Justification du choix de l’œuvre
La présente séquence didactique s’adresse à des élèves du premier cycle du secondaire et vise à leur permettre d’affiner leur compréhension du roman L’enfant de Noé1 d’Éric-Emmanuel Schmitt, un auteur majeur de la littérature francophone contemporaine. Ce roman s’inscrit dans le Cycle de l’invisible2, une série de quatre romans à travers laquelle l’auteur propose une réflexion sur l’enfance et la spiritualité. Le choix de cette œuvre littéraire se justifie entre autres par la prédominance des valeurs humanistes présentes dans le roman : la fraternité, la tolérance, l’égalité. Il apparait pertinent d’amener les élèves à réfléchir à ces valeurs, et ce, surtout dans le contexte actuel de multiculturalisme. Le style d’écriture de l’auteur est accessible pour des élèves de deuxième secondaire. Schmitt utilise l’artifice du narrateur enfant pour poser un regard dépourvu de préjugés sur la religion. Le roman contient seulement 120 pages, ce qui peut constituer un facteur de motivation pour les élèves.
Problèmes à résoudre
La séquence didactique propose de résoudre les problèmes de lecture suivants :
- comprendre la réflexion spirituelle que propose le roman et y participer;
- observer comment l’auteur met ses personnages au service d’une réflexion philosophique sur les religions;
- saisir le contexte sociohistorique de la Deuxième Guerre mondiale;
- observer comment le narrateur enfant intervient sur la portée morale du roman.
Avant la lecture
Activité 1 : se donner une intention de lecture
Objectifs: Cette première activité vise à susciter l’intérêt des élèves pour le roman. L’enseignant oriente l’attention des élèves vers certains indices à partir desquels ceux-ci pourront anticiper le contenu du texte. À ce sujet, Giasson mentionne que «lorsque nous encourageons les élèves à effectuer des prédictions à partir d’indices, surtout à partir d’indices subtils, nous le faisons pour les sensibiliser à l’utilité de ces indices dans la compréhension du texte3».
Description de l’activité :
a) L’enseignant interroge les élèves sur ce qu’il est possible d’anticiper du roman en observant le paratexte4 du roman. Il s’agit de s’attarder au livre comme objet. L’enseignant peut attirer l’attention des élèves sur les pistes d’observation suivantes5.
- Combien y a-t-il de personnages sur l’illustration de la couverture? À quoi ressemblent-ils? Comment sont-ils habillés?
Il y a deux personnages : un jeune garçon et un homme âgé. L’homme porte un habit de prêtre et un béret. Le jeune garçon porte un veston sur lequel une étoile jaune est brodée. Le jeune garçon tient la main du prêtre.
- Quels sont les symboles religieux présents dans l’illustration? Peut-on anticiper le contenu du roman à partir de ces informations?
Le prêtre tient une Bible dans ses mains et le jeune garçon arbore l’étoile de David sur son veston. Il est donc possible de prédire que le roman mettra en scène un personnage juif et un personnage chrétien.
- En observant la reproduction agrandie de l’illustration sur la quatrième couverture, quelles nouvelles observations êtes-vous en mesure de faire? Qu’est-ce que cela vous permet de prédire quant au contenu du roman?
Sur l’illustration agrandie, il est possible de remarquer un symbole nazi peint sur le mur. Nous pouvons donc supposer que le roman se déroulera durant la Deuxième Guerre mondiale. Le jeune garçon porte une valise. Cela nous informe qu’il se rend quelque part avec le prêtre.
- De quel pays provient l’édition du livre? Quels indices vous permettent de l’affirmer?
Le prix en euro et la mention « prix France » nous permettent d’affirmer que l’édition provient de la France.
- Lisez l’extrait du roman sur la quatrième de couverture. Êtes-vous en mesure de situer le contexte sociohistorique du roman seulement à partir de ces informations?
L’extrait confirme toutes nos hypothèses jusqu’à présent, à savoir que le roman se déroule en 1942, durant la Deuxième Guerre mondiale, qu’il met en scène un jeune garçon juif et un religieux plus âgé. Nous ne savons toutefois pas dans quel pays se déroule l’histoire. Les élèves vont sans doute soutenir que le roman se passe en France en raison des indices que donne la quatrième de couverture. Le roman se déroule toutefois en Belgique. Ils pourront le constater lorsqu’ils commenceront la lecture du roman.
- Quelles informations l’extrait du roman donnent-elles sur l’auteur?
L’extrait nous informe entre autres que Schmitt est un des romanciers français les plus lus dans le monde.
- Quelles informations l’extrait de la critique de Patrick Besson donne-t-il sur l’intrigue du roman?
