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La petite fille qui aimait trop les allumettes

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
La petite fille qui aimait trop les allumettes
SOUCY, Gaétan
Par Catherine Sergerie, Chanelle Tremblay


Nationalité de l'auteur : Québécoise
Genre : Roman
Courant : Réalisme
Siècle : 20e siècle
Groupe d'âge visé : Deuxième cycle secondaire
Auteur de la séquence : Catherine Sergerie, Chanelle Tremblay
Date du dépôt : Hiver 2016


 Introduction

 

Le roman La petite fille qui aimait trop les allumettes a été écrit en trois semaines par Gaétan Soucy en 1998. Cette œuvre raconte l’histoire de deux adolescents qui se retrouvent seuls au monde après le décès de leur père, trouvé pendu à la maison. « Leur père, un tyran familial brutal et torturé par ses démons, obsédé par la culpabilité et l'idée de châtiment, les a élevés complètement retirés du monde, et de la plus élémentaire réalité. » (Harrison, 2003) C’est à travers le regard d’un des enfants, Alice, qu’il nous est possible de suivre les évènements tragiques du récit. Alice écrit, sous la forme d’un journal intime, sa réalité dans ce qu’elle appelle le grimoire ou le testament.

 

 

Le roman La petite fille qui aimait trop les allumettes est complexe par son jeu sur la langue et ses propos implicites auxquels le lecteur est confronté, ce qui le rend d’autant plus riche. Pour ces raisons, il serait intéressant de lire ce roman avec des élèves de cinquième secondaire et d’en faire l’analyse pour leur permettre d’apprécier cette œuvre.

 

Dans le cadre de ce travail, nous présenterons une séquence didactique sur l’œuvre La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy. L’analyse de cette œuvre et des problèmes de lecture qui en découlent feront l’objet de la première partie du travail. En deuxième partie, des activités seront proposées pour approfondir la compréhension du roman. Ainsi, des activités d’anticipation seront proposées dans le but de créer des attentes de lecture. Ensuite, il sera question des activités pouvant être faites en cours de lecture afin d’assurer une compréhension des problèmes de lecture spécifiques à l’œuvre. Enfin, un débat interprétatif et une activité d’écriture créative assureront un réinvestissement de l’analyse approfondie du roman qui aura été faite avec les élèves.

 

Analyse

 

L’œuvre de Gaétan Soucy est complexe, une fresque présentant la tragédie humaine. Il y est question d’une famille dysfonctionnelle, dont la mère est absente et dont le père, un homme de Dieu, est violent, contrôlant et misogyne, tenant sa famille recluse. La mort de ce personnage est l’élément déclencheur; ses deux enfants doivent apprendre à vivre sans lui avec le peu de connaissances qui leur ont été inculquées. C’est lors de la sortie au village, afin d’aller acheter un cercueil, aussi nommé dans l’œuvre « boîte à trou », que la narratrice se trouve confrontée à ses « semblables » et au regard que ceux-ci portent sur elle. Ce regard remet en question le peu de connaissances qu’elle croyait avoir. Par exemple, c’est lors de cette sortie qu’elle va rencontrer deux hommes qui lui feront subir un interrogatoire au cours duquel ils lui diront qu’elle est riche, qu’elle est une femme, que son père était un homme d’une grande importance et que le village n’était pas au courant de l’existence d’elle et de son frère. Bien que ces informations lui soient transmises, elles ne sont pas acceptées dès le départ. Elle vit dans le déni. C’est après cet interrogatoire qu’elle commence à écrire au féminin. Ce n’est toutefois qu’à la fin du roman, lors de son accouchement, qu’elle finira par se nommer, lorsqu’elle se dit: « Du calme, Alice » (Soucy, 1998). Cela marque l’aboutissement de sa quête identitaire. D’ailleurs, c’est à ce moment qu’elle fait la paix avec son passé. « On n’échappe pas à soi, dans un sens comme dans un autre, fût-ce par la peur, il n’y a pas d’issue. » (Soucy, 1998) Elle est même prête à regarder de l’avant et à aborder son futur avec sérénité. « [I]l ne faut pas se laisser abattre par des riens dans cette vie, et j’étais prête à danser de nouveau, et que la fête commence! ... » (Soucy, 1998)

