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La confusion des sentiments

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
La confusion des sentiments
Zweig, Stefan
Par Tamara Djurica


Nationalité de l'auteur : Autres
Genre : Roman
Courant :
Siècle :
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Tamara Djurica
Date du dépôt : Hiver 2012


 

L’intérêt de Zweig

Roman traduit de l’allemand au français par Alzir Hella et Olivier Bournac, La confusion des sentiments [1](1927) de l’auteur autrichien Stefan Zweig présente un intérêt à la fois littéraire et didactique. La traduction de l’œuvre, si bien faite qu’on n’aurait pas cru que le roman a été traduit, ouvre la porte aux lecteurs francophones à un monde nouveau. Le roman de Zweig se place donc bien dans l’ensemble 2 (601-102-04), où l’un des objectifs principaux est d’expliquer les représentations du monde contenues dans des textes littéraires de genres variés et de différentes époques [2]. Étant donné la complexité relative du roman, ce dernier pourrait tout aussi bien être enseigné dans le cadre d’un cours du programme d’arts et lettres, profil littérature.

 

La langue du texte est riche et stimulante, ni trop complexe ni trop facile, de sorte que les étudiants peuvent relever un défi langagier.

 

Le propos qui se dégage de l’œuvre recèle une beauté et une puissance marquées : l’amour absolu entre deux hommes qui se sont mis au monde; il y a également un discours et un éloge de la passion. Pour nous, enseignants, le roman porte une réflexion intéressante sur la pédagogie. Tout enseignant se doit de le lire et de s’inspirer de la phrase qui suit : « Celui qui n’est pas passionné devient tout au plus un pédagogue; c’est toujours par l’intérieur qu’il faut aller aux choses, toujours, toujours en partant de la passion.[3] »

 

L’œuvre s’avère aussi très pertinente sur le plan didactique. Par l’intermédiaire de l’étude du genre qu’est le Bildungsroman, le roman d’apprentissage dont nous relèverons les caractéristiques en le mettant en comparaison avec d’autres œuvres, nous analyserons  un élément narratif important : les personnages. Le roman présente une psychologie des protagonistes très fine. Comme c’est un roman d’apprentissage, il est centré sur la formation identitaire des personnages. Les liens entre ces  derniers, entre autres, donnent son sens au roman. C’est pour cette raison qu’il est important de s’y attarder.

 

Aborder un genre romanesque permet d’ancrer l’œuvre dans l’histoire littéraire, ce qui peut être très intéressant didactiquement parlant. Cela permet aussi de faire référence à d’autres œuvres, de placer le roman dans son contexte (dans ce cas-ci, la décadence autrichienne, la psychanalyse freudienne). L’enseignant rappelle que l’œuvre ne sort pas de nulle part, qu’elle est reliée  à un contexte culturel et historique. Cette façon de voir les choses va dans le sens de l’approche culturelle « qui consiste à développer la conscience historique, donc, civique des élèves.[4] » Adopter une approche culturelle, c’est « restaurer une continuité entre les savoirs et la vie, c’est amener les élèves à prendre conscience que les savoirs ne sont ni immuables ni coupés du monde [5] ».

 

Les étudiants doivent aussi discuter lors d’un débat  interprétatif portant sur les personnages.  Les échanges favorisent le développement de la pensée critique et l’art de l’argumentation, en plus d’encourager l’écoute active. L’oral et l’écrit se nourrissent l’un l’autre. Comme le dit Madame Annie Rousseau, professeure au cégep de Rosemont,  « exposer oralement ses idées facilite leur mise en texte, alors que le fait de les écrire améliore leur communication verbale. On aurait donc tout intérêt à varier le moyen d'expression dans le cadre des évaluations, pour obtenir un portrait plus juste des compétences de nos élèves.[6] »

 

La séquence explore également l’écriture. Les étudiants devront au terme de cette séquence (20 heures) être en mesure de rédiger une dissertation explicative à la fin de la session. Au préalable, ils auront  fait un plan en équipe, exercice formatif, mais fort utile pour la dissertation. L’écriture répond à des compétences essentielles à la formation générale : « maitriser la langue d’enseignement en tant qu’outil de communication (cela s’applique aux échanges oraux) et de pensée et maitriser les règles de base de la pensée rationnelle, du discours et de l’argumentation.[7] » En un mot, on apprend la logique dans cet exercice artificiel, logique qui sert dans toutes les sphères de la vie.  

 

 

Les problèmes que pose l’œuvre :

Le problème essentiel de l’œuvre se retrouve dans le titre. La confusion des sentiments fait référence à plusieurs choses :

 

-La relation du maître et de l’étudiant qui comporte les deux aspects que voici.