Le roman est « plein de questions que pose chaque instant d’une vie terrestre » et contient des passages drôles et tristes à la fois. Besson affirme que « l’innocence est un don du ciel ». Il fait référence au narrateur enfant, mais cela, la quatrième de couverture ne le mentionne pas explicitement. Par conséquent, pour aborder cet aspect du roman, l’enseignant peut demander aux élèves ce qu’évoque « l’innocence » pour eux. Les élèves soulèveront sans doute que l’innocence renvoie à l’enfance.
b) L’enseignant attire ensuite l’attention des élèves sur le titre L’enfant de Noé. Il demande d’abord à quoi réfère le titre. Il effectue ensuite des liens avec le texte biblique de L’arche de Noé et insiste sur le fait que ce texte est commun aux religions monothéistes. Pour mieux illustrer ce texte biblique, il présente un vidéo YouTube amusant de L’arche de Noé: http://www.youtube.com/watch?v=rg0NumZLVJQ&feature=related.
c) L’enseignant invite les élèves à confirmer ou infirmer leurs premières hypothèses à partir de la dédicace du roman. Il attire leur attention sur le fait que ce roman s’inspire en partie d’une histoire vécue. Aussi, l’enseignant souligne que l’auteur dédie son roman à la mémoire d’un abbé. Il est donc justifié de supposer que le roman mette en scène un personnage de prêtre.
d) Finalement, l’enseignant présente brièvement l’auteur de L’enfant de Noé. Il interroge les élèves à savoir si certains d’entre eux ont déjà lu une œuvre ou vu un film de cet auteur. Si c’est le cas, il peut être intéressant de leur demander ce qu’ils retiennent de l’œuvre.
Activité 2 : effectuer une recherche documentaire
Objectif : cerner le contexte sociohistorique de la Deuxième Guerre mondiale dans le but de faciliter la lecture du roman. Aussi, afin d’être en mesure de comprendre la portée spirituelle du roman, les élèves doivent se familiariser avec le judaïsme, le christianisme, l’athéisme et l’humanisme.
Description de l’activité :
a) Afin d’activer les connaissances, l’enseignant interroge les élèves sur ce qu’ils connaissent à propos des sujets suivants : la Deuxième Guerre mondiale, la Belgique, l’athéisme, le judaïsme, le christianisme, l’athéisme et l’humanisme. Cette activité sert de préambule à la recherche documentaire.
b) L’enseignant forme des groupes d’experts. Chaque équipe effectuera une recherche Internet sur les sujets soulevés précédemment. L’enseignant soumet aux élèves des adresses de sites Internet pertinents pour la recherche documentaire6. Dans le but de se soucier de la réalité des élèves, l’enseignant autorise l’utilisation de Wikipédia, mais les invite à demeurer vigilants quant à la fiabilité des sources. Il insiste également sur l’importance de mettre en commun les informations issues des sources. Finalement, l’enseignant mentionne également que le logiciel Antidote constitue une excellente manière de se donner une première définition du sujet.
c) À tour de rôle, chaque équipe partage ensuite les résultats de leur recherche à l’ensemble de la classe.
Activité 3 : définir le narrateur enfant
Objectif : définir les caractéristiques du narrateur enfant en observant les procédés langagiers utilisés par l’auteur dans Monsieur Ibrahim et les fleurs du coran d’Éric-Emmanuel Schmitt et La vie devant soi d’Émile Ajar.
Description de l’activité
L’enseignant soumet des extraits de deux romans aux élèves. En équipe, ils doivent observer comment l’auteur utilise la langue pour donner vie au narrateur enfant. Avec l’aide de l’enseignant, les élèves vont être en mesure de faire ressortir les caractéristiques suivantes7 :
Tableau 1 : le narrateur enfant dans deux extraits de roman
Observations
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Monsieur Ibrahim et les fleurs du coran
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La vie devant soi
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Il ignore certains termes.
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« comme disaient les gens du dictionnaire » (l. 22)
« deux mecs anciens, al-Halladj et al-Ghazali » (l. 26)
Momo, le narrateur, croit que le soufisme est une maladie.
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Momo mélange les mots
« signalitique» et «signalétique» (l. 17).
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Il utilise une syntaxe oralisée.
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« si respecter la loi, c’était faire avocat. » (l. 24)
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La négation est parfois absente : « il va pas s’associer » (l. 8)
Présence abusive de la conjonction de coordination « et » (l. 15-17).
Le narrateur enfant utilise de nombreuses phrases à présentatif.
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Le narrateur emploie un registre de langue populaire.
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« deux mecs anciens » (l. 26)
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« une putain », « cul » (l. 19-20)
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Il ne comprend pas le sens figuré. Il s’arrête au sens littéral.
