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Petroleum

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Petroleum
BESSORA
Par Catherine Groleau


Nationalité de l'auteur : Autres
Genre : Roman
Courant :
Siècle : 21e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Catherine Groleau
Date du dépôt : Automne 2012


Littérature africaine ?


Bessora est de ces auteurs que la critique qualifie d’écrivain de la migrance[1] puisque, de par ses origines et sa trajectoire, elle ne convient à aucune catégorie précise. Mais Bessora s’insère précisément dans sa contemporanéité qui en est à l’heure de la mondialisation : née d’un père gabonais – ambassadeur, qui plus est – et d’une mère suisse, elle a parcouru l’Afrique, les États-Unis et l’Europe avant de s’établir à Paris, conciliant la vie d’une mère monoparentale et les aspirations d’une future doctorante en anthropologie à l’Université Paris VII. Sa thèse sur Les mémoires pétrolières au Gabon, déposée en 2002, devient le point de départ de son quatrième roman, Petroleum, publié en 2004 chez Denoël. Ainsi, l’œuvre de Bessora, par la singularité de son propos et son appartenance décentrée à la littérature d’expression française, s’inscrit bien, et de façon originale, dans les objectifs de la formation générale en Français, langue d’enseignement et littérature qui sont de « stimuler l’imagination, d’aiguiser la sensibilité et d’élargir les connaissances dans les domaines littéraire et culturel[2]. » Partant du principe de champ littéraire tel qu’énoncé par Pierre Bourdieu dans Les règles de l’art, nous croyons, à la suite de Louis Cornellier[3], en l’intérêt d’aborder avec les étudiants du collégial la diversité des littératures et les luttes structurelles qui organisent notre connaissance de celles-ci. Ainsi, dans le cas d’un programme du cours Littérature et imaginaire (601-102-MQ), l’œuvre de Bessora aurait l’avantage d’amener un éclairage nouveau sur l’existence des littératures africaines et francophones et sur les résonances qu’elles peuvent avoir sur notre compréhension d’un monde régi par des principes hégémoniques sur le plan culturel. Autrement dit, il importerait de démontrer qu’il n’existe pas une littérature – française en l’occurrence –, mais plutôt des littératures et que chaque œuvre renferme une connaissance sur le monde, l’histoire et la littérature et que l’on découvre à même sa volonté de transgression. Enfin, nous croyons que le propos actuel et accessible que propose Petroleum, soit le pétrole, ainsi que sa date de publication relativement récente constitueront, malgré l’exotisme de son auteure, des éléments de motivation chez les étudiants pour l’étude de cette œuvre.

 

Nœuds


Dès le paratexte, Petroleum fait naître une tension. Face à son titre, le lecteur se retrouve d’emblée coincé entre deux univers qui s’affrontent. Nous avons, d’une part, la vulgarité qu’évoque le pétrole, noir, pollueur et visqueux, puis, d’autre part, la promesse érudite que nous annonce la particule latine qui en fait sa finale. Bessora nous propose une aventure singulière, soit pénétrer cette guerre des mondes afin d’y puiser une récompense inestimable pour tout lecteur avisé qui consiste en la découverte d’une vérité du texte[4]. Dans Petroleum, cette quête de la vérité est littérale avant d’être symbolique, puisque c’est une énigme qui structure le récit. La quatrième de couverture donne le ton : « Comédie, thriller ethnologique, ce roman raconte aussi la genèse du Gabon d’aujourd’hui, enfant-monstre issu du capitalisme pétrolier et de la tradition africaine. » Ainsi, le lecteur se voit pris au piège au cœur d’un tissu de références qui, de par sa disparité et ses aspérités, crée de multiples nœuds. Il en reviendra alors aux étudiants et à l’enseignant de tâcher de les démystifier.

