Pertinence de l’œuvre choisie Le roman
La maison sans racines1 d’Andrée Chedid, paru en 1985, est une œuvre de la francophonie appartenant à la littérature du Proche-Orient. À l’été 1975, à l’aube de la guerre civile libanaise, Kalya rencontre sa petite-fille Sybil, provenant des États-Unis, dans le pays de son enfance. L’auteure nous transporte dans un Liban déchiré entre la modernité et la tradition, entre la religion musulmane et la religion catholique, entre deux peuples. Bien que cette œuvre soit assez facile à lire et à comprendre pour un collégien, elle pose tout de même un certain nombre de problèmes permettant à l’élève d’explorer et de réfléchir sur l’univers romanesque, mais également sur le contexte culturel de l’œuvre.
Problèmes à résoudre La situation-problème générale consiste à lire et comprendre un récit de la francophonie du Proche-Orient, qui expose l’opposition entre la tradition et la modernité. Pour ce faire, l’élève devra :
- comprendre le contexte culturel et social dans lequel s’inscrit l’œuvre étudiée ;
- cerner la complexité des personnages par leur appartenance ou leur inadéquation aux stéréotypes de leur culture et de leur sexe;
- dégager les différents récits et leurs effets sur l’histoire générale et sur le lecteur, comprendre les liens qui existent entre eux;
- réaliser une dissertation sur le sujet : « Les femmes présentées dans le roman d’Andrée Chedid sont plus avant-gardistes que les hommes qui les entourent. Expliquez cette affirmation. »
Présentation de la séquence didactique Avant la lecture Cours 1 L’enseignant aborde la littérature francophone du Proche-Orient et ses origines (Liban et Égypte)
2. Il fait aussi la biographie de l’auteure Andrée Chedid et présente quelques extraits de ses oeuvres
3. Afin de connaître la situation actuelle du Liban, mais aussi pour apprendre sur la guerre qui s’y est déroulée, les étudiants visionnent un documentaire intitulé
Mieux comprendre le monde musulman4 .
Cours 2 Ces deux heures sont consacrées à l’étude du paratexte du roman. Après une brève explication sur ce qu’est le paratexte de la part de l’enseignant, les élèves, en équipe de deux, doivent réfléchir et discuter sur la signification du titre, et ce, à l’aide d’une citation tirée d’une entrevue d’Andrée Chedid sur l’enracinement et le déracinement de ses œuvres
5. Ils étudient également les citations en exergue et la quatrième de couverture et ils réfléchissent sur ce que ça leur inspire. Suit une discussion en grand groupe qui vise à faire ressortir l’essentiel de la signification du titre, soit l’oxymore, la contradiction causée par le rapprochement du mot « maison » (chez-soi, identité) et de l’expression « sans racines » qui fait davantage penser à quelqu’un sans attaches, qui erre, qui est en exil.
Pendant la lecture
Cours 3
Ce cours est réservé à l’étude des personnages et à la notion de stéréotype. Nous regardons plus précisément les stéréotypes sexuels et culturels et, pour mieux comprendre ces notions, deux courtes activités sont proposées. L’enseignant questionne les élèves sur les qualités et les défauts que l’on associe à la femme et à l’homme pour montrer les idées préconçues et négatives que nous avons sur le sexe opposé. Puis, les stéréotypes culturels sont traités à l’aide d’une publicité faite dans le cadre d’un concours de publicités anti-Bush
6. Cette publicité percutante joue sur les stéréotypes que nous entretenons sur la culture arabe et musulmane et elle vient les dénoncer, les renverser. Ensuite, en grand groupe, on ressort les personnages les plus importants du roman et, en équipe de quatre, les élèves remplissent un tableau qui est divisé selon les oppositions homme/femme et tradition/modernité. Il s’agit de classer chacun des personnages dans la catégorie correspondante et de justifier son choix en disant en quoi le personnage s’inscrit dans le passé ou la modernité et s’il est représentatif de son appartenance culturelle, sexuelle et de son époque. De retour en grand groupe, les élèves doivent faire ressortir les aspects révolutionnaires des femmes de ce roman et ils doivent avoir compris les oppositions entre la tradition et la modernité et entre l’Orient et l’Occident.
