L'intérêt des Mariés de la Tour Eiffel ne se trouve certes pas dans sa simplicité. L'œuvre est dense, complexe, multidisciplinaire et fait un pied de nez à de nombreuses conventions du théâtre moderne. Cette œuvre oblige toutefois l'enseignant à un long travail préparatoire, devant préalablement s'assurer que les élèves savent se retrouver dans un texte de théâtre et ont une idée de ce qu'est une représentation théâtrale. Il va sans dire que le travail porte, du moins en apparence, plus sur la musique et le texte, que sur le texte et l'image. Cela s'explique d'abord par le manque de ressources audiovisuelles pertinentes en ce qui a trait aux Mariés, ensuite par le choix de Cocteau de séparer hermétiquement le texte de la pièce de ses personnages, sujet qui fait d'ailleurs l'objet d'une évaluation dans la présente séquence.
Le travail sur cette pièce hybride, peu envisageable avant la quatrième secondaire et peut-être encore plus réaliste en cinquième secondaire, oblige enseignant et élèves à explorer les conventions du genre théâtral, tout en leur permettant d'en remettre en question les limites et d'introduire d'autres formes d'art (le ballet, la musique instrumentale) qui côtoient pourtant les œuvres littéraires d'une époque à l'autre. Il est aussi question du lieu commun, des stéréotypes, autant dans la culture de masse qu'en littérature, de son importance dans le langage et de ses emplois dans la pièce farfelue, grotesque, mais ancrée dans le banal, de Cocteau. Un objectif central à cette séquence est donc l'« initiation » aux stéréotypes et l'analyse de la place qu'elle occupe dans Les mariés, où le lieu commun fait constamment osciller le texte entre réel et ridicule. Le second but de cette séquence est d'aborder la relation complexe unissant les choix de mise en scène (proposés par Cocteau), l'emploi de la musique et le texte même de la pièce, qui se complètent tout en s'empilant l'un sur l'autre, ajoutant parfois des suppléments de sens contradictoires. Les élèves seront entre autres amenés à se questionner sur la pertinence des phonographes et sur leur statut de personnage dans la pièce.
Activité préliminaire (1) : les stéréotypes [1]
Entrer dans cette séquence par les stéréotypes, et non le théâtre, est un choix purement motivationnel, les élèves étant à même de comprendre que cette notion est très proche de leur réalité et les touche constamment et sans qu'ils ne le réalisent. C'est un exercice simple portant sur les lieux communs au niveau de la culture de masse. L'idée est de proposer des images, de courts extraits vidéos ou autres et de poser aux élèves des questions auxquelles ils répondront d'abord sur papier, des questions portant par exemple sur l'identification d'un type de personnage (à quoi peut-on identifier cette personne/ce personnage ou encore qui est le « gentil » et qui est le « méchant »?). Lorsque les réponses des élèves sont données, on remarque combien d'entre elles sont similaires. Il faut également prendre en note (collectivement, au tableau) les traits qui sont à la source des réponses données (vêtements, couleurs, regards, attitudes, etc.)
Suggestion : L'enseignant peut choisir d'ajouter à cet exercice des pièces musicales. Les pièces « Ouverture » et « Marche funèbre » dans Les Mariés sont d'excellentes occasions de montrer aux élèves, plus tard dans la séquence, que les lieux communs ont une forte emprise sur eux et qu'ils permettent de les « duper ».
L'enseignant répète ensuite l'exercice, mais en nommant des objets, des canevas de personnages ou autres dont les élèves devront décrire, par écrit toujours, les traits principaux selon ce qu'ils s'imaginent de ces concepts [2]. Un extrait de roman où, par exemple, la description d'un personnage serait remplacée par une analogie ou tout autre commentaire visant à susciter une image, une émotion, ferait également l'affaire. L'idée est, cette fois, lorsque venu le moment de dévoiler les réponses (et de comparer ces réponses, qui devraient encore comporter quelques ressemblances), de demander aux élèves d'où vient ce bagage culturel, ce qui devrait leur permettre de réaliser qu'il est parfois très difficile d'en trouver la source.
