Contenu et objectifs du cours
L’objectif général du cours Écriture et littérature (601-101-MQ) est d’amener l’étudiant à « analyser des textes littéraires » de courants et de genres variés, de façon à stimuler son imagination, à aiguiser sa sensibilité et à élargir ses connaissances dans les domaines littéraire et culturel. Ce cours vise aussi à développer chez l’étudiant des méthodes de travail personnelles, une maitrise de la langue et des règles de base du discours explicatif afin de lui permettre de s’exprimer oralement et par écrit de manière efficace.
Énoncé de la compétence
Analyser des textes littéraires
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Éléments de la compétence
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Reconnaitre le propos du texte.
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Repérer et classer des thèmes et des procédés stylistiques.
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Choisir les éléments d’analyse.
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Élaborer un plan de rédaction.
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Rédiger une analyse littéraire, un commentaire composé ou une explication de textes.
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Réviser et corriger le texte.
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Séquence 1 (Semaines 1 et 2)
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Œuvre
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Le passe-muraille de Marcel Aymé. Étude du genre narratif.
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Semaine 1
Séance 1 et séance 2 (100 min. / séance)
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Lecture
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Séance 1
- Brève présentation de l’auteur et du contexte sociohistorique de l’œuvre.
Étude des caractéristiques de la narration.
- Récit à la première ou à la troisième personne.
- Le point de vue narratif (externe, interne, omniscient).
- Exposé magistral à travers l’analyse d’extraits du Passe-muraille.
- Atelier en équipe de deux. Un tableau qui regroupe les éléments de la narration est distribué à chaque équipe. Les étudiants analysent la nouvelle Les Sabines en complétant le tableau. Retour en plénière.
Séance 2
Étude des caractéristiques de l’intrigue
- L’ordre (l'enchâssement, le retour en arrière, le déroulement de l'histoire, l'anticipation).
- La durée des événements (le sommaire, l’ellipse, la scène).
- Révision du schéma narratif et du schéma actanciel.
- Exposé magistral à travers l’analyse d’extraits du Passe-muraille.
- Atelier en équipe de deux. Un tableau qui regroupe les éléments de l’intrigue est distribué à chaque équipe. Les étudiants analysent la nouvelle Les Sabines en complétant le tableau. Retour en plénière.
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Écriture
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Séance 2.
- Explication et remise des consignes pour la rédaction d’une nouvelle de deux pages.
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Semaine 2
Séance 3 et séance 4 (100 min. / séance)
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Lecture
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Séance 3.
Étude des caractéristiques du genre de la nouvelle.
- Récit bref, publication en recueil.
- Un seul sujet. L’action est concentrée et l’intensité dramatique est forte.
- Peu de personnages, l’action est centrée sur un personnage principal.
- Activité de modelage à partir de la nouvelle éponyme.
Étude des personnages.
- Le caractère du personnage et ses caractéristiques physiques.
- Le rôle qu’il joue dans l’intrigue.
- En équipe de quatre, les étudiants identifient les caractéristiques sur le physique, la psychologie, les gestes et les actions du personnage qu’ils ont choisi dans le Passe-muraille.
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Écriture
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Séance 4.
- Terminer la rédaction de la nouvelle (50 min.).
- Distribution d’une grille de correction.
- Révision et correction de la nouvelle par les pairs. En équipe de deux, les étudiants révisent le texte de leur collègue selon les critères de la grille de correction. Chacun corrige ensuite son texte.
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Langue
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Séance 4.
- Présentation d’une méthode de correction.
- Révision et correction du texte par les pairs.
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Séquence 2 (Semaines 3 à 6)
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Œuvre
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Les Muses orphelines de Michel-Marc Bouchard. Étude du genre dramatique.
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Semaine 1
Séance 1 et Séance 2 (100 min. /séance)
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Lecture
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Séance 1
- Comprendre le double univers du genre dramatique : le texte et le jeu.
- Identifier et comprendre les fonctions des didascalies.
- Lecture d’un extrait de Huis clos de Jean-Paul Sartre et le visionner dans une mise en scène de Roxane Revon (2013).
- Les étudiants identifient les didascalies fonctionnelles et expressives dans le texte et dans la mise en scène.
Séance 2
- Comprendre la progression de l’intrigue à travers le dialogue.
- Reconnaitre les différentes formes du discours (monologue et dialogue).
