que le propose la zone proximale de développement [19], l’enseignant diminue ainsi l’accompagnement. À la fin des chapitres, les élèves mettront en commun, en faisant un cercle de lecture [20], avec trois à cinq coéquipiers, les informations qu’ils ont trouvées et qui mettent en opposition les deux personnages principaux.

 

 

Activité 3 – Recherche historique

Objectif : Repérer des personnages et des évènements historiques dans le récit et comprendre leur utilité dans l’intrigue. Faire des liens entre ces éléments et le parcours de chaque personnage.

 

1.1 Des équipes expertes (les mêmes que pour le cercle de lecture) se voient attribuer un chapitre. Ils doivent repérer les personnages historiques (ex. Freud, Breton, Wagner, Chamberlain, François Ferdinand, Himmler, Morell, Elser, Goring, etc.) et les évènements importants dans ce chapitre comme la Première Guerre mondiale.

 

1.2 Après le repérage, les élèves font une recherche et présentent quelques informations sur le sujet au reste de la classe. Ils discutent ensuite avec le groupe de l’apport et de l’impact de ces évènements et de ces personnages dans la vie de Adolph H. et de Hitler. Par exemple, ils peuvent déterminer que la Première Guerre mondiale aide Adolph Hitler à se faire des amis, mais lui donne des idées antisémites. Les élèves peuvent aussi établir des liens en dehors du texte. Par exemple, ils peuvent découvrir ce qu’est la psychanalyse en faisant des recherches sur Freud. Ils notent ces rencontres et ces évènements dans leur journal de lecture. Cela aide à la compréhension globale du roman, mais aussi à préciser certains détails de la vie des personnages, dans le but de les comparer. Cela introduit aussi l’idée de causalité qui sera travaillée plus tard dans la séquence.

 

 

Activité 4- Analyse du vocabulaire

Objectif: Comprendre les choix lexicaux de l’auteur (mots choisis, expressions et mécanismes de description) en faisant des liens avec les personnages.

 

1.1 Pour bien comprendre les différences entre les deux personnages, il est bien d’analyser le lexique [21] dans le texte, comme le vocabulaire. L’enseignant cible un chapitre ou un passage en particulier et demande aux élèves d’observer, en équipe de quatre, le vocabulaire utilisé. Ils peuvent repérer des mots, des images, des expressions qui évoquent pour eux un sentiment particulier ou qui décrivent bien le personnage. Deux élèves repèrent le vocabulaire utilisé pour le personnage d’Hitler, alors que les deux autres élèves font de même pour Adolph H.

 

1.2 Ils discutent ensuite de leurs impressions et comparent le choix des mots. Ainsi, ils doivent expliquer en quoi les mots décrivent les différences entre les deux antagonistes. Ils doivent faire ressortir l’idée que l’auteur a fait lui-même ces choix pour donner un effet particulier [22].

 

1.3 L’enseignant peut d’abord faire l’analyse d’un passage avec les élèves. Par exemple, dans le chapitre Le dictateur vierge, de la page 255 à 262, l’auteur décrit Hitler à l’aide d’expressions telles que «tête brulée», «caporal grossier». Le personnage décrit ses discours à l’aide d’expressions comme «raviver les cicatrices», «enlever les croûtes». Il traite les gens de «négatifs», «plein de rancœur». Des pages 283 à 288, Adolph décrit son amoureuse avec des mots comme «sentiments», «rayonnant», «sourire». Il parle de sa manière de l’aimer avec des mots comme  «plaisanteries», «admiration». L’enseignant prend le temps de parler de ce qu’il ressent en lisant ses mots et demande l’opinion des élèves. Il montre l’opposition des sentiments, de l’attitude et de la description des deux antagonistes en précisant qu’il s’agit des choix de l’auteur.

 

 

Activité 5- Volet philosophique

Objectif : Comprendre ce qu’est le déterminisme afin de faire des liens entre cette théorie et la chaine de causalité qui se trouve dans le roman. Cet élément servira de repère pour comprendre l’évolution opposée des personnages.

 

1.1 Vers la fin de la lecture, l’enseignant explique ce qu’est le déterminisme. Il explique que, selon cette théorie, un élément peut entrainer ou modifier une suite d’évènements, appelée causalité, dans la vie de quelqu’un.