Cela permet d'amener la notion de stéréotype. C'est l'occasion d'abord de montrer la face péjorative du stéréotype, qui rejoint dans ce cas la notion de préjugé. L'attention des élèves devra cependant être portée sur son sens plus général, dont voici une définition : « [...] [une] structure, une association d'éléments, qui peut se situer sur le plan proprement linguistique [...], sur le plan thématico-narratif [...], ou sur le plan idéologique [3] ». C'est également le moment de définir quelques traits propres aux stéréotypes : fréquence, figement ou semi-figement, absence d'origine précisément repérable, prégnance dans la mémoire collective et caractère abstrait ou synthétique[4]. Il faut donc synthétiser l'information avec les élèves pour retenir les données importantes : ce qu'est un stéréotype, leurs manifestations et leur rôle primordial dans notre culture. Les élèves sont invités à garder en tête la notion de stéréotype tout au long de la séquence et devront y faire appel à de nombreuses reprises.
Activité d'introduction au théâtre (2)
Voilà venu le moment d'annoncer (si ce n'est déjà fait) un travail sur un texte théâtral. Il est possible, mais pas nécessairement pertinent, de demander aux élèves s'ils ont vu ou lu une ou plusieurs pièces de théâtre auparavant. L'activité consiste en une définition de ce qu'est le théâtre, du texte à la représentation. Il est proposé ici d'effectuer ce parcours « à l'envers », partant d'une comparaison entre cinéma/télévision et représentation théâtrale, afin d'ancrer les élèves dans un genre qu'ils connaissent. Différentes versions[5] du monologue d'Harpagon (Acte IV, scène 7) dans l'Avare, des extraits de la quatrième scène de second acte du Bourgeois gentilhomme[6], tous deux de Molière, et un extrait de n'importe lequel film hollywoodien (excluant univers fantastiques, récits de science-fiction et autres) sont utilisés dans les exercices qui suivent. Cependant, du matériel différent peut être utilisé. Le but de ces activités est de nommer ce qui crée la représentation théâtrale et la différencie du cinéma et, par la suite, de tisser les liens qui lient une représentation au texte. De plus, les élèves possèderont les outils nécessaires à la lecture d'une œuvre théâtrale, ce qui permettra non seulement d'alléger le choc provoqué par l'évidente transgression de certaines normes dans Les mariés, mais aussi d'analyser ces mêmes transgressions.
En premier lieu, il faut présenter aux élèves un extrait de représentation théâtrale (Le bourgeois gentilhomme), puis un autre de cinéma, pour énumérer ce qui les constitue. Certains des extraits choisis, créés pour la télévision, peuvent certainement faire l'affaire. Il sera donc question de comédiens — et de personnages, il est nécessaire de faire la distinction —, du jeu des comédiens, de dialogues/monologues ou répliques, de décors (qui existent tout autant au cinéma!), d'éclairages, d'accessoires, de costumes, d'effets sonores, de trames musicales. Ces éléments nommés, il est nécessaire de les comparer et d'en qualifier les différences. Le travail est effectué en divisant le groupe en équipes d'« experts » qui vont se concentrer sur un ou deux aspects seulement de la comparaison. Il y aura ensuite une mise en commun des résultats obtenus, informations que l'enseignant doit idéalement synthétiser au tableau, avec l'aide des élèves. De nouvelles données doivent également être amenées par l'enseignant, à la suite de cette mise en commun. Il s'agit des prises de vue et du montage, spécifiques au cinéma (éléments qui sont malheureusement présents dans la plupart des extraits de représentation de théâtre) et de l'aspect unique d'un spectacle de théâtre, présenté devant public et différent chaque fois. Le tableau suivant donne une idée des éléments pouvant être recherchés.
Éléments
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Au théâtre
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Au cinéma
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Jeu des comédiens
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Parfois exagéré (mouvements amples, prononciation « découpée », etc.
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Généralement réaliste
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Textes
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Répliques parfois longues, langage soutenu, etc.
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Courtes répliques, langage familier
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Décors
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Différents d'un extrait à l'autre, peu réalistes en général
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Réalistes
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Éclairages
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Indicateurs de temps, impression de réalisme, etc.