 

Dans le cadre de cette séquence didactique, nous souhaitons attirer l’attention des étudiants sur la confrontation des univers dans le roman de Bessora et le caractère structurant que cela prodigue au récit. La lecture interprétative sera motivée par le motif de la quête/enquête. Les étudiants et l’enseignant, tout comme les personnages du récit participant à l’intrigue policière, devront être attentifs aux indices et aux signes qui parsèment le texte et qui créent des effets de sens grâce à un jeu sur les différentes couches interprétatives. Ce jeu devient significatif à travers la notion d’ironie qui constitue un puissant moteur didactique à la construction du sens comme le souligne Caroline Gagné dans son mémoire sur « L’apport de la sociologie et de la sociocritique à l’enseignement de la littérature au cégep » : 

 

L’étude de l’ironie en littérature est intéressante puisqu’elle permet de prendre conscience d’une posture d’énonciation complexe et engagée (idéologiquement, politique ou philosophiquement), à condition bien sûr que le lecteur l’ait reconnu comme telle, ce qui n’est pas garanti puisque la lecture de l’ironie exige des compétences linguistiques et culturelles complexes. Ces compétences ne servent pas seulement à identifier l’ironie, mais surtout à l’analyser[5].

 

Ainsi, munis de leur propre expérience de la vie, les étudiants seront à même de reconnaître un certain nombre des jeux interprétatifs du roman, alors que d’autres allusions devront être résolues à l’aide d’un travail collaboratif avec les autres étudiants et l’enseignant sur le texte. Il s’agit de faire appel à la participation active du sujet lecteur tel que l’énoncent Gérard Langlade et Marie-José Fourtanier dans « La question du sujet lecteur en didactique de la lecture littéraire[6] ». Chaque lecteur doit être amené à effectuer une lecture singulière visant à donner une cohérence et une vraisemblance au texte et c’est cette approche du texte qui sera privilégiée :

 

À travers le prisme de sa mémoire intertextuelle, de ses références culturelles, de son histoire propre, de son expérience du monde, de ses désirs et de ses fantasmes, chacun fictionnalise l’œuvre à sa manière en investissant, en complétant ou en détournant les espaces fictionnels qu’elle lui offre. La lecture littéraire est donc un « art de faire », selon la formule de De Certeau, qui n’est appréhendable et analysable que dans ses réalisations effectives[7].

 

Poursuivant une visée totalisante – mais sans prétendre atteindre effectivement un tel objectif –, nous privilégierons plusieurs entrées dans l’œuvre qui auront pour but de diversifier les approches afin de faire éclore et de susciter l’interrelation des réseaux de sens présents dans l’œuvre. Le caractère hétéroclite des références et des instances constituant le récit demande aux étudiants de s’ouvrir à une grande variété de savoirs et de leur imposer une certaine hiérarchie afin d’y faire émerger un sens. Les objectifs de cette séquence didactique sont donc élaborés en fonction de cette approche :

  • Démontrer comment Petroleum s’insère dans un contexte historique et socio-politique précis en termes de participation ou de distanciation.
  • Identifier les différentes sources des référents culturels et les situer au sein d’un  réseau sémantique.
  • Repérer et maîtriser des procédés stylistiques propres à Petroleum.
  • Déterminer les niveaux de sens par l’analyse de plusieurs procédés stylistiques apparaissant comme autant de voies d’accès au texte (registres, genres, narration).
  • Formuler des hypothèses et des arguments prenant position, dans le cadre d’un débat et d’une dissertation, sur une vérité du texte.

 

Parcours


Les activités proposées dans le cadre de cette séquence sont élaborées afin de permettre une vaste enquête sur le roman de Bessora. Explorant tour à tour la culture, les genres, les registres et la narration, les étudiants seront outillés pour résoudre les conflits sociocognitifs qui se présenteront à eux au cours de la lecture.