 

1.2 Il demande aux élèves, par écrit, de répondre à la question suivante : Est-ce que le roman de Schmitt comporte des caractéristiques du déterminisme? Justifiez votre réponse. Les élèves doivent ressortir les éléments importants notés dans leur journal de lecture pour mettre en lumière la causalité dans le roman. Ils doivent bien sûr parler du refus et de l’entrée à l’école des Beaux Arts, mais il leur faut ajouter des exemples, comme la rencontre avec Freud qui vient modifier la sexualité d’Adolph H. L’écrit permet de rassembler leurs idées et de formuler une réponse bien construite.

 

1.3 Un retour est fait en classe afin de discuter de l’importance de certains évènements et des personnages [23] dans la vie de chacun des antagonistes. L’enseignant les fait discuter de l’évolution de chacun en lien avec les thèmes du récit. Par exemple, pour le thème de la sexualité, l’enseignant peut poser les questions suivantes : Comment évolue la sexualité des deux personnages? Quels évènements les mènent à se développer ainsi? Comment réagissent-ils à ces évènements et à ces rencontres [24]? Les élèves mettent ainsi en commun les notes prises pendant leur lecture et utilisent cet outil pour réfléchir sur l’œuvre.

 

1.4 Il leur demandera aussi comment ils se sentent par rapport à chacune des facettes du personnage, ce qu’ils aiment de l’un et de l’autre, ce qu’ils trouvent bien et mal. Avec les réponses des élèves, l’enseignant introduit l’idée qu’Hitler, avant d’être un dictateur, a été un homme auquel il était possible de s’identifier. Les élèves font des liens avec les commentaires de l’auteur, lus au début de la séquence.

 

1.5 L’enseignant demande aux élèves de décrire en quelques phrases ce qui rend le roman de Schmitt philosophique. Ils devront être en mesure de parler du déterminisme, mais surtout de s’exprimer sur le fait que chaque humain est responsable de ses réactions devant des évènements et des rencontres dans leur vie.

 

 

APRÈS LA LECTURE

 

 

Activité 1- Débat sur la portée morale du roman

Objectif : Être en mesure de discuter de la morale du livre et de faire des liens avec ses propres opinions.

 

1.1 L’enseignant fera lire par des élèves la suite du journal de l’auteur, à la fin du roman. Il demandera aux élèves de se questionner sur les idées de l’auteur. En se fiant aux textes lus et aux discussions en classe, ils devront réfléchir à ce qu’ils pensent maintenant de Adolph H. En justifiant leurs points de vue à partir du roman, les élèves doivent argumenter sur la possibilité pour chaque humain de devenir un Hitler, ou la possibilité pour Hitler de devenir Adolph H.

 

1.2 En équipe, ils devront se trouver des arguments valables et un débat sera tenu en classe. Cela entrainera un conflit sociocognitif [25] qui leur fera réaliser qu’il peut y avoir une pluralité d’interprétations [26] pour une même œuvre. Ils devront aussi, lors de ce débat, porter un jugement critique sur la probabilité pour chacun de devenir bon ou mauvais.

 

 

Activité 2- Activité d’écriture

Objectif : Faire la synthèse des caractéristiques, des thèmes, de la forme et du propos du roman.

 

1.1 Les élèves et l’enseignant font un retour sur les éléments importants du roman.

 

1.2 L’enseignant prépare une liste de noms de personnages historiques comme Martin Luther King, Mère Thérèsa et Saddam Hussein. En équipe de trois ou quatre, les élèves choisissent un personnage. Ils font une courte recherche sur la vie du personnage, comme a dû le faire Schmitt pour la partie historique de son livre. L’enseignant peut réserver une période aux locaux informatiques de l’école pour faciliter la recherche.

 

1.3 Ensuite, ils doivent repérer un évènement de la vie du personnage et le modifier. Le personnage doit devenir l’antagoniste de ce qu’il a réellement été. Les élèves doivent écrire un court récit sous la forme d’un chapitre de roman [27] décrivant cet évènement modifié dans la vie du personnage. Ils devront utiliser au moins deux des thèmes présents dans le roman de Schmitt (l’amour, la foi ou autre) et choisir un vocabulaire adapté. Cela permettra de réinvestir l’ensemble des acquis de la séquence dans un nouveau contexte.

