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Le Dernier Jour d'un condamné

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Le Dernier Jour d'un condamné
HUGO, Victor
Par Maude Lapierre et Valérie Mercier


Nationalité de l'auteur : Française
Genre : Roman
Courant : Romantisme
Siècle : 19e siècle
Groupe d'âge visé : Deuxième cycle secondaire
Auteur de la séquence : Maude Lapierre et Valérie Mercier
Date du dépôt : Hiver 2016


 

L’un des rôles de l’enseignant est d’agir en tant que professionnel héritier de la culture au sein de sa classe. La littérature est une bonne façon pour un enseignant de français d’exercer son rôle de passeur culturel. Pour développer la capacité des élèves à porter un jugement critique sur un aspect social en s’appuyant sur leur bagage culturel, nous avons bâti une séquence didactique travaillant le type argumentatif à l’aide de l’œuvre Le Dernier Jour d’un condamné de Victor Hugo. C’est une façon pour l’enseignant de montrer aux élèves en quoi les textes littéraires peuvent aider à « concevoir et utiliser la culture comme une ressource pour comprendre le monde, structurer leur identité et développer leur pouvoir d’action en communiquant de manière appropriée » (MELS, 2009, p. 3). Pour atteindre l’objectif ciblé, le maitre devra tenir compte des finalités de l’enseignement de la littérature : sociohistorique, critique et civique, éthique et philosophique, cognitivo-langagière. D’abord, l’enseignant doit situer l’auteur, Victor Hugo, et présenter le courant littéraire dans lequel il s’inscrit, soit le romantisme, pour s’assurer que les élèves comprennent le contexte de production de l’œuvre. Ce dernier révèlera que Hugo fait une critique sociale de la peine de mort dans son livre. Cette critique est d’ordre éthique et philosophique puisqu’elle exige une réflexion sur la condition humaine et la valeur d’une vie. Finalement, la critique retenue de l’œuvre se présente sous la forme d’un journal et d’une écriture soutenue caractérisée par de nombreuses figures de style servant à accentuer la subjectivité du point de vue pouvant poser problème aux élèves.

 

Résumé de l’œuvre

 

Le roman de Hugo dépeint la réalité d’un condamné à mort lors des derniers jours de sa vie, soit avant son exécution. Le personnage principal met par écrit ses pensées à propos du sort qui l’attend. Il revoit sa vie défiler devant ses yeux, pense à sa mère, à sa femme, mais surtout à sa fille, qu’il se sent mal d’abandonner. Il nous fait également connaitre la dure réalité que les prisonniers vivent chaque jour et réaliser comment les hommes qui assistent aux exécutions sont cruels et insensibles. Hugo souhaitait que cette œuvre soit perçue comme un « plaidoyer [...] pour l’abolition de la peine de mort » (Hugo, 1832 cité dans St-Jarre, 2007).

 

Mise en contexte des cinq activités

 

À la suite de la lecture de cette œuvre, nous avons sélectionné trois problèmes de lecture. Le premier expose les sentiments et les émotions du condamné devant le sort qui l’attend, parce que ceux-ci sont omniprésents dans le texte romantique d’Hugo et sont notamment accentués par l’écriture au JE. Ces traces permettent de mieux comprendre l’inscription de l’œuvre dans le courant romantique. Le problème se pose ainsi : comment le condamné vit-il le mal du siècle (concept qui sera expliqué aux élèves)? Le deuxième problème permet de s’intéresser à la question de l’identité du personnage principal et aux raisons qui ont motivé le choix de l’auteur quant à l’anonymat du condamné. En effet, l’auteur tient à déshumaniser son antihéros en lui retirant son nom, son apparence, son histoire et son crime. Il cherche ainsi à donner un visage universel à la peine de mort parce que derrière un condamné, il existe une personne qui a des émotions, des droits, une vie et une liberté, ce qui est nié par le système carcéral. Il dénonce aussi le comportement inhumain de la foule crachant sa haine au condamné. Concrètement, le problème est donc : comment l’engagement social de l’auteur est-il perceptible dans l’œuvre ? Le troisième problème concerne le statut du personnage. Victor Hugo critique la peine de mort, car selon lui, cette pratique moyenâgeuse va à l’encontre des valeurs nationales. Dans son roman, il n’hésite pas à user de subjectivité autant dans sa structure narrative qu’est le journal intime, que dans les effets de la langue créés par les figures de style, puisque ces dernières permettent d’amplifier la réalité pour montrer la cruauté et le côté inhumain de la peine de mort. Ce problème de lecture peut se présenter comme suit : pourquoi Victor Hugo a-t-il choisi de garder l’anonymat du condamné ?