Avant la lecture 


Activité 1 – Gabon, pétrole et littérature


Cette activité veut initier les étudiants à l’univers du Gabon pétrolier qui se présente comme le contexte/prétexte de Petroleum. Le dossier de presse, préparé par l’enseignant et remis une semaine plus tôt aux étudiants, constitue une voie d’accès à caractère « sociologique » permettant d’aborder avec les étudiants la problématique de la littérature africaine. Afin d’éviter une appréhension exotisante des littératures subsahariennes, l’enseignant cherche à établir des liens avec une réalité concrète du monde qui les environne transmise par les médias. Cette approche du texte contribuera à susciter le plaisir et la motivation des étudiants dans la lecture de ce texte en particulier, mais cette démarche pourra être proposée comme étape préliminaire à toutes lectures littéraires ultérieures. À ce sujet, Monique Lebrun propose une approche semblable qui met en lumière la notion d’appétence textuelle :

 

Pour développer l’appétence textuelle, l’enseignant doit insérer le livre dans un réseau socioculturel, oublier le souci de la microévaluation, se poser lui-même comme en état de recherche. L’éducation littéraire suppose l’implication esthétique […] le texte est un témoignage qui convie le lecteur […] à un pèlerinage des apparences à la réalité[8].

 

Les étudiants doivent appréhender un champ littéraire nouveau et qui est représenté, dans ce cas-ci, par une auteure dont l’œuvre démontre bien le battement réciproque qui s’opère entre le social, la science et le littéraire comme elle le souligne d’ailleurs dans un entretien :

 

Je suis arrivée à l'écriture comme quelque chose de non prémédité. [...] La route qui m'a finalement menée à l'écriture, c'est l'anthropologie, parce qu'en anthropologie on  écrit, on raconte, on décrit. J'ai fait une thèse en anthropologie sur les mémoires pétrolières et c'était mon premier contact important avec l'écriture, notamment l'écriture académique[9].

 

La présente activité se déroule en trois temps plus ou moins délimités, car l’intérêt de cette activité réside dans le climat d’interactions et de dialogues qui sera instauré dans la classe. D’abord, un premier moment est dédié à une discussion en groupe portant sur le dossier de presse qu’ils ont lu avant leur arrivée en classe. Lorsque les principaux enjeux socio-politiques ont été abordés avec les étudiants, ceux-ci sont invités à prendre connaissance du paratexte de l’œuvre ainsi que de son incipit. En triade, les étudiants sont invités à émettre des hypothèses et à formuler des questions gravitant autour d’une interrogation suscitée par la discussion sur le dossier de presse : « Comment le pétrole peut-il devenir une thématique romanesque ? » Les étudiants doivent consigner, dans leur journal de bord, les fruits de leurs discussions, mais ils peuvent le faire selon la forme de leur choix (notes textuelles, écriture créative, schéma, etc.). Par la suite, en fonction de ce qui ressort des commentaires et des questions formulés par les étudiants, l’enseignant poursuit la contextualisation de l’œuvre grâce à des informations portant sur le champ littéraire africain et sur l’auteure. Les informations fournies par l’enseignant doivent servir directement le questionnement des étudiants[10] afin qu’ils entament la lecture du roman avec un bagage de connaissances minimal leur permettant d’amorcer la construction du sens de l’œuvre.

 

Pendant la lecture : (en)quête


Activité 2 – « REgardez les GAbonais Boire »


Cette activité a pour objectif d’explorer et de démystifier les références culturelles diverses qui surprennent le lecteur dès les premières pages du roman. Partant des questions et hypothèses retenues lors de la première activité et qui sont elles-mêmes enrichies des nouvelles interrogations qui seront nées de l’amorce de la lecture, les étudiants sont amenés à s’intéresser aux procédés stylistiques et poétiques du texte. Pour ce faire, les étudiants doivent être en mesure de s'interroger sur les rouages de la fiction et de discerner le traitement romanesque opéré par l’auteur sur un large spectre de référents culturels. Dans le cadre de cette activité, les étudiants se voient remettre un des quatre extraits du texte identifiés A, B, C, D[11]. Les extraits sont préalablement sélectionnés par l’enseignant et ils sont choisis en raison de leur capacité à représenter de façon significative un aspect du texte suffisamment fécond pour activer le désir d’enquête des étudiants.