 

Une des particularités de cette œuvre est la langue poétique employée. Alice a appris «sa syntaxe » dans les mémoires du duc de Saint-Simon et a appris à lire dans les textes religieux de son père. Lorsqu’elle écrit dans le grimoire, l’influence de cet apprentissage est notable. En effet, elle écrit dans une syntaxe approximative, utilise des archaïsmes et joue avec les différents registres de langue, caractéristiques propres au style des Mémoires. (Saint-Simon, 1856-1858) Elle utilise aussi des néologismes pour décrire la réalité qui l’entoure. Par exemple, lorsqu’elle utilise les mots « secrétariens », « figette », « emmarmelade », « ramentevoir », c’est qu’elle ne connait pas les « vrais » mots pour décrire sa réalité. Cela peut être expliqué par le fait qu’elle n’ait connu que cinq autres individus, en dehors de son père et de son frère et du fait qu’elle n’ait jamais été à l’extérieur de son domaine. Puisqu’Alice est une narratrice-enfant, ces néologismes rajoutent à l’effet enfantin de l’écriture. Il en va de même pour les expressions malmenées : « la dernière fois remonte à lurette », « frère allait jusqu’à dire qu’elle me ressemblait comme une goutte d’eau ». (Soucy, 1998) Les comparaisons que fait la jeune femme sont aussi issues d’une langue enfantine. Par exemple, elle mentionne que son chien, cheval, « bondit hors de l’église, et le voilà parti comme un fusil » ou encore, lorsqu’elle parle de sa sœur et qu’elle dit qu’elle n’a qu’à fermer ses yeux pour s’en rappeler, « que c’est clair comme de la roche ».  (Soucy, 1998) Non seulement ces jeux sur la langue ajoutent une touche enfantine, mais aussi sont-ils à l’image de la culture qu’a la narratrice, soit assez pauvre. Enfin, ces différentes caractéristiques rendent la lecture d’autant plus particulière, lui ajoutant une touche poétique et ludique.

 

Dans le cadre du présent travail, nous nous pencherons sur les problèmes de lecture suivants :

 

  • Le narrateur enfant utilise une langue singulière dans cette œuvre pour décrire sa réalité. Quelles sont les particularités de cette langue?

  • Comment l’environnement particulier du narrateur influence-t-il son style d’écriture?

  • Comment la rencontre avec ses « semblables » influence-t-elle la quête identitaire du narrateur?

  • Comment cette quête identitaire transparait-elle dans l’écriture du protagoniste?

  • La fin du roman est-elle une fin dévastatrice ou porteuse d’espoir?

 

Ces problèmes de lecture sont au cœur du roman et en avoir une meilleure compréhension permet une plus grande appréciation de l’œuvre. Faire vivre une expérience de lecture à l’élève en le mettant en contact avec une œuvre comme La petite fille qui aimait trop les allumettes est l’objectif principal de la présente séquence. En effet, ce qui est recherché est de « favoriser [l’épanouissement de l’élève] en lui faisant vivre des émotions [...], des rencontres et des expériences dont sa vie quotidienne risque de le priver ». (Simard et all., 2010)