 

1. La complexité du trouble qui envahit le jeune homme en quête identitaire à la vue du maître : il est à la merci des sentiments du professeur, fasciné par sa passion, son savoir, son intellect. Freud parle de notion de transfert-amour pour la personne en position de supposé savoir; en fait, c’est la substitution de la figure parentale par une autre figure d’autorité[8]; le sentiment mêlé que Roland (le narrateur) éprouve vis-à-vis du prof, est-ce de l’amour (son amour est tellement puissant et passionnel que, même lorsqu’il est en colère contre le professeur lorsque celui-ci l’abandonne, il s’en prend à lui-même plutôt qu’à l’homme) , de la fascination, de l’attirance? Cherche-t-il un père, un modèle? Ou serait-ce tout cela à la fois? Le complexe d’Œdipe est sous-entendu ici, l’inconscient joue un grand rôle dans l’histoire; le personnage de Roland sera exploité dans l’atelier sur les personnages, sa passion, explorée à l’aide de l’étude des symboles. Cette passion fera également l’objet d’une question de dissertation lors de l’évaluation sommative finale.

 

2. L’amour homosexuel refoulé du professeur : son amour est tellement passionnel que, tout comme Roland, il se fait mal en s’interdisant de vivre cet amour impossible. L’amour homosexuel ne serait pas seulement physique; le professeur cherche également un ami, un complice qui lui permettrait de revivre et de nouveau créer, car seul, il ne peut rien;  son secret l’a isolé de la société et des gens; seuls les élèves le font vivre. Lors de l’étude portant sur les symboles, les étudiants seront amenés à travailler sur le symbole de l’ombre qui représente le secret. Le professeur est un pédagogue tourné vers la communication; il trouve la recherche pénible, il a perdu cette impulsion créatrice. Roland l’aide à la retrouver. Une question de dissertation portera également sur ce que Roland et le professeur se sont apporté l’un à l’autre.

 

-Le deuxième point à considérer dans la confusion des sentiments est le suivant.

1. La relation ambiguë du trio : la femme androgyne qui s’interpose entre le professeur et le jeune, et la relation à la fois sensuelle, maternelle et rivale entre le jeune et la femme, pour l’amour du professeur homosexuel sont des éléments qui créent l’ambigüité; le complexe d’Œdipe serait-il mis en scène ici? Freud disait que la nature humaine est profondément bisexuelle. Le côté tragique se trouve aussi dans cette impossibilité renforcée par le trio ambigu. Cette relation sera davantage explorée dans le débat sur les personnages. L’atelier sur les symboles que je superviserai fera ressortir certains éléments importants sur les liens du trio.

 

Les élèves ont à réfléchir tout au long de la séquence sur ce thème central de l’œuvre : la confusion des sentiments, qui englobe en réalité tous les éléments importants de l’œuvre nommés ci-dessus.

 

Objectifs d’apprentissage

  1. Contextualiser le roman sur le plan historique et le situer dans un genre précis, c’est-à-dire le Bildungsroman. Cette contextualisation, aidée d’une mise en intertextualité de l’œuvre, dans l’histoire littéraire et l’époque assure une meilleure compréhension de l’œuvre;
  2. Interpréter le roman sous l’angle de la théorie freudienne;
  3. Porter des jugements lors d’un débat sur un élément narratif important, les personnages. Au préalable, les étudiants doivent faire une recherche en équipe pour être en mesure de caractériser chacun des personnages ainsi que les liens qui les unissent.
  4. Expliciter les symboles du roman (l’eau, la musique, l’ombre, l’espace clos) à partir d’une étude d’extraits;
  5. Rédiger un plan de dissertation en équipe, en préparation à l’évaluation sommative;
  6. Rédiger une dissertation explicative dont les énoncés concernent le roman et l’étude qu’on en a fait depuis le début de la séquence.

 

 

AU DÉBUT DE LA LECTURE

 

Semaine 1

 

Cours 1 - Le contexte de l’œuvre et la discussion (2h)

Avant ce premier cours, les étudiants doivent avoir lu la moitié du livre.