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Réalistes
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Accessoires
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Limités aux besoins de la scène
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Nombreux (réalisme)
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Costumes, maquillages
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Exagérés, très typés ou encore totalement anachroniques
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Réalistes
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Effets sonores
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Peu ou pas d'effets sonores
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Employés régulièrement
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Trames musicales
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Musique présente à des moments précis seulement (si musique il y a)
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Musique très présente
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Prises de vue, montage
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Absents, on voit la scène tout entière du début à la fin
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Angles de caméra, zoom, etc.
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Public et spécificité de la représentation
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Public dans la même pièce que les comédiens, représentations multiples
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Filmé en studio, aucun public
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Il est important de tenir compte de l'influence des extraits choisis sur les résultats. Cependant, c'est principalement le décalage entre la reproduction d'univers réalistes au cinéma et la création d'espaces proprement théâtraux qui doit être retenu de cet exercice. Le spectateur, au théâtre, ne peut ni ne doit se faire d'illusions sur ce qui est représenté sur scène. Finalement, il est primordial de montrer aux élèves que les divers éléments d'une représentation de théâtre, s'ils ne visent pas à reproduire le « monde réel », cherchent à créer des ambiances, lancer des messages, faire office de symboles ou susciter des émotions. L'analyse des costumes dans les extraits du Bourgeois gentilhomme, en lien avec le jeu des acteurs et le texte, est un excellent moyen d'illustrer cela.
Cette conclusion à l'exercice constitue d'ailleurs un excellent moment de faire intervenir le texte. Comme les élèves n'ont vu qu'un seul extrait de cinéma, mais plusieurs versions de la même scène de théâtre, il serait bon, pour commencer, de leur demander ce qui lie ces différents extraits, soit le texte. Il est également possible de leur rappeler qu'au cinéma, un scénario est en quelque sorte enchainé à une version filmée, la seule qui sera porteuse de cette histoire ou de ce texte en particulier. Il sera peut-être nécessaire de faire le point sur le phénomène des « remakes », qui reprennent l'ensemble d'une histoire, sans pour autant être porteurs du même texte ou de la même intrigue.
L'exercice suivant vise à mettre en relation un texte de théâtre et plusieurs mises en scène de ce même texte. L'extrait de L'avare, en version papier (des éditions libres de droits existent sur la toile), est ici remis aux élèves et, sans autres instructions, l'enseignant fait jouer différentes versions de cette même scène. Par la suite, l'enseignant et les élèves conviennent que le texte est le même et que la mise en scène est différente d'un extrait à l'autre. Il est alors temps d'amener le groupe à observer les particularités du texte : l'annonce de l'acte et de la scène, le nom du personnage prenant la parole, le monologue en soi et les didascalies. Il faut s'assurer que les élèves saisissent le rôle de chacun de ces éléments dans le texte de théâtre. Cela peut être fait en demandant aux élèves quels éléments du texte se manifestent dans les extraits. Mis à part le monologue, ce sera la didascalie « à lui-même, se prenant par le bras » qui sera mentionnée. Il est également pertinent de faire remarquer que la grande majorité des éléments de mise en scène ne sont nullement indiqués dans le texte. À ce moment, l'enseignant peut amener par la théorie le lien entre texte et représentation, l'idée que c'est une suite d'« émetteurs et [de] récepteurs [qui] se succèdent [7] », de l'auteur de la pièce au spectateur, en passant par le metteur en scène et le comédien. Encore une fois, il est préférable de noter les informations centrales au tableau afin de rendre clairs les résultats des observations faites (seul le texte est prononcé par les comédiens, les didascalies se manifestent par des gestes, des effets sonores, visuels, des mouvements ou autres).
En parallèle à ces exercices, l'enseignant peut revenir sur la notion de stéréotype en relevant l'effet de certains éléments de mise en scène sur le spectateur, par exemple les costumes et le jeu des comédiens dans le troisième extrait du Bourgeois gentilhomme, qui feront probablement passer les personnages pour des idiots aux yeux des élèves, ou encore, dans la version télévisuelle de L'avare, où le personnage d'Harpagon, joué par Louis de Funès, fait clairement référence à un célèbre passage d'Hamlet, devenu avec le temps un lieu commun (qui devra sans doute être expliqué aux élèves). Il y a également une panoplie de caractéristiques provenant du jeu d'Harpagon et de son texte qui campent son personnage d'avare (un stéréotype), par l'emploi de divers procédés (la posture, l'émotion, les effets de répétition dans le texte).