Activités

Activités avant la lecture

1.     L’objet roman

Dans un premier temps, les élèves analysent la page couverture du roman La petite fille qui aimait trop les allumettes. L’enseignant questionne les élèves sur l’illustration de la page couverture et le titre du roman, à savoir si ces éléments leur donnent des indices sur ce dont il sera question dans l’œuvre. Il pourrait, par exemple, leur poser les questions suivantes : est-ce que l’illustration de la page couverture vous aide à comprendre ce dont il sera question dans le roman? Qu’en est-il du titre? Sera-t-il question de l’histoire d’une petite fille qui jouait avec le feu? Cette dernière question est proposée par Max Roy (Roy, 2008) dans son article Du titre littéraire et de ses effets de lecture. Il y mentionne que « le titre s’offre d’emblée comme le premier segment d’un texte à découvrir [...] [enclenchant] déjà le travail d’interprétation ». (Roy, 2008) En posant des questions sur la page couverture, l’enseignant amène les élèves à faire un parallèle avec le conte La petite fille aux allumettes, parallèle qui sera travaillé lors de la deuxième activité.  Dans un deuxième temps, l’enseignant demande aux élèves de regarder la quatrième de couverture sur laquelle se trouve une courte présentation de l’auteur ainsi que les prix qu’il a gagnés. L’enseignant complètera les informations données pour montrer l’importance de l’œuvre de cet auteur, autant sur le plan national qu’international. En effet, Gaétan Soucy a gagné plusieurs prix et ses œuvres ont été traduites dans plusieurs langues. Enfin, l’enseignant lit avec les élèves les premières lignes du roman présentées en quatrième de couverture. Il questionne les élèves sur ce que ces quelques lignes leur donnent comme indices sur le roman. Comment percevez-vous l’atmosphère du roman? Qu’est-ce que ces quelques lignes vous disent sur le milieu familial du narrateur? Comment était le père? Comment sont les enfants? Ces quelques questions permettront aux élèves de planifier leur lecture en se créant un horizon d’attentes. (Falardeau, 2016) Dans un troisième temps, l’enseignant regarde avec les élèves la structure du roman. Il veut les amener à en voir sa division particulière. En effet, ce roman est divisé en deux parties distinctes (I-II), chacune étant par la suite divisée en chapitres, ceux-ci n’ayant pas d’appellation. Enfin, cette première activité permet aux élèves de se créer des attentes de lecture en plus de se familiariser avec leur roman en tant qu’objet.

2.     Parallèle avec le conte La petite fille aux allumettes

L’enseignant présente le conte La petite fille aux allumettes d’Hans Christian Andersen, publié pour la première fois en 1845. (La Chasnais, 1964) (Annexe 1) Il demande aux élèves s’ils connaissent ce conte et si oui, ce qu’ils en savent. À partir de ces connaissances, il leur présente un synopsis. Il parle, par la suite, brièvement de l’auteur dans le but de montrer l’envergure et l’intemporalité de son œuvre. En effet, Andersen est un auteur d’importance, ayant été le conteur des enfants du roi du Danemark et étant, à une certaine époque, le plus connu des danois. (Bredsdorff, 1989) Il a écrit nombre d’œuvres dont Le vilain petit canard, La princesse au petit pois et La petite sirène.

Les élèves font la lecture du conte présenté de manière individuelle et un retour en plénière s’en suivra. L’enseignant veut faire relever aux élèves les caractéristiques de la petite fille afin de faire des liens avec celles du personnage principal du roman à l’étude. Quelles sont les caractéristiques de la petite fille? Quels indices dans le texte vous permettent de penser ainsi? Les réponses des élèves sont écrites au tableau par l’enseignant pour les rendre disponibles à l’ensemble du groupe. Les élèves pourraient relever, entre autres, que la petite fille est une enfant pauvre, qu’elle est exclue de la société et que son père est violent.

L’enseignant lit par la suite avec les élèves le premier chapitre du roman. La lecture se fait à voix haute et les élèves suivent dans leur exemplaire. Tout comme lors de l’activité sur le conte d’Andersen, l’enseignant demande les caractéristiques propres au personnage principal. Les élèves pourraient entre autres faire ressortir les caractéristiques suivantes : le narrateur est un enfant, il est pauvre et son père était maitre chez lui. Bien sûr, les élèves doivent justifier leurs propos avec des extraits du premier chapitre. Cette activité a pour but d’établir des parallèles entre les deux textes pour faire voir aux élèves que le titre d’une œuvre crée des attentes de lecture. En effet, un lien peut être établi entre celui du conte d’Andersen et celui du roman de Soucy. (Roy, 2008)

Enfin, à la suite de la lecture des textes, l’enseignant demande aux élèves quelles sont leurs attentes en vue de la poursuite de leur lecture. Les élèves pourraient entre autres mentionner qu’il est possible de s’attendre à la mort d’un personnage ou encore à ce qu’il soit question d’allumettes.