 

Nous avons pensé élaborer différentes activités servant à répondre aux trois problèmes de lecture posés. Puisque nous travaillons le type argumentatif, notre séquence est destinée à des élèves de cinquième secondaire. Les élèves auront dû acquérir certaines notions par rapport au mode de discours argumentatif avant de réaliser la séquence. Dans un premier temps, les élèves auront d’abord appris à tenir compte du contexte de production, soit la date, le lieu, le contexte historique et socioculturel (MELS, 2011, p. 23). Ensuite, ils auront vu la façon dont l’énonciateur émet son point de vue subjectif à l’aide des marques énonciatives (MELS, 2011, p. 23). Finalement, l’enseignant leur aura inculqué les notions relatives aux différentes composantes de la structure argumentative, soit la reconnaissance du sujet controversé, de la thèse et des arguments (MELS, 2011, p. 24). De plus, les compétences disciplinaires travaillées seront Lire et apprécier des textes variés (comprendre et interpréter) et Écrire des textes variés (mettre à profit et acquérir des connaissances sur la langue et élaborer un texte cohérent) (MELS, 2009). Nous privilégierons le travail d’équipe pour les quatre premières activités parce que ce mode d’organisation permet une plus grande motivation intrinsèque et une diminution de la dépendance à l’enseignant, favorisant ainsi le développement d’une autonomie chez les élèves (Giasson, 1992). Ensuite, l’enseignant fera une mise en commun en plénière pour que les différentes interprétations soient accessibles à tous les élèves. Enfin, un cahier de lecture leur sera fourni afin qu’ils puissent consigner les informations recueillies lors des discussions en sous-groupes et en plénière (annexe 10) [1].  

 

Activité 1 : mise en contexte précédant la lecture du roman (75 minutes)


La première activité proposée aux élèves est une introduction à la séquence didactique qui servira à faire découvrir aux élèves les thèmes associés au romantisme et à faire comprendre le contexte historique de production de l’œuvre. Cette activité découverte sera réalisée à partir d’autres œuvres du même courant, comme une toile de Caspar David Friedrich, un extrait du poème Les Révolutions d’Alphonse de Lamartine et un extrait du livre Les Misérables de Victor Hugo. L’abbaye dans une forêt de chênes (annexe 1) est une toile romantique réalisée par Caspar David Friedrich en 1809-1810. Sur cette œuvre, nous pouvons facilement déceler le thème de la mort. En effet, il est visible d’abord dans la mort des arbres et de la végétation au sol, puis par la présence d’une tombe et de croix. La noirceur du tableau évoque des sentiments sombres comme l’inquiétude et la peur, bref, des sentiments associés au mal du siècle (concept qui sera expliqué aux élèves). Finalement, le contraste entre l’obscurité et la lumière illustre bien l’antithèse entre les bons et les mauvais côtés de l’humanité, qui est au cœur du courant romantique. C’est avec cette œuvre que l’entrée en matière du courant étudié sera faite. L’enseignant invitera les élèves à discuter en équipe à partir des questions suivantes : qu’est-ce que tu vois sur cette toile ? À quoi te fait-elle penser, qu’évoque-t-elle pour toi ? Quels thèmes peux-tu en dégager ? Ces questions permettront aux élèves de réfléchir aux thèmes susmentionnés.