- Analyse d’une scène des Muses orphelines : identifier les formes du discours, les rapports de force entre les personnages, les affrontements de point de vue, les explications indispensables à l’intrigue.
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Écriture
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Séance 2
- Écriture d’un dialogue d’une scène de rupture amoureuse entre deux personnages.
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Semaine 2
Séance 3 et Séance 4 (100 min. /séance)
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Lecture
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Séance 3
- Analyse des thèmes de la cellule familiale, de la figure maternelle disparue et de la vengeance à travers différents extraits sélectionnés par l’enseignant dans Les Muses orphelines.
- Activité de modelage. Lecture du premier acte à voix haute par l’enseignant qui incarne le lecteur expert pour identifier les thèmes.
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Écriture
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Séance 3. Remise de l’énoncé de rédaction. En travail préparatoire, les étudiants formulent trois à quatre idées liées au sujet proposé pour la prochaine séance.
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Oral
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Séance 4
- Table ronde. La classe est divisée en deux groupes. Les étudiants discutent de leurs idées liées à l’énoncé de rédaction.
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Semaine 3
Séance 5 et Séance 6 (100 min. /séance)
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Écriture
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Séance 5
- Exposé magistral. Présentation de la structure et du contenu de l’analyse littéraire : introduction et développement.
- Examiner la structure d’une analyse littéraire modèle.
- Exemples de sujets amenés non pertinents.
Séance 6
- Exposé magistral. Suite de la présentation de la structure et du contenu de l’analyse littéraire : développement et conclusion.
- Examiner la structure d’une analyse littéraire modèle.
- Exemples d’ouvertures non pertinentes.
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Semaine 4
Séance 7 et Séance 8 (100 min. /séance)
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Écriture
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Séance 7
- Élaborer un plan de rédaction.
- Rédiger l’introduction.
Séance 8
- Rédiger le développement et la conclusion.
- Terminer la rédaction à la maison.
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Langue
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Révision et correction à la maison. Méthode de correction présentée à la séance 4 de la séquence 1.
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Séquence 3 (Semaines 7 à 10)
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Œuvre
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Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire. Étude du genre poétique.
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Semaine 1
Séance 1 et Séance 2 (100 min. /séance)
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Lecture
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Séance 1
- Présentation du romantisme et du dandysme et mise en contexte avec l’époque.
- Exposé magistral sur les caractéristiques du romantisme.
- Visionnement d’un extrait significatif du film Raphaël ou le débauché (1971) pour illustrer le dandysme
- Identification en grand groupe du champ lexical du dandysme dans la lecture d’un extrait des Fleurs du mal.
Séance 2
- Étude de la nature et de la mesure des vers.
- Identification de la nature et de la mesure de vers de grands poèmes de différentes époques dont la nature et la mesure des vers varient.
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Écriture
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Séance 2
- Donner un thème stimulant aux étudiants et les répartir en équipes : chaque équipe doit composer un poème dont la nature et la mesure des vers sont déterminées par l’enseignant.
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Oral
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Séance 2
- Récitation des poèmes. L’enseignant demande aux étudiants de se prononcer sur l’impression dégagée par l’écoute de chaque poème.
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Semaine 2
Séance 3 et Séance 4 (100 min. /séance)
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Lecture
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Séance 3
Étude du rythme dans le poème (les accents et les pauses, les différents rythmes de l'alexandrin, l'enjambement).
- Présentation des diverses caractéristiques rythmiques du poème à l’aide d’exemples tirés de poèmes célèbres.
- Identification en équipes des caractéristiques rythmiques du poème à travers des poèmes sélectionnés des Fleurs du mal et comparaison avec les caractéristiques rythmiques observées dans un poème contemporain (« Sentinelle-onde », de Claude Gauvreau). Mise en commun.
Séance 4
Étude des sonorités dans le poème (la rime (qualité, genre), la disposition, les allitérations et les assonances).
- Écoute d’un slam de poésie, puis lecture de celui-ci et identification en grand groupe des caractéristiques de la sonorité.
- Écoute de la chanson Spleen et Montréal de Loco Locasse, puis lecture de celle-ci et identification en grand groupe des caractéristiques de la sonorité.
- Lecture de poèmes des Fleurs du mal et identification des caractéristiques de la sonorité.
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Semaine 3
Séance 5 et Séance 6 (100 min. /séance)
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Lecture
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Séance 5
Étude des images (la comparaison, la métaphore, la personnification, la métonymie).