Activités pendant la lecture

3. Jeu sur la langue

Lors de la troisième activité, l’enseignant travaille la langue bien particulière du narrateur avec les élèves. En effet, le narrateur joue avec la langue, utilisant entre autres des néologismes, des archaïsmes et des expressions malmenées, la rendant poétique et singulière. En réalisant cette activité, l’enseignant s’assure de la maitrise du premier problème de lecture, à savoir si les élèves comprennent les particularités de la langue dans le roman.

L’enseignant commence la troisième activité en donnant aux élèves un cahier qui va les accompagner en cours de lecture. L’enseignant le présente donc aux élèves en commençant avec la liste des archaïsmes. (Annexe 2) Cette liste n’est pas exhaustive, mais contient des archaïsmes pouvant poser problème lors de la lecture. Ainsi, en donnant la définition de ces mots non usuels, l’enseignant poursuit l’objectif de diminuer la charge cognitive et de rendre la lecture agréable pour les élèves.

Par la suite, il leur présente la prochaine activité centrée sur le jeu langagier du narrateur. Les élèves doivent se placer en dyade et analyser la liste des néologismes et expressions en se servant des stratégies de la fiche « Pour comprendre un texte, je dégage le sens des unités textuelles. » (Falardeau, 2016) En ce qui a trait aux néologismes, les élèves trouvent la signification et expliquent de quelle façon ils y sont arrivés. Pour ce faire, ils doivent aller aux passages indiqués afin de mettre en contexte les néologismes en question. Quant à la grille des expressions, elle doit être remplie en dyade. Les élèves doivent trouver l’expression originale et en trouver la signification. (Annexe 3) Ils doivent faire appel à leurs connaissances générales, le travail d’équipe étant un moyen d’échanger et de stimuler leur réflexion. Enfin, un retour en plénière suivra. Lors de cette discussion, il sera question de l’effet sur le lecteur du style d’écriture du narrateur. En écrivant de la sorte, quel est effet créé par le narrateur? De plus, l’enseignant demande comment les élèves sont arrivés à trouver la signification des mots et expressions. Cette façon de faire permet d’avoir accès à la démarche des élèves et peut être un moyen d’ajuster le tir s’il y a un besoin. Une des réponses relevées pourrait être que cela crée un effet enfantin. Cet exercice fait l’objet d’un réinvestissement lors de la sixième activité de la séquence, où un pastiche sera réalisé.  

Ensuite, dans le but de faire prendre conscience aux élèves que les expériences de vie du narrateur peuvent avoir une influence sur son écriture et comment elles peuvent avoir des répercussions sur sa vision monde, l’enseignant pose les questions suivantes aux élèves : qui est le narrateur? Qu’est-ce qu’il écrit? Qu’est-ce qui peut influencer son écriture? Qu’est-ce que cela dit sur le narrateur? Justifiez à l’aide d’extraits. Les élèves trouveront les réponses à ces questions en relisant le premier chapitre du roman. La lecture se fait de manière individuelle et, par la suite, les élèves doivent, en équipe, remplir un schéma de concepts spécifique au personnage principal. (Annexe 3) Le retour est fait en plénière afin de mettre en commun les réponses des élèves. Pour terminer la troisième activité, l’enseignant lit avec les élèves le passage suivant :« [r]oulèrent n’est pas accordé convenablement, si ça se trouve, c’est la dizaine qui roula comme un seul homme, mais tant pis, j’ai fait ma syntaxe chez le duc de saint-simon, sans compter mon père. » (Soucy, 1998) Ce passage indique aux élèves deux éléments, soit que le père du narrateur a participé à son éducation et que le narrateur a aussi appris sa syntaxe en lisant les Mémoires du duc de Saint-Simon. L’enseignant présente donc aux élèves un extrait (Annexe 4) de ces textes pour leur montrer le modèle ayant influencé le style d’écriture du narrateur.

Une fois le schéma de concepts réalisé avec les élèves, il est intéressant pour l’enseignant de les questionner sur le portrait du personnage qui en est dégagé. En effet, en ayant en tête ce qui influence ce personnage, il peut être plus facile pour eux de s’en faire une image mentale. Qui est le narrateur? Quelle est sa vision du monde? Ces questions ont pour objectif d’alimenter leur réflexion pour la suite de leur lecture.

