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Incendies

Fiche descriptive
Séquence didactique
Annexes
Incendies
Wajdi Mouawad
Par Camille Clément-Sainte-Marie, Fabrice Métivier et Samantha Perry


Nationalité de l'auteur : Autres
Genre : Théâtre
Courant :
Siècle : 21e siècle
Groupe d'âge visé : Deuxième cycle secondaire
Auteur de la séquence : Camille Clément-Sainte-Marie, Fabrice Métivier et Samantha Perry
Date du dépôt : Hiver 2020


Introduction 
Nous avons choisi de baser notre séquence didactique sur Incendies de Wajdi Mouawad. Faire lire cette œuvre à des élèves du secondaire constitue à nos yeux l’occasion d’approfondir leurs connaissances quant au texte théâtral. Selon la Progression des apprentissages (PDA), ils auront déjà été initiés au texte théâtral en quatrième secondaire. Il nous a semblé néanmoins judicieux de présenter la pièce à des élèves de la cinquième secondaire puisqu’elle rompt avec certains canons du genre. Par le biais de notre séquence qui s’échelonne sur 9 séances, nous désirons amener les élèves à comprendre et à interpréter Incendies et à apprécier l’adaptation cinématographique de Denis Villeneuve à l’écrit. Les différentes activités que nous avons créées permettront aux élèves de développer les trois compétences langagières, soit Lire et apprécier des textes variés, Écrire des textes variés et Communiquer oralement selon des modalités variées (PFEQ, 2009, p. 4). Si la lecture se trouve au cœur de nos activités, les élèves seront également invités à écrire dans un carnet de lecteur et à participer à un débat interprétatif. De plus, notre séquence amènera les élèves à développer les quatre composantes de la compétence en lecture : « Construire du sens », « Porter un jugement critique », « Réfléchir à sa pratique de lecteur » et « Mettre à profit et acquérir des connaissances sur la langue, les textes et la culture » (PFEQ, 2009, p. 29). Il est à noter que la lecture de la pièce se fera par dévoilement progressif. Nous accompagnerons ainsi les élèves dans leur découverte de l’univers d’Incendies, ce qui nous permettra de nous assurer que ces derniers pourront atteindre notre objectif général malgré les défis de lecture que l’œuvre comporte.

Déroulement de la séquence didactique 

Séance

Activité

Description

Savoirs impliqués

Durée

Objectifs

1

 

Activité d’amorce

 

 

 

 

Travailler à partir d’un réseau thématique multimodal portant sur la réalité de pays du Proche-Orient et du Moyen-Orient :

– Présenter des photos du Liban aux élèves ;

– Contextualiser les photos et en discuter avec les élèves ;

– Faire lire les premières pages du tome 4 du roman graphique Persepolis et contextualiser l’histoire de l’œuvre.

Connaissances générales sur le contexte de tensions sociales du Moyen-Orient et du Proche-Orient.

 

40 min.

Comprendre le contexte social derrière Incendies.

Travail de prédiction et présentation de l’auteur.

– À partir des informations partagées lors de l’activité du réseau thématique, demander aux élèves d’écrire leurs prédictions quant au contenu de l’œuvre ;

– Discuter de leurs prédictions et les comparer  ;

– Présentation de Wajdi Mouawad et du contexte d’écriture de l’œuvre.

* Les élèves auront à lire les pages 11 à 20 de l’« Incendie de Nawal » à la maison. Consigne de lecture qui sera donnée aux élèves : quelles sont les spécificités du texte théâtral ?

Connaissances générales sur l’auteur.

30 min.

– Utiliser les savoirs contextuels afin de prédire le contenu du texte théâtral ;

– Acquérir des connaissances sur Wadji Mouawad et sur le contexte de production de l’œuvre.  

 

2

 

Spécificités du texte théâtral

 

 

 

 

Aborder les spécificités du texte théâtral à partir des observations des élèves sur les pages 11 à 20 de l’œuvre.

 

 

 

Connaissances des spécificités textuelles du genre théâtral : listes de personnages, monologues, dialogues, didascalies

(Pruner, 2005)

40 min.

Reconnaitre les spécificités du texte théâtral.

Présentation du carnet de lecteur

– Présentation du carnet de lecteur et justification de ce choix d’évaluation.