- Présentation d’exemples d’images poétiques issus de poèmes renommés.
- Identification en équipes d’images présentes dans certains poèmes sélectionnés des Fleurs du mal et mise en commun.
- La synonymie et des cooccurrences : présentation de ces notions et exemplification à l’aide d’Antidote.
Séance 6
Étude des formes du poème
- Présentation de poèmes de formes diverses (sonnet, rondeau, ballade, ode).
- Identification en équipes de la forme de grands poèmes d’époques variées et mise en commun des résultats.
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Écriture
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Séance 6
- Écriture d’une strophe selon la forme du sonnet; celle-ci doit comprendre deux images différentes.
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Semaine 4
Séance 7 et Séance 8 (100 min. /séance)
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Écriture
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Séance 7
- Écriture d’un poème qui doit reproduire certaines caractéristiques du genre (soit la sonorité, le rythme ou les deux) et doit comprendre un nombre minimal de figures de style. Le poème est à remettre la semaine suivante.
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Lecture
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Séance 8
Lecture des créations poétiques en sous-groupes avec commentaires constructifs destinés à bonifier les travaux de chacun en vue de la rédaction finale à faire à la maison et à remettre à la prochaine séance.
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Oral
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Chaque étudiant récite son poème à haute voix, puis ses coéquipiers en font la lecture.
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Langue
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Utiliser la méthode de correction remise à la séquence 1 pour réviser et corriger le texte.
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Séquence 4 (Semaines 11 à 15)
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Œuvre
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Dom Juan de Molière. Analyse thématique.
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Semaine 1
Séance 1 et Séance 2 (100 min. /séance)
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Lecture
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Séance 1
- Portrait de l’auteur et des principaux thèmes traités dans ses œuvres : mythe du Dom Juan, le registre satirique, l’hypocrisie, le registre comique.
- Exposé magistral appuyé par des extraits du film Molière, de Laurent Tirard.
Séance 2
- Portrait du contexte socioculturel de l’époque (classicisme, ambition d’une langue pure, les Belles Lettres).
- En équipes, les étudiants associent des citations sélectionnées dans les œuvres de Molière à ces thèmes.
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Écriture
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Séance 2
- Rédaction individuelle d’un poème d’une strophe dans lequel l’étudiant fait ressortir un ou des thèmes traités précédemment.
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Oral
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Séance 2
- Récitation du poème par l’étudiant. Les autres identifient le ou les thèmes qui y sont inscrits.
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Semaine 2
Séance 3 et Séance 4 (100 min. /séance)
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Lecture
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Séance 3
- Présentation du thème du libertinage; exemplification à l’aide d’un extrait des Précieuses ridicules.
- Lecture d’un extrait des Précieuses ridicules et identification du champ lexical du libertinage.
Séance 4
- Présentation du thème de la satire; exemplification à l’aide d’extraits de Satire première et du Roman comique.
- Lecture d’un extrait de Satire première, de Théophile de Viau et d’un extrait significatif du Roman comique, de Scarron; identification des idées satiriques présentes dans ces textes en équipes.
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Écriture
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Séance 4
- Écriture en équipes d’un article d’anthologie de littérature sur la satire à partir d’un modèle d’article d’anthologie de littérature sur le thème de l’hypocrisie au 17e siècle.
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Semaine 3
Séance 5 et Séance 6 (100 min. /séance)
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Lecture
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Séance 5
- Présentation du thème de l’ironie à l’aide d’exemples tirés de Dom Juan et de la définition qu’en fait Voltaire dans le Dictionnaire philosophique.
Séance 6
- Retour sur les anthologies.
- Repérage dans Dom Juan des caractéristiques comiques des personnages liées au libertinage et association avec un ou des procédés comiques utilisés par l’auteur (satire, ironie).
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Semaine 4
Séance 7 et Séance 8 (100 min. /séance)
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Écriture
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Séance 7
- Rédaction du plan de l’analyse littéraire : l’étudiant devra intégrer les caractéristiques de deux des grands thèmes analysés durant la séquence (le libertinage, la satire et l’ironie).
Séance 8
- Révision par l’enseignant des plans en rencontres individuelles. L’enseignant devra prévoir des heures de disponibilité en dehors du cours afin de prendre le temps de rencontrer tous les étudiants.