 

Les étudiants doivent, dans un premier temps, étudier l’extrait et élaborer une série d’hypothèses et de questions visant à comprendre les choix effectués par l’auteure dans l’écriture du roman. L’enseignant leur propose de faire appel à leurs compétences antérieures en recherchant et en analysant les procédés stylistiques qu’ils connaissent et qu’ils retrouvent dans les extraits qui leur sont présentés. Par la suite, les étudiants se réunissent en sous-groupe comprenant obligatoirement un représentant des extraits A, B, C et D. Chaque membre de l’équipe devient ainsi un expert de l’extrait qui lui a été remis au début du cours et il doit rendre compte de ses découvertes ou de ses interrogations aux autres étudiants.

 

Enfin, l’enseignant anime une plénière afin d’effectuer un retour sur les différentes trouvailles des équipes formées au sein de la classe. Ce qu’il importe de relever – et l’enseignant doit veiller à mettre l’accent sur cet aspect – est l’analyse des effets qu’ont les procédés sur le sens du texte. Au cours de cette plénière, tous les étudiants de la classe peuvent alimenter leur journal de bord des découvertes de leurs collègues. Les étudiants comprendront peu à peu l’importance du journal de bord qui, tel le carnet d’un détective, recense toutes les traces de la démarche qui mènera à la découverte d’une vérité du texte.

 

Activité 3 – « Comédie [et/ou] thriller ethnologique ? »


Si la disposition de la classe le permet, les étudiants sont invités à former un cercle afin de permettre une discussion en table ronde. Les étudiants doivent fournir, de façon verbale et dans un esprit coopératif, un compte-rendu de leur lecture du roman jusqu’à maintenant. La discussion les amène à nommer les différents personnages rencontrés, les liens qui les unissent et les actions ou les événements qui influencent l’évolution du récit. En fonction de ce que les étudiants mentionnent, l’enseignant prend des notes au tableau et élabore, au fur et à mesure de la discussion, une esquisse du schéma quinaire/actanciel[12] de Petroleum. Lorsque les étudiants ont nommé la plupart des idées qu’ils ont retenues de leur lecture, l’enseignant présente à la classe le schéma élaboré et, au besoin, il relance la discussion au moyen de questions et de pistes de réflexion pouvant compléter les informations. À partir de ce schéma, il est intéressant de vérifier comment évolue le « thriller ethnologique » tel qu’évoqué par la quatrième de couverture du roman. Certains éléments difficilement classables (les chapitres « 1962 », par exemple) seront analysés plus en profondeur. L’enseignant participe à la discussion au même titre que les autres étudiants et tente de trouver des hypothèses permettant d’élucider ce qui résiste à la construction du sens. Ce dernier doit toutefois orienter la discussion de sorte que la question des effets de sens soit toujours présente à l’esprit des étudiants. L’objectif de cette discussion est qu’au terme de celle-ci, les étudiants prennent conscience du potentiel polyphonique du roman, c’est-à-dire qu’au sein d’une œuvre romanesque, plusieurs genres peuvent se côtoyer et s’élaborer et que cela crée des effets de sens riches et féconds pour la construction de l’univers de l’auteure. Dans le cas de Petroleum, la polyphonie est particulièrement perceptible dans l’analyse de l’ironie qui tire avantage de la confrontation d’univers diamétralement opposés et chargés idéologiquement[13].

 

Enfin, selon la façon dont se déroulent les discussions, l’enseignant aura préparé un petit exposé portant sur la problématique de la quête de la vérité. S’il est à propos d’en parler au cours de la table ronde, cela pourra être fait afin d’activer les discussions. Autrement, cet exposé peut être une façon intéressante de conclure la présente activité[14]. Le but est de susciter la réflexion sur l’œuvre et d’inviter les étudiants à être attentifs, tout au long de leur lecture, aux signes implicites, aux nœuds ou encore aux bizarreries du texte qui les font se questionner. Il importe de ne pas ignorer ces espaces de tension, mais plutôt de tenter de les mettre à profit au même titre qu’un enquêteur n’épargne aucune piste. L’enseignant encouragera les étudiants à noter les éléments du texte qui intriguent le lecteur dans leur journal de bord et à tenter de les relier à d’autres éléments antérieurs ou qui apparaîtront en cours de lecture.

