Pertinence de l’œuvre choisie
Notre choix s’est arrêté sur cette œuvre, car elle traite d’un sujet déjà connu par les élèves, celui de la religion catholique. La qualité de ce roman repose sur le fait que Schmitt a étudié les textes des Évangiles et qu’il présente des hypothèses nouvelles, audacieuses et crédibles à propos d’histoires racontées des milliers de fois : celles qui portent sur la vie de Jésus. Cela permettra ainsi d’amener les élèves à accéder à une œuvre universelle souvent méconnue : La Bible. Par l’entremise du roman de Schmitt, nous voudrions que les élèves remettent en perspective la religion et qu’ils construisent une réflexion sur ce sujet qui est à la base de la société occidentale. Les élèves de cinquième secondaire sont les mieux outillés pour lire et travailler le contenu de L’Évangile selon Pilate, car ils sont dotés d’une plus grande maturité intellectuelle.
Les problèmes de lecture
- Amener les élèves à aller au-delà de leurs idées préconçues par rapport à la religion.
- Comprendre la notion de point de vue.
- Comprendre et approfondir ce qui oppose la foi à la raison.
PRÉSENTATION DE LA SÉQUENCE DIDACTIQUE
Activité 1 : Activité d’écriture (préparation à la lecture)
L’activité qui suit a comme objectif de faire acquérir aux élèves la notion de point de vue afin de les préparer à la lecture du roman. Pour ce faire, ils assistent à un sketch. Cette petite mise en scène doit contenir un personnage héroïque marqué (Ulysse, D’Artagnan, Cyrano, etc.) et quelques personnages secondaires. À la suite de ce sketch, les élèves écrivent un texte de 500 mots qui a pour consigne principale : « Racontez ce que vous avez vu selon le point de vue narratif qui vous est imposé ». Voici les points de vue : un narrateur « il » (témoin de la scène), un narrateur « je » (héros) et un narrateur « il » (omniscient). Chaque narrateur raconte ce qui arrive au héros. Une fois le texte terminé, les élèves composent des équipes hétérogènes et lisent à tour de rôle leur texte, afin de comparer les différentes manières de raconter la même histoire. Les élèves réalisent qu’un même événement peut être raconté de plusieurs façons (selon plusieurs points de vue). La notion de point de vue est maintenant introduite.
Activité 2 : Le questionnaire d’activation des connaissances1
Cette activité a pour objectif d’amener les élèves à se rendre compte qu’ils ont certaines connaissances sur la religion catholique et qu’elles sont empreintes de jugements de valeur.
Questionnaire
Selon vous, qui est Jésus? Qu’est-ce que l’Évangile? Quelles sont les valeurs véhiculées par la religion catholique? Où se situe la Palestine? Qui est Ponce Pilate? Qu’évoque la résurrection? Quelles sont les différences entre la religion juive et la religion catholique? Qu’est-ce qu’une religion? Qu’est-ce que croire?
Par la suite, ils mettent en commun leurs réponses et leurs connaissances. De cette façon, l’enseignant voit de quelles manières les élèves réagissent par rapport à la religion. À partir des idées préconçues des élèves sur la religion, l’enseignant leur présente La Bible. Il est important qu’il la présente non seulement comme un livre religieux et sacré, mais aussi comme une grande histoire plaisante à lire et à raconter, agissant aussi à titre de référence historique. Afin de préparer les élèves, l’enseignant leur lit quelques extraits de La Bible présents dans la première partie de L’Évangile selon Pilate (les noces de Cana, la multiplication des pains, la résurrection de Lazare, la dernière cène, etc.). Lors de leur lecture, les élèves sont en mesure de comparer la façon dont ces événements ont été racontés dans La Bible et dans le roman de Schmitt. La notion de point de vue apprise dans l’activité 1 est donc réinvestie et actualisée. Les élèves sont ainsi préparés à lire la première partie de l’œuvre.
* Les élèves doivent commencer à lire la première partie. Un maximum d’une semaine doit être prévu.
Activité 3 : Visionnage du film Jésus de Nazareth du réalisateur Franco Zeffirelli
Après avoir fait la lecture de la première partie de l’œuvre, les élèves visionnent quelques scènes ciblées du film Jésus de Nazareth (les mêmes que celles qu’ils ont lues dans La Bible et dans le roman). Au cours du visionnage, les élèves doivent répondre à des questions qui leur feront prendre conscience de la différence de point de vue qui existe entre le film, le roman et La Bible.