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« c’était une religion intérieure et ça, c’est sûr qu’il était discret, monsieur Ibrahim » (l. 28)
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Il n’est pas possible de l’observer dans l’extrait présenté.
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Le narrateur s’interroge constamment.
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Il essaie de comprendre le sens du mot « soufisme » et les définitions des mots qui composent sa définition.
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Il n’est pas possible de l’observer dans l’extrait présenté.
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Le narrateur enfant joue avec la langue.
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« Mes fréquentations n’étaient pas fréquentables. » (l. 23)
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« il n’avait que trois ans et des sourires » (l. 4; zeugme)
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La langue du narrateur contient des confusions sémantiques8.
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« d’une façon qui frisait la contrebande » (l. 20)
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« c’est des personnes qui se défendent avec leur cul »
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Il déforme des phrases célèbres9.
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Il n’est pas possible de l’observer dans l’extrait présenté.
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« Il faut qu’il voie du noir » (l. 7) (au lieu de broie du noir)
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Pendant la lecture
Pour orienter la lecture des élèves, l’enseignant fait la lecture des pages 9 à 22 du roman. Cette lecture à voix haute permettra entre autres aux élèves de comparer leurs prédictions avec le roman et d’en discuter avec l’enseignant. Ils seront ainsi en mesure d’expliquer pourquoi ils acceptent, rejettent ou modifient leurs prédictions sur le roman10. L’enseignant pourra également attirer l’attention des élèves sur le fait que le roman comporte deux narrateurs : Joseph enfant et Joseph adulte.
Activité 3 : décrire les propriétés du narrateur enfant et son impact sur la portée morale du roman
Objectif : repérer dans un extrait de L’enfant de Noé les caractéristiques du narrateur enfant telles qu’observées et définies dans l’activité précédente et expliquer l’effet de ce procédé narratif sur la réflexion morale que suggère le roman.
Description de l’activité :
a) Les élèves doivent repérer les procédés qu’ils ont observés à l’activité précédente dans un extrait de L’enfant de Noé.
Tableau 2 : le narrateur enfant dans L’enfant de Noé
Observations
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L’enfant de Noé
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Il ignore certains termes.
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« Noble » (l. 9); « Chrétien » (l. 36)
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Il utilise une syntaxe oralisée.
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« toi, tu » (l. 32); « Ben » (l. 30); « superbe hôtel particulier » (l. 12)
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Le narrateur enfant joue avec la langue.
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« Le front barré par un souci » (l. 21) (jeu sonore : « souci »/ « sourcil »)
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Il ne comprend pas le sens figuré. Il s’arrête au sens littéral.
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Joseph éprouve de la difficulté à associer « grande dame » à la noblesse. (l. 13-15)
La comtesse est « jeune », pourtant, elle provient d’une « vieille » famille. (l. 13-15)
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Il s’interroge : utilisation des phrases interrogatives.
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« Si c’était une coutume chez les nobles, pourquoi me l’imposait-elle? D’ailleurs, l’étais-je? Moi, noble? » (l. 24-25)
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À noter que le narrateur de L’enfant de Noé n’utilise pas un registre de langue populaire contrairement aux narrateurs de Monsieur Ibrahim et les fleurs du coran et La vie devant soi. L’utilisation d’un registre populaire n’est donc pas une condition sine qua non permettant d’identifier un narrateur enfant. Bien que la langue du narrateur de L’enfant de Noé contienne de jeux de mots, elle n’est pas aussi transgressive que celle des deux autres narrateurs qui créent des confusions sémantiques et déforment des expressions.
b) En lisant l’extrait de L’enfant de Noé, les élèves peuvent faire les nouvelles observations suivantes quant au narrateur-enfant:
Tableau 3 : les nouvelles observations sur le narrateur enfant dans L’enfant de Noé
Observations
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L’enfant de Noé
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Confusion dans les conventions sociales de la politesse
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« Et toi, tu es juive, madame? » (l. 32)
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c) Ensuite, en plénière, l’enseignant discute avec les élèves de l’impact d’un narrateur enfant sur la portée morale du roman. Il s’agit de comprendre que le fait d’avoir consciemment opté pour un narrateur enfant permet à Schmitt de porter un regard sur les religions dénué de préjugés. Dans un article paru en 2001 dans Québec français, l’écrivain Sylvain Trudel affirme que « la langue d’un enfant n’est pas une fantaisie sans origine, mais le miroir de la société des adultes, l’expression brute d’une culture toute nue, non visitée par le puissant surmoi de la correction académique ou de l’orgueil national11. »
Activité 4 : retracer l’évolution psychologique du personnage
Objectif : mettre en évidence comment L’enfant de Noé raconte la progression de la réflexion philosophique de Joseph.