* Les élèves auront à lire les pages 20 à 35, soit le reste de l’« Incendie de Nawal », à la maison.

*Mentionner aux élèves l’activité du prochain cours afin d’avoir des volontaires qui auront eu la chance de s’exercer.

Capacité introspective et subjectivité

30 min.

Comprendre l’utilité du carnet de lecteur.

3

 

Mises en voix et en espace dirigées

 

Mise en voix des scènes 3 et 4 par les élèves volontaires (« Théorie des graphes et vision périphérique » et « La conjecture à résoudre ») :

– Pour la scène 3, l’enseignant aura besoin de 3 volontaires. L’accent sera mis sur le cadre spatial : les élèves qui incarneront les personnages feront face à la classe. L’élève qui incarnera Jeanne doit être placée à l’extrémité gauche de la classe alors que les élèves qui incarneront Simon et Ralph doivent être placés à l’extrémité droite de la classe. Il faut mettre en évidence le fait que les deux conversations ont lieu dans un cadre spatial différent ;

– Pour la scène 4, l’enseignant aura besoin de 4 volontaires. L’accent sera mis sur le cadre spatiotemporel : les élèves qui incarneront Hermile et Jeanne (personnages qui font partie du présent de la pièce) devront être situés à l’avant de la classe ; les élèves qui incarneront Nawal et Wahab (personnages qui font partie du passé de la pièce) devront être situés à l’arrière de la classe. Il faut mettre en évidence le fait que les deux conversations ont lieu dans un cadre spatiotemporel différent.

– Structure spatiotemporelle éclatée ;

– Savoirs relatifs aux didascalies.

45 min.

 

 

– Comprendre la structure éclatée de l’œuvre ;

– Consolider ses savoirs relatifs au théâtre.

Carnet de lecteur

Présentation et rédaction du texte réflexif sur l’activité de mise en voix expérimentée en classe (voir l’annexe pour la consigne détaillée).

* Les élèves auront à lire les pages 35 à 53 à la maison, soit l’« Incendie de l’enfance ». 

* Les élèves pourront terminer leur texte réflexif à la maison.

Capacité introspective et subjectivité

25 min.

Réfléchir à l’apport de l’activité quant à l’approfondissement de sa compréhension de l’œuvre.

4

 

Écriture collaborative

En équipe de 3, les élèves devront travailler en collaboration sur les scènes 12, 13, 14, 15 et 16. Ils devront accorder une attention particulière aux sources de motivations des personnages. Voici les étapes de l’activité :

– L’enseignant photocopie chacune des scènes de manière à laisser un espace blanc autour du texte ;

– L’élève fera ressortir les grandes idées de chacune des scènes. Il écrira ses observations sur un post-it qu’il apposera sur la photocopie de la scène analysée [1];

– Il prêtera la photocopie à son voisin qui reproduira les mêmes opérations pour la même scène : les photocopies passeront entre les mains de tous les élèves de l’équipe autant de fois qu’il y a de scènes à analyser. Il s’agit d’un travail collaboratif où chacun complète le travail des autres ;

– Les élèves compareront leurs réponses et en discuteront.

* Les élèves auront à lire les pages 53 à 75 à la maison, soit l’« Incendie de Jannaane ».

Les sources de motivation des personnages.

 

70 min. 

– Approfondir sa compréhension et son interprétation de passages de l’œuvre ;

– Comprendre les motivations derrière les quêtes des personnages.

5

 

Analyse de la scène « Amitiés »

– Lecture de la scène (par l’enseignant et par un élève désigné préalablement) durant laquelle les élèves devront porter attention aux différents types de répliques et à l’intensité des émotions véhiculées ;

– Aborder les différents types de répliques (dialogue, tirade et stichomythie) qui sont présents dans cette scène et montrer leur effet sur le contenu ;

– Discussion autour du thème de la vengeance.

* Les élèves auront à lire les pages 75 à 93 à la maison, soit l’« Incendie de Sarwane ».  

– Savoirs relatifs aux répliques théâtrales (dialogue, tirade et stichomythie) ;

– Savoirs éthiques permettant une réflexion sur la vengeance.

70 min.

– Comprendre que la forme et le contenu sont complémentaires dans le texte théâtral ;

– Réfléchir à la question éthique de la scène étudiée.