Introduction aux Mariés de la Tour Eiffel et lecture guidée (3)
Suggestion : Une brève description de l'époque, des lieux et du moment où se déroule la pièce (l'importance du 14 juillet pour les Français, par exemple, même si l'aspect critique de la pièce n'est pas abordé dans cette séquence) est conseillée. De plus, il est important de bien définir les mots susceptibles de poser problème aux élèves. Cela peut se faire entre deux séances de lecture, en mandatant des élèves d'effectuer des recherches.
Dans un premier temps, il est demandé aux élèves de lire les pages précédant la pièce Les mariés (pas la préface, seulement l'introduction, la distribution des rôles, etc.) et, en équipes de trois (idéalement) ou quatre personnes, de noter ce qu'ils en retiennent d'important, mais également leurs potentielles incompréhensions ainsi que les éléments qu'ils ne pensaient pas retrouver dans un texte de théâtre. La mise en commun est ensuite l'occasion de prendre conscience d'éléments toujours ou souvent présents dans les pages précédant un texte de théâtre, soit les personnages (et la distribution originale des rôles, dans ce cas), quelques précisions sur les décors et la mise en scène. Les élèves remarqueront certainement l'étrange mélange d'animaux, d'objets et de personnes en ce qui a trait aux personnages, mais aussi l'inclusion de personnages et les précisions les concernant dans la section « décor ». Les élèves devraient également remarquer la mention d'une compagnie de ballet, mais aussi de nombreuses pièces musicales. Voici l'information à synthétiser, à ce stade : personnages probablement farfelus et non réalistes (les phonographes, entre autres), importance des décors, importance supposée des pièces musicales, présence de chorégraphies (les comédiens proviennent d'une compagnie de ballet). Avant d'entreprendre la lecture, la séparation nette entre les comédiens (ou danseurs) et le texte (prononcé exclusivement par les phonographes, immobiles et présentés comme des éléments de décor) doit être très claire pour les élèves. La lecture peut être assumée par des élèves (des duos se relayant d'une section du texte à l'autre). Cependant, l'enseignant doit s'assurer qu'ils sont en mesure de différencier les répliques des personnages des commentaires des phonographes.
Une première lecture peut être faite sans interruption et sans la musique, permettant ainsi de recueillir des commentaires impressionnistes des élèves, et ce par rapport au texte seulement. Ce qui est cependant proposé ici est une première lecture avec les pièces musicales, l'exercice permettant d'effectuer un retour sur chaque section du texte après l'écoute d'un morceau instrumental (le texte n'étant divisé ni en actes ni en scènes). Les questions posées au groupe devraient permettre autant de résumer ce qui vient d'être lu que d'analyser les effets produits par le texte et par la combinaison texte et musique. Des suggestions de questions ont été placées en annexe.
Suite à cette première lecture, les élèves ont la liberté de donner leur opinion sur le texte et la trame musicale, ainsi que les émotions suscitées par Les mariés. L'enseignant est amené à aborder (à partir des propos des élèves) la notion de banalité, effleurée à la lecture, et de faire réaliser aux élèves qu'elle se trouve à la base des idées développées (à travers les stéréotypes) dans le texte.
Une seconde lecture est ensuite suggérée, guidée par la question suivante : les phonographes sont-ils ou non des personnages? Cette question (campée dans le champ de l'interprétation) oblige les élèves à prendre en compte de nombreuses informations provenant du texte et du paratexte, constituant ainsi une synthèse servant également d'introduction à la première évaluation décrite dans la section « productions finales ». La réponse attendue, comme dans le cas de l'évaluation, a peu d'importance. Ce sont les justifications des élèves qui seront évaluées. Par ailleurs, cette évaluation formative peut être effectuée seul ou deux par deux, mais le travail devrait se faire dans tous les cas par écrit, afin de laisser des traces de la démarche entreprise. Cet exercice peut faire l'objet d'une mise en commun, exposant les justifications proposées par les tenants de chacune des hypothèses.