 

1.4 Une fois le récit terminé, les élèves devront présenter devant la classe leur personnage et leur récit.

 

 

Conclusion

La séquence didactique autour de La part de l’autre de Schmitt permet un travail de compréhension de longue haleine avec les élèves. L’étude de l’œuvre amène les élèves à découvrir le contexte d’un pays et d’une époque qui ont marqué l’Histoire. La structure du roman permet de mettre au défi leur compréhension et des outils comme le journal et le cercle de lecteurs les amène à comparer le Hitler réel et le Hitler fictif. L’analyse du vocabulaire leur permet d’attribuer les caractéristiques des antagonistes aux choix de l’auteur. En utilisant le déterminisme comme base, ils peuvent aussi retracer la chaine de causalité des deux récits. En discutant, en observant et en décortiquant le roman, les élèves en viennent à se questionner sur l’être humain, ses actions, ses rencontres et ses réactions. Ils développent ainsi leur pensée réflexive, leur capacité à discuter d’un point de vue, en plus de développer des outils qu’ils pourront réinvestir lors de la lecture d’une autre œuvre littéraire. La richesse du roman de Schmitt et l’universalité des thèmes susciteront sans doute l’intérêt des élèves qui découvriront ainsi un auteur important de leur époque.

 

 

Bibliographie

1. Claude Simard, Jean-Louis Dufays, Joaquin Dolz et Claudine Garcia-Debanc, Didactique du français langue première, Éditions de Boeck, Belgique, 2010, p. 333.

2. Colloque Enjeux didactiques des théories du texte dans l'enseignement du français (1998 : Toulouse, France), Enseigner la littérature : actes du Colloque Enjeux didactiques des théories du texte dans l'enseignement du français /, Delagrave, Paris, 2000, p. 61.

3. Élaine Leith, Le journal dialogué et le cercle de lecture : des outils au service d’une lecture interactive, Québec Français, Hiver 2011, no 160.

4. Éric-Emmanuel Schmitt, La part de l’autre, Éditions Le Livre de poche, Paris, 2001.

5. Éric-Emmanuel Schmitt, «Le journal de l’auteur», dans La part de l’autre, Éditions Le Livre de poche, Paris, 2001.

6. Jean-Louis Dufays, Louise Gemenne, Dominique Ledur, Pour une didactique de la littérature, Éditions de Boeck, Begique, 2005, p. 240.

7. Jocelyne Giasson,  «Stratégie d’intervention en lecture : quatre modèles récents» dans La lecture et l’écriture. Montréal : Logique. 1992, p. 223.

8. Martine Brunet, Écrire un chapitre de roman, Québec Français, Été 2010, no 158, p. 61.

9. Martin Lépine, Le documentaire pour soutenir l’appréciation d’une œuvre littéraire, Québec Français, Printemps 2011, no 161, p. 68-69.

10. Michel Meyer, Éric-Emmanuel Schmitt ou les identités bouleversées, Paris, Albin Michel, 2004, 160.

11. Myriam Roman, Victor Hugo et le roman philosophique, Paris, Honoré Champion Éditeur (Romantisme et modernités), 1999, 826 p.

12. Roch Turbide, Le personnage : un élément d’appréciation parmi d’autres, Québec Français, Pintemps 2010, no 157, p.63.

13. Yves Reuter, «Vers une didactique de l’écriture», dans le Document d’accompagnement du cours DID-3020, Université Laval, automne 2011, Québec, p. 29.

 

 

Médiagraphie

1. Éric-Emmanuel Schmitt, Commentaires « Voici le livre qui m’a... », Innsbruck, 15 février 2002, http://www.eric-emmanuel-schmitt.com/Litterature-romans-la-part-de-l-autre.html (site consulté le 9 avril 2012).

2. Série documentaire Apocalypse disponible sur ce site : http://www.encyclovideo.net/serie-documentaire-apocalypse-la-seconde-guerre-mondiale.html (en date du 12 avril 2012).

 

 

ANNEXES

*Les annexes proviennent du site officiel de l’auteur (http://www.eric-emmanuel-schmitt.com/Litterature-romans-la-part-de-l-autre.html )

 

Commentaire de l’auteur

« Voici le livre qui m’a... »

Voici le livre qui m’a le plus coûté

L’enjeu ? Décrire un monstre et le comprendre. Le risque ? Se rendre compte que le monstre n’est pas si loin de soi. Le plaisir ? Sauver non pas le monstre qui reste impardonnable mais l’humanité en postulant que cela aurait pu être autrement. Le résultat ? Qu’il est inconfortable d’être un homme !