 

Activité 4 – « Jason… Mon héros… »


Cette quatrième activité a pour objectif de porter un regard microscopique sur le texte en s’intéressant à la langue employée par l’auteure. Dans un premier temps, avant de s’intéresser plus particulièrement au roman de Bessora, l’enseignant présentera des extraits cinématographiques mettant en scène des prouesses langagières de divers registres (précieux, vulgaire, humoristique, dramatique, solennel, etc.). Le cinéma apparaît comme un médium intéressant pour ce genre d’activité, puisqu’il permet d’avoir accès non seulement au propos, mais également à la tonalité. Par ailleurs, le cinéma constitue un objet culturel très motivant pour les étudiants, car, comme le souligne Jean-Marie Schaeffer, le septième art constitue aujourd’hui le moyen privilégié d’avoir accès à la fiction[15]. Les étudiants pourront donc partir de leur impression à la suite du visionnement de ces extraits afin d’observer ce qui se produit dans le texte de Bessora.

 

Dans un deuxième temps, la classe, divisée en 8 groupes de forces équivalentes[16], se verra remettre un extrait différent de Petroleum, extraits choisis par l’enseignant en raison de leur potentiel de représentativité d’un thème du roman (mythologie, pétrole, énigme policière, sexualité, etc.). La plupart des thèmes ayant été abordés avec les étudiants jusqu’à maintenant, ceux-ci auront beaucoup plus de facilité à établir des liens entre les thèmes et le sens du texte. C’est pourquoi il leur sera demandé d’observer plus précisément la façon dont l’auteure traite de ces thématiques. Ils devront tenter d’expliquer les effets de sens causés par l’emploi particulier de la langue. Par la suite, chaque équipe rejoindra une autre équipe déterminée préalablement par l’enseignant selon les extraits sur lesquels ils auront travaillé, puis ils devront rendre compte de leur analyse des extraits du roman. En s’interrogeant toujours sur les effets de sens créés par l’utilisation de la langue, ils devront analyser, en formulant des questions et des hypothèses, les raisons de l’emploi de registres langagiers variés et hétéroclites. Pendant cette période de travail coopératif, l’enseignant intègrera, à tour de rôle, les groupes de travail et il tâchera de participer aux discussions et de veiller à instaurer un esprit propice à la résolution de problème[17]. Lors d’un retour en plénière, la classe observera la diversité des registres langagiers relevés par chaque équipe. Les étudiants et l’enseignant se questionneront à savoir comment se crée le romanesque à travers le mélange des niveaux de langue. L’enseignant participera à la réflexion et sera préparé à relancer la discussion grâce à des pistes de réflexion entourant les notions de registres langagiers et de romanesque.

 

Afin de préparer les étudiants à l’activité 5, ceux-ci devront poursuivre la lecture du roman en approfondissant la question du romanesque et en s’intéressant plus particulièrement à l’instance narratrice. Spécificité du roman[18], les étudiants devront formuler des hypothèses quant au rôle de la narration dans le roman et du rapport qu’elle entretient vis-à-vis de la quête de la vérité.

 

Activité 5 – Qui parle ?


Cette activité permet de faire le point sur l’interrogation de départ qui a donné la ligne directrice à la réflexion sur Petroleum, à savoir ce qui crée le romanesque. Ainsi, les étudiants se sont exercés à interroger le texte afin d’analyser les choix de l’auteure dans la construction de son univers romanesque. Les activités précédentes ont fait appel, pour la plupart, aux connaissances antérieures des étudiants. L’enseignant pouvait intervenir afin de fournir des pistes de réflexion et d’orienter ou de réactiver les discussions. Pour ce qui est de la narration, l’enseignant sera préparé de façon à étudier cette notion avec la classe et à amener les étudiants à une analyse approfondie du roman.