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Semaine 5
Séance 9 et Séance 10 (100 min. /séance)
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Écriture
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Séances 9 et 10
- Rédaction de l’analyse littéraire de 700 mots sur Dom Juan à partir du plan d’analyse rédigé précédemment.
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Langue
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Utiliser la méthode de correction remise à la séquence 1 pour réviser et corriger le texte.
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Calendrier des activités d’évaluation
- Écriture d’une nouvelle : ce travail individuel consiste en l’écriture d’une courte nouvelle littéraire de 2 pages dans laquelle l’étudiant devra mettre en pratique ses connaissances des principales caractéristiques de la nouvelle littéraire. La rédaction commence à la maison et se termine en classe à la séance 4. Cette évaluation compte pour 15% de la session.
- Analyse littéraire 1 : cette évaluation portera sur une analyse textuelle de la pièce de théâtre Les Muses orphelines. En classe, l’étudiant élabore un plan et commence la rédaction qu’il terminera à la maison. Dans ce travail, l’étudiant devra rendre compte de sa maîtrise des principales caractéristiques du genre dramatique. Il sera remis par l’étudiant à la séance 13. Cette évaluation compte pour 30% de la session.
- Écriture d’un poème : il s’agit d’un travail effectué individuellement par l’étudiant, dans lequel celui-ci devra mettre en pratique ses connaissances des principales caractéristiques du genre poétique. La rédaction sera effectuée à la maison et devra être remise à la séance 21. Cette évaluation compte pour 20% de la session.
- Analyse littéraire 2 : ce travail individuel constituera l’évaluation sommative synthèse de la session dans laquelle l’étudiant mettra à profit les compétences d’analyse et de rédaction qu’il aura acquises durant la session. Il portera sur l’analyse de la pièce de théâtre Dom Juan, de Molière. L’étudiant devra démontrer sa maîtrise des différentes caractéristiques du genre dramatique et de la comédie classique. Il consistera en une rédaction effectuée en classe sur papier au cours final de la session avec comme seuls supports le plan de rédaction de l’étudiant, un dictionnaire et un Bescherelle. Cette évaluation compte pour 35% de la session.
Justification des approches théoriques et des activités pédagogiques
Notre planification de la session s’inscrit dans le cours Écriture et littérature consacré à l’étude et à l’analyse de quatre œuvres marquantes des littératures française et québécoise appartenant à différents genres et courants littéraires. La cohérence, l’organisation et la progression des quatre séquences didactiques qui forment ce premier cours en français relèvent essentiellement de l’approche générique, de façon à introduire la notion de genre qui joue un rôle de premier plan pour la lecture analytique. Ainsi, le fait de repérer qu’une œuvre appartient à un genre en particulier « suscite chez le lecteur un ‘‘horizon d’attente’’ qui, tout à la fois, oriente et organise la lecture. Les savoirs génériques dotent le lecteur novice de compétences interprétatives fondamentales[1] ». L’ordre selon lequel les textes sont étudiés s’ouvre, pour les étudiants, sur de nouveaux apprentissages tout en leur permettant d’intégrer les acquis antérieurs.
Le genre narratif étant assurément connu des étudiants, la première séquence didactique est consacrée à l’étude du recueil Le passe-muraille[2] de Marcel Aymé. L’étude du registre fantastique, de même que la brièveté de la première séquence expliquent le choix de la nouvelle, un genre bref, et de l’analyse ciblée de trois textes relevant du fantastique. Par la suite, nous introduisons les étudiants au genre dramatique par l’étude d’une courte pièce de théâtre du dramaturge québécois Michel Marc Bouchard, Les Muses orphelines[3], dont la compréhension est facilitée par l’emploi d’un langage familier et l’inscription du cadre spatio-temporel de l’histoire dans le Québec de la Révolution tranquille. La troisième séquence s’échelonne sur quatre semaines, une période de temps suffisante pour présenter sommairement la poésie avec l’étude des Fleurs du mal[4] de Baudelaire. L’enseignement de ce genre complexe, souvent considéré comme rébarbatif, sera dynamisé par l’analyse d’une chanson du groupe de rap québécois Loco Locasse qui relève de la culture première des étudiants. Finalement, une introduction au théâtre classique à travers l’analyse de Dom Juan[5] de Molière forme la quatrième séquence didactique de la session. Si la longueur du texte se prête aisément à des étudiants du collégial qui n’ont pas beaucoup d’expérience en lecture de théâtre, les difficultés langagières, culturelles et historiques inhérentes à la lecture d’une œuvre appartenant au classicisme expliquent notre décision de situer son étude à la fin de la progression des apprentissages.
