L’œuvre et le problème de lecture proposé

Cette séquence didactique est construite autour de l’œuvre L’Avare¹ de Molière qui pose certaines difficultés de lecture liées entre autres au genre dramatique et en particulier à l’aspect subversif de l’œuvre qui risque de passer inaperçu sous le couvert comique.

Situation-problème

Reconnaître le caractère subversif de l’œuvre, la critique sociale qu’elle contient.
Circonscription de la situation-problème en sous-éléments problématiques :

-analyse centrée sur le personnage stéréotypé de l’avare;

-analyse centrée sur les thèmes véhiculés, soit l’argent, l’amour et le masque;

-analyse centrée sur la dualité de l’œuvre (comique/tragique).

Ultimement, les élèves devraient comprendre que Molière met en scène un contre-exemple, ce qui fait de la pièce une comédie de mœurs et une satire. Ils devraient également pouvoir interpréter l’œuvre dans le sens d’une dénonciation du pouvoir des biens matériels, de l’effet négatif de ce dernier sur les relations humaines, ce qui leur permettra de remarquer l’universalité et l’intemporalité de cette critique du vice humain.

Avant la lecture

1^er cours

Ce cours est consacré à la description du genre dramatique (à l’aide des pages 62 à 67 du Guide des procédés d’écriture et des genres littéraires²), et, plus particulièrement, de deux de ses sous-genres, soit la comédie et la tragédie, à l’aide de la théorie des genres d’Antoine Compagnon³. Des extraits de pièces de théâtre sont présentés afin d’aider les élèves à intégrer les notions d’aparté et de didascalies, l’importance des expressions faciales, des gestes, des intonations, des décors, de l’éclairage, de la musique, etc. Une présentation PowerPoint du contexte sociohistorique et culturel du XVII^e siècle suit afin de bien situer les mouvements classique et baroque. Au terme de la présentation, un atelier de formulation de questions par les élèves et d’échange des notes recueillies permet une meilleure intégration des notions abordées⁴. En devoir, ils doivent lire un recueil de textes sur l’avarice⁵ et rédiger un court texte sur leurs conceptions du personnage de l’avare.

2^e cours

Ce cours approfondit les notions théâtrales en abordant le théâtre classique et les règles qui le régissent. Un bref historique de l’évolution de la langue jusqu’au XVII^e siècle permet d’aplanir des difficultés de lecture liées à la compréhension du langage. Les élèves abordent ensuite le stéréotype de l’avare en effectuant un atelier de comparaison de leurs conceptions sur ce type de personnage et en repérant dans le recueil lu à la maison les caractéristiques physiques et psychologiques de l’avare et les procédés stylistiques appuyant le thème de l’avarice dans les textes. Ils doivent par la suite analyser un extrait de l’acte I de la même manière, ce qui leur fournit des pistes de lecture importantes quant à la compréhension du personnage principal et des thèmes qu’il véhicule. En devoir, ils doivent lire les actes I et II.

Pendant la lecture

3^e cours

Ce cours aborde les types de comique et les procédés comiques à l’aide du visionnage d’extraits d’épisodes d’Un gars, une fille. Les élèves doivent identifier le type ou le procédé comique à l’œuvre dans chacun d’eux, après avoir vu la théorie à ce sujet. Ils doivent ensuite repérer des procédés comiques et décrire les thèmes qu’ils appuient dans l’acte II de L’Avare. Cela permet de peaufiner la distinction de certains thèmes dans le récit, soit l’autorité parentale, l’emprise de l’argent, la nécessité de dissimuler causée par l’avarice, pour ainsi faciliter le reste de la lecture. Les élèves lisent en devoir les actes III et IV.

4^e cours

Les élèves commencent le visionnage de l’adaptation filmique de L’Avare avec Louis de Funès. Ils sont déjà informés de l’atelier qui aura lieu au prochain cours et ils ont en main les consignes pour effectuer l’analyse d’un acte en particulier. Ils doivent donc faire une écoute active et prendre quelques notes pendant le visionnage. En devoir, ils terminent la lecture de la pièce.