 

6

 

Retour sur le dénouement de l’œuvre

 

– Lecture des trois lettres à voix haute par l’enseignant ;

– Courte discussion autour de la question suivante : 

« Qu’est-ce que les trois lettres nous confirment ? »

Les élèves partagent à l’oral leur compréhension du dénouement de l’œuvre (qui se traduit par une compréhension des liens qui unissent les personnages).

 

15 min.

Comprendre le dénouement de l’œuvre.

 

Comité de lecture dirigé

 

– Aborder les critères qui permettent d’évaluer une interprétation pour montrer aux élèves que toute interprétation n’est pas valable ;

– Mettre les élèves en équipe de 3 et les amener à réfléchir et à répondre aux questions suivantes :

  1. Pourquoi Nawal, dans la lettre aux jumeaux, écrit-elle :

« Vous avez ouvert l’enveloppe, vous avez brisé le silence/Gravez mon nom sur la pierre » ?

  1. Quel sens peut-on donner au mot incendie dans la pièce ?
  2. Dans Incendies, la femme joue un rôle fondamental. Expliquez cette affirmation. 

– Les savoirs relatifs à la validité d’une interprétation

– Les problèmes de lecture (qui requièrent des retours en arrière)

40 min.

– Constater la pluralité des interprétations possibles ;

– Enrichir son interprétation de l’œuvre à partir de celle des autres ;

 – Développer son esprit critique face à son interprétation et à celle des autres.

 

Carnet de lecteur

Présentation et rédaction du texte réflexif sur la participation au comité de lecture dirigé (voir l’annexe pour la consigne détaillée).

*Les élèves pourront terminer leur texte analytique à la maison.

*L’enseignant informera les élèves qu’il y aura un débat interprétatif à la prochaine séance. Ils pourront réfléchir à d’autres questions que celles qui ont été abordées lors du comité.  

Capacité introspective et réflexive

15 min.  

Réfléchir à l’apport de l’activité quant à l’approfondissement de son interprétation de l’œuvre.

7

 

Débat interprétatif

 

– Présenter aux élèves le débat interprétatif et son déroulement (préciser leur rôle et le rôle de l’enseignant) ;

 Donner un moment aux élèves pour qu’ils formulent un problème de lecture ;

– Faire le débat interprétatif à partir des trois questions du comité de lecture et des questions des élèves.

Savoirs relatifs au débat interprétatif

70 min.

 

Présenter et justifier son interprétation à l’oral.

8

 

L’œuvre multimodale

Décrire l’œuvre patrimoniale et l’œuvre multimodale seconde en se penchant sur la figure de la petite sirène :

– Résumer avec eux l’histoire de La petite sirène de Disney ;

– Lire le conte écrit par Hans Christian Andersen ;

– Aborder les modifications apportées par Disney.  

Savoirs relatifs à l’œuvre patrimoniale et à l’œuvre multimodale seconde.

 

 

45 min.

 

 

– Prendre conscience du potentiel interprétatif de l’œuvre multimodale seconde ;

– Repérer les variations entre l’œuvre première et l’œuvre seconde.

Présentation du jugement de valeur argumenté

Distinguer le jugement de gout motivé du jugement de valeur argumenté.

Savoirs relatifs au jugement de gout et au jugement de valeur argumenté.

15 min.

Apprendre à rédiger un jugement de valeur argumenté.

9

Visionnement de l’œuvre multimodale seconde de Villeneuve

 

 

– Les élèves devront relire individuellement les scènes 5 à 9 ;

– Faire visionner l’extrait de l’adaptation de Villeneuve (19:20 à 27:10) qui reprend le contenu des scènes 5 à 9 ;

– Discuter des observations des élèves ;

– Aborder les connaissances formelles sur le langage cinématographique

– Revoir l’extrait pour mieux repérer les similarités, les distinctions et les modifications ;

– Donner des critères de la valeur d’une adaptation cinématographique.

– Connaissances formelles sur le langage cinématographique ;

– Savoirs relatifs aux critères d’appréciation de la valeur d’un film.

 

55 min.

 

 

Acquérir des connaissances relatives au langage cinématographique.

Carnet de lecteur

– Présentation et rédaction du jugement de valeur argumenté (voir l’annexe pour la consigne détaillée).