L’objectif de la première séquence est la compréhension et la maîtrise des caractéristiques du genre narratif à travers l’étude du registre fantastique. Les activités de lecture analytique qui visent, dans un premier temps, l’identification des caractéristiques propres à la narration et au registre fantastique sont réinvesties, dans un deuxième temps, dans l’écriture d’invention, de façon à prendre en considération l’implication affective de l’étudiant. Aussi, plutôt que de retenir l’approche formelle de l’analyse littéraire, nous optons pour la production d’un « hypertexte fictionnel » qui favorise un rapprochement entre la lecture subjective et la lecture analytique[6], soit l’écriture d’une nouvelle fantastique à partir de l’extrait d’un texte. De cette façon, l’étudiant s’approprie le registre fantastique en intégrant une cohérence et une progression à son récit selon les caractéristiques associées au genre de la nouvelle, et ce, sans être encadré et dirigé par un questionnement construit par l’enseignant[7]. Par la suite, les étudiants sont regroupés en équipe de deux pour réviser le texte de leur collègue à l’aide d’une grille d’évaluation. Cette activité regroupe les trois facteurs qui rendent possible la distanciation nécessaire à une révision efficace : le temps (la seconde partie de la dernière séance), l’intervention d’un tiers et la compréhension de la tâche (une grille d’évaluation)[8]. Dans le cadre de la deuxième séquence, consacrée à l’étude des Muses orphelines, une activité de modelage est mise en place pour une analyse thématique de l’œuvre. L’enseignant lit à voix haute aux étudiants des extraits de la pièce. Par la technique du modelage, l’enseignant incarne le lecteur expert et représente un modèle pour les étudiants qui sont plutôt débutants en lecture analytique. Il s’agit de « penser à haute voix », le but du modelage étant de montrer aux étudiants comment l’enseignant se questionne au fil de sa lecture et comment il utilise les différentes habiletés et connaissances sollicitées pour une analyse thématique[9]. Par la suite, on leur demande de reproduire ce modelage à partir des problèmes de lecture proposés par l’enseignant. Une activité de table ronde leur permet ensuite de discuter des éléments du texte qu’ils ont sélectionnés pour appuyer leurs interprétations de sens. L’enseignement de l’analyse littéraire est aussi réalisé par une activité de modelage à partir de textes d’étudiants. L’enseignant lit le texte à voix haute et identifie la pertinence des idées et des citations choisies, la structure du paragraphe, la cohérence et la progression textuelle. La séquence 3 de la session porte sur les Fleurs du mal, de Charles Baudelaire. Le choix de cette œuvre répondait à trois soucis didactiques : il fallait enseigner un genre qui puisse donner plusieurs ancrages pour l’analyse des figures de style aux étudiants; il convenait également d’offrir aux étudiants une œuvre comportant certaines accointances avec l’œuvre clé et ultime de notre séquence : le Dom Juan de Molière. En effet, bien que ces deux classiques soient issus de deux traditions littéraires distinctes, le spleen baudelairien et le libertinage du personnage de Dom Juan entretiennent un dialogue à travers les époques qui les séparent : les deux refusent le réel tel qu’il leur est imposé, le premier étant en quelque sorte le prolongement du second. Enfin, dans une optique plus culturelle, nous tenions à ce que les étudiants explorent une œuvre phare de la littérature française, tel que le recommande le didacticien Claude Simard : « il s’agit ici de les initier au ‘‘patrimoine littéraire’’ en leur proposant des œuvres considérées comme marquantes[10]. » L’apprentissage, dans cette séquence, est principalement axé sur les caractéristiques du genre poétique. L’objectif de cette approche est de permettre à ces étudiants, qui ont peu visité ce genre, de s’approprier les outils de décodage des caractéristiques formelles du poème, de manière à ce qu’ils deviennent des lecteurs et des écrivants de poésie plus aguerris. Cette démarche s’inscrit dans la logique didactique prescrite par Langlade évoquée plus haut. Si cette séquence est conçue de façon à servir une certaine progression spiralaire à l’intérieur de la session, il apparait tout aussi manifeste qu’il faille prendre en compte son rôle particulier dans l’élaboration d’un cheminement allant de l’ensemble 1 de littérature à l’ensemble 4, et idéalement au-delà du cadre collégial. Un problème se pose cependant : compte tenu du fait que