Description de l’activité : En équipe, les élèves remplissent le tableau 4 dans lequel ils doivent retracer la progression de la réflexion de Joseph à 7 ans, 8 ans, 10 ans et à 60 ans selon trois thèmes : la foi, le lien familial et l’amitié.
Tableau 4: l’évolution des caractéristiques psychologiques de Joseph
Thème
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Joseph à 7 ans
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Joseph à 8 ans
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Joseph à 10 ans
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Joseph à 60 ans
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La foi
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Au début du roman, Joseph n’est pas trop conscient des questions religieuses (p. 18 et 43)
Il renie progressivement ses origines juives en souhaitant être catholique : « cela me rendrait normal. » (p.44)
Il s’initie à la religion catholique : « Dieu était là. Partout autour de nous. » (p. 46) Il souhaite même devenir catholique : « je crois que plus tard, je serai catholique. » (p. 49)
Joseph fait un marché avec le père Pons : il fera semblant d’être chrétien et le père Pons fera semblant d’être juif. (p .61)
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Au fil des discussions avec le père Pons, Joseph renoue peu à peu avec ses origines juives : « cela m’amusait beaucoup de me penser en chrétien avant Jésus. » (p. 83)
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Joseph a fait la paix avec ses origines juives grâce aux enseignements du père Pons.
Mais lorsque vient le temps de quitter la Villa jaune, Joseph s’y oppose. Il souhaite devenir catholique, au grand malheur de ses parents. Le père Pons réussit à le convaincre de faire sa bar-mistva.
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Joseph assume pleinement sa religion juive : « avec passion, j’ai appris la religion de mes pères et je l’ai transmise à mes enfants. » (p. 116)
Il retient énormément de valeurs humanistes du père Pons : « la paix, Rudy, la paix, c’est ce que nous a appris à souhaiter le père Pons. » (p. 111)
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Le lien familial
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Ses parents lui manquent. La vierge Marie évoque sa mère et lui fait verser des larmes. (p. 48)
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Joseph éprouve de la fureur envers les siens : « il m’avait forcé à devenir son fils sans être capable de m’assurer un sort décent. » (p. 81)
Il refuse d’admettre qu’il a croisé son père : « je ne voulais pas de cette rencontre. » (p. 83)
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Il veut revoir ses parents et ressent de la honte face à son attitude : « je me suis remise à les aimer d’un amour décuplé par le remords. » (p.100)
Toutefois, lorsque Joseph retrouve ses parents, il refuse de quitter le père Pons et la Villa jaune.
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Il a honte de l’épisode où il a renié son père : « cette méprise volontaire, réaction monstrueuse […] demeure l’acte dont je garderai la honte jusqu’à mon dernier souffle. » (p. 82)
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L’amitié
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Rudy et le père Pons protègent Joseph.
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Il développe une amitié très forte avec le père Pons et Rudy : « je les aimais tellement que pour empêcher leur inquiétude, j’affichais un optimisme inébranlable et rassurant. » (p. 83)
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Joseph et Rudy partagent le même espoir de revoir leurs parents.
Joseph avoue au père Pons qu’il l’aime énormément.
(p. 96)
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Toute sa vie, Joseph est demeuré proche de Rudy et du père Pons.
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Activité 5 : s’imprégner de la réflexion spirituelle que suggère le roman
Objectif : amener les élèves à réagir à la portée morale du roman par l’entremise d’un journal dialogué12. Il s’agit surtout d’accompagner les élèves dans leur lecture, puisque « les questions que pose l’enseignant sont déterminantes pour qu’il y ait une lecture esthétique, c’est-à-dire une lecture qui fasse appel à l’imagination et à l’émancipation du lecteur13. » L’écriture d’un journal favorise également la réflexion et la mise à distance vis-à-vis de sa lecture.
Description de l’activité :
a) Pendant la lecture du roman, les élèves complètent un journal dialogué. L’enseignant lit et réagit régulièrement à chacun des journaux dialogués de manière à aider les élèves à entrer en dialogue avec l’œuvre. L’enseignant peut s’inspirer des questions types suggérées dans l’annexe 214. L’échange des journaux dialogués entre pairs est également encouragé. L’enseignant peut donner un nombre précis de pages à lire. Après chaque bloc de lecture, il revient en plénière pour mettre en commun les réactions et observations des élèves.
Après la lecture
Activité 6 : activité d’écriture
Objectif : Il est primordial que les élèves saisissent le message d’humanisme et de fraternité que propose Schmitt. C’est pourquoi ils doivent démontrer leur compréhension de ces principes à travers une activité de création qui sollicitera aussi le travail effectué précédemment sur le narrateur enfant. En réécrivant un passage du livre, les élèves devront appliquer les principes que préconise Joseph pour faire face à une situation conflictuelle. Cette dernière activité pourrait également servir d’évaluation sommative.