 

D’abord, nous faisons le tour du contexte sociohistorique (1h): ce cours est davantage magistral. On pourrait ajouter le qualificatif interactif considérant que je fais appel à leurs connaissances antérieures en posant des questions tout au long de mon exposé. Selon Jocelyne Giasson, « pour comprendre, le lecteur doit établir des ponts entre le nouveau (le texte) et le connu (ses connaissances antérieures) […] Les recherches n’ont cessé de démonter que les connaissances antérieures influencent la compréhension de texte et l’acquisition de connaissances nouvelles.[9] » Je leur parle donc du contexte de l’entre-deux-guerres, de l’avènement de la psychanalyse, de l’influence de Freud dans la littérature de Zweig.  Les étudiants ont déjà des connaissances générales sur l’Histoire et Freud. Ils sont en mesure de suivre mon exposé en même temps que de répondre aux questions d’ordre général portant sur la matière. Les théories, dont celles de la notion de transfert et de pouvoir de l’inconscient, sans oublier celle du complexe d’Œdipe, sont surtout explicitées. On définit ce qu’est le genre du Bildungsroman. Le Meyer enzyklopädische Lexikon donne la définition suivante : type littéraire dans lequel l’accent est mis sur le développement intérieur d’un personnage [10]. Ce genre littéraire valorise l’individu qui est placé au centre de l’œuvre, alors que le monde à cette époque est plutôt tourné vers «l’exaltation de la tragédie collective [11]», tendant ainsi à oublier l’humain dans toute cette folie meurtrière.

 

Puis, à partir de ce qu’ils ont lu, on ressort l’interprétation freudienne du roman (1h), toujours en discussion interactive. À la fin de cette période, les étudiants font un petit test sommatif (5%) qui vérifie s’ils ont bien écouté et suivi.

 

Durant la discussion, je leur pose donc les questions suivantes pour faire ressortir les différents éléments vus plus tôt.

 

  • Dites-moi en quoi il y a transfert. Pensez à la relation de Roland avec son père.
  • En sachant ce qu’est le complexe d’Œdipe, comment pensez-vous  que celui-ci se manifeste dans la relation du professeur, de sa femme et de Roland?
  • Comment voyez-vous l’homosexualité dans ce roman. Est-ce seulement le professeur qui est homosexuel?
  • Que pensez-vous du fait que l’être humain soit foncièrement bisexuel.
  • Comment ces relations ambiguës jouent-elles sur l’intrigue de l’histoire.
  • Au-delà de la lecture psychanalytique, que retenez-vous? Quel propos vous semble le plus important? Cette autre question ouvre les portes de la discussion sur d’autres thèmes. Les étudiants devraient ressortir certains des thèmes principaux suivants: la passion, l’amour, l’art, le corps versus l’esprit, etc.  

 

Il est bien important de préciser que ces questions sont posées une fois que j’ai jeté les bases de l’interprétation freudienne. Elles sont insérées à plusieurs endroits du cours. Comme le sujet peut être assez difficile, il est bien important que j’accompagne les étudiants dans cette première entrée dans le texte afin qu’ils ne soient pas découragés pour la suite. L’enseignant doit donc constamment investir la zone de développement proximal de l’étudiant « pour lui [à l’étudiant] faire franchir des seuils et viser l’autonomie dans le développement.[12] » Je suis le principal locuteur de cette période de cours. Évidemment, je les encourage  à participer. D’une part, ils savent qu’une petite évaluation suit le cours. D’autre part, la participation est également récompensée. Dix pour cent de la session sont accordés à celle-ci.

 

Cours 2 - Lien avec le film David Copperfield (2h)

Je leur présente un long extrait du film de David Copperfield [13] de Medak (2000), c’est-à-dire la première heure. « Le film peut servir non seulement de motivation à la lecture d’œuvres littéraires plus complexes, mais aussi de renforcement aux apprentissages faits en lecture littéraire.[14] »

 

Ensuite, on ressort les caractéristiques de ce film inspiré du célèbre roman d’apprentissage du même nom. Pour ce faire, on le compare avec La confusion des sentiments en ressortant les ressemblances et les différences. Ce sont les ressemblances qui sont surtout importantes à identifier. À partir de celles-ci, nous établissons les caractéristiques d’un roman d’apprentissage. Pour y arriver, je leur pose quelques questions.

 

  • Y a-t-il un personnage principal dans les deux histoires? L’idée ici est de noter que les deux romans se concentrent sur un personnage en particulier.
  • De quoi est-il question dans le film et le roman? Comment est montrée la vie des personnages? Ici, ils doivent constater que le roman d’apprentissage raconte la jeunesse des protagonistes principaux, leur formation, leur quête identitaire. Cet apprentissage fait par le héros survient dans plusieurs sphères de sa vie.
  • Quel obstacle majeur survient dans la vie des personnages, qui les amène à vouloir se dépasser, transcender leur condition? Copperfield ne s’entend pas bien avec son beau-père; Roland est en opposition avec la philosophie de son paternel. Ils font l’apprentissage de la vie en s’opposant à l’éducation qu’ils ont reçue. Ils font la rencontre de gens marquants. Par eux-mêmes et grâce aux gens importants pour eux, ils apprennent la vie.