Questionnaire
Qui raconte l’histoire? Comment l’histoire est-elle racontée? Selon vous, quelle est l’intention de réalisation de Zeffirelli? Quelles sont les différentes interprétations du même événement (par exemple, la multiplication des pains) dans le film, le roman et La Bible? Faites cette différenciation pour au moins trois événements. Y a-t-il des ressemblances entre les interprétations? Selon vous, en comparant l’intention de réalisation de Zeffirelli, quelle est l’intention d’écriture d’Éric-Emmanuel Schmitt et quelle est celle des évangélistes. En d’autres mots, pourquoi décident-ils de raconter l’histoire de Jésus de la façon qu’ils ont choisie ?
Ensuite, les élèves se regroupent en équipe et confrontent leurs idées par rapport aux questions précédentes. Les discussions guidées par l’enseignant les amènent à rendre compte, d’une part, qu’il y a plus d’une manière de raconter la même histoire et, d’autre part, que cette façon de raconter cache une intention. Par cette activité, les élèves s’approprient la notion de point de vue.
* Les élèves doivent commencer à lire la deuxième partie. Un maximum de deux semaines doit être prévu.
Activité 4 : La préparation à la lecture de la deuxième partie du roman.
Afin de préparer les élèves à la lecture de la deuxième partie du roman L’Évangile selon Pilate, les élèves participent à une activité d’anticipation à la lecture. Pour ce faire, ils analysent la quatrième de couverture de l’œuvre (Éditions Albin Michel, collection Le Livre de Poche, 2000). En équipe, ils répondent à quelques questions qui leur permettent d’anticiper à quel genre de roman correspond la deuxième partie de L’Évangile selon Pilate :
1) Construisez le champ lexical du résumé de l’œuvre. (« Sherlock », « enquête », « cadavre », « Affaire Jésus »)
2) À partir du champ lexical, quel est, selon vous, le genre de la deuxième partie du roman? (roman policier ou polar)
3) À partir de la réponse obtenue à la question 2, quels sont, selon vous, les éléments qui feront partie de l’histoire racontée? (une enquête, un meurtre, des indices, un détective, etc.)
4) Qui est l’enquêteur? (Ponce Pilate)
5) Que connaissez-vous de ce personnage historique? (réponses ouvertes)
Pour s’assurer que les élèves soient bien préparés à lire la deuxième partie, l’enseignant leur présente le genre roman policier. Ensuite, il trace le portrait de Ponce Pilate : son poste de préfet, ses fonctions, son rôle dans La Bible, etc. Il lit aux élèves le passage de La Bible qui relate les actions de Pilate (condamnation de Jésus, « Je m’en lave les mains »). Il est important que les élèves constatent que le rôle qu’occupe Pilate dans La Bible est effacé en comparaison à celui que lui donne Schmitt dans L’Évangile selon Pilate. Ainsi, ils comprendront que le point de vue de Pilate est une création de l’auteur Éric-Emmanuel Schmitt.
Activité 5 : Journal de lecture2
L’objectif de cette activité est d’amener les élèves à saisir la rationalité obstinée de Pilate. La lecture de l’œuvre terminée, les élèves trouvent, en équipe, les six hypothèses émises par Pilate afin de résoudre le mystère de la résurrection de Yéchoua : le vol du corps par les disciples, la conspiration de Yoseph d’Arimathie, la conspiration de Caïphe, la conspiration d’Hérode, le double, le sosie (Yohânan), la mort impossible et trop rapide de Yéchoua sur la croix.
Le journal de lecture est un moyen par lequel les élèves font part de leurs idées et de leurs réflexions à l’enseignant et à leurs pairs. Leurs perceptions se raffinent par la confrontation avec les pairs et elles se structurent par les commentaires de l’enseignant. Les élèves répondent, dans leur journal, à la question suivante : Que se passe-t-il à la fin de chacune des hypothèses proposées par Pilate? La réponse attendue doit expliquer que toutes les hypothèses de Pilate se révèlent fausses, et ce, malgré leur logique. Les élèves comprennent alors que le même scénario se répète tout au long de l’enquête. À partir de ce constat, l’enseignant explique aux élèves que l’obstination de Pilate à résoudre l’énigme entourant la disparition du corps de Yéchoua est due au fait que le préfet romain est un être très rationnel. Pour bien faire comprendre aux élèves ce qu’est la raison, l’enseignant leur présente l’extrait tiré de L’Encyclopédie de l’Agora (http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Raison).