 

Partant des questions et des hypothèses qu’auront formulées les étudiants lors de la lecture du roman, l’enseignant proposera une plénière visant à mettre en commun les différentes pistes de réflexion. Les étudiants chercheront à découvrir qui est l’instance narrative et surtout quel rôle elle joue dans l’intrigue du roman. L’enseignant aura préparé plusieurs extraits représentatifs de ces nœuds de sens afin de rendre compte du caractère problématique et insaisissable de la narration dans le roman. Ces extraits serviront à relancer la discussion ou à amener de nouvelles perspectives dans la réflexion collective. Par ailleurs, l’enseignant encadrera la discussion de notions théoriques si le besoin se fait sentir, notions qui permettront aux étudiants de nommer certaines réalités du roman qu’ils désirent expliciter. Ces notions théoriques auront aussi pour objectif de permettre aux étudiants d’approfondir leur analyse. Afin de permettre à tous les étudiants de participer à leur façon à la réflexion, l’enseignant aura avantage à alterner la disposition des groupes de travail, c’est-à-dire que partant d’une plénière, certains moments de la discussion pourraient se faire en groupe coopératif de 3 ou 4 étudiants, avant d’effectuer un retour en grand groupe. L’idée est de prendre conscience de l’importance que revêt la narration dans notre compréhension de l’intrigue et de permettre à tous les étudiants de la classe de bien s’approprier cette notion. Enfin, il importera de remettre en question la fiabilité de la narration par rapport au déroulement de l’intrigue policière. Peut-on croire ce qu’elle nous dit ? Où se cache la vérité ? Qui est le coupable que nous recherchons ? Devant ce flou, les étudiants  doivent retourner au texte et aux éléments d’analyse précédemment évoqués dans les autres activités afin de contrevérifier ce que cherche à nous dévoiler la narration. À travers cette activité, plusieurs notions seront mobilisées et réactivées afin d’être mises à contribution lors de l’activité suivante.

 

Après la lecture 


Activité 6 – Débat


À la suite de l’activité 5, les étudiants auront reçu la consigne de terminer la lecture du roman. Alors que toute énigme policière se conclut habituellement sur une solution univoque, les étudiants constatent que plusieurs flous persistent. L’activité proposée sera donc plus problématique que ce à quoi ils s’attendaient, puisque dans le cadre de ce débat, ils devront tenter de faire la lumière sur la quête de vérité du roman. Qui (ou quoi) est à l’origine de l’explosion du bateau pétrolier ? Alors que le roman n’a pu apporter une réponse précise à cette énigme, la lecture interprétative des étudiants doit leur permettre de prendre une position entre les deux thèses disputées dans Petroleum et qui ont été discutées lors des activités précédentes faisant appel aux thématiques de l’oeuvre.

 

La classe sera divisée en quatre sous-groupes. Deux de ces groupes reçoivent la position « Raison occidentale » alors que les deux autres se voient remettre la position  « Magie africaine ». Quinze minutes sont attribuées aux étudiants pour que ceux-ci conçoivent des arguments allant dans le sens de leur position. Par la suite, les positions similaires sont réunies pour une deuxième période de travail de quinze minutes qui leur permettra de peaufiner l’élaboration de leurs arguments.

 

Le débat prend place. Les deux positions ont dix minutes pour démontrer leur argumentaire portant sur la question : « Qui (ou quoi) est à l’origine de l’explosion du bateau pétrolier ? » Après la démonstration de chacune des équipes, l’équipe adverse dispose de 5 minutes pour faire une contre-argumentation. Enfin, le débat se clôt par une plénière d’environ 15 minutes où la classe et l’enseignant tenteront de décider de la position gagnante.