Après la lecture

5^e cours

Le visionnage du film se termine et les élèves effectuent un atelier en groupes d’experts. Tous ceux qui devaient analyser l’acte I mettent en commun leurs observations et ainsi de suite pour chacun des actes. Ensuite, chaque expert forme une équipe avec d’autres experts des autres actes de façon à ce que la nouvelle équipe puisse faire un tour d’horizon de la pièce dans sa totalité. Les questions sur chaque acte portent sur chacune des composantes dramatiques, soit l’action, le temps, l’espace, les personnages et les procédés stylistiques (types et procédés comiques entre autres) employés pour mettre en évidence les thèmes. Les questions permettent d’aider les élèves à prendre conscience de la dualité de l’œuvre en attirant leur attention sur des passages précis où l’action risque de glisser vers le drame ou la tragédie. Ainsi, l’élève prend conscience du malheur qu’entraîne le vice et du fait que ce dernier corrompt tout ce qui l’entoure. Une attention particulière est accordée au personnage d’Harpagon afin de faire voir aux élèves la valeur de contre-exemple qu’il occupe dans la pièce. Les élèves doivent ensuite s’interroger sur ce qui fait de L’Avare une comédie malgré tout. À l’aide des connaissances déjà acquises en ce qui a trait aux genres comique et tragique, au stéréotype de l’avare et aux thèmes détectés jusqu'à présent, les élèves devraient pouvoir en arriver à la conclusion que c’est en grande partie parce qu’Harpagon est un contre-exemple à l’aide duquel on multiplie les effets comiques que la pièce est drôle. Ils sont alors en mesure de saisir la portée critique de l’œuvre en ce qui concerne la prédominance des biens matériels sur les relations humaines. En devoir, les élèves doivent faire une analyse complète et synthétique de l’œuvre selon les cinq composantes narratives afin de formuler un propos qui soit représentatif de l’ensemble du texte. Pour ce faire, ils effectuent un résumé synthétique des pages 145 à 158 de l’appareil critique de l’édition Beauchemin à l’aide d’un canevas distribué à cet effet. Ils peuvent ainsi peaufiner leur analyse tout en développant leur esprit de synthèse.

6^e cours

Un retour sur la synthèse et sur le propos est effectué en équipes afin que les élèves obtiennent de la rétroaction par leurs pairs. Par la suite, un retour en grand groupe permet de faire réfléchir les élèves sur le sujet de la pièce, sur son côté subversif et dénonciateur et sur l’actualité d’un tel sujet encore aujourd’hui. Les élèves parviennent ainsi au terme du parcours interprétatif désiré. Ce cours permet également d’approfondir la théorie sur l’analyse littéraire en abordant l’introduction. À la maison, les élèves doivent commencer à rédiger le plan détaillé de l’analyse sur L’Avare.

7^e cours

On termine ici la théorie sur l’analyse littéraire en abordant la conclusion et les transitions logiques. Le reste du cours est consacré à un atelier de rétroaction par les pairs sur le plan de l’analyse effectué à la maison. La rédaction au propre a lieu lors des deux prochains cours et elle vaut 25 % de la session, note justifiée par le fait que cette analyse est la deuxième effectuée par les élèves.

__________________
¹ Molière, L’Avare, Québec, Édition Beauchemin, 2000, 208 p.
² Carole Pilote, Guide des procédés d’écriture et des genres littéraires, Québec, Éditions Beauchemin, coll. Langue et littérature au collégial, p.62-67.
³ Antoine Compagnon, La notion de genre, www.fabula.org/compagnon/genre.php, consulté le 20 mars 2005.
⁴ Louise Langevin, « Le questionnement comme stratégie d’apprentissage », Pédagogie collégiale, septembre 1990, Vol. 4, no 1, p12-13.
⁵ Ce recueil contient des textes dont les références sont les suivantes :
« Siracide 14; Envie et avarice» dans La Bible, Société biblique canadienne, Montréal, 1993, p.1356
http://www.oursonbleu.free.fr/article.php3?id_article=1356, « De l’Avare et du Passant », consulté le 25 mars 2005.
http://www.lafontaine.net/lesFables, « L’Avare et son trésor », consulté le 25 mars 2005.
http://www.ebookslib.com/index.html?a=sa&b=3276, Charles Dickens, « Premier couplet » dans Un chant de Noël, 1843, consulté le 25 mars 2005.
Claude-Henri Grignon, Un homme et son péché, Montréal, PUM, 1986, 256p.
http://www.ygora.net/nav/page_index/contes/contes/obscur/obscur_06.htm