Puis, nous proposons de travailler un extrait du roman Les Misérables (annexe 2) de Victor Hugo, paru en 1862. Cette œuvre phare de la littérature française serait le premier contact entre les élèves et l’auteur. De plus, cette approche permettra aux élèves de découvrir le style engagé et imagé de Hugo et, par le fait même, le sujet du roman à l’étude : la peine de mort. Dans l’extrait choisi, l’auteur traite de la guillotine. Il n’hésite pas à exprimer son dégout quant à cette dernière. Par exemple, il déplore la violence de cet objet (« un choc », « si l’on en rencontre une, la secousse est violente ») et la compare à un « monstre fabriqué par le juge et par le charpentier » duquel les condamnés ont peur (« hallucine », « frissonne du plus mystérieux des frissons »). Bref, l’extrait est rempli d’images violentes et cruelles pour décrire la guillotine. Le vocabulaire connoté utilisé par l’auteur est un signe de son engagement. Afin que les élèves constatent cet engagement, ils liront l’extrait et discuteront à propos des questions suivantes : quelle sanction pénale l’auteur décrit-il dans cet extrait ? Quelles images vous viennent en tête à la lecture ? Quelle est la position de Hugo à ce sujet ? Qu’est-ce qui te le fait dire ? Quels types de mots et d’expressions utilise-t-il ? Si nécessaire, l’enseignant donnera des détails sur les mots « Maistre » et « Beccaria » pour mieux les faire comprendre.

Enfin, le maitre entamera le troisième volet de l’activité en lisant aux élèves un extrait des Révolutions (annexe 3) de Lamartine dans lequel on retrouve le même contraste de noirceur et de clarté que celui étudié dans la toile de Friedrich ainsi que le thème de l’engagement social étudié dans l’extrait des Misérables. L’enseignant fera la lecture du poème pour permettre aux élèves de prendre connaissance de la sonorité de ce dernier et peut-être ainsi évoquer des sentiments ou provoquer des images. À titre d’exemple, le passage « Vous poussez dans le roc vos stériles racines », les sons en [g], en [r] et en [k] ainsi que le pronom « vous » et le déterminant « vos » présents dans le poème accentuent le sentiment de colère du narrateur engagé, un sentiment créé par le peuple qui dénie. En outre, le vers « Ce qui fut glace et nuit devient flamme et lumière » est un exemple pour illustrer le contraste entre la noirceur et la lumière dont on traite souvent dans le romantisme. Afin de ne pas clore le sens du texte et de laisser une place centrale à l’interprétation et à la réaction, l’enseignant questionnera les élèves de façon plus générale : quels vers sont les plus porteurs de sens pour toi ? Quels sentiments peux-tu dégager des vers ? Explique ces sentiments. Est-ce que ces vers créent une forte image dans ta tête ? Est-ce que les sons créent une musique ou un effet particulier chez toi ? Comment ? Bref, l’analyse de ces trois œuvres permettra aux élèves de bien situer le courant romantique dans lequel s’inscrit le roman de notre séquence didactique : Le Dernier Jour d’un condamné.

 

Activité 2 : cerner le point de vue de l’auteur en cours de lecture (150 minutes)

 