Description de l’activité :
À la page 119, Joseph bondit en hurlant lorsque deux jeunes garçons, un Palestinien et un juif, se lancent des pierres dans la rue. Les jeunes garçons se sauvent en courant. Dans un texte de 300 mots, réécrivez ce passage du livre. Imaginez plutôt que Joseph intervient et discute avec eux. Maintenant que vous connaissez le personnage, vous savez qu’il ne tolère pas ces attitudes de mépris envers les différences. Que pourrait leur dire Joseph à propos de son expérience de vie et de ses valeurs pour tenter de les amener à agir autrement? De plus, afin de mettre à profit vos connaissances du narrateur enfant, l’histoire doit être racontée du point de vue d’un des deux garçons. N’oubliez pas d’utiliser les procédés langagiers du narrateur enfant.
Conclusion
Cette séquence aura permis aux élèves de prendre contact avec l’un des auteurs francophones les plus lus aujourd’hui. Dans un style accessible, L’enfant de Noé suggère une réflexion sur la fraternité humaine et sur l’altérité qui résonne particulièrement de nos jours où les élèves côtoient des camarades de plusieurs cultures. Cette lecture s’avère d’autant plus pertinente qu’elle offre la possibilité aux enseignants de rappeler certaines réflexions que les élèves ont amorcées dans leurs cours d’Éthique et culture religieuse. Cela dit, en s’attardant sur les procédés langagiers servant à mettre en place un narrateur enfant et à son impact sur la portée philosophique du roman, les élèves développent leurs facultés de compréhension en lecture. Les diverses recherches sur les grandes religions monothéistes, l’athéisme, l’humanisme, sur la Deuxième Guerre mondiale et la Belgique favorisent leur ouverture d’esprit et stimulent leur curiosité. Comme L’enfant de Noé s’inscrit dans une série, Le Cycle invisible, les élèves intéressés par l’œuvre de Schmitt pourraient découvrir des thèmes récurrents de l’auteur.
Bibliographie
Ajar, Émile, La vie devant soi, Paris, Mercure de France, 1975.
Giasson, Jocelyne Giasson, La compréhension en lecture, Montréal, Gaétan Morin Éditeur ltée, 1990, p. 139.
Montreuil, Caroline, « Lecture littéraire et journal dialogué : avantages et limites », Québec français, n° 120, 2001, p. 41.
Schmitt, Éric-Emmanuel, L’enfant de Noé, Paris, Albin Michel (« Livre de poche »), 2004.
Schmitt, Éric-Emmanuel, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Paris, Albin Michel, 2001.
Trudel, Sylvain, « La faute épicée : quelques considérations sur le narrateur enfant dans le livre de fiction », Québec français, n° 122, 2001, p. 76.
ANNEXE 1
Références pour l'activité 2 : effectuer une recherche documentaire
- Le judaïsme et le christianisme
Portail de ressources en Sciences des religions : www.religion.qc.ca
Site Web de l'Encyclopédie de l'Agora: http://agora.qc.ca/Dossiers/Christianisme, http://agora.qc.ca/Dossiers/Judaisme
Site Web de l'Encyclopédie de l'Agora: http://agora.qc.ca/Dossiers/Atheisme
Le Wikipédia pour les adolescents (8 à 13 ans) http://fr.vikidia.org/wiki/Humanisme
Site Web de l'Encyclopédie de l'Agora: http://agora.qc.ca/dossiers/Humanisme
- La Deuxième Guerre mondiale
Site du Musée de l'Holocauste de Montréal: http://www.mhmc.ca/
Série de documentaires sur la Deuxième Guerre mondiale: http://www.tou.tv/les-heros-de-la-2e-guerre-mondiale
Dossiers d'archives: http://archives.radiocanada.ca/guerres_conflits/seconde_guerre_mondiale/dossiers/1647/ http://archives.radiocanada.ca/guerres_conflits/seconde_guerre_mondiale/dossiers/40/,
Série de documentaires sur Hitler et le nazisme: http://www.tou.tv/amour-haine-et-propagande
Sites touristiques belges: http://www.opt.be/contenus/la_belgique_en_quelques_mots__/fr/47.html, http://www.tourismebelgique.com/
ANNEXE 2
Légende
ignore certains termes [interrogations que se pose le narrateur] jeu avec la langue
syntaxe oralisée registre populaire confusion dans les conventions sociales confusion sens littéral/sens figuré
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Extrait de Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (Paris, Albin Michel, 2001, p. 37-38-39)
On a fini dans les jardins secrets du Palais Royal où là, monsieur Ibrahim m’a payé un citron pressé et a retrouvé son immobilité légendaire sur un tabouret de bar, à sucer lentement une Suze anis.