*Les élèves devront remettre leur carnet de lecteur complété au cours suivant.

– Appréciation critique ;

– Paragraphe justificatif.

15 min.

Apprécier l’adaptation cinématographique.

 

 

Justification de la séance 1

Dans la préface de la première édition d’Incendies, Mouawad indique que l’histoire se déroule au Liban. Or, dans le texte théâtral, ce pays n’est jamais nommé et l’auteur en révèle peu à son sujet. Le lecteur sait seulement que ce pays est marqué par de vives tensions sociales et que les habitants y parlent l’arabe. Se représenter ce pays peut alors être un énorme défi pour les élèves du secondaire. De plus, la réalité du Proche-Orient et du Moyen-Orient est inconnue de la plupart d’entre eux. Nous désirons donc nous servir de notre réseau thématique pour enrichir leur représentation mentale du pays natal de Nawal. Les élèves devront ensuite prédire le contenu de la pièce à partir des informations qu’ils auront apprises grâce à ce réseau thématique, mais également en fonction des savoirs qu’ils ont hérités par l’entremise de leurs lectures préalables. Comme le disait Ricardou : « Quand nous lisons un texte, c’est toujours à partir de quelque autre. » (Ricardou, 1980, p. 57) 

Justification de la séance 2 

Durant cette séance, nous aborderons les spécificités du texte théâtral. À ce moment, les élèves auront lu les pages 11 à 20 de la pièce. Nous avons ciblé ces pages parce qu’elles contiennent des éléments spécifiques au texte théâtral (liste des personnages, didascalies, monologue) sans pour autant contenir des particularités propres à Incendies[2], c’est-à-dire des éléments qui pourraient nuire à la compréhension (Dummortier, 2001). C’est pour contextualiser les savoirs que nous souhaitons présenter aux élèves les spécificités du texte théâtral à partir de leurs observations. Nous présenterons ensuite le carnet de lecteur aux élèves pour qu’ils en comprennent la valeur. En effet, le carnet sera un outil central de notre séquence : en plus de leur permettre un retour introspectif et réflexif sur leur lecture et sur les activités faites en classe, le carnet les aidera à adopter « une posture de lecture autonome » (Ahr et Joole, p. 69). Par l’entremise du carnet, les élèves développeront, entre autres, la compétence « Réfléchir à sa pratique de lecteur » qui fait partie de la compétence en lecture (PFEQ, 2009, p. 29).

Justification de la séance 3 

Comme le soutient Ubersfeld, un texte théâtral ne se lit pas comme les autres (Ubersfeld, 1977). En effet, lorsqu’on lit une pièce de théâtre, il faut tout se représenter : les lieux, le temps, l’aspect physique des personnages, leurs pensées, leurs motivations. L’élaboration de cette représentation se fait à partir des paroles que les personnages échangent et des didascalies. Cependant, la structure spatiotemporelle éclatée d’Incendies rend cette étape encore plus difficile. C’est pourquoi il est important pour nous d’amener les élèves à expérimenter la mise en voix et en espace de certaines scènes ciblées, soit les premières scènes de la pièce où un éclatement du cadre spatiotemporel est présent. La mise en voix et en espace permettra aux élèves d’avoir une meilleure compréhension de l’œuvre. Comme le soutient la PDA, « [l]a lecture d’œuvres théâtrales et leur représentation permettent à l’élève […] d’expérimenter ou d’observer la mise en voix des textes, la gestuelle, la prise en compte de l’autre dans les dialogues et quelques éléments de théâtralité […]. » (PFEQ, 2011, p. 34) Ainsi, ils pourront visualiser les scènes et, par le fait même, mieux saisir l’éclatement de la pièce.

Justification de la séance 4

L’activité d’écriture collaborative que les élèves réaliseront dans cette séance leur demandera de comprendre et d’interpréter de manière simultanée et de manière complémentaire (Falardeau, 2003). En effet, pour réaliser l’activité, ils devront surmonter les difficultés causées par la juxtaposition des différentes trames spatiotemporelles en plus de devoir interpréter des passages particulièrement proliférants, c’est-à-dire des passages qui contiennent des « […] éléments potentiellement polysémiques » (Tauveron, 1999, p. 20). Par exemple, dans la scène 15, Nawal prononce ces paroles dont la portée sémantique est plurielle : « Ça, c’est l’alphabet. Il y a vingt-neuf sons. Vingt-neuf lettres. Ce sont tes munitions. Tes cartouches. » (Mouawad, 2003, p. 40) L’activité permettra aux élèves d’approfondir leur compréhension des scènes puisqu’ils auront à comparer, à évaluer et à critiquer ce qu’ils auront écrit. Nous avons choisi ces scènes parce qu’elles permettent de faire des liens entre les quêtes et les sources de motivation des différents personnages, ce qui nous semble être indispensable à une compréhension plus globale de la pièce.