 

Pendant une heure, donc, nous discutons de ces éléments. L’entrée dans le roman d’apprentissage est très sommaire pour le moment. Nous approfondirons ces autres caractéristiques dans l’activité qui suit.

 

 

AU CŒUR DE LA LECTURE

 

Semaine 2

 

Cours 1 - Lien avec Les Souffrances du jeune Werther (2h)

Les étudiants lisent un extrait Des souffrances du jeune Werther [15] de Goethe. Mais avant qu’ils ne lisent cet extrait individuellement, je leur en fais le résumé pour les mettre en contexte. Puis, ils lisent cette dernière scène (p. 170-179), celle du suicide.

 

Par la voie impressive, on entre dans cette œuvre majeure de la littérature allemande.

 

  • Que pensez-vous de cet extrait?
  • Qu’est-ce qui vous choque?
  • Le trouvez-vous tragique? Qu’est-ce que le tragique? Pensez à Roméo et Juliette.

 

S’ils ne répondent pas, je leur fournis la réponse. On compare le Werther à la Confusion. On ressort les caractéristiques communes : la quête et la formation identitaire, l’apprentissage d’un domaine de la vie, le bilan du passé, l’opposition du personnage avec l’environnement, la passion, le tragique.[16] Ce dernier élément me fait faire un bref aparté sur le romantisme où l’impossibilité d’une situation passionnelle mène forcément à une issue tragique. À la différence du Werther, Roland ne se suicide pas; le professeur part. Il y a quelque chose de dramatique dans ce départ précipité et douloureux. Mais le narrateur a appris la vie avec cet homme : cela rejoint le côté positif d’un roman d’apprentissage où la fin n’est jamais mauvaise, mais bien heureuse : le personnage  évolue et sort grandi de ses expériences (autre caractéristique d’un bildunsroman typique). Ici, le tragique (Werther) et le dramatique (le départ du professeur et l’impossibilité amoureuse dans La confusion des sentiments) sont plutôt dus à l’apport romantique dans ces œuvres.

 

Mettre l’œuvre à l’étude en lien avec d’autres œuvres présente plusieurs avantages : « la comparaison qu’impose implicitement la pratique du groupement de textes nécessite de créer des liens, aptitude qui fait souvent défaut aux faibles lecteurs. Elle permet aussi de se focaliser sur des savoirs transférables et non pas sur l’originalité du texte.[17] »

 

Cours 2 - Débat interprétatif autour des personnages (2h)

Nous nous arrêtons ensuite aux personnages, éléments fort importants dans un roman d’apprentissage puisqu’ils sont le centre d’intérêt de ce genre romanesque. Il s’agit de bien les décrire et de comprendre les liens qui les unissent. Avant le cours sur les personnages, les étudiants doivent avoir lu l’entièreté du roman. Je leur demande de faire un travail d’équipe : chaque équipe de 4-5 élèves doit approfondir un personnage, soit la femme, le professeur ou le jeune homme. Comme ils sont une trentaine, les personnages se répètent. Mais cela importe peu puisque chaque groupe doit tout de même donner ses réponses en plénière. Et le travail est formatif. Ils doivent donc avoir relevé les éléments suivants : caractéristiques physiques, psychologiques et sociales, en plus de porter attention aux relations des personnages les uns avec les autres. Pour ce faire, je leur demande de s’attarder plus précisément sur les moments cruciaux, les dialogues, les non-dits (langage non verbal), les sentiments exprimés. Je leur donne une heure pour se préparer. J’affirme aussi un fait contestable, par exemple : la femme du professeur est responsable de l’impossibilité de l’amour entre le professeur et Rolland, le narrateur intradiégétique. Je leur donne également le deuxième sujet du débat. « Plus les élèves auront travaillé leur argumentation, anticipé celle de l'équipe adverse, prévu des réfutations possibles, plus le débat sera intéressant et enrichissant, tant pour eux que pour les spectateurs. Ils auront ainsi l'occasion de s'approprier le sujet et, partant, d'acquérir une belle assurance lorsque vient le moment de prendre la parole.[18] »

 

Les étudiants doivent, en donnant leur point de vue, le justifier en faisant référence aux personnages et à leurs caractéristiques, et à ce qu’ils auront noté concernant les relations entre les protagonistes. Une fois le débat terminé, que j’aurai supervisé en tant que modératrice en le ponctuant de différentes questions (si la discussion dévie de temps en temps sur d’autres sujets, il faudra m’assurer par des questions directrices que celle-ci revient toujours sur les personnages et sur les relations entre les personnages, afin de bien explorer cet élément narratif important), on procède à l’activité de synthèse : on note au tableau le résumé de la recherche (la synthèse de l’activité), c’est-à-dire qu’on écrit les réponses de tout ce sur quoi on a travaillé pour se préparer au débat.