L’idée du livre m’est venue à Vienne, lors de la première Autrichienne du Visiteur. L’élégant étudiant aux cheveux longs qui me faisait visiter la ville m’emmena prendre un chocolat chaud dans un café et, lorsque nous nous sommes assis sur la banquette, il me précisa : C’est ici que venait Adolf Hitler lorsqu’il préparait le concours de l’Académie des Beaux Arts. Quel dommage qu’il n’ait pas réussi, répondis-je.

Dans les jours qui suivirent, ma boutade me sembla moins superficielle qu’elle m’était apparue d’abord. Comment un jeune homme de dix sept ans qui adore la musique, le théâtre et la peinture, qui rêve avec noblesse de devenir un artiste, comment ce jeune homme naïf, idéaliste, enthousiaste et respectable est-il devenu un dictateur meurtrier, un barbare qui met le monde à feu et à sang, une honte pour l’idée que l’humanité a d’elle-même ? Quel rapport entre l’apprenti artiste et le tyran accompli ?

Le jeune homme nous ressemble : c’est nous. Mais le dictateur, est-ce nous encore ? Comment cela se fabrique-t-il, Hitler, dans l’atelier humain ? Il m’apparut que l’échec, la frustration, l’exclusion, la rancœur étaient les évènements, voire les structures, qui permettaient de passer du Hitler jeune au Hitler plus âgé.

Tout commençait donc à Vienne, en octobre 1908, lorsque le jury des Beaux Arts lui refuse l’accès aux études de peinture. À cette époque-là, Hitler n’est pas antisémite, il n’y a même pas pour lui de problème juif. Il ne deviendra antisémite que lorsqu’il aura ‘besoin’ de l’être, comme on a besoin d’une pommade sur une blessure. À cette époque-là, Hitler est déjà solitaire, sans vrais amis, sans fiancée, sans sexualité, mais l’on peut encore penser que c’est dû à sa jeunesse et à son arrivée à Vienne. Ce n’est pas encore un destin…Ni une fatalité…

L’Histoire va faire Hitler autant qu’il va faire l’Histoire. Pour ce clochard qui vit dans des asiles pauvres, il faudra la guerre de 1914 pour être réintégré à la société. Le combat exacerbera son nationalisme. Puis il faudra la défaite de 1918, l’inique traité de Versailles, le péril rouge, pour créer la haine antisémite. Et il faudra cette haine pour qu’explose un talent d’orateur démagogue jusque-là ignoré. L’Histoire le fabrique, certes, mais il se fabrique lui-même son interprétation de l’Histoire. Il choisit de réagir ainsi. Il pourrait réagir autrement.

Mon roman présente deux destins, celui du vrai Hitler et celui de l’autre, le virtuel, le peintre Adolf H. qu’il aurait pu devenir. L’un mourra suicidé dans son bunker en 1945. L’autre mourra de vieillesse, à Los Angeles, peintre mineur apprécié mais discuté, vivant dans un vingtième siècle qui n’aura pas connu le nazisme hitlérien. Mon roman suit constamment deux destins mais il est en fait le roman de la liberté. Il dépend de nous d’être ainsi, raciste ou tolérant, pacifiste ou belliciste, amant ou exterminateur. Ce n’est pas le jury des Beaux Arts qui fit entièrement Hitler en le refusant, c’est tout autant l’interprétation qu’en fit Hitler. Au lieu de tirer les leçons de cet échec, au lieu de réaliser qu’il n’avait pas assez travaillé, qu’il n’était pas encore prêt ou que, peut-être, il n’était pas assez doué, Hitler conclut ce jour-là : « Je suis un génie et personne ne s’en rend compte ! »

Ce refus d’admission aurait pu le remettre sur les rails ; il en fait une interprétation délirante et paranoïaque, une des premières dans la longue liste que va constituer sa vie…J’ai appelé le roman La part de l’autre parce qu’il présente un Hitler et l’autre, Adolf H. Mais le deuxième sens du titre est bien évidemment philosophique. Le vrai Hitler se ferme aux autres, s’isole, devient un démiurge indifférent à tout ce qui n’est pas lui.