Les mariés : jeux de stéréotypes (4)
Cette dernière activité cible directement les personnages majeurs de la pièce. Elle a pour but de montrer le mécanisme utilisé derrière l'œuvre de Cocteau, soit l'emploi de stéréotypes pour faire vivre ses personnages. Cette idée, cependant, n'est en soi ni nouvelle ni originale. En effet, les élèves ont pris pleinement conscience, durant l'activité préliminaire, de la place prépondérante des lieux communs dans la culture populaire, au cinéma, au théâtre et même dans le domaine musical. C'est la façon dont ils sont présentés dans Les mariés qui porte un intérêt tout particulier, soit de manière grotesque, farfelue, mais, en conséquence, très lucide. Afin que les élèves saisissent parfaitement le lien entre les stéréotypes et le ridicule du texte, ils sont invités à choisir un des personnages de la pièce et à répertorier chacun des passages du texte y étant lié (le décrivant ou fournissant directement ou indirectement de l'information à son sujet). Ils doivent ensuite créer une liste des traits marquants de ce personnage pour finalement nommer les stéréotypes alimentant cette description et alimentés à leur tour par celle-ci. Afin de faciliter le travail des élèves, l'enseignant doit, au préalable, fournir un exemple aux élèves. Dans le cadre de cette séquence, ce sont les stéréotypes reliés au cortège nuptial tout entier qui ont été retenus pour la démonstration [8].
Démonstration : L'enseignant aborde en premier lieu la scène de la « Marche nuptiale ». Il mentionne d'abord l'entrée des personnages, deux par deux, sur une musique solennelle, stéréotype dérivé des mariages catholiques à l'église. L'enseignant prend ensuite soin de mentionner la didascalie indiquant que les personnages « [marchent] comme les chiens dans les pièces de chiens », ce qui ne veut rien dire en soi, mais laisse penser, en combinant cela aux annonces faites par les phonographes, que le cortège est comparé à des animaux participant à un concours (ce qui est une interprétation parmi d'autres). L'enseignant aborde pour continuer les annonces des phonographes, qui emploient à chaque fois une formule comparative en « comme », ce qui contribue à créer un rythme dans la scène. Il est ensuite amené à montrer que chacune de ces phrases qualifie les personnages par des lieux communs, que l'on pourrait qualifier de « clichés », et peut servir de base aux analyses des élèves. Il est ensuite possible d'attirer l'attention des élèves sur l'épisode de la « Marche funèbre », qui transforme la noce en son « contraire », exprimant ainsi le stéréotype inverse autant par la musique que par les discours sur le défunt (le discours du beau-père, entre autres, qui rend hommage au général tout en le ridiculisant, principalement par le jeu de mots induit par la combinaison des expressions « se rendre » et « se rendre à l'évidence »). Finalement, à titre de suggestion, l'épisode de la « vente » de la noce, ou plutôt de sa « transformation » en une œuvre picturale, est également un extrait pouvant être analysé. Un tableau de consignation des éléments demandés aux élèves se trouve en annexe.
Productions finales (5)
Les élèves sont amenés, à la suite de l'ensemble des activités de la séquence, à répondre à une question qui relève de leur compréhension des Mariés, mais aussi de leur interprétation de la portée du texte. Il s'agit pour eux de répondre, oralement ou par écrit, à la question suivante : « La pièce Les mariés de la Tour Eiffel pourrait-elle être présentée sans aucun contenu visuel? » Les élèves sont invités à justifier leur réponse, qui peut être nuancée ou non. Il serait par ailleurs préférable d'effectuer cette évaluation de manière orale, l'enseignant questionnant directement l'élève et ayant la possibilité d'alimenter ses propos. Sous cette forme, l'évaluation pourrait se faire sans préparation préalable, quoique la création en commun d’une grille d'évaluation, accompagnée d'une période complète de préparation serait envisageable. Une grille d’évaluation efficace s’attarderait sur les indices de compréhension du texte (à la base des critères suivants), sur la pertinence des observations, sur la logique entre les éléments de justification ainsi que sur la capacité à effectuer des liens entre différentes parties du texte, de la trame sonore et du paratexte.