La deuxième activité met en lumière la déshumanisation du peuple constatée par le condamné. Cette constatation est en fait le point de vue de Hugo. Elle permettra de régler le problème de lecture : comment l’engagement social de l’auteur est-il perceptible dans l’œuvre ? L’activité visera à comparer des extraits du livre Le Dernier Jour d’un condamné présentant, d’un côté, la vision du condamné et, de l’autre côté, celui du peuple quant au sort réservé au prisonnier. La lecture de l’œuvre s’articulera avec un travail sur la langue, plus particulièrement sur le lexique. Les figures de style et le vocabulaire connoté permettront de voir l’opposition entre les deux visions. Par exemple, l’hyperbole, une figure de style souvent utilisée par Victor Hugo dans son roman, montre la gravité de la peine de mort. D’abord, les élèves feront la lecture du premier chapitre pour prendre connaissance de la situation du personnage principal. Ensuite, l’enseignant fera lire les chapitres XLV et XLVIII[2] pour déjà leur présenter des passages engagés et enseigner le choix de vocabulaire, car l’image donnée à la déshumanisation du peuple est un fil conducteur du livre. C’est là que le maitre pourra faire un enseignement explicite de la stratégie d’interprétation Je détermine ce qui révèle le point de vue subjectif et le ton de l’auteur. Le modelage pourrait commencer comme suit : Lorsque je lis Le Dernier jour d’un condamné, je sais que l’auteur est contre la peine de mort. J’essaie donc de remarquer les mots qui suscitent des images fortes dans ma tête permettant d’alimenter le point de vue énoncé. Je tente de trouver ce que l’auteur a voulu dire en utilisant ces mots. Par exemple, au chapitre XV, je comprends que la peine de mort est comparée à une maladie incurable : « […] j’ai une maladie, une maladie mortelle, une maladie faite de la main des hommes ». En tenant compte du point de vue de l’auteur, je comprends que la peine de mort est un choix fait par des hommes. L’auteur a donc voulu exprimer que l’homme, en légalisant la peine de mort, a fait un choix qui a les mêmes conséquences néfastes qu’une maladie. Dans cet extrait, je remarque aussi que le mot maladie n’est pas utilisé dans son sens propre. Il a été utilisé pour créer une image négative, puisqu’il a une connotation négative. Ainsi, je sais que les mots ayant une forte connotation aident à exprimer son opinion ou cerner celle de quelqu’un. Ce modelage permet à l’enseignant de « décrire toutes les manœuvres mentales qu'il effectue pour raisonner afin de fournir aux élèves suffisamment d'informations pour qu'ils puissent s'approprier le contrôle métacognitif des processus mis en œuvre dans l'application d'une stratégie » (Falardeau et Gagné, 2015, p. 4). En rendant la stratégie transparente aux yeux des élèves, l’enseignant favorise la maitrise de stratégies. L’enseignement explicite de la stratégie choisie servira de guide à l’analyse des chapitres XLV et XLVIII pour la suite de la lecture.

Après cet enseignement, les élèves continueront la lecture du livre à la maison jusqu’au chapitre XIII inclusivement. À ce point, il y aura un autre arrêt de lecture pour que l’enseignant permette aux lecteurs novices de participer activement à l’activité, tout en les guidant et en les encadrant au besoin (Cèbe, Goigoux et Thomazet, 2008-2009). Dans cet arrêt, l’enseignant fera remarquer aux élèves le caractère humain du condamné à l’aide du chapitre XIII. Dans ce chapitre, on voit que le condamné ne partage pas les mêmes sentiments que les autres prisonniers devant le sort qui les attendent. En effet, ces derniers sont absurdes parce qu’ils s’amusent en attendant d’être guillotinés : « Je me hasardai à l’[le geôlier] appeler et à lui demander si c’était fête dans la prison. - Fête si l’on veut ! me répondit-il. C’est aujourd’hui qu’on ferre les forçats qui doivent partir demain pour Toulon. Voulez-vous voir, cela vous amusera. / C’était en effet, pour un reclus solitaire, une bonne fortune qu’un spectacle, si odieux qu’il fut. J’acceptai l’amusement. » et « C’étaient les prisonniers, spectateurs de la cérémonie en attendant leur jour d’être acteur. » Ces passages hyperboliques et métaphoriques prouvent que les autres prisonniers sont autant déshumanisés que les gens du peuple, contrairement au condamné qui a une vision plus humaine de la réalité. Après avoir travaillé la stratégie enseignée et l’opposition humanisation/déshumanisation dans trois chapitres, nous pensons que les élèves pourront développer leur autonomie en lisant le reste du livre. Pour les enseignants qui disposeraient de plus de temps, d’autres chapitres pourraient être travaillés sur le même thème. Par exemple, le chapitre XV montre la déshumanisation des médecins et infirmières de la prison. Quant au chapitre XXXIX, il expose la déshumanisation liée à l’utilisation de la guillotine.