- Ça doit être chouette d’habiter Paris.
- Mais tu habites Paris, Momo.
- Non, moi j’habite rue Bleue.
Je le regardais savourer sa Suze anis.
- Je croyais que les musulmans, ça ne buvait pas d’alcool.
- Oui, mais moi je suis soufi.
Bon là, j’ai senti que je devenais indiscret, que monsieur Ibrahim ne voulait pas me parler de sa maladie – après tout, c’était son droit; je me suis tu jusqu’à notre retour rue Bleue.
[Le soir, j’ai ouvert le Larousse de mon père.] Fallait vraiment que je sois inquiet pour monsieur Ibrahim, parce que, vraiment, j’ai toujours été déçu par les dictionnaires.
« Soufisme : courant mystique de l’islam, né au VIIIe siècle. Opposé au légalisme, il met l’accent sur la religion intérieure. »
Voilà, une fois de plus! Les dictionnaires n’expliquent que les mots qu’on connait déjà. Enfin, le soufisme n’était pas une maladie, ce qui m’a déjà rassuré un peu, c’était une façon de penser – même s’il y a des façons de penser qui sont aussi des maladies, disait souvent monsieur Ibrahim. Après quoi, je me suis lancé dans un jeu de piste, pour essayer de comprendre tous les mots de la définition. De tout ça, il ressortait que monsieur Ibrahim avec sa Suze anis croyait en Dieu à la façon musulmane, mais d’une façon qui frisait la contrebande, car « opposé au légalisme » et ça, ça m’a donné du fil à retordre... parce que si le légalisme était bien le « souci de respecter minutieusement la loi », comme disaient les gens du dictionnaire... ça voulait dire en gros des choses a priori vexantes, à savoir que monsieur Ibrahim, il était malhonnête, donc que mes fréquentations n’étaient pas fréquentables. Mais en même temps, si respecter la loi, c’était faire avocat, comme mon père, avoir ce teint gris, et tant de tristesse à la maison, je préférais être contre le légalisme avec monsieur Ibrahim. Et puis les gens du dictionnaire ajoutaient que le soufisme avait été créé par deux mecs anciens, al-Halladj et al-Ghazali, qu’avaient des noms à habiter dans des mansardes au fond de la cour – en tout cas rue Bleue -, et ils précisaient que c’était une religion intérieure et ça, c’est sûr qu’il était discret, monsieur Ibrahim, par rapport à tous les juifs de la rue, il était discret.
Extrait de La vie devant soi d’Émile Ajar (Paris, Mercure de France, 1975, p. 21-22)
Lorsque les mandats cessaient d’arriver pour l’un d’entre nous, Madame Rosa ne jetait pas le coupable dehors. C’était le cas du petit Banania, son père était inconnu et on ne pouvait rien lui reprocher; sa mère envoyait un peu d’argent tous les six mois et encore. Madame Rosa engueulait Banania mais celui-ci s’en foutait parce qu’il n’avait que trois ans et des sourires. Je pense que Madame Rosa aurait peut-être donné Banania à l’Assistance mais pas son sourire et comme on ne pouvait l’un sans l’autre, elle était obligée de les garder tous les deux. C’est moi qui étais chargé de conduire Banania dans les foyers africains de la rue Bisson pour qu’il voie du noir, Madame Rosa y tenait beaucoup.
- Il faut qu’il voie du noir, sans ça, plus tard, il va pas s’associer.
Je prenais donc Banania et je le conduisais à côté. Il était très bien reçu car ce sont des personnes dont les familles sont restées en Afrique et un enfant, ça fait toujours penser à un autre. Madame Rosa ne savait pas du tout si Banania qui s’appelait Touré était un Malien ou un Sénégalais ou un Guinéen ou autre chose, sa mère se défendait rue Saint-Denis avant de partir en maison à Abidijan et ce sont des choses qu’on ne peut pas savoir dans le métier. Moïse était très irrégulier mais là Madame Rosa était coincée parce que l’Assistance publique ils pouvaient pas faire ça entre Juifs. Pour moi, le mandat de trois cents francs arrivait chaque début de mois et j’étais inattaquable. Je crois que Moïse avait une mère et qu’elle avait honte, ses parents ne savaient rien et elle était d’une bonne famille et puis Moise était blond avec un nez signalitique15 et c’étaient des aveux spontanés, il n y avait qu’à le regarder.
[ … ]
- Tu sais ce que c’est une putain?