Cours 4 Au cours de cette séance, prenant pour assise le travail réalisé lors de la rencontre précédente, les thèmes de l’œuvre sont abordés. Les diverses contradictions établies précédemment ont permis de mettre en lumière un certain nombre de sujets comme l’exil, l’espoir, le sacré, la place de la femme, la guerre et les relations intergénérationnelles. L’enseignant invite les étudiants à partager les thèmes qu’ils ont repérés jusqu’à maintenant dans leur lecture. Afin de travailler les thèmes, les personnages et les stéréotypes de façon plus approfondie, une écriture créative est proposée aux élèves. Ils doivent se mettre dans la peau d’un étranger qui fait face à un personnage du roman et donner leurs impressions sur ce personnage. Il pourrait s’agir d’un Occidental qui juge Ammal, la jeune musulmane, ou d’un musulman qui commente le comportement de Kalya, etc.
Cours 5 La construction du récit et la narration sont maintenant étudiées. Pour ce faire, la classe est divisée en équipes de trois ou quatre, chacune se fait attribuer un des trois récits et agit donc en groupe-expert sur son sujet. Chaque équipe fait état de ses observations et de son analyse et on confronte les idées de chacune des équipes. L’enseignant se réserve un bon moment afin de faire ressortir les liens entre les divers récits. Il présente la structure en miroir, la symétrie des histoires entre elles et également la structure kaléidoscopique de l’œuvre. L’enseignant souligne l’importance du personnage central, Kalya, par qui se fait la focalisation de l’histoire qui nous est présentée. Cette partie est surtout magistrale, mais elle nécessite la participation active des élèves. On peut leur demander s’ils connaissent des livres ou des films qui jouent avec la temporalité et faire des liens sur les effets cinématographiques semblables à ceux du roman étudié.
Cours 6 Les élèves écrivent un court récit qui produit un effet sur la temporalité, à l’image du récit en italique du roman qui nous paraît durer une éternité. Ils doivent utiliser des personnages inscrits dans une époque et un contexte qui peuvent être stéréotypés et ils doivent s’inspirer d’au moins un thème présent dans l’œuvre de Chedid : l’espoir, l’exil, les relations intergénérationnelles ou la place de la femme. Cet exercice synthèse permet à l’élève de juger où il en est rendu dans sa maîtrise et dans son apprentissage de l’œuvre.
Après la lecture Cours 7 et 8
Les deux cours sont utilisés pour faire des exposés oraux qui comptent pour 5 % de la session. Le but de ces exposés est d’amener les élèves à partager leurs connaissances sur un personnage entre eux afin d’enrichir leurs savoirs sur l’œuvre en vue de la dissertation qui se fera la semaine suivante. La classe est divisée en deux groupes et chacun des élèves travaille sur un personnage. L’élève doit dire si le personnage s’inscrit dans la stagnation (la tradition) ou encore dans le changement (la modernité).
Cours 9 et 10 La dissertation a lieu lors des deux cours et a pour sujet : « Les femmes présentées dans le roman d’Andrée Chedid sont plus avant-gardistes que les hommes qui les entourent. Expliquez cette affirmation. » Pour réaliser cette dissertation de 700 mots, les élèves disposent de quatre heures.
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1 CHEDID, Andrée,
La maison sans racines, Paris, Flammarion (Coll. Librio), 1985, 127 p.
2 Pour cette partie, l’enseignant peut se référer à l’ouvrage de Jean-Louis Joubert,
Littérature francophone. Anthologie, Paris, Nathan, ACCT, 1992.
3 Ces œuvres peuvent être diverses, mais nous apprécions particulièrement les poèmes « Renaître » et « Pour survivre » du recueil
Poèmes pour un texte (1970-1991) et « Debout dans mon présent » de
Textes pour un poème, ainsi qu’une chanson écrite pour son petit-fils Mathieu Chedid (M) « Je dis Aime », qui se retrouve sur l’album
Le tour de M, paru en 2001.
4 Mieux comprendre le monde musulman, réalisé par Christian Gandjbakhch et Roland Cros, Montréal, Télé-Québec, Services éducatifs, 2002, 48 minutes.
5 BOUSTANI, Carmen [dir.],
Aux frontières des deux genres, Paris, Karthala, 2003, p. 121.
6 « In my country »,
www.bushin30seconds.org