 

Enfin, le débat aura permis de faire ressortir, comme dans une sorte de bilan, les informations et les pistes de réflexion centrales du roman. À partir de cette discussion, la classe aura le privilège de rédiger la consigne de la dissertation qui consiste en la dernière activité de cette séquence didactique. L’enseignant offre la possibilité aux deux parties du débat de rédiger une consigne et les étudiants pourront choisir l’un ou l’autre des sujets pour la rédaction de leur dissertation.

 

Activité 7 – Dissertation

 

 

 

Bibliographie

 

AYLWIN, Ulric, « Le travail en équipe : pourquoi et comment ? », Pédagogie collégiale, vol. 7, n° 3, mars 1994, p. 28-32.

 

AYLWIN, Ulric, Petit guide pédagogique, Montréal, AQPC, 2011 (2000).

 

BARTHES, Roland, Critique et vérité, Paris, Seuil, 1966.

 

CORNELLIER, Louis, « Enseignement de la littérature au collégial : Et si la réussite passait par la décolonisation ? », Le Devoir, 11 février 2002, p. A7.

 

JOUVE, Vincent, La poétique du roman, Paris, Armand Collin (Campus – Analyse/Méthodes/Outils), 2001.

 

GAGNÉ, Caroline, « L’apport de la sociologie et de la sociocritique à l’enseignement de la littérature au cégep (propositions didactiques) », mémoire de maîtrise, Montréal, Université du Québec à Montréal, 2009.

 

LAGLANDE, Gérard et Marie-Josée FOURTANIER, « La question du sujet lecteur en didactique de la lecture littéraire », dans Érick Falardeau, Carole Fisher, Claude Simard et Noëlle Sorin [dir.], La didactique du français : Les voies actuelles de la recherche, Québec, Presses de l’Université Laval, 2007, p. 101-123.

 

MATHIS-MOSER, Ursula et Birgit MERTZ-BAUMGARTNER, Passages et ancrages en France, Dictionnaire des écrivains migrants de langue française (1981-2011), Paris, Honoré Champion (Dictionnaires & Références n°23), 2012.

 

MELS, Programme d’études du collégial, 2011 p. 6, [en ligne]. http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/publications/index.asp?page=fiche&id=1134

 

NKONLAK, Jules Romuald, « Ananda Devi, Bessora, Angeline Solange Bonono : l’expression “littérature féminine” ne veut rien dire », dans Quotidien Mutations (5 janvier 2007). http://www.quotidienmutations.info/mutations/64.php?subaction=showfull&id=1168010892&start_from=&ucat=64&

 

SCHAEFFER, Jean-Marie, Petite écologie des études littéraires. Pourquoi et comment étudier la littérature ?, Vincennes, Éditions Thierry Marchaisse, 2011.

 

 



[1] Ursula Mathis-Moser et Birgit Mertz-Baumgartner, Passages et ancrages en France, Dictionnaire des écrivains migrants de langue française (1981-2011), Paris, Honoré Champion (Dictionnaires & Références n°23), 2012.

[2] MELS, Programme d’études du collégial, 2011, p. 6, [en ligne]. http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/publications/index.asp?page=fiche&id=1134

[3] Louis Cornellier, « Enseignement de la littérature au collégial : Et si la réussite passait par la décolonisation ? », Le Devoir, 11 février 2002, p. A7.

[4] Suivant la pensée de Barthes, nous croyons qu’un texte comporte plusieurs vérités selon la clé choisie pour y accéder. Le pari repose donc sur la rigueur et l’honnêteté de la démarche : « toute l’objectivité du critique tiendra donc, non au choix du code, mais à la rigueur avec laquelle il appliquera à l’œuvre le modèle qu’il aura choisi. » Roland Barthes, Critique et vérité, Paris, Seuil, 1966, p. 20.

[5] Caroline Gagné, « L’apport de la sociologie et de la sociocritique à l’enseignement de la littérature au cégep (propositions didactiques) », mémoire de maîtrise, Montréal, Université du Québec à Montréal, 2009, f. 29.