- C’est des personnes qui se défendent avec leur cul.
- Je me demande où tu as appris des horreurs pareilles, mais il y a beaucoup de vérité dans ce que tu dis.
Extrait de L’enfant de Noé (Paris, Albin Michel, « Livre de poche », 2004, p. 14)
En route, elle me proposa :
- Nous allons rendre visite à une grande dame veux-tu?
- Oui. Qui?
- La comtesse de Sully
- Elle mesure combien?
- Pardon?
- Tu m’as dit que c’était une grande dame?
- Je voulais dire qu’elle est noble.
- Noble?
Tout en m’expliquant qu’un noble était une personne de haute naissance qui descendait d’une très vieille famille, et que, pour sa noblesse même, il fallait lui marquer beaucoup de respect, elle me conduisit jusqu’au vestibule d’un superbe hôtel particulier où nous saluèrent des domestiques.
Là, je fus désappointé car la femme qui vint vers nous ne comprenait pas à ce que j’avais imaginé : bien qu’issue d’une « vieille » famille, la comtesse de Sully avait l’air très jeune, et quoique « grande » dame de « haute » naissance, elle ne mesurait guère plus que moi.
[…]
La petite, jeune et décevante comtesse m’emmena dans son salon où elle me servit des gâteaux, du thé et me joua des airs de piano. Devant la hauteur des plafonds, l’abondance des goûter et la beauté de la musique, j’acceptai de reconsidérer ma position et, m’enfonçant à l’aise au fond d’un fauteuil capitonné, j’admis qu’elle était une « grande dame ».
Elle s’arrêta de jouer, avisa l’horloge avec un soupir, puis s’approcha de moi, le front barré par un souci.
- Joseph, je ne sais pas si tu comprendras ce que je vais te dire mais notre sang nous interdit de cacher la vérité aux enfants.
[Si c’était une coutume chez les nobles, pourquoi me l’imposait-elle? Croyait-elle que j’étais également noble? D’ailleurs, l’étais-je? Moi, noble? Peut-être... Pourquoi pas? Si, comme elle, il ne fallait être ni grand ni vieux, j’avais mes chances.]
[ …]
- [Elle est quoi? demandai-je.]
- Elle est juive.
- Ben oui. On est tous juifs dans la famille. Moi aussi, tu sais.
- Parce que j’avais raison, elle m’embrassa sur les deux joues.
- [Et toi, tu es juive, madame?]
- Non, je suis belge.
- Comme moi.
- Oui, comme toi. Et chrétienne.
- [Chrétienne, c’est le contraire de juif?]
- Le contraire de juif, c’est nazi.
- On n’arrête pas les chrétiennes?
- Non.
- [Alors c’est mieux d’être chrétienne?]
ANNEXE 3
Le journal dialogué
L'enfant de Noé d'Éric-Emmanuel Schmitt
1. À la suite de la lecture des pages 23 à 43, l'enseignant lit les journaux dialogués des élèves. Le tableau suivant présente des questions types qu'il peut utiliser pour favoriser la réflexion des élèves.
Tableau 1: questions types pour l'enseignant pour les pages 23 à 4316
S'approprier l'intrigue
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Le père Pons est chrétien. Madame Marcelle est athée. Joseph et Rudy sont juifs. Au nom de quoi toutes ces personnes s'allient-elles? Elles défendent quelles valeurs humaines?
Selon vous, pourquoi le père Pons a choisi Rudy comme parrain pour accueillir Joseph à la Villa jaune?
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Faire des inférences et réagir
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Est-ce que, comme Joseph, vous avez pensé à la pierre ponce lorsque vous avez lu le nom du Père Pons pour la première fois?
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Se questionner
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Est-ce que certains passages étaient plus difficiles à comprendre? Lesquels? Pourquoi?
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Interpréter
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Quel est l'intérêt pour la comtesse de Sully et son mari de prendre soin de Joseph? Pourquoi le font-ils?
Analysez le personnage de Mademoiselle Marcelle à la page 32-33. Pourquoi aide-t-elle Joseph et tous les autres enfants juifs recueillis par le père Pons?
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S'identifier aux personnages
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De nombreux personnages (Madame Marcelle, la Comtesse et le Comte, le Père Pons) s'unissent pour protéger les enfants des soldats nazis. Et vous, auriez-vous accepté de mettre en péril votre vie pour protéger ces enfants? Pourquoi?
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Juger les personnages
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Selon vous, qu'apporte le personnage de Gros Jacques? Est-ce que sa présence permet une meilleure compréhension de l'atmosphère tendue de l'époque?