L’enseignant termine l’activité en posant la question suivante aux élèves : pourquoi Pilate s’acharne-t-il autant à trouver une raison logique au mystère de la résurrection? En s’inspirant de l’extrait présenté et des explications de l’enseignant, les élèves sont en mesure de répondre à la question posée. Ils sont maintenant prêts à réfléchir sur l’opposition qui existe entre la foi et la raison.
Activité 6 : Raison vs foi (la symbolique des personnages)
À travers les dernières activités, les élèves ont été amenés à comprendre le sens de ce qu’est la raison. L’activité 6 a pour but de leur montrer, par l’entremise des personnages de Claudia et de Pilate, l’opposition qui existe entre la raison et la foi dans l’œuvre de Schmitt. Pour ce faire, les élèves sont d’abord amenés à comprendre que certains personnages, en plus de jouer un rôle dans une histoire, peuvent être des symboles représentant différents thèmes. Afin qu’ils s’approprient le symbolisme qui se dégage des personnages, l’enseignant présente l’une des célèbres fables de Jean de la Fontaine : La cigale et la fourmi. Après avoir lu ce texte, les élèves trouvent, en équipe, ce que représentent la cigale et la fourmi :
- la cigale : la paresse et l’insouciance.
- la fourmi : le travail et la prévenance.
Les élèves transfèrent cette notion à l’intérieur du roman L’Évangile selon Pilate. L’enseignant leur demande de trouver un personnage qui s’oppose à Pilate, donc un personnage qui s’oppose à la raison. Pour ce faire, l’enseignant discute avec les élèves sur ce que peut être l’antipode de la raison : la foi. Il leur demande ensuite de trouver le personnage qui symbolise la foi : Claudia. Ils doivent trouver un passage tiré du roman qui montre l’opposition entre la foi et la raison symbolisée par ces deux personnages. En voici quelques exemples :
- Claudia (foi) : « Il nous reste à attendre ce que, par sa mort, il veut nous dire. » (p.108)
- Pilate (raison) : « J’avais envie de lui répliquer que la mort n’est que la mort, qu’on ne signifie rien par sa mort mais qu’on la subit, et qu’elle ne trouverait jamais d’autres sens à la mort de son magicien que la cessation de la vie. » (p.108)
- Claudia (foi) : « Nous sommes disposés à tout croire, surtout l’incroyable, dit Claudia. » (p.137)
Par cette activité, les élèves perçoivent maintenant la confrontation des thèmes de la raison et de la foi qui est véhiculée à travers le roman.
Activité 7 : Écriture3
Cette dernière activité a comme objectif d’amener les élèves à approfondir leur réflexion sur ce qui oppose la foi à la raison. L’activité débute par la lecture de la dernière page du roman. Comme la toute dernière phrase du roman est une question, la fin est ouverte. En équipe, les élèves font un remue-méninges sur les réactions possibles de Pilate à la question que lui pose sa femme Claudia : « Alors, peut-être est-ce toi le premier chrétien? » Par la suite, les élèves se mettent dans la peau de Pilate et doivent rédiger une lettre qui répond à la question. Ils ont le choix de répondre par l’affirmative ou par la négative. Pour faire suite au roman, la lettre doit s’adresser à Titus, le frère de Pilate. Elle doit rendre compte de l’évolution psychologique et spirituelle de Pilate ainsi que de son caractère rationnel. Cette activité permet aux élèves de construire une réflexion sur la foi, la raison et sur ce que signifie croire. Ainsi, par l’écriture de cette lettre, les élèves font part de ce que la lecture du roman L’Évangile selon Pilate leur a apporté.
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1 Érick Falardeau, « Pistes d’entrée en littérature ou en lecture ? », Enjeux, no 58, déc. 2003, p. 83-94.
2 Monique Lebrun, « Un outil d’approbation du texte littéraire : le journal dialogué », dans Pour une lecture littéraire II. Acte du colloque de Louvain-la-Neuve, 1995, Bruxelles, De Boeck-Duculot, p. 272 à 278.
3 Il nous apparaît essentiel de terminer la séquence par une activité d’écriture puisque comme le mentionne Vygotsky, l’écrit permet de formaliser la pensée et favorise la conceptualisation.