L’Adolf H. virtuel s’ouvre aux autres, il découvre la part de l’autre dans une vie d’homme : la sexualité, l’amour, l’amitié, la paternité, l’enseignement, le deuil. C’est par cette thématique philosophique, que j’ai tenté d’échapper à l’arbitraire. Car il est arbitraire d’inventer l’autre vie d’Hitler, on peut imaginer n’importe quoi ! Le moyen pour moi d’éviter le n’importe quoi, de le réguler, de le canaliser c’était de dessiner ce trajet éthique : Hitler se ferme, Adolf H. s’ouvre ; Hitler instrumentalise les autres, Adolf H. leur laisse prendre de plus en plus de place dans sa vie ; Hitler s’enivre de certitudes, Adolf H. souffre de doutes ; Hitler se croit exceptionnel, Adolf H. va découvrir qu’il est banal. 

J’ai souffert en écrivant ce livre mais je me suis aussi amusé. Je n’ai pu résister au plaisir de faire se rencontrer Adolf H. et Freud, de le coucher sur le divan du 18 Bergasse ; je me suis livré à quelques autres facéties dans la quatrième partie du livre, lorsque j’imagine un monde où le nazisme n’aurait pas eu lieu. Mais aucune de ses fantaisies n’est gratuite ni dépourvue de sens.

Par les séances de psychanalyse, je raconte l’enfance d’Hitler et montre qu’on peut se débarrasser d’une enfance. Par mes hypothèses géopolitiques, je m’interroge sur le poids de l’aventure hitlérienne dans l’histoire du monde : sans deuxième guerre mondiale, y aurait-il eu partage du monde entre Etats Unis et URSS ? Si l’Allemagne était restée une et unie, y aurait-il aujourd’hui un projet européen ? Et, suprême et sinistre ironie, sans la Shoa, y aurait-il eu création d’Israël en Palestine ?

Le roman ne m’intéresse que s’il est philosophique. Il doit être une machine à idées, provoquer la réflexion. Celui-ci m’a surpris moi-même. Je me suis retrouvé en face de pensées et de constatations que j’aurais préféré m’éviter.

Au fur et à mesure que je l’écrivais, je réalisais que ce roman était un piège. Un piège pour le lecteur. Un piège pour l’auteur. Pourquoi ? Parce que Hitler n’est pas à l’extérieur de nous, il est à l’intérieur. Il est l’un de nos possibles. Il est nous si nous nous laissons aller aux explications simplistes, aux recherches de bouc émissaire. Il est nous si nous voulons toujours avoir raison, si nous ne nous sentons jamais coupables. Il est nous si nous nous coupons de la réalité en lui préférant une théorie magique. Il est nous si nous laissons les pulsions de haine l’emporter sur l’élan altruiste. Notre pire ennemi est nous-même. L’homme doit redouter l’homme. Tel se révélait le piège de La part de l’autre.

En donnant l’impression d’écrire la vie d’un autre Hitler, Adolf H., je démontrais que le véritable Hitler n’est pas un autre absolu, coupé de moi, mais qu’il est moi. Le monstre m’habite comme il habite tout homme, comme il habite l’humanité. Il est de notre responsabilité de le tenir toute notre vie en cage ou de le libérer…Ce roman philosophique est devenu, dans sa lecture comme dans son écriture, une épreuve philosophique.Un exercice de lucidité doublé d’un appel à la vigilance.Et c’est là ma plus grande fierté.

 

Innsbruck, 15 février 2002, Eric-Emmanuel Schmitt

 

 

Critiques

 

Le Figaro Littéraire - « La part de l'autre »

Dites "uchronie" et aussitôt les visages se ferment, les sourcils se froncent. S'agirait-il d'une insulte ? D'une secte ? D'un groupe de rock trash ? Non, juste d'un genre littéraire un peu particulier. On peut dire, par exemple, que le nouveau roman d'Eric-Emmanuel Schmitt, La part de l'autre, est une uchronie. Inutile de vous ruer sur votre dictionnaire préféré. Vous ne trouverez pas trace de ce mot à consonance barbare. Et pourtant, ce néologisme inventé en 1876 par le philosophe Charles Renouvier figurait encore dans le Nouveau Larousse Illustré en 1913 avec cette définition : " Uchronie (nom féminin) : utopie appliquée à l'histoire ; histoire refaite logiquement telle qu'elle aurait pu être." Exemple : " Le nez de Cléopâtre : s'il eût été plus court, toute la face du monde aurait changé. "