Après les arrêts de lecture, les élèves seront plus familiers avec le vocabulaire connoté et son rôle dans un écrit. Cette marque énonciative sera ensuite associée à la narration autodiégétique du récit pour que les élèves constatent que l’utilisation du JE est également une marque d’engagement de la part de l’auteur. Il faudra leur préciser que le JE représente souvent un narrateur fictif et ne reflète pas nécessairement l’opinion de l’auteur. Le texte de Hugo s’inscrit dans un contexte de production particulier, c’est-à-dire que la forme narrative était utilisée par les auteurs de l’époque pour faire une critique sociale. En effet, il n’était pas permis d’exposer son opinion politique au grand public. Le journal intime est ici la forme utilisée pour donner au texte une apparence narrative, mais il sert en fait à critiquer un aspect social, ce qui relève plutôt de l’argumentation. Par ailleurs, Hugo précise lui-même que l’écriture de son oeuvre servait à faire passer son message sur la peine de mort devant laquelle le peuple réagit de façon inhumaine. Des questions comme : qui est dégouté par la cruauté du peuple ? Considérant ce que vous connaissez de Hugo et du condamné, qui est le JE ? Qu’est-ce qui vous le fait dire ? pourront aider les élèves à mieux percevoir l’idée générale de l’opposition entre l’engagement social de l’auteur et le déshumanisation du peuple.

 

Activité 3 : le mal du siècle du condamné après la lecture complète (75 minutes)

 

La troisième activité fait écho à la première en permettant de comprendre le mal du siècle du condamné, après la lecture complète du roman. L’enseignant proposera aux élèves des passages dans lesquels ils devront faire ressortir les sentiments et les émotions ressenties par le condamné. Encore là, l’articulation entre la lecture et les ressources de la langue est présente de la même façon que dans la précédente activité, parce que les élèves devront décortiquer des figures de style pour arriver à cerner les sentiments du condamné. Ensuite, l’enseignant introduira la narration au JE, qui accentue la souffrance intérieure du personnage principal, donc ses sentiments. À l’aide de passages du livre que les élèves auront choisis, les équipes devront faire ressortir les sentiments du condamné. En outre, pour lier les activités entre elles, les élèves devront établir des liens entre les sentiments relevés et les thèmes de la toile de Friedrich travaillés dans l’activité 1. L’objectif sera de créer un schéma des sentiments associés au mal du siècle (exemple en annexe 4) pour synthétiser l’information, bien cerner le courant romantique et ainsi répondre au problème de lecture : comment le condamné vit-il le mal du siècle ? Le schéma est pertinent à réaliser parce que ce « type de tâche qui permet d’observer la façon dont un élève organise dans sa tête les connaissances qu’il a d’un concept donné » (Hébert et Frenette, s.d., p. 11).

Pour cette activité, nous avons décidé de laisser les élèves trouver les passages à analyser qui les intéressent, car l’enseignant les aura guidés suffisamment lors des activités précédentes. Cette forme de progression sera également marquée par une plus grande place laissée au développement de l’autonomie des élèves. De plus, les contenus des schémas seront variés, car chaque équipe aura fait ressortir divers sentiments appuyés de différents passages. Pour faire allusion au clair-obscur de la toile, nous pensons que les élèves devront inclure dans leur schéma des sentiments positifs et négatifs pour analyser le contraste entre ces opposés. Par exemple, un sentiment de noirceur relevé pourrait être la peur et pourrait être appuyé d’un passage comme      « [...] mes dents claquaient, mes mains tremblaient, [...] mes jambes étaient faibles » (p. 12). Un sentiment de lumière relevé pourrait être l’espoir et pourrait être appuyé par « Ô ma grâce! ma grâce! on me fera peut-être grâce » (p. 63). En fin d’activité, chaque équipe présentera son schéma au reste de la classe. Cela permettra aux élèves d’avoir une vue d’ensemble plus complète des façons qu’a l’auteur de présenter les sentiments et les émotions du condamné. Finalement, ce sera un moyen pour l’enseignant d’avoir accès à la compréhension de l’œuvre des élèves et d’ainsi ajuster son enseignement pour les prochaines activités.