La seconde évaluation est une réécriture et une mise en scène d'un des passages des Mariés. La partie concernant l'écriture est une occasion pour les élèves de créer un nouveau texte où les personnages s'expriment d'eux-mêmes et où les commentaires des phonographes sont complètement absents. L'enjeu majeur de cette production est d'inclure dans un texte de théâtre conventionnel l'ensemble des stéréotypes et des messages promulgués par ces derniers, tout en conservant l'aspect caricatural du texte de départ. Il ne s'agit pas dans ce cas d'évaluer le talent en écriture des élèves, mais bien de vérifier qu'ils aient compris la notion de stéréotype et l'usage qui en est fait dans Les mariés. C’est également l’occasion d’évaluer leur compréhension des conventions de l’écriture théâtrale et du texte des Mariés. Une grille d’évaluation critériée pourrait encore une fois être élaborée avec le concours des élèves.
Suggestion : Le fait de mettre en scène les créations des élèves ne relève pas non plus de l'évaluation. Il s'agit d'abord d'un prétexte pour aborder le jeu théâtral et les conventions « de base » le régissant (ces choix demeurent évidemment arbitraires). C'est aussi l'occasion de valider le travail de chacune des équipes, en laissant à d’autres équipes le soin d'effectuer le travail de mise en scène et d'interprétation des textes. Finalement, cette activité permet d'aller chercher l'intérêt des élèves et de faire d'une évaluation un exercice ludique et formateur. Cette activité, quoique fortement conseillée, n'est cependant pas l'objet premier de cette séquence.
Bibliographie
DUFAYS, Jean-Louis, GEMENNE, Louis et LEDUR, Dominique, Pour une lecture littéraire, Bruxelles, Éditions De Boeck, 2005, 361 p.
GIASSON, Jocelyne, « Stratégies d’intervention en lecture : quatre modèles récents », dans Préfontaine et Lebrun (dir.), La lecture et l’écriture, 1992, p. 219-239.
VIGEANT, Louise, « Petit précis du spectateur de théâtre », dans Québec français, numéro 110, 1998, p. 73-77.
Extraits provenant du site Youtube.
http://www.youtube.com/watch?v=9hQlgusZMbk, http://www.youtube.com/watch?v=F5XC6uiDX74 http://www.youtube.com/watch?v=e7CrdaAhpsQ
http://www.youtube.com/watch?v=HJRnjBKpQy0.
Annexe 1 : Questions à poser durant la lecture
Après la « Marche nuptiale (entrée) » :
- Le personnage du chasseur semble-t-il à sa place dans ce décor? Quel effet cela crée-t-il?
- Que pensez-vous de la présentation du cortège? La musique change-t-elle votre perception du texte? Comment?
Après le « Discours du général » :
- Comment imaginez-vous le discours du général? Pourquoi d'après vous ne pas plutôt avoir écrit un véritable discours?
Après « La baigneuses de Trouville » :
- Les histoires de mirage du général semblent un peu ridicules, mais l'épisode de la baigneuse tend à montrer qu'il dit vrai. Qu'en pensez-vous? Le général vous parait-il crédible, si on se réfère aux répliques portant sur lui?
- Êtes-vous surpris que des personnages sortent de l'appareil photo? Pourquoi?
Après « Le Massacre (fugue) » (après la réplique « Je veux vivre ma vie! Je veux vivre ma vie! ») :
- (Cette question porte sur les lieux communs) Le personnage de l'enfant, ainsi que tout ce qui est dit de lui est fortement exagéré et passablement comique. Ce qui est dit est-il pour autant complètement farfelu?
Après la « Valse des dépêches » :
- Quel est l'effet du découpage de la réplique « On entendrait voler une mouche »? Aurait-on pu la remplacer par une didascalie?
- Pourrait-on éliminer, d'après ce qui a été lu jusque-là, l'ensemble des commentaires des phonographes sur l'action sans changer le sens du texte? Pourquoi?
Après la « Marche funèbre » :
- Le fait que lion ne soit pas un mirage remet-il en question la présence de la cycliste? (L'enseignant doit ici, si nécessaire, remettre en perspective le fait que rien de tout cela n'est vraisemblable!)