 

Semaine 3

 

Cours 1 - Les symboles de l’œuvre (étude d’extraits en petits groupes - 2h)

Une autre façon de donner du sens au texte est d’analyser les symboles qu’il recèle. Comprendre le texte par les symboles ne se fait pas si aisément. Les étudiants ont besoin que je les guide. Je le fais en ciblant les extraits (ces derniers se trouvent en notes en bas de page pour chacun des symboles) qui font mention des symboles sur lesquels je veux qu’ils travaillent : eau, espace clos, ombre et musique. Je circule dans les rangées, ainsi je peux les guider plus facilement.

 

Voici ce que je veux qu’ils retirent des différents extraits.

 

  • L’eau[19] amène des moments révélateurs : la rencontre avec la femme où Roland prend conscience que le professeur a une vie en dehors de son esprit, il entre alors en contact avec l’aspect humain du professeur et commence à comprendre, par après, que celui-ci porte un lourd secret. La deuxième rencontre dans l’eau déclenche la fatalité : il commettra l’adultère et connaîtra par le fait même le secret du professeur, dévoilé par la femme. Les deux moments sont accompagnés de honte; l’eau rapproche le narrateur de son propre corps, sa sensualité, s’opposant ainsi à la vie de l’esprit. La femme androgyne est plus masculine que son mari, plus près de la vie, lui étant plus près du divin (l’allusion constante à la voix le prouve). Roland est entre les deux.

 

  • L’espace clos[20] renvoie au cloisonnement de l’esprit et de la passion qui étouffe. L’espace symbolise aussi leurs liens : le professeur place la femme dans son lit, car il ne craint rien avec elle; l’étudiant est proche, mais pas trop, un mur les sépare. Ainsi, il écarte le danger tout en gardant son étudiant près de lui. L’arrangement de l’espace montre la complexité de leurs liens.

 

  • L’ombre[21] fait référence au secret du professeur, à sa part sombre : c’est un personnage dualiste. L’ombre, c’est aussi l’immatérialité de son être qui refoule sa sensualité.

 

  • La musique[22] représente la passion, le rythme de la pensée et de la parole emportées et créatrices, entre autres.

 

En petits groupes, toujours, les étudiants ont à analyser ces extraits. En supervisant leur travail, je leur donne des petits indices. Par exemple, pour qu’ils trouvent la symbolique de l’eau, je leur dis que ces deux moments qui se passent dans l’eau sont des moments révélateurs. Autre exemple : afin qu’ils trouvent que la musique représente la parole et la pensée passionnées, je leur demande avec quoi elle est comparée. Chacun d’eux possède un symbole. Ils sont quatre par groupe. Ils font du travail coopératif. Ensuite, chacun d’entre eux rencontre les autres étudiants qui ont le  même symbole qu’eux. Puis, ils échangent leurs réponses avec leurs coéquipiers (ceux de leur groupe) qui ont des symboles différents.  « Apprendre ensemble, dans une perspective socioconstructiviste, c’est donner aux étudiants la possibilité d’avoir accès aux savoirs et aux connaissances que leurs pairs ont accepté de partager. C’est accepter de s’inscrire dans un processus collectif d’apprentissage, où les connaissances individuelles sont mises en commun et où l’échange d’information sert aussi à construire un produit collectif.[23] » En plénière, nous revenons sur leurs réponses. Le travail semble un peu répétitif, mais il y a là renforcement volontaire. Au final, ils auront exploré, à travers la symbolique, plusieurs aspects du problème de base, à savoir la confusion des sentiments : l’amour passionné du jeune homme pour son maître, l’homosexualité et l’ambigüité du trio.

 

 

Cours 2 - Démonstration d’un plan de dissertation (2h)

Durant un cours, je donne un exemple d’un plan de dissertation explicative sur un sujet du livre. Montrez que le professeur et Roland ont besoin l’un de l’autre pour revivre, et dites de quelle façon. Les réponses suivantes pourraient être données par les étudiants : le professeur a besoin de Roland pour vivre l’amour, avoir un ami et retrouver sa créativité intellectuelle; Roland a besoin de lui pour s’éveiller spirituellement et intellectuellement et connaître la passion profonde pour un humain.