ces étudiants n’ont que peu d’expérience de la lecture poétique, comment parvenir à les intéresser à la poésie, et plus encore, comment faire en sorte qu’ils apprivoisent et adoptent ce genre sibyllin? Une des méthodes, et sans doute la plus efficace, consiste à rapprocher ces nouveaux savoirs avec ceux qu’ils possèdent déjà. C’est dans cette intention que l’étude d’une chanson et d’un slam de poésie est prévue à la semaine 2 de la séquence. Comme les séances porteront sur l’apprentissage des sonorités et du rythme de la poésie, l’intégration de la chanson, un genre déjà familier aux étudiants, pourra servir de levier d’apprentissage de ces notions, comme le mentionne l’enseignante et didacticienne Nadia Beaudoin, qui a étudié l’utilisation de la chanson en classe : « en abordant des textes plus poétiques, l'étudiant peut facilement, grâce à l'aspect oral de la chanson, être sensible aux effets des sonorités et de différentes figures de style[11]. » L’écriture d’un poème à la dernière semaine agit comme un réinvestissement pratique des savoirs fréquentés durant la séquence et une appropriation du sens de ces savoirs. L’étudiant bénéficiera d’ailleurs d’une distanciation éclairante envers sa création par le biais d’une lecture de la première version de son poème par ses pairs. Cette stratégie est préconisée par l’enseignante et didacticienne P. Paradis, selon qui
[l]a lecture par les pairs a […] l'avantage de donner une idée au scripteur de la réception de son texte. Parce que les collègues ont uniquement accès au texte réel – parfois loin du texte que s'imagine avoir produit l'auteur! –, ils décèleront les références inadéquates, les changements de système verbal, les citations qui ne conviennent pas à l'argument présenté, par exemple. Souvent, ils proposeront au scripteur des solutions aux problèmes relevés, quand ce dernier pourra croire que sa formulation est la seule possible. Les débats et discussions entourant les textes amènent en outre les élèves à expliquer les problèmes perçus[12]
Le choix de Dom Juan comme œuvre à l’étude pour la séquence finale a été dicté par notre souci de présenter un classique qui, l’espère-t-on, fasse toujours sens pour les jeunes à notre époque. La présentation d’extraits significatifs du film Molière en début de séquence est destinée à lier le contexte socioculturel de l’œuvre et du dramaturge à la comédie et aux principaux thèmes privilégiés par Molière. Lacelle évoque à cet égard que
pour construire du sens, l’élève doit être en mesure d’interpréter divers codes d’expression. La comparaison des codes et des modes d’expression littéraire et filmique peut faciliter le traitement de l’information et aider au développement du jugement critique. Ainsi, l’exploitation croisée du roman et du film participe au développement des compétences lire et lecture et apprécier des textes variés[13]
Le fait que les étudiants auront déjà été familiarisés avec les caractéristiques du genre et auront déjà expérimenté l’analyse littéraire en deuxième séquence aura pour bénéfice d’allouer plus d’espace à l’étude des multiples thèmes présents dans l’œuvre. L’écriture d’invention, soit la composition d’une strophe de poésie et la rédaction en équipes d’un article d’anthologie de littérature, agit comme liant intégrateur de ces notions. Cet exercice, déjà expérimenté en séquence 3, s’inscrit dans une démarche d’apprentissage itérative des savoirs. En outre, sa forme brève constitue un avantage marqué sur d’autres formes d’écriture dans un cadre pédagogique dont le temps est restreint. La rédaction d’un article d’anthologie de littérature permet quant à elle une mise en rapport d’un thème significatif de l’œuvre analysée avec son contexte historique. D’autre part, l’attrait de l’analyse comparée du traitement des thèmes dans d’autres textes de l’auteur ou d’autres auteurs (Théophile de Viau et Scarron) est qu’il démultiplie les modalités de compréhension de ces thèmes et laisse à l’étudiant plus de liberté pour en constituer sa propre conception. En outre, Simard rappelle que « le grand défi qui est lancé à la didactique moderne est de rendre compte en classe de l’extraordinaire variété de la production littéraire[14]. » Enfin, il a été convenu de consacrer quatre séances à la composition du plan de l’analyse littéraire et à la rédaction de celle-ci afin que les étudiants jouissent d’un maximum de temps pour effectuer cette évaluation. Le souci d’imposer cette évaluation en classe est motivé par la nécessité de préparer l’étudiant aux conditions de l’ÉUF.