- Qu'est-ce que le photographe craint à chaque fois qu'il utilise son appareil? (L'idée est de discuter du ridicule de l'expression « un petit oiseau va sortir » à travers les événements farfelus du texte.)
- En quoi la « Marche funèbre » détonne-t-elle du texte? (On peut demander préalablement quelles sont les émotions suscitées par cette pièce musicale.) Pourquoi l'enterrement ne parait-il pas sérieux? (Il faut ici mettre en évidence les passages lui précédant et le succédant.)
Après la « Marche nuptiale (sortie) » :
- La réplique « si elle (la noce) reproche au général d'être vivant, le général pourrait lui reprocher de s'être laissé vendre » laisse penser que la noce a une bien mauvaise opinion du général. Qu'en pensez-vous?
- Bien d'autres questions (en interprétation, entre autres) sont possibles. Mon choix personnel serait de discuter de la sortie ridicule de la noce afin de mieux entrer dans l'affect et de prendre immédiatement le pouls de la classe.
Annexe 2 : tableau de consignation des notes concernant un personnage majeur
Note : Il est normal que le nombre d'éléments présentés diminue allant de la gauche à la droite du tableau. Les élèves devraient d'ailleurs être invités à indiquer par des marqueurs visuels les liens entre les éléments du tableau.
Personnage choisi
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Passages du texte
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Traits marquants (extraits des passages)
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Stéréotypes (déduits des traits et d'une insistance marquée dans le texte)
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[1] « [...] la tentation est grande d'utiliser le mot stéréotype dans sa seule acception péjorative. Or rien n'empêche que le stéréotype fasse l'objet d'une science et d'un enseignement, et qu'il soit, comme tout autre phénomène, soumis à une observation neutre et sereine. Mais, pour ce faire, l'analyse critique et prescriptive des nuisances qu'il occasionne doit être complétée, et si possible précédée, par une analyse strictement descriptive qui se contente d'observer le fonctionnement de ces phénomènes et leur importance en tant qu'outils de la lecture. » Jean-Louis Dufays, Louis Gemenne et Dominique Ledur, Pour une lecture littéraire, Bruxelles, Éditions De Boeck, 2005, p. 101-102. Il est à noter que l'idée d'un travail sur les stéréotypes, mais aussi sur Les mariés est inspirée de cet ouvrage, tout particulièrement de la section portant sur les stéréotypes.
[2] Ceci constitue en fait un exercice que j'ai déjà tenté dans un tout autre contexte. Par expérience, nommer un personnage typé tel que le « héro solitaire » ou le « savant fou » amène les adolescents à rassembler plus ou moins les mêmes traits.
[3] Jean-Louis Dufays, Louis Gemenne et Dominique Ledur, Pour une lecture littéraire, Bruxelles, Éditions De Boeck, 2005, p. 100.
[4] Idem.
[5] Trouvés sur le site Youtube, donc généralement accessible. En voici les adresses spécifiques : http://www.youtube.com/watch?v=9hQlgusZMbk, http://www.youtube.com/watch?v=F5XC6uiDX74 et http://www.youtube.com/watch?v=e7CrdaAhpsQ.
[6] Également en provenance du site Youtube : http://www.youtube.com/watch?v=HJRnjBKpQy0. Il est à noter que certains extraits ont été produits pour la télévision. De plus, les prises de vue de la caméra peuvent nuire au travail à suivre. Il faut donc utiliser ces extraits avec vigilance.
[7] Louise Vigeant, « Petit précis du spectateur de théâtre », dans Québec français, numéro 110, 1998, p. 73-77. L'article a par ailleurs inspiré partiellement la seconde activité.
[8] Il s’agit évidemment de modelage, ce qui me parait nécessaire dans ce cas. Un exemple imagé provenant d’un expert guidera plus efficacement le travail des élèves que de simples instructions. Pour ce qui est du modelage et de l’enseignement explicite : Jocelyne Giasson, « Stratégies d’intervention en lecture : quatre modèles récents », dans Préfontaine et Lebrun (dir.), La lecture et l’écriture, 1992, p. 219-239.