 

Je leur fais la démonstration d’une dissertation tout en leur posant des questions au fur et à mesure. Je leur explique par exemple en quoi consiste un sujet amené pour leur demander ensuite ce qu’ils mettraient dans ce dernier. On peut ainsi construire l’exemple du plan ensemble. Même chose pour les sujets illustrés : je sélectionne au préalable les citations que je compte mettre dans mon plan. Je leur présente mes idées principales et secondaires, puis je leur demande quelle citation de celles qui sont au projecteur ils choisiraient pour illustrer leur idée. De cette façon, le cours devient plus interactif : ils doivent participer. Il est bien sûr que la démonstration doit s’attarder beaucoup plus sur le développement du sujet (afin que les étudiants retiennent que l’essentiel demeure le fond d’un texte et non la forme que prend la dissertation) que sur la structure, même si celle-ci doit être montrée et expliquée. J’ai souligné tout à l’heure un apport important de l’exercice de la dissertation en classe : elle développe la logique. « Il faut qu'au moment de l'évaluation, l'étudiant soit jugé non seulement sur les connaissances accumulées, mais aussi sur sa capacité de les utiliser de façon logique comme il aura à le faire plus tard dans l'exercice de sa profession.[24] » Comme le dit Madame Thérien, il serait irréel de voir un psychologue démontrer sa compétence en récitant ses connaissances par cœur, comme on récite des prières. Il est du devoir de l’enseignant de montrer à l’étudiant comment la réflexion doit primer sur la structure et sur la quantité d’informations : ce sont les liens qu’on fait qui sont importants, qui donnent du sens au texte.

 

 

À LA FIN DE LA LECTURE, EN ROUTE VERS L’ÉVALUATION FINALE

 

Semaine 4 :

 

Cours 1 - Rédaction du plan de la dissertation explicative  (2h)

Le cours suivant, je leur donne trois questions au choix. Ils en choisissent une. Ils le font soit en équipe soit individuellement. Je leur donne leur correction via MIO (plate-forme électronique), de sorte qu’ils puissent commencer la rédaction au cours suivant.

 

Voici les trois propos qui sont à l’examen (un au choix).

 

  • Montrez que la passion est un thème très important dans ce roman. Les réponses souhaitées seraient : passion de l’art et de la création, de l’esprit, passion de la passion, passion amoureuse allant jusqu’à l’idéalisation et teintée d’une ambigüité troublante.

 

  • Montrez en quoi La confusion des Sentiments est un vrai roman d’apprentissage. J’aimerais voir ces réponses dans leur dissertation : évolution du personnage, apprentissage de la vie, de l’amour et de l’Art, opposition du moi avec l’environnement-Roland s’oppose à la mentalité et aux désirs de son père-, bilan du passé, etc.

 

  • Montrez que tous les personnages possèdent un inconscient qui joue un rôle dans leurs relations avec les autres. Pensez au secret du professeur, à la relation ambiguë des personnages entre eux, au complexe d’Œdipe et à la notion de transfert vus préalablement.

 

Cours 2 - Premier cours pour la rédaction de la dissertation (2h)

Les étudiants rédigent une dissertation explicative de 1000 mots sur un des trois sujets (30%). Cette activité sommative répond bien à l’exigence du cours 2 qui est de rédiger une dissertation explicative de 1 000 mots portant sur les thèmes et le langage de textes issus de courants littéraires, à partir d'une liste de sujets déterminés.[25]

 

L’étudiant doit répondre de la façon suivante (caractéristiques d’une dissertation explicative) :

  1. « Être d'accord avec le sujet ;
  2. Dans une problématique et au sujet d'un thème ;
  3. Dont la réponse et le traitement sont à coup sûr personnels, mais s'appuient sur la manière qu'ont les auteurs concernés de représenter le monde.[26] »

 

 

Semaine 5

 

Cours 1 et 2 - Suite de la rédaction (4h)

Les étudiants continuent la rédaction de leur dissertation en classe pendant les deux cours de cette semaine-là.

 

 

Médiagraphie

 

DESCHÊNES, Michelle, « Optimiser l’apprentissage du travail d’équipe » dans Pédagogie collégiale, vol. 21, no 24, été 2008, p. 6-9.