4. Quête identitaire

Les élèves ont eu à remplir dans leur cahier une fiche du personnage principal, et ce, depuis le début de leur lecture. (Annexe 4) Ils ont dû y noter de façon individuelle les éléments pertinents sur le personnage ainsi que le numéro de page où ceux-ci ont été repérés. Cette fiche leur permet d’avoir une vue d’ensemble du personnage. En guise d’amorce pour cette quatrième activité, l’enseignant fait un rappel de cette fiche. Ce rappel permet à l’enseignant de s’assurer que tous les élèves ont la même information et de leur rappeler les caractéristiques du protagoniste.

Par la suite, les élèves doivent lire de manière individuelle les pages 75 à 90 du roman. (Soucy, 1998) Il s’agit des deux chapitres où l’inspecteur des mines et le prêtre questionnent le protagoniste pour en connaitre davantage sur sa situation. Un retour en plénière est essentiel à la suite de la lecture de ces chapitres. En effet, ils forment l’un des pivots du roman et il est important que les élèves comprennent les nouveaux éléments amenés avant d’entreprendre la lecture de la deuxième partie de l’œuvre. Les pages 75 à 90 contiennent des éléments clés à la compréhension de l’oeuvre, soit que le personnage principal est une fille, qu’elle a entre 16 et 17 ans, que son père est l’homme le plus influant de la région et que son existence ainsi que celle de son frère étaient inconnues du village. Selon Aurélien Boivin, professeur de littérature et essayiste québécois, « [la narratrice] a toujours vécu dans un monde d'hommes qui n'ont jamais accepté sa différence, d'où son refus, jusqu'à la mort du père, d'affirmer sa féminité. » (Boivin, 2001) L’identité de la narratrice avait été en grande partie bâtie par l’image que lui renvoyait son père. La mort de son père crée un déséquilibre dans sa vie qui est accentué par la rencontre avec ses « semblables ». Alice doit donc rebâtir l’image qu’elle se faisait d’elle-même puisque ses repères se sont écroulés.

C’est avec ces informations que les élèves doivent, par la suite, en se plaçant en équipe, remplir une nouvelle fiche du personnage. (Annexe 5) Cette fiche à travailler en dyade permet l’enrichissement des réflexions en plus de donner l’occasion aux élèves de confronter leurs idées. (Richard et Lecavalier, 2009) Ensuite, l’enseignant demande aux élèves pour quelles raisons un lecteur pouvait croire que le personnage principal était un garçon. Comment le texte a-t-il été construit pour que le lecteur pense que le narrateur est un garçon? Y a-t-il des marques de masculinité dans le texte? Si oui, quelles sont-elles? Voici quelques extraits pouvant être relevés par les élèves : « [les couilles] étaient toutes molles et joufflues, beaucoup plus grosses que celles de mon frère ou que les miennes à l’époque où j’en avais encore », « [y]o-ho, monsieur rêve au prince charmant! Yo-ho, monsieur est amoureux!» et «la compagnie de ses deux fils maigres. » (Soucy, 1998) Maintenant que tous savent que le personnage principal est une fille et après avoir relevé des marques de masculinité, l’enseignant demande aux élèves, toujours en dyade, s’il y a des passages où il y avait ambiguïté. Les élèves peuvent relever certains passages, par exemple :  « [j]e leur tourne le dos, je hausse une épaule, je leur jette du sang », « le plus petit devait m’aller jusqu’aux enflures », « elle est folle. Ou elle est possédée » et « [v]ous ne voyez pas que vous l’effrayez? Elle est toute tremblante. Un autre qui me prenait pour une pute, il devait en juger sur mes enflures, je suppose ». (Soucy, 1998) Un retour se fait en plénière au cours duquel l’enseignant met de l’avant les ambiguïtés créées par le jeu du narrateur sur les mots. Il est important, pour la suite de la lecture, que l’enseignant demande aux élèves de porter une attention particulière aux autres indices textuels, ceux-ci étant porteurs de message et laissant entrevoir au lecteur la quête identitaire poursuivie par Alice.