[6] Gérard Laglande et Marie-Josée Fourtanier, « La question du sujet lecteur en didactique de la lecture littéraire », dans Érick Falardeau, Carole Fisher, Claude Simard et Noëlle Sorin [dir.], La didactique du français : Les voies actuelles de la recherche, Québec, Presses de l’Université Laval, 2007, p. 101-123.

[7] Ibid., p. 105.

[8] Cité par Caroline Gagné, « L’apport de la sociologie et de la sociocritique à l’enseignement de la littérature au cégep (propositions didactiques) », op. cit., f. 17.

[9] Jules Romuald Nkonlak, « Ananda Devi, Bessora, Angeline Solange Bonono : l’expression “littérature féminine” ne veut rien dire », dans Quotidien Mutations (5 janvier 2007). http://www.quotidienmutations.info/mutations/64.php?subaction=showfull&id=1168010892&start_from=&ucat=64& [site consulté le 15 février 2011].

[10] « Dans tous les cas, l’enseignant doit éviter le piège soulevé par Falardeau selon lequel ces connaissances ne sont enseignées que dans un but encyclopédique. Elles se doivent de contribuer efficacement à la construction du sens de l’œuvre, d’occuper une part non négligeable du travail d’interprétation. » Caroline Gagné, « L’apport de la sociologie et de la sociocritique à l’enseignement de la littérature au cégep (propositions didactiques) », op. cit., f. 24.

[11] Le principe du puzzle constitue une activité motivante et intéressante sur le plan intellectuel dans le cadre d’une activité d’apprentissage coopératif, puisqu’elle permet aux étudiants de travailler avec des collègues qui ne sont pas sélectionnés sur la base de critères socioaffectifs, mais selon un principe aléatoire. Les qualités intellectuelles des étudiants sont donc plus fortement mises à contribution étant donné le sentiment d’interdépendance positive ainsi développé. Ulric Aylwin, « Le travail en équipe : pourquoi et comment ? », Pédagogie collégiale, vol. 7, n° 3, mars 1994, p. 29.

[12] Vincent Jouve, dans le chapitre 3 de son ouvrage La poétique du roman, démontre la complémentarité d’une approche sémiotique alliant l’analyse de l’intrigue et des personnages. Vincent Jouve, La poétique du roman, Paris, Armand Collin (Campus – Analyse/Méthodes/Outils), 2001, p. 45.

[13] Vincent Jouve, La poétique du roman, op. cit., p. 84.

[14] Ulric Aylwin précise que l’exposé magistral est efficace dans la mesure où il est réservé « à des contenus qui requièrent notre compétence spécifique ». Ainsi, dans ce cas-ci, l’enseignant procèdera à un exposé dans la mesure où il croit que cela constituera un apport intellectuel essentiel aux étudiants et que cela leur permettra de dépasser leur niveau d’interprétation actuel du texte. Ulric Aylwin, Petit guide pédagogique, Montréal, AQPC, 2011 (2000), p. 42.

[15] Jean-Marie Schaeffer, Petite écologie des études littéraires. Pourquoi et comment étudier la littérature ?, Vincennes, Éditions Thierry Marchaisse, 2011, p. 6.

[16] Ulric Aylwin, « Le travail en équipe : pourquoi et comment ? », art. cit., p. 28.

[17] « Il est bon de rappeler aussi que le professeur désireux d’utiliser une forme quelconque de travail en équipe peut se situer n’importe où sur le continuum qui va de la simple entraide occasionnelle entre élèves jusqu’à un modèle sophistiqué d’apprentissage coopératif. » Ulric Aylwin, « Le travail en équipe : pourquoi et comment ? », art. cit., p. 32. Dans ce cas-ci, l’enseignant cherche à adopter la posture d’un étudiant tentant de résoudre un problème sociocognitif. Agissant à titre de modèle, il contribue à s’assurer d’une bonne participation des étudiants et il encourage les étudiants à dépasser les analyses de premier niveau.

[18] Jouve définit la narration comme « le geste fondateur du récit qui décide de la façon dont l’histoire est racontée », Vincent Jouve, La poétique du roman, op. cit., p. 23. 


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