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Une saison dans la vie d'Emmanuel

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Une saison dans la vie d'Emmanuel
BLAIS, Marie-Claire
Par Olivier Blanchette


Nationalité de l'auteur : Québécoise
Genre : Roman
Courant :
Siècle : 20e siècle
Groupe d'âge visé : Collégial
Auteur de la séquence : Olivier Blanchette
Date du dépôt : Automne 2003


Une saison dans la vie d’Emmanuel, de Marie-Claire Blais, nous apparaît comme une œuvre particulièrement intéressante à travailler avec des élèves du cours de Littérature québécoise. L’œuvre étant relativement complexe, sa lecture constitue un beau défi que les élèves, croyons-nous, aurons beaucoup de plaisir à relever.

Reste à déterminer comment nous pouvons nous y prendre pour l’enseigner. L’intérêt de ce roman « vient à la fois de la critique sociale et de l’originalité des procédés discursifs 1». Mais il faut être apte à lire cette critique sociale, assez attentif et outillé pour comprendre ces procédés discursifs, pour voir cet intérêt. Notre travail s’articulera donc autour de deux situations-problèmes. La première relève de la sociocritique, la seconde, de la narratologie. La première met en lumière l’opposition constante, dans le livre, entre tradition et modernité ; par la seconde, nous chercherons à attirer l’attention des élèves sur la polyphonie du roman.

Nous consacrerons deux séances, avant la lecture, à préparer les élèves à cette activité. Nous nous intéresserons tout d’abord à quelques indices paratextuels, et principalement au titre du roman. Ici, nous voulons surtout insister sur la référence biblique à laquelle renvoie le prénom d’Emmanuel. Il est important de savoir que ce prénom veut dire « sauveur », « rédempteur », et d’amener les élèves à se questionner sur cet archétype. Pourquoi ne pas discuter en grand groupe et essayer de prévoir comment cette figure de sauveur pourrait s’inscrire dans le texte ? Et si l’on parle d’un sauveur, c’est qu’il y a danger. Lequel ? Cet exercice aura un double mérite : il forcera les élèves à anticiper sur le roman et contribuera, en quelque sorte, à brouiller leur lecture. Ainsi, ils devront réfléchir en cours de lecture sur cette figure de sauveur et essayer de comprendre en quoi le bébé annonce une rédemption.

Avant d’en arriver au texte, il importe encore de bien définir les concepts autour desquels tournent nos situations-problèmes. Pour bien situer la notion de tradition à laquelle renvoie le premier problème de lecture soulevé, nous présenterons aux élèves un extrait de Maria Chapdelaine – l’épisode des voix. Les élèves auront à identifier les adjectifs et verbes qui se rapportent à l’homme canadien-français. Cela devrait leur permettre de se construire une image relativement juste de l’homme traditionnel qui a longtemps peuplé notre roman, image à laquelle Marie-Claire Blais renvoie.

Nous commencerons ensuite la lecture du livre en classe. Nous lirons tout d’abord avec eux le premier paragraphe, dans lequel la Grand-Mère Antoinette est décrite du point de vue d’Emmanuel. L’enseignant doit amener les élèves à réfléchir à la position de focalisateur d’Emmanuel et à l’opposition du bébé et de la grand-mère – de la modernité et de la tradition.

Avant la lecture, toujours, nous analyserons en classe un extrait du roman qui se trouve aux pages 49 à 51. Dans cet extrait, Jean Le Maigre entreprend d’écrire un épisode pendant lequel lui et son frère le Septième ont surpris leur sœur Héloïse, la sainte de la famille, en train de se masturber. L’opposition des référents religieux et sexuels dans cet extrait permet d’insister sur le rapport qui existe entre tradition et modernité. Les élèves auront à identifier en équipes les thèmes présents dans cet extrait et à expliciter les liens qui existent entre eux.

Pendant la lecture (pour laquelle nous laisserons environ deux semaines), les élèves auront à poursuivre cette analyse des thèmes. Ils devront identifier deux courts passages du roman dans lesquels on retrouve une opposition similaire à celle entre la sexualité et la religion dans l’extrait étudié.