Activités après la lecture

5. Débat interprétatif

La cinquième activité prend la forme d’un débat interprétatif. « Le débat interprétatif est [...] basé sur un questionnement qui porte sur l'implicite du texte et sur la façon dont le lecteur s'empare des informations pour construire son interprétation.» (Gion, 2005) Les élèves sont amenés à prendre position sur la fin ouverte du roman et à se questionner sur sa portée symbolique. Le fait de confronter leurs idées, d’appuyer leurs propos avec des passages du texte et de chercher à convaincre d’autres élèves leur permet d’enrichir leur réflexion sur le problème de lecture proposé. (Gion, 2005) Dans le cas du roman La petite fille qui aimait trop les allumettes, la fin ouverte peut être sujette à interprétation. Le problème de lecture que présente l’enseignant aux élèves est : la fin du roman La petite fille qui aimait trop les allumettes est-elle considérée comme dévastatrice ou porteuse d’espoir? Les élèves sont placés en équipe de quatre. Deux prennent position pour la fin dévastatrice et deux pour la fin porteuse d’espoir. Du temps leur est accordé pour préparer leurs arguments et trouver les extraits les appuyant. Un débat s’en suivra. Un retour en plénière est fait par la suite, où l’enseignant collecte les arguments des deux camps et en fait la compilation au tableau. (Annexe 6) La discussion en plénière alimente la réflexion des élèves et leur permet de voir les différentes facettes à l’interprétation de la fin de l’œuvre.

6. Le pastiche

Pour conclure la séquence, une activité de réinvestissement sous la forme d’un pastiche est demandé aux élèves. L’enseignant demande aux élèves d’écrire un texte projetant la protagoniste cinq ans après son accouchement. Ainsi, les élèves doivent reproduire l’effet du « testament » en tenant compte du jeu sur la langue, tout en restant fidèles au personnage. Alice a-t-elle gardé son bébé? Vit-elle toujours sur le domaine de son père? Qu’en est-il de son frère? Est-il toujours dans sa vie? A-t-elle trouvé son prince charmant? Ces questions peuvent être des pistes de rédaction pour les élèves. La création de ce pastiche permet donc de vérifier la compréhension de l’œuvre en plus d’en valider sa lecture. De plus, « la place attribuée aux manifestations des émotions, le plaisir d’écrire, de communiquer et d’oser entrer dans un processus créatif sont soulignés. La pratique de l’écriture et le fait d’écrire par plaisir en position d’auteur sont les deux priorités. » (Simard, 2010) L’activité d’écriture fera, par ailleurs, l’objet d’une évaluation sommative. Toutefois, c’est la réécriture qui sera comptabilisée, la première écriture étant corrigée par l’enseignant en vue d’une amélioration des idées. (Annexe 7) En effet, lors de cette première correction, l’enseignant fait abstraction des erreurs de langue pour se concentrer sur le contenu du texte de l’élève. Telle que vue dans le cours de didactique de la littérature (DID-3021), cette façon de faire montre l’importance que l’enseignant accorde aux idées des élèves et leur démontre qu’être « bon en français » ne se limite pas au fait de ne pas faire d’erreurs de langue.


Conclusion

Pour conclure, cette séquence didactique permet de travailler sur l’œuvre La petite fille qui aimait trop les allumettes. L’analyse présentée permet de dégager les problèmes de lecture pouvant être intéressants à étudier avec les élèves. D’ailleurs, ceux que nous avons soulevés traitent de la langue et de la quête identitaire du personnage principal et sont travaillés afin que les élèves en aient une meilleure compréhension. Les élèves s’expriment dans différentes situations de communication, soit à l’oral et à l’écrit, pour réagir aux problèmes de lecture proposés. Les activités composant la séquence sont réalisées avant, pendant et après la lecture de l’œuvre. C’est à travers ces différentes activités que les élèves pourront découvrir la profondeur de l’œuvre et le message poignant qu’elle livre. D’ailleurs, cet ouvrage a été marquant dans notre parcours scolaire. Nous avons, en effet, vécu une expérience littéraire émouvante que nous voudrions partager avec nos élèves.

 


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