(…)L'idée de Hitler, artiste accompli ou raté, bien dans sa peau ou écumant de rage, revient aujourd'hui sous la plume d'Eric-Emmanuel Schmitt. Son livre est une uchronie de la plus belle eau : Et si Hitler avait été accepté aux Beaux-Arts le 8 octobre 1918 ? Qu'aurait été sa vie ? Que serait devenu le monde ? En bon uchroniste, Schmitt aurait dû se contenter de nous raconter cette vie réussie dans un autre monde. Or que fait-il ? Il dynamite les règles du genre et écrit en alternance, la vraie vie de Hitler et son faux destin. Un choix qui surprend. À quoi bon nous raconter ce que nous savons déjà ?

En fait, Schmitt choisit surtout d'évoquer les années de jeunesse de Hitler, celles qui vont jusqu'à la Première Guerre mondiale. De cette époque-là, le lecteur moyen ne sait pas grand-chose. Il se surprend, horrifié, à trouver le personnage plutôt humain.     
" C'était le but du jeu, affirme Schmitt. Montrer qu'on ne naît pas monstre, mais qu'on le devient. J'ai d'ailleurs pensé un temps intituler le roman Archéologie d'un monstre. Hitler avait un beau rêve : être peintre, jusqu'à son échec, c'était quelqu'un de fréquentable. D'étudiant, il est devenu pauvre. De cette exclusion, la rancoeur - le ' ressentiment ', dit Nietzsche - est née. Son intégration s'est faite par la guerre. Du coup, à ses yeux, la guerre est devenue un principe de l'existence. La défaite de l'Allemagne en 1918 a été un autre traumatisme.

Ce qui m'intéressait, c'était de montrer comment se fabrique un homme. On est tous une même souche, qui peut donner à l'arrivée deux individus complètement différents. " Tandis que Hitler se ferme à lui-même et aux autres et bascule dans la folie qui conduira le monde et 55 millions d'individus à leur perte, Adolf H., son double positif joue les Don Juan, jouit de la vie, se rend à Paris, rencontre Breton et les surréalistes. Ce n'est pas un ambitieux. Juste un homme qui veut vivre en harmonie avec son temps.

La part de l'autre est un roman sérieux, grave, angoissant. C'est une belle machine littéraire, qui force le lecteur à se poser des questions, pas toujours évidentes, sur la part des ténèbres qui sommeille en lui. Comme toute réflexion sur le mal, elle mérite toute notre attention.

Bruno Corty

 

Paris-Match - « La part de l'autre »

- Votre livre est divisé en deux voix : celle de Hitler et celle d'Adolf H., qui lui est devenu peintre. Où s'arrête le travail de l'historien et où commence celui du romancier ?

-Tous les personnages que je cite ont existé. Je n'ai inventé ni le nom ni l'identité des logeuses, ni celui des marginaux que Hitler a rencontrés. Mais j'ai inventé leur substance romanesque et leur physique. Je ne me suis en aucun cas autorisé à réécrire l'histoire. En tant que romancier, je suis entré dans la tête de ces personnages. J'ai pratiqué l'empathie en n'éprouvant aucune sympathie...

- Sous votre plume, Hitler est un metteur en scène...

- Jusqu'au bout il est fasciné par Wagner. Il épouse Eva Braun pour pouvoir mourir avec elle tels Tristan et Iseut. Jusqu'au bout, il est un mauvais peintre qui règle la société, son administration et sa vie comme un tableau ou un spectacle.

- Pourquoi avez-vous fait d'Adolf H. un peintre surréaliste ?

- Je ne voulais pas opposer un bon et un mauvais Hitler. Mais plutôt un être - Adolf H. - qui se laisse envahir par les gens qu'il rencontre, par ses pulsions, ses sentiments, et un autre qui ne lâche jamais prise, qui cultive une farouche volonté. Son leitmotiv est : " Je me suis fait tout seul envers et contre tous. " Il a imposé à tout un peuple ce rêve de lui-même au point d'en faire l'un des plus grands cauchemars du siècle. Puisque Adolf H. admet qu'il peut survenir en lui des choses qu'il n'avait pas prévues, il est dans le droit-fil des surréalistes. Dali et Magritte ont une technique très académique, mais leur mode d'inspiration les singularise.