 

Activité 4 : l’anonymat du personnage (75 minutes)

 

La quatrième activité permet de s’attaquer au problème de lecture : pourquoi Victor Hugo a-t-il choisi de garder l’anonymat du condamné ? Pour ce faire, nous avons pensé questionner les élèves à propos du personnage principal. Nous voulons les amener à constater que le condamné est anonyme et que ce choix de narration délibéré. En effet, lors de l’écriture du livre, Hugo « a voulu que [l’identité du personnage] demeure indéterminée parce que ce n’est pas le sort particulier de cet homme qui l’intéresse, mais plutôt celui réservé à tous les condamnés à mort » (Thérien, 2012, p. 31). Pour arriver à cette conclusion avec les élèves, l’enseignant pose d’abord des questions plus générales sur le récit comme : quel est le nom du personnage    principal ? Où habite-t-il ? Quel est son métier ? De qui le condamné a-t-il fait « couler le sang » ? Quels étaient les motifs du crime commis par le personnage ? Les élèves se rendront rapidement compte qu’ils ne sont pas en mesure de répondre à ces questions, puisque Victor Hugo ne mentionne jamais ces détails dans le texte. Ensuite, l’enseignant lira à voix haute le chapitre XXX et interviendra à la suite de certains passages. Le premier arrêt de lecture se fera à la fin de cette phrase : « Et puis, il [le prêtre] avait l’air de réciter une leçon déjà vingt fois récitée, de repasser un thème, oblitéré dans sa mémoire à force d’être su » (p. 65).  Ici, l’enseignant demandera aux élèves : pourquoi le prêtre récite-t-il toujours la même leçon ? Pourquoi ne fait-il pas de distinction entre ce condamné et les autres ? Lorsque chacune des équipes aura donné son opinion, l’enseignant poursuivra sa lecture. Le deuxième arrêt sera à la fin de ce passage : « Mais ce bon vieillard [le prêtre], qu’est-il pour moi ? que suis-je pour lui ? un individu de l’espèce malheureuse, une ombre comme il en a déjà tant vu, une unité à ajouter au chiffre des exécutions » (p. 66). Le maitre posera les questions suivantes : que signifie « ajouter au chiffre des exécutions » ? Quel est le lien avec le fait que le prête récite toujours la même chose ? À l’extérieur de son cadre professionnel, croyez-vous que le prêtre agirait de la même façon ? Pourquoi ? La lecture de ce chapitre permettra aux élèves de relever l’idée d’anonymat que Victor Hugo a voulu prêter à son personnage principal. D’ailleurs, pour mieux saisir l’idée d’anonymat, il sera pertinent d’analyser la page couverture de la version 2012 du livre des Éditions CEC (annexe 5). L’image sur la première de couverture présente un personnage sans identité. Les mains et le visage morcelés de ce personnage sont ceux de différentes parties de corps de plusieurs personnes. Même si Hugo n’a pas choisi cette couverture, cette représentation permet de mieux comprendre le message disant que le visage de la peine de mort est universel. Enfin, à l’aune de toutes ces réflexions, l’enseignant posera aux élèves une dernière question : pourquoi Victor Hugo a-t-il choisi de rendre son personnage principal anonyme ? Normalement, l’analyse faite sur le troisième problème de lecture permettra aux élèves de répondre adéquatement à la question.

 

Activité 5 : lettre ouverte (225 minutes)

 