Bibliographie
Armand, F., Pelletier, M., St-Hilaire, L., Désilets M. et Guibourge, D. Activités de modelage. (2013). Dans Éducation interculturelle et diversité linguistique. (p. 3-16.) Montréal : Elodil, Université de Montréal.
Beaudouin, N. (2000). L’utilisation de la chanson en classe. Québec français. n°119. p. 82-83.
Chartrand, Suzanne-G. (janvier 2013). Enseigner la révision-correction de texte du primaire au collégial. Dans Correspondance, volume 18, n°2.
Lacelle, N. (2006). L’intégration du film dans une approche culturelle de l’enseignement de l’œuvre littéraire. Dans A-M. Boucher et A. Pilote (dir.). La culture en classe de français (p. 43-52). Québec : Publications Québec Français
Langlade, G. (2000). Statut des savoirs en didactique des textes littéraires et formation des enseignants. Dans G. Langlade et M.-J. Fourtanier (dir.) Enseigner la littérature. Paris : Delagrave, CRDP Midi-Pyrénnées.
Le Goff, F. (2011). Les malles du lecteur, ou la lecture en écrivant. Dans Mazauric, M., Fourtanier, M.-J. et Langlade, G. (2011). Textes de lecteurs en formation. (p. 219-229) Bruxelles : Peter Lang.
Paradis, H. (avril 2013). La réécriture. Dans Correspondance, volume 18, no 3
Simard, C. (1996). Le choix des textes littéraires, une question idéologique. Québec français. no100. p. 44-47.
Corpus des œuvres à l’étude
Aymé, Marcel. (1943)., Le passe-muraille. Paris : Gallimard (folio).
Baudelaire, Charles. (1989). Les Fleurs du mal. Paris : Pocket.
Bouchard, Michel Marc. (1995). Les Muses orphelines. Montréal : Leméac.
Molière. (1999). Dom Juan. Québec : Beauchemin (coll. Parcours d’un œuvre).
[1] Langlade, G. (2000). Statut des savoirs en didactique des textes littéraires et formation des enseignants. Dans G. Langlade et M.-J. Fourtanier (dir.) Enseigner la littérature. Paris : Delagrave, CRDP Midi-Pyrénnées, p. 160.
[2] Aymé, Marcel. (1943)., Le passe-muraille. Paris : Gallimard (folio).
[3] Bouchard, Michel Marc. (1995). Les Muses orphelines. Montréal : Leméac.
[4] Baudelaire, Charles. (1989). Les Fleurs du mal. Paris : Pocket.
[5] Molière. (1999). Dom Juan. Québec : Beauchemin (coll. Parcours d’un œuvre).
[6] Le Goff, F. (2011). Les malles du lecteur, ou la lecture en écrivant. Dans Mazauric, M., Fourtanier, M.-J. et Langlade, G. (2011). Textes de lecteurs en formation. (p. 219-229) Bruxelles : Peter Lang, p. 220.
[8] Chartrand, Suzanne-G. (janvier 2013). Enseigner la révision-correction de texte du primaire au collégial. Dans Correspondance, volume 18, n°2.
[9] Armand, F., Pelletier, M., St-Hilaire, L., Désilets M. et Guibourge, D. Activités de modelage. (2013). Dans Éducation interculturelle et diversité linguistique. (p. 3-16.) Montréal : Elodil, Université de Montréal.
[10]Simard, C. (1996). Le choix des textes littéraires, une question idéologique. Québec français. no100. p. 46.
[11] Beaudouin, N. (2000). L’utilisation de la chanson en classe. Québec français. n°119. p. 83.
[12] Paradis, H. (avril 2013). La réécriture. Dans Correspondance, volume 18, no 3
[13] Lacelle, N. (2006). L’intégration du film dans une approche culturelle de l’enseignement de l’œuvre littéraire. Dans A-M. Boucher et A. Pilote (dir.). La culture en classe de français. Québec : Publications Québec Français. p. 46.
[14] Simard, C. (1996). Le choix des textes littéraires, une question idéologique. op. cit. p. 46.