- Quand intervient la bascule entre ces deux personnages ?

- L'échec de Hitler au concours d'entrée à l'académie des Beaux-Arts de Vienne le transforme en clochard qui va errer de foyer en asile. Il devient frustré et aigri. Il n'est réintégré à la société que par le premier conflit mondial. Il imagine alors que la guerre est un principe de l'existence. Il trouve son modèle politique dans l'organisation militaire. Jusqu'à cette période, il n'est pas antisémite. Mais en 1918, aveuglé et gazé, il apprend la défaite de l'Allemagne sur son lit d'hôpital. Il se met à délirer, cherche une explication et un coupable : le Juif. Il n'en démordra pas.

- Vos deux personnages se différencient aussi par leur sexualité...

- Adolf H. assume complètement sa sexualité. Il est très libéré. À l'inverse, Hitler avait une absence totale de vie sexuelle. Il suivait en cela une théorie assez répandue dans les milieux d'extrême droite, selon laquelle il fallait garder sa sève pure pour la reproduction, c'est-à-dire vers 30-35 ans. Mais après, le pli est pris, et il est très difficile de s'en départir, surtout quand on est un homme public. On retrouve là aussi les deux grandes différences entre mes personnages : la sexualité est un rapport à autrui. L'un l'accepte, l'autre la refuse coûte que coûte.

- Adolf H. reçu par les Rothschild à Paris ! Vous poussez le bouchon un peu loin.

- Pourquoi ? Les Rothschild étaient déjà de grands collectionneurs. Le vrai Hitler a des amis juifs jusqu'en 1918. Intégré au milieu de l'art, il n'aurait jamais développé cet antisémitisme. Il n'est pas né avec la haine des juifs. Elle a grandi au fur et à mesure de son parcours. Or, comme ces deux hommes ont suivi deux chemins différents, leur conscience politique a dévié du tout au tout.

- Vous avez réutilisé une rencontre qui vous est chère. Celle du héros avec Freud.

- Comment s'en priver ? Ils étaient voisins, et cela aurait fait beaucoup de bien à Hitler. C'était pour moi un moyen de parler de l'enfance de mon personnage. Grâce au psychanalyste, Adolf H. règle la plupart de ses problèmes. Avant, il s'évanouissait en voyant des femmes nues aux Beaux-Arts. Après sa rencontre avec Freud, il se marie et a une vie sexuelle et sentimentale normale.

- Le vrai Hitler a-t-il vu un psy ?

- Oui. En 1918, il est soigné sous hypnose par un disciple de Freud. Lorsqu'en janvier 1933 il arrive au pouvoir, ce médecin est alors professeur et annonce à ses élèves que l'homme qui dirige l'Allemagne est un fou. Deux mois plus tard, il est démis de ses fonctions. On lui interdit d'enseigner. Il s'enfuit à Bâle, en Suisse. Et en avril, on le retrouve suicidé dans sa chambre. Il avait juste eu le temps de cacher dans un coffre de la ville le dossier psychiatrique codé de Hitler. Je pense qu'un jour on finira par retrouver ce document.

- Parler de Hitler dans un roman, n'est-ce pas trop dangereux ?

- Bien sûr. Mais c'est encore plus dangereux de se taire. On finit par oublier qui il est, et on voit arriver Ben Laden. Au départ, ce type n'est pas profondément différent de nous : enfant et jeune adulte, Hitler n'était pas un monstre. Il le devient après 1918, à 30 ans.

- Vous êtes à la fois romancier et dramaturge. Quelle mention inscrivez-vous sur votre carte de visite ?

- Écrivain. C'est celui qui exerce les deux. Au XVIIIe siècle, être écrivain signifiait être dramaturge. Ce n'est qu'au XIXe que l'on a décrété que le roman était tout et que le théâtre n'était plus grand-chose. Depuis que j'ai écrit mes trois romans, je comprends pourquoi le théâtre est si difficile. Le texte n'est pas tout. Il n'est que la nourriture des acteurs, du metteur en scène. Dans le roman, tout est dans le texte. Alors qu'au théâtre l'œuvre totale est sur scène.