La dernière activité permet de faire le pont entre les marques énonciatives étudiées dans le cadre de la présente séquence et les procédés argumentatifs qu’on retrouve dans un texte modèle. Ainsi, les nouveaux apprentissages langagiers et les savoirs préalables à la séquence, sans oublier les savoirs associés au contexte sociohistorique et à l’auteur, seront réinvestis dans une activité d’écriture. Pour l’enseignant, elle sera une dernière occasion de vérifier la compréhension que chaque élève a de l’œuvre au terme de la séquence. Les élèves devront eux-mêmes porter un jugement critique adoptant le point de vue de l’auteur. Pour ce faire, l’enseignant proposera des portraits réels de prisonniers condamnés à mort (annexe 6) afin que les élèves soient choqués et dénoncent la situation. Les portraits présentés donneront un visage à la peine de mort, qui ne sera plus anonyme. Les réactions des élèves aideront à écrire, de façon individuelle, une lettre ouverte contre la peine de mort à Amnistie internationale. L’association transmettrait les lettres des élèves aux pays concernés. La prise de position est faite en fonction de celle de Hugo et des valeurs consensuelles de notre société (la peine de mort ayant été abolie). Par ailleurs, l’un des rôles de l’enseignant est de former des citoyens responsables et avertis (MELS, 2009), et nous croyons que cette activité est une façon de le faire. La consigne d’écriture sera la suivante : D’après ce que tu as appris sur la peine de mort, rédige une lettre ouverte de 500 mots à Amnistie internationale dont les arguments sont en défaveur de cette sanction pénale. Inspire-toi des activités réalisées sur le roman et des portraits présentés. La grille d’évaluation te sera fournie, tâche de t’y référer au besoin. En résumé, l’activité leur « [fera] prendre conscience d’un phénomène politique, social ou culturel et [...] [leur permettra d’]amener le destinataire à adopter la thèse [qu’ils] défend[ent] » (Chartrand, Émery-Bruneau, Sénéchal, 2015 p. 58). Cette dernière activité sera une évaluation sommative pour la compétence à Écrire des textes variés. Les élèves auront accès à une grille de stratégies (annexe 7) dès le début de l’activité et un rappel des différents arguments de l’auteur sera fait. Les stratégies proposées en annexe 7 ne sont qu’à titre indicatif, elles peuvent être modifiées au besoin. Les critères seront établis et communiqués aux élèves préalablement par le biais d’une grille (annexe 8). Puisque l’écriture tapuscrite apporte plusieurs bienfaits surtout sur le plan de l’organisation et sur celui de la réécriture (Karsenti, 2015), l’enseignant leur demandera d’écrire leur lettre ouverte à l’ordinateur à l’aide d’un traitement de texte. Bien sûr, ils auront droit à tous les ouvrages de référence, dont Antidote et les notes prises lors des autres activités de la séquence. L’activité 5 sera aussi l’occasion d’évaluer de façon formative la compétence à Lire et apprécier des textes variés. En effet, l’adoption du style d’écriture hugolien et du point de vue de l’auteur permet aux élèves de démontrer leur compréhension et leur interprétation de l’œuvre. L’évaluation par l’enseignant sera faite à l’aide d’une grille d’évaluation descriptive (annexe 9) à laquelle les élèves auront accès lors de la réalisation de leur travail.

 

En conclusion, nous espérons que les élèves comprennent comment les auteurs peuvent s’inspirer fortement de différents aspects de la société dans l’écriture de leurs oeuvres littéraires, comme Victor Hugo l’a fait dans son roman Le Dernier Jour d’un condamné. Selon nous, les problèmes de lecture posés permettent d’explorer en profondeur les finalités de la littérature travaillées (sociohistorique, critique et civique, éthique et philosophique, cognitivo-langagière). De plus, nous croyons qu’une œuvre littéraire comme celle présentée rend possible le développement des compétences disciplinaires Lire et apprécier des textes variés et Écrire des textes variés, puisqu’elles sont liées à l’objectif à atteindre, soit rendre les élèves autonomes à porter un jugement critique sur un aspect social en s’appuyant sur leur bagage culturel.

 

[1] Un site Internet a été créé afin de faciliter l’accès aux annexes. Vous pouvez consulter ce site à cette adresse : http://val1393.wix.com/sequencedidactique.

[2] Même si nous avons travaillé à partir de deux parutions différentes de la même œuvre, tous les extraits utilisés sont tirés de celle de 2007, éditée par Chenelière éducation et dont la présentation de l’œuvre est faite par Chantal Saint-Jarre.

 


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