Les élèves auront également à rédiger un journal de lecture. Ils devront y noter les sentiments que le texte leur inspire. Nous diviserons le texte en trois parties 2. Pour chaque cours, les élèves auront à lire les pages identifiées et à écrire un texte d’une demie page. L’enseignant répondra à un certain nombre de textes ; les élèves pourront également commenter leurs textes entre eux. Ces réponses devraient stimuler la lecture et forcer les élèves à se questionner davantage en tant que lecteur et interprétant.

Pendant ce temps, en classe, nous chercherons à comprendre l’importance de ce roman dans le champ de la littérature québécoise. Nous présenterons aux élèves le documentaire «Marie-Claire Blais : le feu sous la cendre 3» qui montre bien l’impact du Médicis et du critique Edmund Wilson sur la consécration et la légitimation de l’œuvre de Blais. Nous lirons également un article de Jean Basile4 qui parle des impacts du prix Médicis pour Blais, mais aussi pour l’ensemble des créateurs québécois. Nous discuterons en grand groupe de l’importance de la réception dans la consécration littéraire.

En classe, après que les élèves aient lu Une saison, nous reviendrons, pendant deux ou trois séances, sur les deux problèmes de lecture identifiés au début de la séquence. Les élèves devront d’abord discuter, en équipes de trois, des extraits qu’ils auront identifiés dans l’optique d’une opposition entre tradition et modernité. Ils devront défendre et justifier leurs choix.

De plus, il est nécessaire de faire un retour en grand groupe. Chaque équipe doit alors présenter un extrait qu’elle a identifié. À partir de ces exemples, l’enseignant peut revenir avec un exposé un peu plus magistral sur l’opposition entre tradition et modernité.

Dans la dernière séance de cours consacrée à Une saison, nous demanderons aux élèves de travailler en équipes de deux. Ils devront composer une courte scène de théâtre dans laquelle quatre personnages du roman apparaîtront (à savoir Grand-Mère Antoinette, Jean Le Maigre, la mère et le père). La scène ne fera pas plus d’une page. Afin de parvenir à accomplir cette tâche, les élèves devront retourner au texte, se questionner sur les rapports qui existent entre chacun de ces personnages, et chercher à comprendre leur rapport à la parole 5. La grille de correction de ce travail pourra se faire en grand groupe après l’activité, et la correction des textes, par d’autres dyades.

Nous demanderons finalement aux élèves d’écrire une sorte de morale qui pourrait s’insérer à la fin du roman. Il s’agira pour eux de résumer, dans un texte bref, ce qu’ils retiennent du roman. Par cet exercice, nous chercherons à nous assurer que les élèves ont bien franchi ce pas nécessaire qui mène de la compréhension à l’interprétation. Après les avoir laissé travailler un certain temps, nous proposerons aux élèves la conclusion d’un critique de l’époque 6. Les élèves devront se positionner par rapport à cette lecture. L’exercice permettra à chacun d’élaborer sa propre interprétation, qu’il devra cependant pouvoir justifier.

Nous reconnaissons que le projet que nous venons d’élaborer est ambitieux. Cependant, chacun des exercices que nous avons présentés nous apparaît essentiel, afin d’amener l’élève à approfondir son travail de lecteur et d’interprétant. C’est à nous, comme enseignant, de le guider dans cette voie. Et, pour y parvenir, l’œuvre de Blais représente un défi tout indiqué.

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1 Élaine D. Cancalon, «Une saison dans la vie d’Emmanuel : le discours du conte», Voix et images, vol. 43 (automne 1989), p. 102.
2 Nous suggérons cette division : première partie, chapitres 1 à 3 ; deuxième partie, chapitre 4 ; troisième partie, chapitres 5 à 7.
3 Claude Godbout, coll. «Profession écrivain», Productions Prisma, 1983, 26 minutes.
4 «Après l’attribution du Médicis à Marie-Claire Blais. Autopsie d’un prix», Le Devoir (3 décembre 1966), p. 13.
5 La Grand-Mère incarne la tradition orale, le père, la parole autoritaire, la mère, le silence et Jean Le Maigre, la transgression.
6 «C’est l’hiver qu’elle a voulu nous faire sentir. Un hiver moral, hiver physique, la misère matérielle, la prison du gel et des préjugés. Un hiver qui rend l’âme inquiète et qui laisse transparaître une vision du monde où la fatalité qui fond sur chacun, a de quoi rendre triste et désolé.» (Jean-Pierre Labbé, «Marie-Claire Blais», Campus estrien, numéro spécial (avril 1968), p. 10.)


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