 

Jérôme Béglé

 

 


[1] Claude Simard, Jean-Louis Dufays, Joaquin Dolz et Claudine Garcia-Debanc, Didactique du français langue première, Éditions de Boeck, Belgique, 2010, p. 333.

[2] Éric-Emmanuel Schmitt, Commentaires « Voici le livre qui m’a... », Innsbruck, 15 février 2002, http://www.eric-emmanuel-schmitt.com/Litterature-romans-la-part-de-l-autre.html (site consulté le 9 avril 2012).

[3] Éric-Emmanuel Schmitt, «Le journal de l’auteur», dans La part de l’autre, Éditions Le Livre de poche, Paris, 2001.

[4] Colloque Enjeux didactiques des théories du texte dans l'enseignement du français (1998 : Toulouse, France), Enseigner la littérature : actes du Colloque Enjeux didactiques des théories du texte dans l'enseignement du français /, Delagrave, Paris, 2000, p. 61.

[5] Jean-Louis Dufays, Louise Gemenne, Dominique Ledur, Pour une didactique de la littérature, Éditions de Boeck, Begique, 2005, p. 215-216.

[6] Élaine Leith, Le journal dialogué et le cercle de lecture : des outils au service d’une lecture interactive, Québec Français, Hiver 2011, no 160.

[7] Ibid.

[8] Jean-Louis Dufays, Louise Gemenne, Dominique Ledur, Pour une didactique de la littérature, Éditions de Boeck, Begique, 2005, p. 240.

[9] http://www.encyclovideo.net/serie-documentaire-apocalypse-la-seconde-guerre-mondiale.html.

[10] Martin Lépine, Le documentaire pour soutenir l’appréciation d’une œuvre littéraire, Québec Français, Printemps 2011, no 161, p. 68-69.

[11] Jean-Louis Dufays, Louise Gemenne, Dominique Ledur, Pour une didactique de la littérature, Éditions de Boeck, Begique, 2005, p. 240.

[12] Ibid., p. 194.

[13] Voir les critiques et les commentaires de l’auteur en annexe.

[14] Ibid., p. 200.

[15] Jean-Louis Dufays, Louise Gemenne, Dominique Ledur, Pour une didactique de la littérature, Éditions de Boeck, Begique, 2005, p. 257.

[16] Roch Turbide, Le personnage : un élément d’appréciation parmi d’autres, Québec Français, Pintemps 2010, no 157, p.63.

[17] Élaine Leith, Le journal dialogué et le cercle de lecture : des outils au service d’une lecture interactive, Québec Français, Hiver 2011, no 160.

[18] Ibid.

[19] Yves Reuter, «Vers une didactique de l’écriture», dans le Document d’accompagnement du cours DID-3020, Université Laval, automne 2011, Québec, p. 29.

[20] Élaine Leith, Le journal dialogué et le cercle de lecture : des outils au service d’une lecture interactive, Québec Français, Hiver 2011, no 160.

[21] Jocelyne Giasson,  «Stratégie d’intervention en lecture : quatre modèles récents» dans La lecture et l’écriture. Montréal : Logique. 1992, p. 223.

[22] Claude Simard, Jean-Louis Dufays, Joaquin Dolz et Claudine Garcia-Debanc, Didactique du français langue première, Éditions de Boeck, Belgique, 2010, p. 337.

[23] MEYER, Michel, Eric-Emmanuel Schmitt ou les identités bouleversées, Paris, Albin Michel, 2004, 160 p.

[24] Éric-Emmanuel Schmitt, Commentaires « Voici le livre qui m’a... », Innsbruck, 15 février 2002, http://www.eric-emmanuel-schmitt.com/Litterature-romans-la-part-de-l-autre.html (site consulté le 9 avril 2012).

[25] Yves Reuter, Vers une didactique de l’écriture, dans le Document d’accompagnement du cours DID-3020, Université Laval, automne 2011, Québec, p. 30.

[26] Élaine Leith, Le journal dialogué et le cercle de lecture : des outils au service d’une lecture interactive, Québec Français, Hiver 2011, no 160.

[27] Martine Brunet, Écrire un chapitre de roman, Québec Français, Été 2010, no 158, p. 61.

 


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