Justification de la séance 5 

La lecture et l’analyse de la scène « Amitiés » permettront aux élèves de comprendre comment la forme peut avoir un effet sur le contenu, c’est-à-dire comment les différents types de répliques peuvent influencer l’intensité des émotions véhiculées : avec la stichomythie, on saisit la confrontation ; avec la tirade, on se penche du côté de la réflexion et du récit (Pruner, 2005, p. 98). Par la suite, l’enseignant accompagnera les élèves dans une discussion éthique autour du thème de la vengeance. Nous croyons qu’une scène aussi violente nécessite un encadrement de la part de l’enseignant. Nous inviterons les élèves à partager leurs jugements éthiques par rapport à la stratégie vindicative de Nawal : c’est ce qui sera le moteur de la discussion.

Justification de la séance 6 

Le fait de commencer par un retour sur le dénouement de l’œuvre permet de s’assurer que tous les élèves comprennent la pièce. Ils seront alors mieux disposés, lors du comité de lecture, à réfléchir aux trois problèmes de lecture proposés. Comme cette réflexion leur demandera de relire plusieurs passages et de les relier entre eux, il est important qu’ils comprennent bien l’entièreté de l’œuvre, dont sa fin troublante. Le comité de lecture permettra aux élèves de s’ouvrir à la subjectivité des autres. Ils prendront conscience de leur propre interprétation de l’œuvre et pourront la nourrir des interprétations des autres membres de leur équipe. Sauvaire le soutient : « les élèves qui élaborent plusieurs interprétations recevables et moins évidentes sont ceux qui empruntent des éléments interprétatifs à leurs pairs pour reconfigurer leur interprétation de la nouvelle, par exemple en liant deux hypothèses initiales. » (Sauvaire, 2015, p. 3) En effet, les problèmes de lecture peuvent avoir plusieurs réponses recevables : il est important de le montrer aux élèves. Toutefois, comme toute interprétation n’est pas recevable, il sera primordial de leur montrer qu’une interprétation est valable seulement si elle peut se justifier par un ou plusieurs passages du texte (Eco, 1992) et si elle contribue à la compréhension de l’œuvre (Lecavalier et Richard, 2010).

Justification de la séance 7 

Comme le débat interprétatif suit le comité de lecture, les élèves auront déjà pu réfléchir à leur propre interprétation de l’œuvre. Le débat permettra un partage, mais également une nouvelle ouverture à la subjectivité des autres. Il est important de faire comprendre aux élèves que cette activité interprétative vise à enrichir leurs interprétations par celles d’autrui ; il ne s’agit pas de convaincre l’autre d’adhérer à son point de vue. Comme on l’aura vu dans le comité de lecture, plusieurs interprétations, si elles s’appuient sur le texte, peuvent être recevables. C’est ce qui ressortira du débat interprétatif. Il est également important pour nous d’amener les élèves à prendre position sur d’autres problèmes de lecture qui leur sont plus personnels. Si le comité de lecture leur a permis de réfléchir à des questions que nous leur avons proposées, le débat sera le moment pour eux d’approfondir la discussion grâce à leurs propres questions.

Justification des séances 8 et 9 

L’adaptation cinématographique de Denis Villeneuve est ce que Louichon appelle un objet sémiotique secondaire, c’est-à-dire une œuvre qui propose « […] une lecture/interprétation de l’œuvre première » (Louichon, 2015, p. 7) à partir d’un langage différent, soit, dans le cas qui nous occupe, le langage cinématographique. Comme nous voulons amener les élèves à apprécier l’œuvre de Villeneuve, il sera important de les familiariser avec les œuvres patrimoniales et les œuvres multimodales secondes. C’est ce que nous ferons lorsque nous travaillerons sur la figure de la petite sirène. En outre, nous leur présenterons ce qu’est un jugement de valeur ainsi que des lieux communs de la valeur d’une adaptation cinématographique. Connaitre ces lieux communs les aidera à étayer leur argumentation. Cela dit, cette activité demandera aux élèves de développer la compétence « Porter un jugement critique » qui fait partie de la compétence Lire et apprécier des textes variés (PFEQ, 2009, p. 28-29).