GADBOIS, Vital, « Au Collégial : nouveau programme et dissertation explicative» dans Québec français, no 96, 1995, p. 77-81. [En ligne]. http://id.erudit.org/ierudit.org/ierudit/4434ac.

GIASSON, J., « Un modèle d’enseignement de la compréhension  en lecture » dans La compréhension en lecture, Boucherville, Gaëtan Morin, 1990, chapitre 2, p. 25-36.

GOETHE, Johann Wolfgang, Les souffrances du jeune Werther, Paris, Gallimard (coll. Livre de poche), 1947, 190 p.

LACELLE, N., « L’intégration du film dans une approche culturelle de l’enseignement de l’œuvre littéraire». Dans A.-M. Boucher et A. Pilote (dir.). La culture en classe de français, Québec, Publications Québec français, 2006, p. 43-52.

LEDUR, Dominique, « Lecture littéraire et enseignement professionnel : faut-il former des héritiers? ». Dans J.L. Dufays, L. Gemenne et D. Ledur. Pour une lecture littéraire 2. Bilans et confrontations. Actes du colloque de Louvain-la-Neuve (3-5 mai 1995), Bruxelles, De Boeck & Duculot, 1996, p. 328-338.

METTRA, Claude, « Les figures du secret » dans Le magazine littéraire, no 245, sept. 1987, p. 32-33.  

MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORT, « Description de la formation générale. A. Formation générale commune ». [En ligne]. Http://www.mels.gouv.qc.ca/ens-sup/ens-coll/Cahiers/DescFG.asp.

ROCHEFORT-GUILLOUET, Sophie, Petite anthologie européenne du roman d’apprentissage, Paris, Ellipses (coll. Résonances), 1995, 64 p. 

ROUSSEAU, Annie, « Entrez dans le débat! » dans Pédagogie collégiale, vol 19, no 3, printemps 2006, p.12-16.

ROUXEL, A., « La littérature comme lieu de formation » dans Enseigner la lecture littéraire, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 1996, p. 15-19.

SIMARD,  D., «Une approche culturelle dans l’enseignement du français langue première», dans L’écho du R.É.S.É.A.U Laval, vol 4 no 1, 2004, p. 10-20.

THÉRIEN, Céline, « Apprendre à lire et à écrire : où sont les problèmes? » dans Pédagogie collégiale, Vol. 9, no 4, mai 1996, p. 25-29.

TOUT LE CINÉ. Film : David Copperfield, [En ligne]. http://www.toutlecine.com/film/0039/00391103-david-copperfield.html (page consultée le 25 avril 2012).

WIKIPÉDIA. «Transfert» [En ligne]. http://fr.wikipedia.org/wiki/Transfert_(psychanalyse) (page consultée le 26 avril 1012).

WIKIPÉDIA. « Roman d’apprentissage » [En ligne]. http://fr.wikipedia.org/wiki/Roman_d'apprentissage (page consultée le 25 avril 2012).

ZWEIG, Stefan, La confusion des sentiments, Paris, Stock, (coll. Bibliothèque cosmopolite), 1948, 184 p.

 

 

 

Grille de correction                                                     Nom : _______________________

Analyse littéraire

 

 

Contenu et structure du texte                                                            

                                                                                                                            /100

 

Introduction                                                                                                                   /10

 

Sujet amené pertinent : amène l’étudiant au sujet du travail en incluant diverses informations sur le courant et le genre littéraire de l’œuvre étudiée                                                                      /4

 

Sujet posé  pertinent : le sujet du travail est clairement énoncé, le titre de l’œuvre est

 nommé (nom complet)                                                                                                            /4

 

Sujet divisé : les idées sont énoncées de façon cohérente (ordre, pertinence, clarté)              /2

 

 

Développement : deux paragraphes                                                                              /80

D1 Pertinence et clarté des idées présentées (principales, liées au sujet posé)                        /6

 

D2 Explications suffisantes, claires, et cohérentes (en regard de l’IP concernée)                 /28

 

D3 Preuves justes et pertinentes (usage judicieux des citations)                                            /12

 

D4 Justification (commentaire sur la citation/analyse de la citation)                                     /20

 

D5 Analyse pertinente d’un procédé littéraire ou stylistique                                                   /8

 

D6 Paragraphes cohérents (respect de la structure apprise)                                                     /6

 

 

Conclusion                                                                                                                       /10

 

Synthèse complète et pertinente (rappel des IP en des termes nouveaux)                              /4

 

Bilan cohérent (qui fait le lien avec l’affirmation de départ, SP)                                           /4

 

Ouverture judicieuse (liée au sujet : littérature)                                                                     /2

 