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S'impliquer dans l'histoire
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À la page 24, Joseph affirme que « son statut de noble nécessitait la maitrise de cette langue, certes terne, difficile à prononcer, bien moins cocasse et colorée que la mienne, mais douce, mesurée, distinguée. » De quelle langue s'agit-il? Et vous, quelle représentation avez-vous de cette langue?
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Critiquer les personnages et l'histoire
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Est-ce que, jusqu'à maintenant, le roman suscite votre intérêt?
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2. À la suite de la lecture des pages 43 à 77, l'enseignant lit les journaux dialogués des élèves. Le tableau suivant présente des questions types qu'il peut utiliser pour favoriser la réflexion des élèves.
Tableau 2: questions types pour l'enseignant pour les pages 43 à 77
S'approprier l'intrigue
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L'officier blond ne dénonce pas les enfants, même s'il se rend bien compte qu'ils sont juifs. Peut-on affirmer que, comme Madame Marcelle et le père Pons, il fait passer des valeurs humanistes avant ses croyances personnelles (nazisme)?
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Faire des inférences et réagir
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Que pensez-vous de cette affirmation du père Pons : « ce qui est important, ce n'est pas ce que Dieu pense des hommes, mais ce que les hommes pensent de Dieu » (p. 65)?
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Se questionner
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Est-ce que certains passages étaient plus difficiles à comprendre? Lesquels? Pourquoi?
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Interpréter
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Que veut dire le père Pons lorsqu'il affirme à la page 50 que, pour lui, tous les hommes sont nobles?
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S'identifier aux personnages
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Est-ce que vous auriez agi de la même manière que Joseph en bravant les interdictions pour découvrir ce que le père Pons cachait dans la chapelle?
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Juger les personnages
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Trouvez-vous excessive ou justifiée la réaction de Joseph lorsque le père Pons interdit à Joseph de s'intéresser au catéchisme?
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S'impliquer dans l'histoire
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À la page 45, Joseph s'initie avec les pratiques ecclésiastiques (ce qu'il faut notamment faire lorsque nous entrons dans une église). Êtes-vous familiers avec les pratiques des lieux de cultes?
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Critiquer les personnages et l'histoire
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Que pensez-vous des nombreuses discussions philosophiques entre le père Pons et Joseph?
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3. À la suite de la lecture des pages 79 à 96, l'enseignant lit les journaux dialogués des élèves. Le tableau suivant présente des questions types qu'il peut utiliser pour favoriser la réflexion des élèves.
Tableau 3: questions types pour l'enseignant pour les pages 79 à 120.
S'approprier l'intrigue
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Pourquoi Joseph, suivant les recommandations du père Pons, ne devient-il pas chrétien comme le souhaitait?
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Faire des inférences et réagir
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Étiez-vous surpris d'apprendre où se cachaient les parents de Joseph?
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Se questionner
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Est-ce que certains passages étaient plus difficiles à comprendre? Lesquels? Pourquoi?
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Interpréter
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Que veut dire Joseph lorsqu'il affirme qu'« un juif, c'est un chrétien d'avant Jésus» (p. 83)?
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S'identifier aux personnages
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Le père Pons a littéralement menti à la Gestapo. Trouvez-vous qu'il est brave? Pourquoi?
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Juger les personnages
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À la page 80, trouvez-vous que Joseph tient des propos durs envers ses parents? Pourquoi entretient-il ce genre de sentiments selon vous?
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S'impliquer dans l'histoire
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Finalement, les Alliés remportent la Guerre. Qui sont les Alliés et comment ont-ils réussi à remporter la Guerre?
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Critiquer les personnages et l'histoire
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Que pensez-vous de la place qu'occupe la réflexion sur la religion dans le roman? Laisse-t-elle trop peu de place à
« l'action »?
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1. Éric-Emmanuel Schmitt, L’enfant de Noé, Paris, Albin Michel (« Livre de poche »), 2004.
4. La couverture, de même que le contenu de la quatrième de couverture, les notes éditoriales, la préface, la notice biographique de l’auteur, l’exergue, les intertitres et la désignation générique appartiennent au paratexte de l’œuvre.
5. Cette activité exploite le paratexte de l’édition « Livre de poche » de L’enfant de Noé publiée en 2004. Si les élèves ont en leur possession une autre édition du roman, l’enseignant devra adapter ses interventions en conséquence.
12. « Le journal dialogué est un cahier où l’élève écrit sur ses lectures, mais aussi sur la manière dont il se comporte comme lecteur. Le dialogue se poursuit, sous forme de lettres, entre l'enseignant et l'élève » (Caroline Montreuil, « Lecture littéraire et journal dialogué : avantages et limites », Québec français, n° 120, 2001, p. 41).
13. Ibid., p. 42.