Conclusion 
Les différentes activités qui constituent notre séquence didactique permettront aux élèves d’atteindre notre objectif général. D’abord, ces derniers pourront mieux comprendre et interpréter Incendies. Cela leur permettra, par le fait même, de surmonter la résistance du texte. Ensuite, ils seront amenés à apprécier l’adaptation cinématographique de Denis Villeneuve par l’entremise de la rédaction d’un jugement de valeur argumenté. L’organisation de nos activités en fonction d’un dévoilement progressif du texte nous assurera, d’une part, de mieux encadrer leur découverte de l’œuvre et, d’autre part, de contextualiser les savoirs propres au texte théâtral. Le carnet de lecteur agira pour sa part en tant qu’outil métacognitif : il permettra aux élèves de réfléchir à leur pratique de lecteur, d’intérioriser la valeur des mises en voix et en espace et de prendre conscience de l’importance des interprétations d’autrui dans l’élaboration de leurs propres interprétations. L’atteinte de notre objectif général les amènera également à développer les trois compétences langagières ainsi que les quatre composantes de la compétence Lire et apprécier des textes variés. Cela dit, outre tous ces aspects didactiques pragmatiques, notre séquence fera d’eux de meilleurs lecteurs, ce qui pourrait avoir l’avantage de développer chez certains le désir de se plonger dans une pluralité d’œuvres littéraires. Enfin, la lecture d’Incendies contribuera à sensibiliser les élèves à des enjeux qu’ils connaissent peu et ainsi à enrichir leur représentation et leur compréhension du monde.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE A : Consignes pour la rédaction du carnet de lecteur

Le carnet de lecteur vous permettra de mettre sur papier vos réflexions et vos impressions par rapport à trois activités expérimentées en classe. Le carnet comprendra un minimum de deux pages et un maximum de 4 pages rédigées à la main. Voici une description des trois textes que vous aurez à rédiger à trois moments différents :

  1. 1.      Texte réflexif portant sur l’activité de mises en voix et en espace dirigées

Dans ce texte, vous devez revenir sur ce que vous avez vécu en classe lors de l’activité de mises en voix et en espace. Plus précisément, vous devez partager vos réflexions en répondant aux questions suivantes :

a)      Décrivez votre appréciation de la mise en voix et en espace vécue en classe.

b)      Quel a été l’effet de cette activité sur votre compréhension de l’œuvre ?

c)      Décrivez les émotions que vous avez vécues lors de cette activité.

d)     Croyez-vous que la pièce a eu sur vous un plus grand impact lorsqu’elle était représentée ou lue ? Expliquez.

 

  1. 2.      Analyse de votre participation à un comité de lecture dirigé

Dans ce deuxième texte, vous devez décrire votre expérimentation d’un comité de lecture dirigé. Voici des pistes de réflexion qui pourraient guider votre rédaction : 

-          Quelle est la façon dont vos coéquipiers et vous avez procédé afin de répondre aux trois questions d’interprétation posées en classe par l’enseignant ?

-          Est-ce que vos interprétations différaient de celles de vos coéquipiers ?

-          Comment avez-vous fait pour vous entendre sur celles qui vous semblaient les plus valables ?

 

  1. 3.      Jugement de valeur argumenté portant sur l’œuvre multimodale seconde

Dans ce troisième texte, vous devez apprécier l’adaptation cinématographique de Denis Villeneuve en rédigeant un jugement de valeur argumenté. Vous devez répondre à la question suivante : l’adaptation cinématographique de Villeneuve est-elle réussie ? Formulez votre réponse en vous basant sur au moins un des lieux communs suivants :

-          La fidélité à l’univers du texte théâtral;

-          Le recours aux constituants du langage filmique (image, plan, son, montage) ;

-          La créativité de Denis Villeneuve ;

-          Le jeu des comédiens.