Qualité de la langue

 

1-      Orthographe (O) :___              3. Syntaxe (S) :___             5. Ponctuation (P) : ___

 

2-      Grammaire (G) :___                4. Vocabulaire (V) : ___

 

 

Nombre de fautes de langue : _______

 

Calcul des points perdus : Nombre de fautes x 300 divisé par le nombre total de mots= le nombre de points sur 100 à enlever du total des points

 

Soustraire du résultat les points perdus pour la langue :                                 _______

 

 

        Grand total:     /100

  (Je ramène ensuite la note sur 30)

 


[1] Stefan Zweig, La confusion des sentiments, Paris, Stock, (coll. Bibliothèque cosmopolite), 1948, 184 p.

[2] Ministère de l’Éducation, du loisir et du sport, « Description de la formation générale. A. Formation générale commune ». [En ligne]. http://www.mels.gouv.qc.ca/ens-sup/ens-coll/Cahiers/courscomp/comp.asp?NoObj=002.

[3] Stefan Zweig, loc.cit., p. 57.

[4] D. Simard, « Une approche culturelle dans l’enseignement du français langue première », dans L’écho du R.É.S.É.A.U Laval, vol 4 no 1, 2004, p. 17.

[5] Idib., p. 16.

[6] Annie Rousseau, « Entrez dans le débat! » dans Pédagogie collégiale, vol 19, no 3, printemps 2006, p. 12.

[7] Ministère de l’Éducation, du loisir et du sport, « Description de la formation générale. A. Formation générale commune ». [En ligne]. http://www.mels.gouv.qc.ca/ens-sup/ens-coll/Cahiers/ DescFG.asp.

[8] « Transfert» dans Wikipédia [En ligne]. http://fr.wikipedia.org/wiki/Transfert_(psychanalyse) (page consultée le 26 avril 1012)

[9] Jocelyne Giasson, «Un modèle de compréhension en lecture» Dans La Compréhension en lecture (Chapitre 1, p. 4-24), Gaëtan Morin, Boucherville, 1990, p. 11.

[10] Sophie Rochefort-Guillouet, Petite anthologie européenne du roman d’apprentissage, Paris, Ellipses (coll. Résonances), 1995, p. 44.

[11] Claude Mettra, « Les figures du secret » dans Le magazine littéraire, no 245, sept. 1987, p. 33.

[12] Rouxel,  « La littérature comme lieu de formation » dans Enseigner la lecture littéraire, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 1996, p. 23.

[13] Tout le ciné, Film : David Copperfield, [En ligne]. http://www.toutlecine.com/film/0039/00391103-david-copperfield.html (page consultée le 25 avril 2012).

[14] N. Lacelle, « L’intégration du film dans une approche culturelle de l’enseignement de l’œuvre littéraire ». Dans A.-M. Boucher et A. Pilote (dir.). La culture en classe de français, Québec, Publications Québec français, 2006, p. 43.

[15] Goethe, Les souffrances du jeune Werther, Paris, Gallimard (coll. Le livre de Poche), 1947, 190 p.

[16] « Roman d’apprentissage» dans Wikipédia [En ligne]. http://fr.wikipedia.org/wiki/Roman_d'apprentissage (page consultée le 25 avril 2012).

[17] D. Ledur « Lecture littéraire et enseignement professionnel : faut-il former des héritiers? ». Dans J.L. Dufays, L. Gemenne et D. Ledur. Pour une lecture littéraire 2. Bilans et confrontations. Actes du colloque de Louvain-la-Neuve (3-5 mai 1995), Bruxelles, De Boeck & Duculot, 1996, p.p. 337.

[18] Annie Rousseau, loc.cit., p. 15.

[19] P. 62-72; p. 148-158.

[20] P. 28-30; p. 120-122; p. 127-129; p. 86-88.

[21] P. 125-128; p. 78-81.

[22] P. 30-33; p. 52-54; p. 90-91, p. 110.

[23] Michelle Deschênes et Séverine Parent, « Optimiser l’apprentissage du travail d’équipe » dans Pédagogie collégiale, vol. 21, no 24, été 2008, p. 6.

[24] Céline Thérien, « Apprendre à lire et à écrire : où sont les problèmes? » dans Pédagogie collégiale, Vol. 9, no 4, mai 1996, p.28.

[25] Vital Grandbois,  « Au Collégial : nouveau programme et dissertation explicative » dans Québec français, no 96, 1995, p. 78-79. [En ligne]. http://id.erudit.org/ierudit.org/ierudit/4434ac.

[26] Ibid., p. 81.

 


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