 

 

ANNEXE B : Grille de correction du carnet de lecteur[3]

Critères de réalisation

Pondération

Commentaires

Écrit 1 : Texte réflexif portant sur l’activité de mises en voix et en espace dirigées

6 points

 

L’appréciation de l’activité est décrite.

1

 

L’effet de l’activité sur la compréhension de l’œuvre est décrit.

1

 

Les émotions vécues lors de l’activité sont décrites.  

1

 

L’élève prend position à savoir si la pièce a eu un plus grand impact sur lui lorsqu’elle était représentée ou lorsqu’elle était lue.

1

 

Les réflexions entourant l’écrit 1 évoquent une expérience subjective et la capacité introspective de l’élève transparait. 

2

 

Écrit 2 : Analyse de la participation à un comité de lecture dirigé

6 points

 

L’élève décrit son expérience d’un comité de lecture de manière explicite.

2

 

L’élève présente clairement l’évolution de ses interprétations. 

2

 

Les réflexions entourant l’écrit 2 évoquent une expérience subjective et la capacité introspective de l’élève transparait. 

2

 

Écrit 3 : Jugement de valeur argumenté portant sur l’œuvre multimodale seconde

6 points

 

L’élève prend position à savoir si l’adaptation cinématographique de Villeneuve est réussie.

1

 

L’élève se base sur au moins un critère pour élaborer son jugement de valeur argumenté. 

1

 

Cohérence entre les arguments et la prise de position.

2

 

Les réflexions entourant l’écrit 3 évoquent une expérience subjective et la capacité introspective de l’élève transparait. 

2

 

Critères transversaux

2 points

 

Respect des consignes

2

 

Respect des normes de la langue :

-          Cohérence textuelle et progression de l’information

-          Ponctuation

-          Syntaxe

-          Orthographe d’usage

-          Orthographe grammaticale

-          Vocabulaire

- 0,25 % par erreur

(max : - 4 points)

 

 

Total :      / 20 points

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie

Ahr, S., Joole, P. (2010). Débats et carnets de lecteurs, de l’école au collège. Le français aujourd’hui, 1 (168). Repéré à https://doi:10.3917/lfa.168.0069.

 

Dummortier, J. (2001). Pour composer des questionnaires de compréhension qui favorisent l’autonomie du lecteur. Vie pédagogique, 118.

Eco, U. (1992). Les limites de l’interprétation. Paris, France : Grasset (Le livre de poche).

Falardeau, E. (2003). Compréhension et interprétation : deux composantes complémentaires de la lecture littéraire. Revue des sciences de l’éducation, 29 (3).

Lecavalier, J., Richard, S. (2010) Enseigner la littérature au secondaire et au collégial. Montréal, Québec : Chenelière Éducation.

Louichon, B. (2015). Le patrimoine littéraire : un enjeu de formation. Tréma, 43.  

Mouawad, W. (2003). Incendies. Montréal, Québec : Leméac (Actes Sud - Papiers).

 

PFEQ (2009). Français, langue d’enseignement. Repéré à http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/dpse/formation_jeunes/PFEQ_FrancaisLangueEnseignement.pdf

 

PFEQ. (2011). Progression des apprentissages au secondaire — Français, langue d’enseignement. Repéré à

http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/education/jeunes/pfeq/PDA_PFEQ_francais-langue-enseignement-secondaire_2011.pdf

 

Pruner, M. (2005). L’analyse du texte de théâtre. Malakoff, France : Armand Colin.

 

Ricardou, J. (1980). Pour une lecture rétrospective. Revue des sciences humaines, (177).

 

Sauvaire, M. (2015). Le rôle des pairs dans l’interprétation du texte littéraire. Correspondance, 20 (2).

 

Tauveron, C. (1999). Comprendre et interpréter le littéraire à l’école : du texte réticent au texte proliférant. Repères, (19). 

 

Ubersfeld, A. (1977). Lire le théâtre. Paris, France : Éditions sociales.



[1] Le travail se répartit ainsi : l’élève 1 travaille sur la scène 12 ; l’élève 2 sur la scène 13 ; l’élève 3 sur la 14.

[2] Jean-Louis Dummortier fait cette distinction entre les particularités et les spécificités d’un texte

[3] Cette grille sera fournie aux élèves lors de la présentation du carnet de lecteur.


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